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lundi 9 mars 2009

Lucia Etxebarria : Aime-moi por favor,




Dans Aime-moi por favor, recueil de nouvelles, Lucia Etxebarria nous offre un éventail varié de portaits de femmes. Quinze nouvelles, quinze femmes, d'âge, de régions, ou pays, de caractère, de préférence sexuelle, d'instruction, de milieu social différents mais toutes guidées par un fil conducteur, celui de l'amour, et toutes marquées, de la prostituée à l'avocate, de la femme au foyer à la femme indépendante, par la difficulté d'être femme dans la société actuelle.

Vous allez dire que je le fais exprès de choisir toujours des sujets sur la condition de la femme, de Syngue Sabour à Moukhtar Mai en passant par Chahddortt Djavann et j'en passe. Ah! ça oui, je le fais exprès! et pourquoi pas? mais là... non! Je voulais simplement découvrir des auteurs espagnols contemporains pour préparer mon voyage en Espagne et voilà que je suis tombée sur cette jeune basque, installée à Madrid, qui n'a pas la langue dans sa poche, je devrais dire la plume!

Le style vif, parfois cru, affirme une personnalité très forte; on sent qu'il n'y a pas de demi-teinte dans ses prises de position. On est surpris par ce ton neuf, sans tabou et l'intelligence de l'analyse. C'est sans indulgence qu'elle juge les relations entre les couples, l'assujettissement de la femme à ce qu'elle nomme l'amour et qui bien souvent n'est qu'habitude, convention pour les bourgeoises, ou tout simplement impossiblité matérielle et financière de s'en sortir pour les autres. il y a à  la fois beaucoup de cruauté et de tendresse dans tous ces récits : absence de liberté, coups,  prostitution, drogues, inceste, viol ...  mais aussi de beaux portrait de femmes.

J'aime en particulier la mère malheureuse et pourtant si digne de Une histoire d'amour comme n'importe quelle autre ou la prostituée de Cinquante pas. J'aime le fait que ce soit ces femmes-là, apparemment faibles, qui aient une telle réserve de courage et de fierté.

Certaines nouvelles sont d'une noirceur absolue, sans aucune issue possible, comme celle de la jeune sarhaouie de Sans Terre :

Moi, en vérité, j'ai déjà perdu  toute espérance.... Des années à attendre. Demain, demain, après demain, des semaines, des mois, des années qui se prolongent pour rien."
ou de Mon nom est Légion où la jeune femme sans amour, victime d'une fausse couche, se retrouve à l'hôpital avec de nombreuses femmes tout aussi pommées qu'elle parce que :

Les différences de classe, de coutumes, de physionomie, disparaissaient dans la communion profonde de la dépendance, dépendance d'un mari ou d'une famille qui exigaient de ces femmes pour leur concéder de l'importance, qu'elles soient mère.
D'autres, au registre plus léger, laissent parfois de l'espoir comme celle Des fleurs pour Sally.

Les récits sont faits à la première personne et le style, le vocabulaire, le rythme, reflètent avec un brio incontestable de la part de l'auteur, la personnalité et les caractéristiques de chaque femme : sentiments d'une adolescente de quatorze ans dans Des pancakes au sirop d'érable, finesse de l'analyse de l'avocate qui quitte son mari dans Mal accompagnée ou froideur et rigueur de la démonstration philosophique de l'écrivain dont le Moi balance entre deux mondes, le physique et le virtuel, dans Un coeur sur un toit.

Ajoutons aux nouvelles dont je viens de parler celle intitulée Seule et vous aurez mes préférées (à l'exception de  un coeur sur un toit  que je n'aime pas - non parce qu'elle est mal écrite, au contraire-  mais parce le sujet ne me touche pas). Quelques-unes peuvent avoir une chute un peu décevante ou des personnages qui ne m'attirent pas mais l'ensemble est très réussi.

Le tableau que donne Lucia Etxebarria de la condition féminine en ce début du siècle est bien noir, à tel point que des lecteurs ont accusé l'auteur d'exagérer, de dresser des caricatures. Or,  nous prévient l'auteur, tous ces récits sont des témoignages réels de femmes qui se sont confiées à elle. Mais, ils ne sont pas que cela, transfigurés par ce qu'elle appelle "l'interprétation littéraire du réel".

Comme ces personnages Lucia Etxebarria a souffert si j'en juge par cette interview dont je cite un extrait et qui renvoie à ce  site

Au départ, j'avais des problèmes émotionnels liés au fait que j'avais grandi dans une famille très catholique et machiste. On m'a enseigné à devenir une femme que je ne peux pas être. J'étais dans une position de pouvoir professionnellement, mais émotionnellement, je me retrouvais dans des relations de couple où je ne pouvais pas m'épanouir, d'où ma thérapie, au cours de laquelle j'ai compris que ce n'était pas qu'un problème psychologique personnel, mais qu'il s'agissait en vérité d'un blocage généralisé, d'ordre social, observe l'écrivaine de 42 ans. Même encore aujourd'hui, les mariages impliquent une construction symbolique basée sur la soumission de la femme. C'est incroyable, le nombre de femmes autour de moi qui ont sacrifié leur vie au nom de l'idée qu'elles se faisaient d'un amour romantique qui s'est avéré destructeur.