Dans ce recueil Editions Des femmes de Eve Sourian sont réunies cinq nouvelles que Georges Sand a écrites à l'âge de trente ans quand la jeune femme, après avoir quitté son mari, Casimir Dudevant, se rend à Paris et cherche sa voie pour devenir indépendante en gagnant sa vie. C'est à ce moment qu'elle découvre sa vocation littéraire. Le "métier d'écrire" devient une passion et elle écrit énormément "avec autant de facilité dit-elle que je ferai un ourlet". C'est une période douloureuse pour elle, elle est hantée par le suicide, trop "lâche" dit-elle pour mettre fin à ses jours. C'est pourquoi ces textes que l'écrivain aimait particulièrement et qu'elle rassemblera en 1861 dans un recueil, une trentaine d'années environ après leur rédaction, reflètent ses préoccupations de l'époque. Ils ont tous pour personnages principaux des femmes. Ils traitent de thèmes communs : la femme par rapport à l'amour, au mariage, ses relations avec les hommes dans la société, l'infériorité de sa position, sa difficulté à être indépendante...
Les titres de ces nouvelles : La Marquise, Lavinia, Metella, Mattea et Pauline
La Marquise
La marquise est une vieille femme peu spirituelle, ce que la société encline aux stéréoptypes attendrait d'elle. Pourtant quand on daigne l'écouter, elle a beaucoup à raconter; c'est ce dont s'aperçoit le narrateur qui l'interroge sur sa vie passée. Mariée à seize ans au Marquis de R., beaucoup plus âgé qu'elle, veuve à seize ans et demi, la Marquise de R, a eu une telle expérience de la sexualité qu'elle cesse tout commerce amoureux avec les hommes. Non par vertu, dit-elle, mais par dégoût, aversion et haine envers eux. Mais une femme sans mari ou amant n'a aucun soutien dans la société et subit humiliations, sarcasmes, railleries. Pour faire cesser ce harcèlement constant, la Marquise prend un amant qu'elle n'aime pas, le plus terne et le plus sot qui soit. Elle subit sa présence auprès d'elle pendant soixante ans, ce qui lui assure la tranquillité d'esprit et une relative indépendance. L'amour passion mais platonique et romanesque, elle le vivra pourtant à travers le personnage d'un acteur, Lélio. Mais n'est-ce pas les ombres du Cid ou de Cinna qu'elle admire à travers lui?
Dans cette courte nouvelle, on sent la rage et la révolte de George Sand. C'est avec âpreté qu'elle dénonce cette aberration qui pousse les toutes jeunes filles dans le lit des vieillards, cette société fausse, froide et méprisante où les conventions, le qu'en dira-t-on règnent en maître, où la femme doit obéir à ce que l'on attend d'elle. En prenant un amant, la Marquise entre dans les normes voulues par la société mais renonce à elle-même. C'est une sorte de suicide moral. Certes, George Sand a beaucoup en commun avec son héroïne mais elle ne veut pas lui ressembler. Contrairement à la Marquise, l'écrivain ne veut pas se contenter d'entrer dans un moule et de passer à côté de la vie. Quand elle écrit ce texte, elle doit subir, elle aussi, les pressions sociales, elle est l'objet d'un scandale que suscite son farouche désir d'indépendance. Elle ne renoncera pas, ne voulant pas comme la jeune femme de la nouvelle se contenter de faux semblants et d'un amour fantasmé, idéalisé et factice lui donnant, à tort, l'impression d'avoir vécu.
Lavinia
Lavinia est aussi le type de la femme victime de l'homme. Elle a passionnément aimé Sir Lionel Bridgemont, un dandy fat et sans coeur, à qui elle s'est donnée et qui l'a abandonnée. Profondément blessée, elle a accepté d'épouser un vieillard dont elle est veuve. Mais Sand lui accorde une revanche ... bien amère. Quand elle revoit Lionel, Lavinia a gagné en beauté, en assurance, en raffinement. Ce qui provoque un retour de flammes chez le jeune homme. La demande en mariage du riche comte de Morangy attise encore les sentiments du dandy en redonnant du prix à Lavinia. Il ne peut supporter qu'elle lui échappe et lui demande à son tour de l'épouser. Mais Lavinia ne choisit ni l'un ni l'autre.
Nous retrouvons ici donc des thèmes semblables à ceux de La Marquise. Abandonnée et déshonorée, Lavinia cède aux conventions sociales en épousant un homme âgé. Elle le paie chèrement : l'alliance d'un vieux lord ne m'a jamais bien lavée de la tache cruelle qui couvre une femme délaissée. On sait qu'un vieillard reçoit toujours plus qu'il ne donne. Elle refuse d'aimer à nouveau, protégée, en cela, non par la vertu mais par la méfiance. les hommes apparaissent dans leur superficialité, incapables d'un sentiment vrai, inconstants, vaniteux, soucieux surtout de leurs succès féminins et de leur carrière.
Le ton de Sand emprunte parfois au registre du vaudeville. Ainsi, certains passages font sourire : Sir Lionel caché sur un balcon doit assister, furieux, aux déclarations d'amour de son rival; de plus, Lavinia s'en va et l'oublie! Mais l'amertume domine. Si Lavinia refuse l'amour, ce n'est pas comme la Marquise pour se plier aux exigences de la société. Au contraire, elle décide de se retirer du monde, de sa perfidie, de sa fausseté. Mais la véhémence douloureuse avec laquelle elle s'exprime, sa colère, sa haine, cachent mal les blessures profondes qui lui ont été infligées et l'amour qu'elle porte toujours à Sir Lionel.
Le ton de Sand emprunte parfois au registre du vaudeville. Ainsi, certains passages font sourire : Sir Lionel caché sur un balcon doit assister, furieux, aux déclarations d'amour de son rival; de plus, Lavinia s'en va et l'oublie! Mais l'amertume domine. Si Lavinia refuse l'amour, ce n'est pas comme la Marquise pour se plier aux exigences de la société. Au contraire, elle décide de se retirer du monde, de sa perfidie, de sa fausseté. Mais la véhémence douloureuse avec laquelle elle s'exprime, sa colère, sa haine, cachent mal les blessures profondes qui lui ont été infligées et l'amour qu'elle porte toujours à Sir Lionel.
" Et puis je hais le mariage, je hais tous les hommes, je hais les engagements éternels, les promesses, les projets, l'avenir arrangé à l'avance par des contrats et des marchés dont le destin se rit toujours.
A la fin de ce récit, Sir Lionel, loin d'être désespéré, recouvre ses esprits, se rabiboche avec sa fiancée actuelle, la riche Margaret, qui lui permettra de vivre dans l'opulence et de réussir dans la vie.
A la fin de ce récit, Sir Lionel, loin d'être désespéré, recouvre ses esprits, se rabiboche avec sa fiancée actuelle, la riche Margaret, qui lui permettra de vivre dans l'opulence et de réussir dans la vie.
Allons lui dit Henry* en le voyant baiser la main de Miss Margaret, l'année prochaine nous siégerons au parlement. (*Henry cousin de Lavinia)
On le voit, la conclusion est loin de tout romantisme. Cynique, pessimiste, désabusée, elle montre que George Sand en écrivant ces mots est revenue de tout... comme son héroïne! Car l'indépendance à un prix pour la femme, semble dire George Sand. Elle ne peut l'acquérir sans souffrance!