La rue des Teinturiers est une des plus pittoresques d'Avignon avec ses grandes roues qui témoignent d'un temps déjà assez lointain où  elles tournaient encore pour faire fonctionner les fabriques des teinturiers. Mais il est rare de les voir ainsi prises dans la glace. Merci à  Véronique Lagarde qui a eu la gentillesse  de m'autoriser à publier ces photographies assez inhabituelles à Avignon!
Félix Gras : Les Rouges du Midi
Un passage du roman du félibre Félix Gras (1844-1901) "Les Rouges du  Midi", décrit  cette rue au moment de la fête populaire et de l'élan  révolutionnaire liés au rattachement du Comtat Venaissin à la France.  Voici un extrait où l'on voit Pascal, le héros du roman, évoquer ses  souvenirs de jeunesse. Il  nous semble alors revivre le passé de cette  rue.
J'entrai avec la farandole par la rue Limbert et  nous suivîmes la rue de Roues. En voilà une rue bizarre! La moitié est  pavée pour laisser passer les gens et l'autre moitié sert de lit à la  Sorgues, qui fait tourner les roues des fabriques des indienneurs et des  teinturiers. Comme c'était grande fête, les teinturiers et les  indienneurs avaient fermé leurs fabriques mais la rue était tapissée,  depuis les toits jusqu'au ras du sol, de bandes indiennes bigarrées,  rouges, bleues, jaunes, vertes, à grands ramages de fleurs; des milliers  de jolis fichus de filles flottaient sur les séchoirs et les courroies  qui traversaient la rue et faisaient ainsi comme des milliers de  drapeaux et de festons et d'oriflammes, où le clair soleil, malgré le  froid vif, se jouait étincelant. Et tout ce papillotement, avec le  bourdonnement et le balancement de la foule qui nous emportait, le bruit  de l'eau de la Sorgue qui clapotait comme un tourbillon de feuilles  sèches, en s'écoulant des grandes roues alignées et qui tournaient  lentement et semblaient marcher comme de grosses limaces en sens  contraire de la foule, tout cela vous faisait clignoter, vous donnait  les éblouissements du vertige. La foule  était encore plus serrée dans  cette rue étroite et les farandoleurs ne pouvaient plus faire leurs  entrechats à leur aise. De temps à autre on voyait apparaître leur tête  au-dessus de la foule, ils essayaient en vain  de se remettre en danse à  la cadence des tambourins qui ronflaient et des fifres qui  s'égosillaient."
 
