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mercredi 26 octobre 2011

Jonathan Franzen : Freedom



Je viens de terminer Freedom de Jonathan Franzen, un énorme livre de 700 pages, que j'ai dévoré avec plaisir.  Franzen y raconte l'histoire d'une famille, les Berglund, Walter et sa femme Patty, leurs enfants Joey et Jessica.  Autour d'eux gravitent de nombreux personnages, Richard, l'ami intime de Walter,  Lalitha la jeune maîtresse de Walter, Connie, l'amoureuse de Joey, mais aussi leurs parents, leurs voisins, les gens qui travaillent avec eux... C'est le prétexte pour Jonathan Franzen de dresser un tableau complet de la société américaine sur plusieurs décennies en abordant tous les thèmes : l'écologie avec le réchauffement de la planète, la destruction des milieux naturels, les dangers de la surpopulation, la protection des espèces (la fameuse paruline azurée), mais aussi la guerre en Irak et les malhonnêtetés du gouvernement Bush, les affrontements entre républicains et démocrates, le triomphe d'une société matérialiste, capitaliste, qui ne pense qu'à l'argent, le pouvoir sans limites des entreprises multinationales et des banques... et, et, et... j'en passe! Différents milieux sociaux, appartenances politiques, confessions religieuses. Je pense un peu à nos écrivains français du XIX siècle entreprenant l'un La Comédie Humaine, l'autre L'histoire d'une famille sous le second empire.

Mais là, c'est en un seul volume que Franzen veut tout dire ! Oui, je sais, c'est énorme! On a l'impression que son roman charrie toutes les immondices de la politique américaine, éclaire sous une lumière crue les iniquités de la domination des Etats-Unis sur le Monde, de son ingérence dans la politique des autres pays alors qu'il est incapable d'assurer chez lui la justice et le progrès social. Je sais que le livre a été traité de gâteau indigeste (Je renvoie à ce billet de Gwenaelle dans Le Skriban  ICI)! Je comprends tout à fait cette critique. Et pourtant je l'ai parfaitement digéré, ce gros gâteau, sans m'ennuyer une seconde et cela est dû à deux faits.

Tout d'abord, j'adore cette littérature qui n'est pas tournée vers son nombril, comme trop souvent notre littérature française contemporaine, mais vers les autres, vers le monde extérieur et l'on sait combien il va mal! L'accumulation peut paraître une maladresse mais au moins c'est généreux, c'est courageux! Et d'ailleurs malgré cette impression de fleuve en crue, le roman présente une construction savante et l'écrivain domine parfaitement son sujet, tout en ayant l'habileté de varier les points de vue. Enfin! j'ai devant moi un écrivain qui parle de notre monde et j'aime ce regard sans complaisance. Et cela me fait du bien de constater que pour une fois la littérature joue son rôle, celui d'analyser, de dénoncer, de chercher à secouer les consciences.

Ensuite, et ceci grâce au talent de l'écrivain, je me suis intéressée aux personnages car ils sont devenus vivants pour moi, je les ai accompagnés un bon bout de temps sur le chemin de leur vie, j'ai partagé leurs joies et leurs chagrins, leurs réussites et leurs échecs. Ils m'ont parfois passablement agacée voire exaspérée avec leurs obsessions et leurs contradictions (Walter), leurs agissements (Patty), leur dureté les uns envers les autres (Joey, Richard). J'ai pu constater leurs faiblesses et leurs erreurs et déplorer ce qu'ils étaient en train de devenir, Joey faisant de l'argent sale avec la guerre en Irak, Walter se compromettant avec la pire des entreprises capitalistes et s'enrichissant sous prétexte de sauver la paruline azurée. Mais j'ai été heureuse de suivre les sursauts de leur conscience tourmentée. Ainsi l'on peut dire que le discours de Walter qui a le courage se rétracter est un grand moment. C'est un morceau de bravoure que j'ai aimé savourer. Et même si c'est trop démonstratif comme le reste du roman, - mais Zola aussi est démonstratif et je l'adore- je n'ai pas boudé le plaisir d'être en accord avec cette dénonciation. Quoique j'apprécie moins chez Walter son mépris des classes laborieuses sous prétexte qu'il en lui-même sorti et je pense comme Jessica qu'il se trompe partiellement de cible dans son discours. Car la complexité des personnages, qui ne sont pas décrits d'une manière manichéenne et qui évoluent tout au cours de leur vie, est une des plus grandes réussites de l'écrivain.
Pour toutes ces raisons j'ai aimé ce gros roman touffu, complexe, imparfait peut-être, mais qui m'a touchée.

Voici d'autres avis :
Sophie qui n'a pas aimé ICI 
 Keisha qui a aimé  et qui analyse les variations du point de vue dans le roman, l'art d'un bon écrivain :  ICI
 Constance qui parle avec ferveur du roman  ICI

Merci à Price Minister et aux Editions de l'Olivier