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mardi 7 juin 2011

Jouer Juliet and Romeo à 76 et 66 ans



Sian Phillips et Michael Byrne dans Roméo et Juliette
photo de Donald Cooper  The Guardian

Voici un billet de Flora qui est allée voir Roméo et Juliette dans une mise en scène... pour le moins originale!. Flora est écossaise. Vous la reconnaîtrez quand elle écrira dans Ma Librairie au logo représentant le drapeau écossais. Universitaire, elle connaît aussi bien la langue française que sa langue maternelle.
Jouer Juliet à 76 ans et Romeo à 66… Inconcevable!  Mais l’an dernier, Sian Phillips et Michael Byrne, tous deux vétérans de la scène britannique, ont réussi  le coup dans une réalisation de Juliet and her Romeo pour le Theatre Royal à Bristol. Qui plus est, Phillips, dont la belle structure osseuse du visage résiste à une maigreur cadavérique, n’avait jamais joué la jeune infortunée de la famille Capulet.
- « Même à 19 ans j’ai  toujours paru trop vieille : j’aurais pu passer pour une femme qui aborde la trentaine. »
Tom Morris, metteur en scène et directeur artistique du théâtre avait conçu l’idée de cette adaptation avec son homologue, Sean O’Connor.  Juliet et Romeo habitent tous deux dans une maison de retraite, Juliet dans l’aile luxueuse réservée aux nantis, Romeo dans l’aile miteuse des SDF où (fidèle au texte de Shakespeare) il essaye (vainement) de séduire Rosaline, cette fois-ci une des assistantes sociales. Les futurs amoureux "seniors" se retrouvent lors d’un thé dansant (ou peut-être "danse macabre"), et c’est le coup de foudre.  Hélas, la fille de Juliet a d’autres idées. Les frais de l’hébergement dans la maison de retraite sont onéreux et elle a repéré un vieux monsieur distingué et riche (qui s’appelle Paris) qu’elle destine pour sa mère avec un froid calculateur  digne de Marivaux.
Jusque-là, on croit voir une pièce contemporaine inspirée par Romeo et Juliet- souvent très drôle  mais avec un fond sérieux qui met en relief un problème de plus en plus actuel. Mais insensiblement cette amitié naissante entre Juliet et son Romeo évolue vers un amour passionnel vécu dans la clandestinité devant l’opposition des deux familles. Du coup on se rend compte – non sans un petit choc – que dans ce triste décor de fauteuils roulants, de cannes et de lunettes oubliées on entend les vers familiers de Romeo et Juliet, encore plus émouvants que lorsqu’ils sont prononcés par les amants éternellement jeunes et "star-cross’d" de Shakespeare.  Après une exposition relativement courte, le texte reste presque inchangé mais étrangement renouvelé.  S’il est un peu surprenant de voir Romeo attaquer Tybalt avec un déambulateur avant de l’étouffer avec un coussin, la tendresse touchante et digne de Byrne envers sa Juliet maintient la tension dramatique et empêche le dénouement  de tomber dans l’absurde. Au contraire, on a même l’impression de découvrir comme pour la première fois le tragique de cette pièce trop connue. L’interprétation remarquable de Phillips et Byrne réussit à nous convaincre que l’épanouissement d’un dernier amour n’est pas moins précieux qu’une première passion et que sa perte n’en est pas moins déchirante.

Challenge de Maggie et Claudialucia