En choisissant 
Les Joyeuses de Michel Quint  chez BOB, je pensais me faire un double plaisir :  d'abord lire un livre  de cet auteur dont j'ai beaucoup apprécié 
Effroyables jardins, à la lecture comme au théâtre (voir 
ici),  ensuite aborder une pièce de Shakespeare  in situ, pendant le laps de  temps nécessaire à son éclosion théâtrale sur les planches. Je savais,  en effet, qu'il y était question d'une troupe de comédiens travaillant  sur la mise en scène de : 
Les joyeuses commères de Windsor. Autant  vous le dire tout de suite, je n'ai pas aimé ce roman qui ne manque  pourtant pas d'ambition pour des raisons que je vais expliquer.
 
L'intrigue plein de rebondissements se déroule en  Vaucluse, à Sablet, près de Gigondas, en plein coeur des vignobles. Ce  détail une importance capitale puisque le vin qui coule à flots va être  le Maître des divertissements orgiaques de ces nuits d'été  shakespeariennes et ceci aussi bien dans la vie qu'au théâtre. En effet,  Edwige, la soixantaine bien conservée, propriétaire d'un grand domaine  viticole, a invité son ancien amant, Jean-Pierre Barnier, metteur en  scène et acteur, à monter la pièce de Shakespeare. La troupe est  composée de comédiens professionnels et l'on emploiera pour les seconds  rôles les bonnes volontés locales. Simone, la fille d'Edwige, ne voit  pas d'un très bon oeil cet homme dont sa mère semble toujours amoureuse  et qu'elle lui présente de plus comme étant son père.
Le jeune narrateur Federico Peres, au cours de cet été enflammé va  oublier le bégaiement qui l'a toujours handicapé pour faire ses premiers  essais sur la scène et s'initier aux jeux de l'amour. C'est lui qui  observe et décrit, en même temps que ses premiers émois, les différents  personnages autour desquels plane un drame passé dont personne ne veut  parler clairement. Qui est, en effet, le père de Simone? Quel est la  véritable personnalité du père de Federico, David Peres? Quel chagrin  secret ronge la belle Béatrice, médecin de Sablet?
Le thème du théâtre domine, bien sûr, dans le roman. Les joyeuses commères de Windsor ou Les gaillardes épouses de Windsor  est une farce cocasse, assez simple, vraisemblablement une oeuvre de  commande de la Reine Elizabeth, pièce que Shakespeare a un peu bâclée.  Le metteur en scène inspiré par le décor du vignoble a décidé de le  monter comme une farce dionysiaque, consacré aux vins, aux plaisirs de  la chair, à la sensualité grossière et débordante. Lui-même, Jean-Pierre  Barnier n'est-il pas un Falstaff, énorme, truculent, hommes à femmes en  train de perdre son pouvoir de séduction et plus proche de la mort  qu'il ne le voudrait? Les Fées deviennent donc des Bacchantes, la leçon  donnée à Falstaff, une lapidation, une boucherie au sens propre : la  mort de Falstaff  et celle de Barnier se répondant comme un écho.  Pourquoi pas? L'idée est bonne.
Là où je ne le suis plus, c'est lorsque les personnages gagnés par la  contagion finissent par se conduire dans la vie comme sur scène. Je sais  bien que c'est un des grands thèmes de Shakespeare - le monde est une  scène-  mais le roman n'est pas théâtre et la transposition passe mal.  Les orgies paraissent sans grand intérêt et finalement on ne parvient  pas à s'intéresser à ces gens, à leurs beuveries répétitives, aux  coucheries de même. Du coup j'ai ressenti une impatience devant cette  histoire ou la grande préoccupation semble être de se procurer des  Joyeuses (les bouteilles! je vous laisse le soin de découvrir le champ  sémantique du mot) et de lutiner, ou plus si affinités, sa voisine. J'ai  trouvé aussi peu vraisemblable l'histoire elle-même.
D'autre part, où est passé le style de Michel Quint, celui qui assurait le succès de Effroyables jardins?  Le jeune narrateur parle dans un style familier prétendument incorrect  mais évidemment très travaillé. Emploi de l'adjectif  là où l'on attend  un adverbe, verbes pronominaux doublement transitifs et autres  recherches stylistiques qui me détournent de ma lecture! La phrase est  nerveuse, incontinente et charrie un flot de mots qui se bousculent,  rivalisent entre eux. Comme si, parce que l'on était dans le Midi, l'on  ne pouvait parler sobrement.
Pourtant le début partait bien: Longtemps les mots ont roulé au fond de moi comme des cailloux au lit d'un torrent. Et puis, changement de ton :
Elles  sont enchantées, sourient féroce, s'évaluent mutuellement les  élégances, les rondeurs bandantes et l'outrage des ans, se guettent la  ride véloce et la pesante graisse, et puis rien, t'es toute nue sous ton  pull, jolie môme.. Et moi j'en pétille de partout, couillon de petit  roi lion qui croit voir deux femelles montrer les crocs pour être sa  favorite.
Certes, c'est bien écrit, c'est réussi dans le genre.  Mais voilà, je n'aime pas. Pour moi, cela sonne faux, une fausse  faconde méridionale, une fausse bonhomie, non pas du Marcel Pagnol mais une Pagnolade.

Merci à BOB et aux éditions Gallimard
 
Voilà comment Jean-Pierre Barnier  présente sa vision de la pièce Les Joyeuses commères de Windsor à ses acteurs dans le roman de Michel Quint :
Alors  on jouera une bacchanale, une fable païenne dont les personnages sont  pétris d'une terre où coule le vin! Falstaff est possédé de l'esprit de  Bacchus et les ménades qu'il poursuit de son désir primitif, le bouffent  à la fin dans un banquet dionysiaque! Bref résumé : Falstafff, vieux  chevalier sans le sou, veut séduire deux bourgeoises  de Windsor, madame  Ford et madame Page qui découragent ses avances à l'insu de leurs maris  et finissent, au moment de ce que l'on traite généralement en mascarade  féerique où la petite Anne Page va duper ses parents et se livrer en  cachette à un coquin, par se révéler prêtresses de Dinysos et détruire  complètement ce brave homme dans un dernier piège, l'humilier, le  battre  le brûler dans une cérémonie au dieu de la force virile et de la  boisson, alors qu'il est déguisé en bête.