N’ayant pas pu écrire depuis un certain temps je suis en retard sur toutes mes lectures et je ne sais dans quel ordre les prendre! Mais, je me décide et je commence par La joie de vivre que je devais faire en LC avec Miriam puisqu’il y a au moins trois semaines que j’aurais dû rédiger ce billet.
La joie de vivre est le douzième volume de la série Les Rougon Macquart d’Emile Zola.
La joie de vivre, c’est évidemment la jolie et gentille Pauline, fille de Lisa Macquart et de Quenu, florissants charcutiers dans Le Ventre de Paris. Orpheline à dix ans, elle entre dans la famille des cousins de son père, les Chanteau, et semble apporter le bonheur avec elle. Toujours gaie, heureuse de vivre, elle seule sait s’occuper avec douceur et délicatesse de monsieur Chanteau qui souffre de la goutte. Elle devient la compagne aimante et admirative de son grand cousin Lazare et madame Chanteau ne tarit pas d’éloges sur elle. Seule, la bonne, Adèle, ne l’apprécie pas. Peut-être a-t-elle deviné le défaut de la cuirasse de la fillette, une féroce jalousie, qui la pousse à la méchanceté dès qu’elle se sent moins aimée… Jeune fille, Pauline conserve son affection pour son cousin et tombe amoureuse de lui. La mère leur promet de les marier.
Pourtant, la jalousie de Pauline est vite rallumée par l'arrivée d'une amie de la famille, Louise, qui devient sa rivale. Si Louise est la jeune fille "comme il faut", pur produit de cette société bourgeoise du XIX siècle, ignorante, rougissante, coquette et maniérée, Pauline est positive, sportive, forte, intelligente, et cherche à s’instruire. Elle lit les manuels de médecine de son cousin qui lui révèlent les « secrets » du corps humain, du moins ce qui devait rester secret pour une jeune fille de bonne famille. Zola prend résolument position ici dans l’éducation des jeunes filles qui, pense-t-il, ont droit à l’instruction, et doivent accéder à l’étude des sciences.
De plus, Pauline est riche et la fortune qu’elle a reçue en héritage va peu à peu être dilapidée par sa mère adoptive pour servir les ambitions de Lazare dont les projets fantasques et dispendieux tournent toujours à l’échec, ce qui le plonge dans un abattement sans fin. Au fur et à mesure que la fortune de la jeune fille diminue, son crédit auprès de madame Chanteau fait de même. Et l’on sent bien qu’elle n’est plus un parti intéressant aux yeux de cette femme qui avait pourtant promis de respecter son héritage ! Là, à ce moment, la lecture est si prenante, le suspense instauré par Zola si fort que j’ai été prise d’angoisse et d’indignation ! Impossible de continuer à lire ! Je voyais déjà la jeune fille jetée à la rue comme une mendiante, par ceux-là même qui l’avaient ruinée, et Lazare marié à la belle Louise… Mais Zola est beaucoup plus subtil que moi ! (Forcément, c’est Zola !) Et j’ai eu tort de vouloir conclure le roman à sa place. Son récit montrera l'évolution du caractère et de la personnalité de Pauline, ses doutes, son abnégation. J’ai donc repris ma lecture et c’est à vous de lire ce qui va se passer.
La joie de vivre : une antiphrase
Lazare et Louise suivis de Pauline film de JP Ameris |
Le titre du roman est aussi évidemment à prendre comme une antiphrase : Car la joie de vivre, c'est le moins que l'on puisse dire n’habite pas Lazare qui a une peur horrible, obsessionnelle, de la mort. En proie à des crises nerveuses, dépressif, il voit la mort partout, l'attendant dans l'ombre, le guettant la nuit. Il alterne des périodes d’activité et d’enthousiasme, généralement suivies par le découragement et la passivité.
Et que dire de la mer, omniprésente dans le roman, parfois positivement, encadrant les promenades des deux jeunes gens, donnant la joie à la jeune fille d’apprendre à nager mais la plupart du temps vue comme élément dangereux et puissant que rien ne peut arrêter ! Elle grignote peu à peu les rivages, fracasse les cabanes des pêcheurs, engloutit une part du village, apportant son lot de calamités. La description du peuple et des enfants qui viennent chercher de l’aide auprès de Pauline est accablante. Emile Zola peint comment la misère, la faim, les logements sordides, le manque d'amour, l'absence d'instruction et l’ignorance sont à l’origine de toutes sortes de maux, la maladie, l’alcoolisme, l’inhumanité, l'immoralité, la violence et la cruauté.
Mais le milieu bourgeois n'est pas meilleur ! La satire, à travers le personnage de madame Chanteau, en
particulier, est virulente. Comme d’habitude, Zola décrit à travers elle
l’importance accordé à l’argent, la malhonnêteté sous des dehors de
charité chrétienne, le mariage conçu comme un marché, la
réalité sordide sous l’apparence - même la bonne s’indigne et prend le
parti de Pauline - . Monsieur Chanteau, lui, est un être veule, sous la
coupe de sa femme, trop égoïste pour avoir une morale, trop préoccupé de
lui-même et de sa maladie qu’il entretient par sa gourmandise pour
aimer ou protéger autrui et le curé ne vaut guère mieux ! Seul, le
médecin échappe à la critique.
Voici donc un roman d’Emile Zola riche de nombreux thèmes, intéressants dans la psychologie des personnages et dans la peinture des milieux sociaux.