Mariama Bâ est Sénégalaise. Professeur, mère de neuf enfants, mariée et divorcée, elle a toujours lutté pour la cause des femmes, pour leurs droits à l'éducation et à l'égalité et contre la polygamie et le système des castes. Avec Une si longue lettre elle écrit un très beau livre qui présente la condition féminine au Sénégal à travers les personnages de deux femmes, différentes l'une de l'autre mais toutes deux d'une grande dignité.
A la mort de son mari Modou, Ramatoulaye, bouleversée, adresse une lettre à son amie d'enfance Aïssatou, Une si longue lettre. Nous découvrons la vie de ses deux femmes à travers leurs souvenirs d'enfance puis leur statut de femmes mariées et mères de famille. Tous deux ont vécu l'immense chagrin de voir leur mari épouser une autre femme attiré par la jeunesse de leur corps neuf pas encore déformé par les grossesses successives. Marima Bâ dépeint avec beaucoup de justesse les sentiments de ces épouses bafouées que l'on met devant le fait accompli quand le second mariage est déjà célébré. Abandon, condition de la femme traitée comme une marchandise, chagrin, blessures qui ne se referment jamais, humiliation, amertume, dépression ou révolte... Toutes deux vont réagir selon leur caractère : Aïssatou divorce, Ramatoulaye, trop attachée aux traditions, peut-être aussi trop attachée à Modou après vingt-cinq ans de vie commune et douze enfants, refuse de partir.
Une si longue lettre en abordant ainsi les difficultés des femmes au Sénégal brosse aussi un tableau de la société sénégalaise; l'existence des castes qui créent des hiatus entre les différentes couches de la population, intolérance, préjugés, sentiment de supériorité d'une caste sur l'autre, suprématie du sang, de la noblesse de naissance. Ainsi Mawdo Bâ, un Toucouleur, fils d'une Dioufene, Guelewar du Sine, fait scandale en épousant Aïssatou, une "courte robe", la fille d'un bijoutier. Il cédera sans trop de difficulté à sa mère en acceptant une deuxième épouse choisie par elle. Nous voyons aussi les coutumes et les rites qui entourent un enterrement, les croyances religieuses, les mouvements politiques et le syndicalisme d'un pays en pleine mutation, plein d'espoir après l'Indépendance..
Mon coeur est en fête chaque fois qu'une femme émerge de l'ombre. Je sais mouvant le terrain des acquis, difficile la survie des conquêtes : les contraintes sociales bousculent toujours et l'égoïsme mâle résiste.
Instruments des uns, appâts pour d'autres, respectées ou méprisées, toutes les femmes ont le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté.
Instruments des uns, appâts pour d'autres, respectées ou méprisées, toutes les femmes ont le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté.
Ce court roman écrit dans une langue élégante est un vibrant plaidoyer pour la liberté des femmes et un cri d'espoir pour l'avenir à la recherche du bonheur.
Le mot bonheur recouvre bien des choses, n'est-ce pas?J'irai à sa recherche. Tant pis pour moi si j'ai encore à t'écrire une si longue lettre...
Je remercie Miriam de m'avoir fait découvrir Mariama Bâ en m'envoyant cette si longue lettre.