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lundi 15 août 2011

Arni Thorarinsson : Le dresseur d’insectes


Après la lecture des romans d'Arnaldur Indridasson, écrivain islandais, que j'aime beaucoup,(la femme en vert, l'homme du  lac, la cité des jarres ) j'avais très envie de découvrir son compatriote Arni Thorarinsson.
Le Dresseur d'insectes est le second roman de cet auteur après Le Temps de la Sorcière que je n'ai pas lu. Les deux livres présentent le personnage principal, Einar, correspondant local du Journal du soir à Akureyi et peuvent être lus séparément car des allusions à l'ouvrage précédent nous apprennent des bribes du passé d'Einar, de sa fille Gunnsa et son petit ami Rabbi.
Dans ce roman Einar va être entraîné dans une enquête  qu'il mènera avec et en parallèle avec la police. Il s'agit du meurtre de Pandora, une jeune fille retrouvée dans un maison "hantée", meurtre signalée par une vieille femme, Victoria, sorte de clocharde alcoolique qui traîne derrière elle un lourd passé  et qui semble avoir pris le journaliste comme confident. Avant qu'elle ait eu le temps de démasquer les assassins de Pandora, Victoria est assassinée dans une clinique de désintoxication où elle s'est retirée. C'est à Einar qu'il revient la tâche de démasquer les coupables.
Le roman présente des qualités, la première consistant dans la présentation de la société islandaise qui n'est pas  tout à fait rose. C'est un euphémisme! La description de la grande fête  des commerçants de Akureyri  qui draîne une foule immense venu de tous les coins du pays dans cette petite ville provinciale est, en effet, une occasion pour Ani Thorarinsson de dénoncer la montée de la violence, du racisme, de la corruption, le règne de l'argent, les méfaits de la drogue et de l'alcoolisme  en Islande. Il rejoint Arnaldur Indridasson dans la peinture pessimiste qu'il dresse de cette société qui se durcit, perd tous repères, toutes ses valeurs.
De plus le style de l'écrivain nous réserve de bonnes surprises, des passages forts avec un art certain pour les formules percutantes. Ainsi en référence à la chanson des Kinks, Victoria :
Long ago life was clean /Sex was bad and obscene  (...)/Victoria was my queeen
Il écrit :  L'ancienne société décrite par Ray Davies a depuis longtemps disparu. Je me demande par quoi elle a été remplacée.  Docteur Jekkill ne brime plus Mister Hyde, c'est Mister Hyde qui brime docteur Jekill.
De plus il utilise l'humour, la dérision,  notamment quand il voit vivre sa fille de seize ans, qui  ne cesse de le dérouter et sur laquelle il exerce une autorité défaillante :
"La pire chose qui soit arrivée à l'humanité est la decouverte de l'adolescent" affirmait mon professeur d'anglais au lycée (... ) Ce professeur d'anglais n'était évidemment q'un foutu réac. Pour ma part, j'ai toujours éprouvé plus de symptathie envers les rejetons qu'envers leurs parents. La lutte des adolescents pour leur indépendance devint une menace pour les parents qui perdirent tout pouvoir et considérèrent bientôt qu'il n'existait qu'une seule chose plus difficile que d'élever un enfant : parvenir à se montrer exemplaire. (p 290)  :
 ... où quand il prend en charge le jeune photographe du journal, Agust Orn,  neveu du commissaire, un adolescent à principes (un peu trop!), revêche et malheureux,  et qu'il règle avec maestria les problèmes de l'adolescent avec sa mère.
Comment se fait-il donc, que malgré toutes ces qualités, je n'ai pas entièrement adhéré à ce  roman?
D'habitude, dans un bon roman policier, je n'apprécie pas outre mesure les histoires de psychopathes, de meurtres en série, les détails violents et sordides qui sont censés faire frissonner comme nous en servent Fred Vargas et Henning Mankell. Pourtant ces écrivains figurent parmi mes auteurs préférés de romans policiers au même titre que Arnaldur Idrindasson auquel je peux encore rajouter Jean Claude Izzo et dans un tout autre style Tony Hillerman. C'est que je suis surtout sensible au style, à  l'univers de ces auteurs, à l'atmosphère qui s'en dégage, aux personnages attachants et complexes, que nous voyons évoluer au fil des ans, et à  l'humour (celui de Fred Vargas, en particulier, que j'adore). En fait, ce n'est pas l'intrigue qui m'importe le plus!
Mais dans Le dresseur d'insectes, je n'ai pas été complètement séduites par les personnages qui n'ont pas assez d'épaisseur, qui paraissent un peu stéréotypés, fixés une fois pour toutes par quelques termes qui semblent les résumer.  Il n'y a pas les nuances et la finesse d'analyse que je trouve chez les écrivains précités, ni l'évolution psychologique au fur et à mesure de l'action.  Et de ce fait, l'intrigue va dominer et comme elle ne m'a pas passionnée, la lecture du roman m'a parfois déçue. Le récit s'étire inutilement sans que l'on n'apprenne rien de nouveau. On sent trop  le travail de l'auteur qui recule sans cesse le moment de nous révéler des indices car le roman serait terminé. Par exemple, dans le centre de désintoxication, le journaliste s'en va sous un prétexte peu convaincant, après avoir glané quelques renseignements; on a l'impression que ce passage est placé là simplement pour décrire en quoi consiste une cure mais au détriment de l'action et aussi de l'atmosphère qui manque de magie.  Du coup, il aurait mieux valu un roman plus court mais plus dense.
En résumé, si j'ai été sensible aux qualités certaines du livre, je ne suis pas encore convaincue; reste à voir comment l'écrivain et ses personnages évolueront dans les prochains ouvrages.