Résultat de l'énigme n°53
Bravo à : Aifelle, Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Somajaet puis une (un?) mystérieuse inconnue qui a signé anonyme!
Le roman : : L'inconnu du Nord Express de Patricia Highsmith
le film : L'inconnu du Nord Express de Hotchcock
Mary Patricia Plangman, dite Patricia Highsmith est née au Texas en 1921 et est morte en Suisse, à Locarno, en 1995.
C'est à l'âge de vingt ans que Patricia Highsmith commence à écrire. En 1950, elle publie son premier roman, L' Inconnu du Nord-Express, qui sera porté à l'écran par Alfred Hitchcock. Cet écrivain classé, à son corps défendant, comme auteur de romans policiers, revendique pour maîtres Henry James et Dostoïevski. Débouchant souvent sur le fantastique comme dans L' Amateur d'escargot, le récit peut atteindre l'horreur : comme Le Journal d'Edith (1977), qui relate la lente décomposition d'une américaine ordinaire. Ce texte, qu'elle qualifie elle-même de livre sur le métier de femme, contient une phrase que Patricia Highsmith a faite sienne : Ne pense pas, mais avance. Autre livre à part, publié sous le pseudonyme de Claire Morgan, Les Eaux dérobées (1952) est un plaidoyer en faveur des lesbiennes. Tom Ripley, le personnage préféré de Patricia Highsmith, un tueur bisexuel, est également présent dans de nombreux romans comme Le Talentueux Mr Ripley. Patricia Highsmith excelle dans les analyses psychologiques et aime à explorer le comportement de personnages en marge de la société. Elle a même publié ses méthodes et techniques d'écriture dans L' Art du suspense. (source L'évènement)
Le roman de Patricia Higsmith, L'inconnu du Nord-Express présente une idée de départ géniale que Hitchcock a repris intégralement pour s'en éloigner ensuite.
L'intrigue du Roman :
Dans un train en direction de la petite ville de Melcalf, Guy Haines, un architecte de talent à qui l'on vient de faire une commande qui lancera sa carrière, se trouve en présence d'un inconnu, Charley Bruno. Ce dernier, un riche héritier, lui avoue bien vite qu'il hait son père et souhaite le tuer. Guy, sous l'effet de quelques verres d'alcool, se livre à des confidences. Il lui confie qu'il est en route pour rencontrer sa femme Miriam, enceinte d'un autre, et obtenir le divorce. Il souhaite, en effet, se remarier avec Anne et n'éprouve plus que haine et mépris pour Miriam, légère et vulgaire, qui l'a trompée et l'a fait souffrir. Bruno lui fait un proposition : Il se charge de tuer Miriam et Guy éliminera son père! Comme il n'y a aucun lien entre eux, le crime sera parfait. Guy repousse cette proposition sans la prendre au sérieux. Il va voir Miriam. Celle-ci refuse de divorcer. Charley Bruno qui continue à s'intéresser à Guy décide alors de supprimer la jeune femme. Il va ensuite exiger que Guy fasse de même pour son père sinon il le fera accuser du meurtre de Miriam.
Farley Granger (Guy) et Robert Walker (Bruno)
L'intrigue du film
Elle est semblable à celle du livre si ce n'est que Guy est un joueur de tennis réputé et, à ce titre, il est déjà repéré par Bruno qui sait tout sur lui et peut le manipuler aisément. La scène du meurtre a lieu au même endroit que dans le roman, dans un parc d'attraction, sur une petite île, et Hitchcock retient l'idée du manège qu'il va utiliser avec tant de brio dans la scène finale. Comme dans le roman, Charley Bruno va alors persécuter Guy, s'immiscer entre lui et Ann, exercer une pression constante sur lui pour qu'il exécute la seconde partie de son plan. Mais c'est à partir de là que film et roman vont différer.
Hitchcok imagine que Guy se confie à Ann qui lui apporte son soutien. Il cherche à avertir le père de Charley tandis que Ann fait une démarche auprès de sa mère pour dénoncer l'état mental de son fils mais en vain. Devant le refus de Guy de tuer son père, Bruno cherche à apporter une preuve de la culpabilité de Guy en déposant le briquet de celui-ci sur le lieu du crime. Guy, déjà fortement soupçonné par la police, le poursuit. Un affrontement final a lieu sur le manège où Bruno perdra la vie, Guy est disculpé.
Dans le roman de Patricia Highsmith, le piège dans lequel Guy Haines est tombé se referme sur lui! Il n'y a plus d'échappatoire possible et les deux personnages liés indissolublement, "frères" dans le Mal, vont tous deux vers une issue fatale. Guy ne peut se confier à Ann d'un milieu social supérieur à lui car il a peur de la perdre. Il subit le harcèlement constant de Bruno, malade mental machiavélique que rien n'arrête, et qui le pousse au meurtre. Lui aussi devient un criminel.
Les thèmes
Dans les deux oeuvres, les thèmes qui intéressent les créateurs sont les mêmes :
Patricia Highsmith s'interroge sur la notion du bien et du mal. Le personnage de Charley Bruno, pervers, malade mental, machiavélique, prétend que nous sommes tous capables de tuer.
Voilà justement où vous vous trompez! N'importe qui peut tuer! C'est une simple question de circonstances et ça n'a rien à voir avec le caractère! Les gens vont jusqu'à un certain point... et il suffit d'un rien pour faire déborder le vase, n'importe qui. Même votre grand-mère, j'en suis sûr!
Chaque homme, dit-il, porte en soi un double, le Bien et le Mal.
Les gens, les sentiments, tout est double, expliqua-t-il. Il y a deux personnes dans chacune de nous. Il y a soi et quelqu'un qui est exactement votre opposé, comme un double invisible qui vous attend quelque part dans le monde, en embuscade.
Et il a raison puisqu'il parviendra à pousser Guy au meurtre. Patricia Higsmith analyse avec beaucoup de talent la lente mais inexorable érosion morale qui se fait en Guy et qui l'amène peu à peu à envisager le crime puis à l'exécuter. Elle analyse aussi avec finesse le sentiment de culpabilité qui ronge Guy, le pousse au désespoir et fait de sa vie un enfer.
Alfred Hitchcok s'intéresse aussi au thème de la culpabilité. Comme dans le roman, Guy porte une responsabilité morale et n'est pas entièrement innocent du meurtre de Miriam puisqu'il a souhaité sa mort. Lui aussi est manipulé par le "Diable" qui tire les ficelles et ne lui laisse aucune initiative. Mais Guy refusera le mal et ne tuera pas. Une fin optimiste!
Le roman est donc beaucoup plus noir que le film. Highsmith poursuit une logique dans la psychologie des personnages que Hitchcock ne pouvait pas respecter, tenu par la censure, obligé par la morale de l'époque et les impératifs de la réussite… Le héros devait d'être au-dessus de tout soupçon, une victime innocente pour que le public puisse s'intéresser à lui et pour qu'il y ait une fin heureuse. C'est pourquoi, si la réalisation de Hitchcock est brillante, il me semble que le roman de Highsmith va plus loin dans l'analyse du bien et du mal, de la culpabilité, et est, par conséquent, plus profond.