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mardi 6 mai 2014

Susan Fletcher : Reflets d'argent





Susan Fletcher est née à Birmingham en 1979. Les Reflets d'argent est déjà son quatrième roman, après Un bûcher sous la neige, Avis de tempête et La Fille de l'Irlandais (tous disponibles chez J'ai lu), qui s'est vendu à plus de 50 000 exemplaires en France et a reçu le prestigieux prix Whitbread (l'équivalent du Médicis au Royaume-Uni). De plus en plus connue et reconnue en France, Susan Fletcher confirme à chaque nouveau roman un talent hors norme et s'impose à présent parmi les écrivains de la nature, comme une voix singulière, sensible et rare.

Une légende raconte qu'il y a très longtemps un homme, pleurant son amour perdu, entendit en marchant sur une plage de l'île de Parla, une voix portée par le vent, ces mots comme soufflés par la mer : l'espoir existe. Il se tourna alors vers la mer, et vit un homme au loin, flottant à son aise dans l'eau déchaînée. L'homme plongea et ne reparut pas. Il avait une queue de poisson. Certains le prirent pour un fou, d'autres le crurent, car cette île avait toujours charrié drames et miracles, et porté les hommes qui y vivaient comme des éléments naturels, composant sa force. L'homme retrouva celle qu'il aimait et vieillit avec elle sur les rives de l'île. Ce jour-là, sur cette même rive, le jeune Sam Lovegrove découvre le corps d'un inconnu, il s'approche terrorisé, croyant faire face à un cadavre. Puis recule en criant, car l'homme n'est pas mort. Colosse battu par les vagues, l'homme a survécu. Sam court chercher son père, son oncle et son cousin, pour l'aider à transporter le corps chez l'infirmière de l'île, Tabitha. Pour Tabitha, comme pour les quatre hommes, cette apparition est troublante, tout comme les cheveux noirs et la barbe de cet inconnu, qui réveillent les souvenirs d'un disparu. Personne n'a revu Tom depuis quatre ans. Et à présent que la rumeur de l'apparition se répand sur l'île, de proche en proche, jusqu'à la veuve de Tom, les légendes semblent tout à coup plus réelles, les hommes semblent soudain réécrire l'histoire de l'île, ramasser ses mythes sur le rivage, leurs espoirs bouillonnant dans les flots comme autant de reflets d'argent sous le vent.

L'homme d'Aran de O' Flaherty

Cet homme recueilli dans la mer, venu de nulle part -aucun naufrage n'a été signalé - est-il l'homme-poisson des légendes, venu redonner courage aux habitants de l'île, leur insuffler l'espoir?

 Parla, l'histoire d'une île

 

île d'Aran
Le roman de Susan Fletcher ne se résume pas et c'est pourquoi j'ai mis en exergue  cette présentation de l'éditeur qui dit l'essentiel mais qui n'est que l'écume du livre.
Car Reflets d'argent entre légende et réalisme, c'est aussi l'histoire d'une île que la narratrice nomme Parla et qui est le véritable personnage du roman : Parla avec la présence obsédante de la mer, les landes battues par la tempête et les embruns où la vie est difficile, avec son peuple rude de marins ou d'éleveurs qui s'accroche à cette terre à la fois belle et inhospitalière, Parla qu'ils rêvent parfois de quitter mais dont ils ne peuvent se détacher.
Et puis ces habitants cessent vite d'être anonymes et deviennent des individualités que nous apprenons à connaître dans leur vie quotidienne avec les blessures de leur passé qui les retiennent prisonniers aussi sûrement que les murs d'une prison, leurs souffrances mais aussi les joies.

Un hymne à la nature 

 

île d'Aran : Innishmore (source )
Dans ce roman l'on retrouve donc la belle plume de Susan Fletcher qui m'avait tant séduite dans Un bûcher sous la neige, cette façon qu'elle a de faire faire appel à tous les sens, en jouant sur les variations de lumière,  les contrastes des couleurs, les dominantes de gris et les noirs coupés ça et là par le toit rouge cerise de l'école, le jaune de la porte d'une maison, les reflets d'argent de la mer. Elle nous fait sentir les odeurs, les gifles du vent qui balaye l'île, le froid piquant qui mord les mains et le visage… Et c'est vraiment dans ce registre qu'elle excelle, dans cet amour de la nature qu'elle sait si bien transmettre.

Les reproches faites au roman

 

L'homme d'Aran de O'Flaherty
J'ai vu que l'on reprochait à l'écrivaine soit d'avoir trop chargé les personnages, de leur avoir fait porter sur les épaules trop de drames familiaux, d'épreuves personnelles, de haine de voisinage, soit au contraire d'être trop résolument optimiste, en permettant à ses personnages de se libérer, de surmonter leur chagrin, d'oublier les querelles et de se parler. Personnellement pour bien connaître une région montagnarde dure et austère à cause du climat, une région qui n'est pas une île mais qui est longtemps restée isolée à cause des conditions climatiques et des communications, je sais combien les rigueurs d'un pays modifient les caractères, les forgent et les durcissent. L'adaptation à une île ou à un montagne où l'on doit se battre pour survivre me paraît similaire et je ne suis pas surprise de rencontrer ce petit monde de Susan Fletcher, un microcosme livré à ses rancoeurs et ressassant ses douleurs.

Entre réalisme et merveilleux : la difficulté du choix

 

L'homme d'Aran de O' Flaherty
J'adhère moins pourtant à l'optimisme de l'auteure, à la grande réconciliation, aux langues qui se délient, aux relations qui se renouent… sauf si nous restons dans le merveilleux de la légende. Et c'est là à mon avis, la faiblesse du roman, en tout cas ce qui me gêne. C'est que Suzan Fletcher n'a pas su trancher entre réalisme et conte. L'homme-poisson qui réconcilie tout le monde, redonne vie et amour, était crédible tant qu'il restait mystérieux, un homme légende venu de la mer qui aurait dû repartir de même sans que l'on sache vraiment comment. Mais l'auteure introduit une explication réaliste, en faisant de son personnage un homme du quotidien, qui a voulu mourir après avoir perdu l'amour de sa vie (mais qui retombe tout de suite amoureux dès qu'il est sur l'île, ce qui ne tient pas au niveau psychologique ), un homme qui quitte l'île sur un ferry!  Elle en fait un homme banal ce qui tue le Merveilleux et la poésie et du coup elle nous force à nous interroger sur la vraisemblance psychologique de ses personnages et à en douter.  Et c'est vraiment ce qui m'a déçue dans ce livre malgré les qualités évidentes d'écriture et cette sensibilité envoûtante à la nature qui font de Susan Fletcher une écrivaine que j'aime beaucoup.  


Nota : Un Bûcher sur la neige reste mon préféré et je n'ai pas encore lu La fille de l'irlandais..
Si j'ai illustré ce billet par les photos de l'île d'Aran, c'est que Parla et les îles avoisinantes m'y font irrésistiblement penser.


Clara

Hélène lecturissime

Sur la route de Jostein

Les éditions PLON