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mardi 4 octobre 2011

Heidi W. Durrow : La fille tombée du ciel.



 Certains écrivains ont la grâce et c'est le cas de Heidi W. Durrow qui pour son coup d'essai, son premier roman, réalise son coup de maître en écrivant La fille tombée du ciel. Celui-ci a reçu le prix Kingsolver Bellwether*. Et il faut dire que ce beau roman triste et pourtant plein d'espoir, bien ancré dans la société, le mérite amplement!

Rachel Morse a 10 ans quand elle est adoptée par sa grand mère après la mort accidentelle  de sa mère et de ses frères et soeur et la disparition de son père. De sa mère danoise, elle a la peau claire et les magnifiques yeux bleus, de son père GI américain noir, les cheveux crépus qui "boulochent" facilement. Au Danemark, elle serait considérée comme blanche, aux Etats-Unis, à Portland où elle vit, elle est noire et au cas où elle l'oublierait on n'a de cesse de le lui rappeler jusqu'à ses camarades de classe qui lui reprochent de "faire la blanche". Face à elle, Jamie ou Brick, quel que soit le nom qu'il se choisit, a assisté à l'accident survenu à la famille de Rachel. Il a aussi rencontré le père de la fillette qui l'a chargé d'un message pour sa fille. Investi d'une mission, il traverse la moitié des Etats-Unis pour la rejoindre et il lui faudra des années pour y parvenir.

Les deux récits, celui de Rachel et celui de Brick se déroulent en parallèle, entrecoupés par moments de passages du journal intime de Nella, la mère de Rachel et du témoignage de Laronne, sa patronne. Ce qui nous permet de comprendre peu à peu Nella qui hante l'esprit de la fillette et est un des personnages-clefs du roman.
La fille tombée du ciel traite avec sensibilité et intelligence du racisme quand il s'exprime non par la violence et l'agression mais au jour le jour, avec qu'il a d'insidieux, de corrosif, puisqu'il aboutit à une dépersonnalisation, une perte d'identité. On s'aperçoit combien, vécu à l'ordinaire, dans la vie quotidienne, il peut avoir un effet dévastateur, priver celui qui le subit de l'estime de soi-même, annihiler la volonté, conduire à la dépression comme c'est le cas pour Nella. Heidi W. Durrow doit savoir de quoi elle parle, ayant elle aussi une mère danoise et un père Gi américain noir, et c'est peut-être ce qui explique la sincérité de ton et la profondeur tout en finesse de l'analyse.
 J'ai aimé la sobriété du récit qui, tout en nous contant des faits poignants, des situations tragiques, refuse de toucher la corde sentimentale du lecteur, conférant à ses hommes et ses femmes une grande dignité dans leur malheur. Car on aime ces personnages, celui de Rachel, si courageuse, si ferme, enfant marquée par la terrible tragédie qui a décimé sa famille et qui ne sait plus trop qui elle est et à quel monde elle appartient. Rachel, petite fille désemparée, qui cherche à mettre son chagrin "en bouteille" pour mieux le contenir. Brick lui-même enfant à la dérive, mal aimé, est aussi un très beau personnage dont le regard transfigure la réalité. Il introduit un peu de poésie dans ce drame et, parce qu'il en en lui quelque chose de pur, apporte l'espoir à Rachel.  Et puis il y a Nella, complexe, tourmentée, qui se juge mauvaise mère mais que sa fille continue à aimer et dont elle retrouve l'image intacte en elle, à la fin du roman.
Un très beau livre profondément humain.

Le Prix Bellwether, créé en 2000 par Barbara Kingsolver et est entièrement financé par elle, est remis à des écrivains dont les oeuvres permettent de promouvoir la fiction qui aborde les questions de justice sociale et de l'impact de la culture et la politique sur les relations humaines.

LIVRE VOYAGEUR