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Affichage des articles dont le libellé est Mémoires d'un paysan breton de J.M. Déguignet. Afficher tous les articles
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lundi 28 janvier 2013

Jean-Marie Déguignet : Mémoires d'un paysan Bas-Breton Billet de Mireille chez Claudialucia



Voici un billet de Mireille que vous connaissez tous. Elle n'a pas de blog mais elle vient nous rendre très sympathiquement visite dans les nôtres. Bretonne, elle vit à Ergué-Gabéric et c'est pourquoi elle avait promis d'écrire un billet sur son illustre compatriote Jean-Marie Déguignet dans le cadre du challenge breton. Voilà ce qu'elle m'écrivait alors C'est une association de la ville d'Ergué-Gabéric qui a eu en sa possession les manuscrits  du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet et les a fait éditer ainsi que d'autres oeuvres du même auteur. Bref, conclut Mireille, Déguignet est la gloire d'Ergué et son livre_la version courte_ a été traduit en américain.

                      
                             Jean-Marie  Déguignet                                       



C’est grâce à l’association ARKAE,  association gabéricoise de recherches historiques du patrimoine que ces Mémoires ont pu être éditées. Les recherches ont débuté en 1979 et, après des « appels à témoins », un trésor , les manuscrits sont trouvés dans le grenier d’une H.L.M. de Quimper : Quarante trois cahiers, soit quatre mille pages.
Dans un premier temps, Arkaë n’a pas publié l’intégrale de « Histoire de ma vie » à cause des trop nombreuses digressions et diatribes contre les nobles et les curés, les politiciens et Anatole Le Braz.

  Jean-François Déguignet est né le 29 juillet 1834 alors que son père, petit fermier pauvre, venait d’être complètement ruiné par plusieurs mauvaises récoltes successives suivies de la mortalité des bestiaux . C’est la misère, les taudis, la mendicité.
Il fait état d’un accident, grave, le troisième déjà, dont il fut guéri au bout de trois semaines. « quatre jours et nuits dans un état qui n’était ni la mort, ni la vie, du moins en ce qui concerne mon corps ».    De cet accident, il conserva « une large cicatrice en forme d’entonnoir » dans la tempe gauche.  Il est persuadé que cette blessure contribua à faire développer ses facultés mentales d’une façon extraordinaire.
Doté également d’une excellente mémoire, il apprend le catéchisme à neuf ans. 
 Cela ne fut pas difficile, puisque maintenant, tout ce que j’entendais ou que je voyais me restait gravé aussitôt dans ma mémoire.
Sa mère savait lire le breton et n’eut pas de mal à lui apprendre ce qu’elle savait.
Le jeune Jean-François mendiait dans les environs de son habitation et un jour, à neuf ans, une mendiante professionnelle se chargea de lui apprendre le métier. La vieille me faisait entendre que j’allais commencer le plus digne et le plus noble état du monde puisque Dieu l’avait pratiqué lui-même et qu’il fut pratiqué également par nos plus grands saints. 
Ils étaient bien reçus. Ces aumônes avaient toujours un but intéressé et égoïste, elles n’étaient jamais données au nom de l’humanité, chose inconnue des bretons, mais seulement au nom de Dieu .

En 1844, c’est la maladie de la bonne pomme –de –terre rouge et de nouveau la misère. Il a quatorze ans, il est petit et chétif et sa plaie due à son accident continue de couler. Il est soigné à l’hospice de Quimper où il entend raconter des légendes. La fracture du crâne ne s’est jamais bien soudée.
A dix-sept ans, il rencontre un professeur d’agriculture qui possède une ferme modèle où il reçoit ses élèves. Il est engagé comme vacher, travail très contraignant de chaque instant, de nuit comme de jour. Mais, grâce à des papiers que les élèves laissent tomber, il apprend seul à déchiffrer quelques mots de français. A écrire aussi, mais la main sera moins habile que le cerveau.
Il a ensuite la chance d’entrer comme domestique chez le maire de Kerfunteun où il peut perfectionner sa lecture du français à l’aide des journaux qui traînent et d’un dictionnaire. C’est une bonne période, oui, mais il s’engage dans l’armée, non pas pour faire la guerre, mais pour voir du pays. Il gagne Lorient à pied en trois jours.
Il sera soldat de 1853 à 1868 et participera à la guerre de Crimée, aux campagnes d’ Italie, de Kabylie et du Mexique.
Il connaîtra les maladies : scorbut, dysenterie, typhus, mais aussi le bonheur de côtoyer un voisin de chambre érudit qui lui apprendra beaucoup de choses. Il ira au pèlerinage de Jérusalem et y détestera les ordres religieux qui profitent honteusement de la foi et de la naïveté des pèlerins.
Avant de rejoindre l’Italie, il apprend rapidement l’italien et constate que c’est plus facile que le français pour lui qui savait lire le latin de messe.
 … la prononciation est également très facile tous les mots se prononçant du bout de la langue et des lèvres , contrairement aux  langues saxonnes qui se prononcent du gosier, ce qui prouve que ces langues ont été communiquées aux hommes par des fauves, tandis que les latines leur ont
été par des oiseaux .
En Kabylie, il aime l’arabe : L’accent arabe est le même que l’accent breton et tous les mots de cette langue ont les mêmes terminaisons que les mots bretons .
Il rentre en Bretagne en 1868 où il  redevient cultivateur jusqu’en 1882

Je passe sur les difficultés, le travail intense, le mariage, la relative aisance puis l’incendie (criminel ?)de sa ferme, la fin de son bail alors qu’il a travaillé quinze ans pour le seigneur propriétaire.
  Un très grave accident « sa charrette lui roule sur le corps, »le laisse pour mort une nouvelle fois. Il reste immobilisé plusieurs mois, guérit de ses blessures et, estropié, ne peut plus effectuer de travaux de force. Il réussit à se faire engager en tant que placeur de contrats d’assurances et donne satisfaction. En revanche, sa femme s’adonne à la boisson, sombre dans l’alcoolisme et meurt à l’hospice, laissant quatre enfants. Le dernier n’a que six ans.
Après avoir tenu avec succès un bureau de tabac à Pluguffan, il s’en trouve chassé par les manigances du curé et des bigots. Qui n’est pas pratiquant et affiche son mépris pour les gens d’église est vite mis à l’écart! L’emprise des curés est telle que Jean-Marie ne s’est peut-être pas considéré à tort comme persécuté.
Dès lors, sans travail, il retourne à Quimper, vit dans un grenier avec ses enfants puis, lorsque ceux-ci le quittent, il écrit l’histoire de sa vie « à la bonne franquette, sans prétention littéraire, en y intercalant ça et là mes réflexions et mes opinions politiques et religieuses, mes pensées morales, sociales, économiques et philosophiques.
Il finit en ville dans un autre grenier,  un trou de 6m cubes de capacité dont il est expulsé au bout de dix ans après avoir souffert de l’extrême chaleur et du froid intense. Il sera hospitalisé pendant quatre mois et décèdera en 1905, face à l’hospice .
Une vie commencée et achevée dans la misère mais qui fut remplie d’évènements et de péripéties.

Cet ouvrage est un témoignage unique sur la fin du XIX è siècle



Merci à Mireille pour ce billet  qui nous fait connaître un auteur sorti du peuple, contrairement à la plupart des écrivains du XIX siècle, un homme qui a été mendiant, paysan, domestique, commerçant, soldat et nous donne donc un point de vue tout à fait inédit sur  son époque.