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samedi 8 juillet 2017

Sophocle/ Satoshi Miyagi : Antigone au festival IN d'Avignon 2017

Antigone de Sophocle mise en scène de Satoshi Miyagi : photo Télérama
Cette fois encore la Cour d’Honneur offre aux spectateurs un spectacle d’une grande beauté et originalité : Antigone de Sophocle mise en scène par le metteur en scène Satoshi Miyagi. Là, les cultures se mélangent. il s’agit bien de la pièce de Sophocle revue à la lumière du bouddhisme japonais dont la pensée refuse de diviser les gens entre amis et ennemis dans une volonté « d’aimer tous les êtres humains sans les diviser ».
En guise de prologue, des acteurs viennent, comme dans les théâtres de foire, appâter le spectateur en lui présentant - en français-, sur le mode comique, l’intrigue de la pièce.
 Puis la tragédie commence en langue japonaise, ce qui ajoute encore pour nous à l’envoûtement et aux Mystères, au sens rituel, de la représentation pour ne pas dire de la célébration.
Le vaste plateau de la cour d’Honneur est mis en eau, fleuve des Enfers, Acheron ou  Sanzu dans la religion bouddhiste. Les âmes des morts s’y déplacent en silence seulement troublé par le faible clapotis de l’eau.  C’est le choeur antique qui reprend les répliques des personnages, les répercute, les appuie. Comme « dans le No japonais, il y a ce que l’on appelle le Ji-utaï, qui ressemble au choeur grec » explique le metteur en scène.
 La blancheur des costumes, la légèreté des voiles dont tous sont drapés, la musique, les chants qui font place au silence sont enveloppés de jeux d’ombre et de lumière qui donnent solennité à la scène. Tout est d’une grande pureté. Les danses rituelles mettent en valeur le langage du corps plus important pour Satoshi Miyagi que l’expression du visage, en opposition à la pensée occidentale. En témoigne la mise en scène des Damnés, qui l’année dernière à la Cour d’Honneur, privilégiait les  gros plans sur les visages en utilisant la vidéo. 

Antigone photo de Anne-Christine Poujoulat (source)

Et tandis que sur la scène les comédiens incarnent Antigone, Créon, Hémon ou Ismène, leur double silencieux mais animé, projettent sur le mur du palais des silhouettes d’ombre qui disent les sentiments, la colère, la révolte, la peur et la souffrance des personnages, Antigone affrontant Créon ou Hémon se rebellant contre son père et se sacrifiant pour son amour. Et ces ombres qui, tour à tour grandissent ou s’amenuisent, disent aussi les rapports de force et les hiérarchies : l’ombre gigantesque de Créon, celle plus petite et dominée de Hémon mais qui bientôt s’étire, grandie par son courage… Beauté de la main de Hémon et Antigone qui se rejoignent sur le mur malgré la tombe qui les sépare.

Un très beau spectacle, d'une grande qualité ! Et une pièce qui répond à cette question universelle au coeur de toute religion mais surtout de toute pensée laïque :  L’obéissance aux ordres d’un chef et aux lois doit-elle être aveugle? C’est ce que la Boétie déjà au XVI siècle dénonçait comme une « servitude volontaire ». Ne doit-on pas, avant tout, obéir à sa conscience, à sa perception du bien et du mal ? La désobéissance n’est-elle pas un devoir ? 
Questions philosophiques essentielles !

« Il n'est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m'incombe est de faire bien » affirmait Thoreau

 Et Victor Hugo : «  Désobéir, c’est chercher ».



Carrière de Lumières Les Baux : Arcimboldo, Brueghel et Bosch



Encore une fois, cette année 2017 Les carrières de Lumière des Baux offrent un spectacle que l'on peut bien qualifier de féérique où comme l'annonce le sous-titre : Fantastique et Merveilleux.


Je vous renvoie à la présentation de l'exposition sur le site  : 

"Produite par Culturespaces et réalisée par Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi avec la collaboration musicale de Luca Longobardi, cette nouvelle création vous invite à explorer le monde foisonnant peint par 3 artistes du XVIe siècle à l'imagination débridée : Bosch, Brueghel et Arcimboldo.
Des triptyques de Bosch les plus emblématiques (tels Le Jardin des Délices, La Tentation de Saint Antoine, ou encore Le Chariot de foin) aux étonnantes compositions d'Arcimboldo faites de fleurs et de fruits en passant par les fêtes villageoises de la dynastie Bruegel, les Carrières de Lumières s'ouvrent aux univers fascinants de ces trois grands maîtres qui se sont attachés à représenter la vie, son mouvement et toute la dualité d'un monde oscillant entre le bien et le mal. S'ils partagent une grande finesse d'exécution dans le dessin, ils se retrouvent aussi sur le terrain d'une extrême inventivité. A l'imaginaire halluciné de Bosch et à la créativité des visages improbables d'Arcimboldo répond la trivialité joyeuse d'un Brueghel ancrant ses multiples personnages dans le réel." Suite ICI


Il faut bien imaginer que les reproductions des tableaux de ces grands maîtres italien et flamands couvrant 7000 m2 s'étirent du sol au plafond sur une hauteur de paroi qui égale voire dépasse celle d'une cathédrale.  La taille des visiteurs sur mes photographies vous permettront un peu de vous rendre compte de l'échelle.




Une illumination, entre ombre et clarté, qui baigne dans la musique de Carmina Burana d'Orff, des Quatre saisons de Vivaldi, des Tableaux de l'exposition Moussorgsky qui rythment le mouvement des personnages, monstres ou humains, saints ou pêcheurs, mais aussi oiseaux, papillons qui battent des ailes. La promenade commence !  Les images de ces grands peintres s'animent.  Les flocons de neige tombent sur les tableaux de Brueghel et peu à peu nous enveloppent d'un épais manteau blanc. Tout bleuit dans le froid glacial d'une nuit flamande. Nous frissonnons ! 




Les démons se réveillent, nous tirant vers le gouffre de l'Enfer, tandis que les anges gagnent le ciel dans une envolée majestueuse.






Et une image de la carrière lorsque les lumières s'éteignent...