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lundi 4 septembre 2023

André Maurois : Olympio ou la vie de Victor Hugo



Depuis la dernière biographie que j’ai lue de Victor Hugo où l’auteur Henri Gourdin avait une si violente horreur du poète ( non du poète mais de l’Homme) qu’il voulait le voir « dépanthéoniser », j’ai eu envie de lire une autre biographie moins partisane car cette lecture m'était restée un peu en travers de la gorge!

« Victor au Panthéon, est-ce irréversible?
Sachant ce qu’il saura à la fin de ce livre, le lecteur pourra se demander si le vécu de Victor Hugo justifie de le montrer en exemple aux générations montantes… » Les Hugo Henri Gourdin Ici

Et c’est chose faite avec Olympio ou la vie de Victor Hugo d’André Maurois qui d'ailleurs n'est pas réellement une réponse à Henri Gourdin (2016) puisqu'elle est antérieure (1954). 

Pourquoi Olympio ? Le biographe fait allusion au poème de Victor Hugo La tristesse d’Olympio dans le recueil Les Rayons et les Ombres

Les critiques  n'ont pas été tendres envers le poète : «  Il est fâcheux que le nom d’Olympio soit un nom absolument impossible; mais l’intention de M. Hugo, en créant ce barbarisme est assez manifeste. Il est évident que, dans sa pensée, l’idée de lui-même s’associe à l’idée du Jupiter Olympien… Comme il eut été de mauvais goût de dire : je suis le premier homme de mon temps, Monsieur Hugo se met sur un trône et s’appelle Olympio  Tel est  l'article du fielleux Gustave Planche dans La Revue des deux mondes, qui dénie même à Hugo tout talent de poète, ne lui concédant que le titre d'habile faiseur de vers. Et André Maurois de commenter : « La haine aveugle le goût ». 

 Je précise que l’intérêt de la biographie d’André Maurois est bien évidemment , dans la présentation des oeuvres, leur genèse, leur parution et l’analyse qu’il en fait. J’ai aimé aussi la façon dont il fait revivre la vie littéraire et sociale dans le Paris de cette époque avec tous les personnages célèbres qui l’ont peuplé et que nous retrouvons avec plaisir.

Mais je vais dans ce billet m’intéresser en particulier à ce qui constitue une sorte de réponse avant la lettre à H. Gourdin, c’est à dire à la vie et aux idées de Victor Hugo, bref! à Hugo, l'homme.

Celui-ci en tant qu’homme, a bien des choses à se reprocher et Maurois n’occulte pas les côtés sombres du personnage. Et d’abord la tyrannie qu’il a exercée sur sa famille et ses enfants, les contraignant à l’exil avec lui sans leur laisser le choix, les tenant sous sa dépendance à la fois financière et patriarcale. Et pas seulement sur sa famille mais sur Juliette Drouet qui a vécu une vie de recluse pour obéir au Grand Homme. Et que dire de toutes ses autres maîtresses, les servantes qui couchaient près de sa chambre pour satisfaire le maître jusque dans la maison de son épouse, ou les jeunes danseuses qui satisfaisaient sa libido de vieillard le posant même en rival triomphant de son fils ! Dire que la plupart des hommes agissaient ainsi à l’époque ne le justifient en rien. Dire que sa femme Adèle Fouchet avait un amant, Sainte Beuve, non plus !  Hugo, nous dit Maurois, était un homme dominé par une forte sensualité que d'ailleurs il condamnait très imprégné de morale chrétienne mais trop faible pour résister mais ce n'était pas un homme méchant. Il n'aimait pas faire souffrir, il s'enfonçait alors dans le mensonge et faisait des promesses qu'il ne pouvait pas tenir. Il a cependant toujours assumé sa responsabilité, en particulier envers Juliette,  et a élevé la fille de celle-ci comme sa propre enfant.

Enfin, mais Maurois n'en parle pas, il est aussi le seul à avoir réclamé l'égalité en droit des femmes et des hommes.

Car le vieux monde du passé trouve la femme bonne pour les responsabilités civiles, commerciales, pénales, il trouve la femme bonne pour la prison, pour Clichy, pour le bagne, pour le cachot, pour l’échafaud ; nous, nous trouvons la femme bonne pour la dignité et pour la liberté ; il trouve la femme bonne pour l’esclavage et pour la mort, nous la trouvons bonne pour la vie ; il admet la femme comme personne publique pour la souffrance et pour la peine, nous l’admettons comme personne publique pour le droit.

 



 On lui fait grief aussi de son ambition, de son orgueil, de sa soif des grandeurs, vouloir être pair de France alors qu’il se dit près du peuple, vouloir être académicien à tout prix !   Il s'y présente quatre fois ! Et c'est vrai, Victor Hugo avait une haute opinion de lui-même ou  comme on le dit en pays lozérien : "Il ne se prenait pas pour la queue d'une cerise !". ( Aparté : J'adore cette expression.)

 Mais en même temps, on peut dire qu'il n'avait pas tort ! D'une intelligence supérieure, doté d'une mémoire phénoménale, son érudition n'avait pas de limites et ses talents, non plus. S'il n'avait pas été  un grand poète, romancier ou dramaturge, il aurait pu être peintre comme en témoigne ses oeuvres ou mathématicien ( il aimait les mathématiques et les jugeait indispensable pour la formation de l'esprit) ou encore helléniste, langue où il excellait. Mais, il n'était pas méprisant et, si l'on en juge par ses lettres, il était cordial envers ses collègues et portait souvent des jugements positifs sur ce qu'ils écrivaient.

 


Autre reproche, celui d’avoir changé de bord, d’abord royaliste, admirateur de Napoléon 1er, puis républicain. Or, André Maurois explique que Hugo ne s’est pas renié, n’a pas trahi ses idées mais a évolué en fonction de son âge, de la maturité acquise. Royaliste, il l’avait été dès son jeune âge sous l’influence de sa mère, bretonne et du parti chouan. Les récits de son père, officier de Napoléon, élevé à la noblesse en Espagne, ont nourri la légende de l’empereur. Mais sa conscience et sa soif de justice le portaient vers la défense des humbles et la lutte contre la misère. André Maurois montre que le budget de Hugo à Guernesey, alors qu’on lui a fait une réputation d’avarice, comportait un tiers de dépenses pour l’aide aux nécessiteux et, en particulier aux enfants. D’ailleurs, s’il a d’abord bien accueilli Bonaparte, futur Napoléon III, avant le coup d’état, c’est que celui-ci avait écrit un livre : « L’extinction du paupérisme » que Hugo crut sincère. Son refus du coup d’état et son exil font de lui un républicain et là on peut admirer son courage, sa constance dans la résistance à Napoléon le Petit et sa fidélité à ses idées. 

Plus tard, il a même accueilli dans sa maison, en Belgique, les proscrits communards pour les soustraire aux exécutions sommaires et à la répression sanglante exercée par les Versaillais, alors qu’il n’approuvait pas la violence des deux côtés. Mais il défend le droit à la justice pour tous car tout accusé a droit à un procès. 

« Toute cause perdue est un procès à instruire. Je pensais cela. Examinons avant de juger, et surtout avant de condamner, et surtout avant d’exécuter. Je ne croyais pas ce principe douteux. Il paraît que tuer tout de suite vaut mieux… » (Lettre à cinq représentants du peuple belge) 

Il ne faut pas oublier aussi ses autres titres de gloire, sa lutte contre la peine de mort, 

" Qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne. Ce sont là des faits incontestables. L’adoucissement de la pénalité est un grand et sérieux progrès. Le 18° siècle, c’est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le 19° abolira certainement la peine de mort." Discours à l’assemblée 

 ... son désir d’une création des Etats-Unis d’Europe pour résoudre les conflits pacifiquement.

" Et on entendra la France crier : «  c’est mon tour ! Allemagne me voilà ! Suis-je ton ennemie ? Non, je suis ta soeur. J’ai tout repris et je te rends tout, à une condition : c’est que nous ne ferons plus qu’un seul peuple, qu’une seule famille, qu’une seule République » (Discours sur la guerre Assemblée nationale 1871)

Quoi ? Rester fraternel, c’est être chimérique ! 

Rêver l’Europe libre autant que l’ Amérique 

Réclamer l’équité, l’examen, la raison, 

  C’est faire du nuage et du vent sa maison !(L’Année terrible) 

 

Le peuple ne s’y est pas trompé et le respect, les honneurs qu’il lui a prodigués le prouvent bien. 

Enfin,  et c'est peut-être par là que j'aurais dû commencer, il me semble que l'on doit juger un écrivain sur ce qu'il écrit, sur ses idées, sur la valeur et l'intérêt de son oeuvre et non sur sa vie privée !  Alors, au diable la  "dépanthéonisation"  !

 

 

Ceci est le deuxième livre lu pour le challenge Les épais de l'été initié par Taloiduciné chez Dasola. Il remplace le challenge de Brize que celle-ci a souhaité arrêter après 11 années. Du 21 Juin au 29 Septembre. édition Hachette 600 pages