Ont gagné le droit de descendre dans la mine aujourd'hui (Rentabilité exigée) : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Dominique, Eeguab, Gwenaelle, Keisha, Lireaujardin, Maggie, Myriam, Nanou, Somaja.
Le Livre : Germinal de Zola
Le film : Germinal de Claude Berri, Renaud
Et oui, Germinal est l'un des plus célèbres romans de Zola. C'est le deuxième que j'ai lu dans mon adolescence après Le Bonheur des Dames et il est resté depuis mon préféré. (oui, je sais, ce n'est pas très original!)
Germinal fait partie des Rougon-Macquart que Zola imagine comme une grande fresque de la société du second Empire à travers l'histoire d'une famille. Le premier volume, La Fortune des Rougon est publié en 1871. C'est en 1877 que paraît le septième roman L'Assommoir qui raconte l'histoire de Gervaise Macquart qui "monte" à Paris pour suivre son amant Auguste Lantier. Gervaise a deux fils, Etienne et Claude Lantier. Ce dernier est le peintre raté de l'Oeuvre (1886). Gervaise épouse ensuite Coupeau et a une fille Anna Coupeau (Nana 1880).
Germinal (1885) qui est le treizième roman de la série a pour personnage principal Etienne qui se rattache par sa mère Gervaise, son frère Claude et sa demi-soeur Nana à la famille des Rougon-Macquart.
Chassé de son emploi pour avoir giflé son patron, Etienne Lantier arrive dans le Nord à Voreux et se fait embaucher à la mine. Il devient l'ami d'un mineur Maheu et est amoureux de la fille de celui-ci, Catherine (15 ans). Mais celle-ci se donne à Chaval qui la maltraite. Une rivalité amoureuse éclate entre les deux hommes. La misère des ouvriers est telle que les restrictions de salaire imposées par les patrons provoque une révolte. Les mineurs se mettent en grève, ce qui va conduire à une tragédie.
Un roman naturaliste
Dans ce roman comme dans tous les volumes des Rougon-Macquart, Zola poursuit son oeuvre de romancier naturaliste. Le roman doit être soumis aux règles de l'investigation scientifique et allier observation et expérimentation. Il s'appuie donc sur les découvertes récentes des lois de l'hérédité pour démontrer que la psychologie n'est explicable que par la physiologie. Ainsi Etienne Lantier raconte à Catherine comment il est marqué dans son sang par l'alcoolisme de ses parents. La moindre goutte d'alcool le met hors de lui et réveille une violence incontrôlable. De plus, Zola pense que l'individu est déterminé par son milieu social : "Même notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la société sur l'individu et de l'individu sur la société". Les enfants d'ouvriers dépourvus d'instruction et d'éducation ne peuvent échapper à ce déterminisme. La Maheude explique à Lantier à la fin du roman que Lénore et Henri, les cadets de la famille Maheu, devront attendre encore quatre ans pour aller à la mine.
Etienne ne put retenir un geste douloureux.
"eux aussi!"
Une rougeur était montée aux joues blêmes de la Maheude tandis que ses yeux s'allumaient. Mais ses épaules s'affaissèrent, comme sous l'écrasement du destin.
" Que veux-tu? eux après les autres... Tous y ont laissé leur peau, c'est leur tour."
Un roman politique
Avec Germinal, Zola écrit un livre sur la lutte des classes, sur l'affrontement entre bourgeois représentés par les Hennebeau et les Grégoire et les ouvriers. Zola y oppose plusieurs théories politiques qui sont représentés par des individus. Lantier représente un socialisme communautaire, basé sur la solidarité et le partage. Il est très attiré par le Marxisme et l'Internationale des travailleurs qui vient de se créer à Londres.
Mais Etienne s'enflammait. Toute une prédisposition de révolte le jetait à la lutte du travail contre le capital, dans les illusions premières de son ignorance. C'était de l'Association internationale des travailleurs qu'il s'agissait, de cette fameuse Internationale qui venait de se créer à Londres. N'y avait-il pas là un effort superbe, une campagne où la justice allait enfin triompher ? Plus de frontières, les travailleurs du monde entier se levant, s'unissant, pour assurer à l'ouvrier le pain qu'il gagne. Et quelle organisation simple et grande : en bas, la section, qui représente la commune ; puis, la fédération, qui groupe les sections d'une même province ; puis, la nation, et au-dessus, enfin, l'humanité, incarnée dans un Conseil général, où chaque nation était représentée par un secrétaire correspondant. Avant six mois, on aurait conquis la terre, on dicterait des lois aux patrons, s'ils faisaient les méchants.
Pendant la grève et devant la violence de la répression, il se radicalise:
Il posait que la liberté ne pouvait être obtenue que par la destruction de l'état. Puis quand les peuples se seraient emparés du gouvernement, les réformes commenceraient : retour à la commune primitive, substitution d'une famille égalitaire à la famille morale et oppressive, égalité absolue civile, politique et économique, garantie de l'indépendance individuelle grâce à la possession et au produit intégral des outils du travail, enfin instruction professionnelle et gratuite payée par la collectivité.
Face à lui, Souvarine, un russe nihiliste, incarne le militant anarchiste, qui prône la destruction et la violence. C'est lui qui sabote la mine avant de repartir.
« Des bêtises ! répéta Souvarine. Votre Karl Marx en est encore à vouloir laisser agir les forces naturelles. Pas de politique, pas de conspiration, n’est-ce pas ? tout au grand jour, et uniquement pour la hausse des salaires... Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution ! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur. »
Un roman métaphorique et épique
Si le roman obéit aux règles du naturalisme, il s'en échappe aussi par la force du style de l'écrivain et son talent. Certes, les personnages obéissent à des lois scientifiques et la société est marquée par le Darwinisme qui veut que les créatures les plus fortes supplantent les plus faibles expliquant ainsi l'évolution des espèces. Mais Zola n'est pas un scientifique, c'est surtout un visionnaire et un poète. Il a l'art de faire bouger les foules, de les emporter dans un élan farouche et splendide, semblable à un magnifique tableau de la Liberté en marche à la Delacroix, qui fait lever l'espoir dans l'humanité future. Il utilise les formes épiques, l'hyperbole, l'accumulation s'élevant jusqu'à l'outrance pour peindre "la vision rouge de la révolution en marche". Il plonge le lecteur dans les clairs-obscurs des paysages miniers, les feux des brasiers rougeoyant à l'air libre dans la noirceur du ciel, découpant les formes lourdes et menaçantes de la Mine, cette abîme semblable à "une bête goulue" qui dévore ses enfants et exige son tribut de vie humaine. En véritable artiste, il joue sur le mouvement, les lumières, les couleurs, avec une dominante rouge qui évoque le sang répandu, pour donner vie, forme, dimension, grandeur à la mine, cadre à la fois réaliste mais aussi surnaturel tel le gouffre des Enfers qui "mange les hommes", tel un "monstre..", "une bête mauvaise gorgée de chair humaine". Et le roman se termine par cette belle métaphore de la germination qui donne son titre au roman *:
Et sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines continuaient. Les camarades étaient tous là, il les entendait le suivre à chaque enjambée. N'était-ce pas la Maheude, sous cette pièce de betteraves, l'échine cassée, dont le souffle montait si rauque, accompagné par le ronflement du ventilateur ? A gauche, à droite, plus loin, il croyait en reconnaître d'autres, sous les blés, les haies vives, les jeunes arbres. Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. ...
Ainsi le récit qui s'était ouvert sur l'arrivée d'Etienne à Voreux en plein hiver, dans la nuit et le froid, se clôt par son départ au printemps, sous le soleil, lorsque la nature s'éveille. Entre temps le personnage a fait l'apprentissage d'un métier, de la lutte des classes et de l'amour et c'est plein d'espoir qu'il repart dans la vie malgré la grève, les affrontements sanglants et la défaite que lui et les mineurs viennent d'essuyer.
Il posait que la liberté ne pouvait être obtenue que par la destruction de l'état. Puis quand les peuples se seraient emparés du gouvernement, les réformes commenceraient : retour à la commune primitive, substitution d'une famille égalitaire à la famille morale et oppressive, égalité absolue civile, politique et économique, garantie de l'indépendance individuelle grâce à la possession et au produit intégral des outils du travail, enfin instruction professionnelle et gratuite payée par la collectivité.
Face à lui, Souvarine, un russe nihiliste, incarne le militant anarchiste, qui prône la destruction et la violence. C'est lui qui sabote la mine avant de repartir.
« Des bêtises ! répéta Souvarine. Votre Karl Marx en est encore à vouloir laisser agir les forces naturelles. Pas de politique, pas de conspiration, n’est-ce pas ? tout au grand jour, et uniquement pour la hausse des salaires... Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution ! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur. »
Un roman métaphorique et épique
Si le roman obéit aux règles du naturalisme, il s'en échappe aussi par la force du style de l'écrivain et son talent. Certes, les personnages obéissent à des lois scientifiques et la société est marquée par le Darwinisme qui veut que les créatures les plus fortes supplantent les plus faibles expliquant ainsi l'évolution des espèces. Mais Zola n'est pas un scientifique, c'est surtout un visionnaire et un poète. Il a l'art de faire bouger les foules, de les emporter dans un élan farouche et splendide, semblable à un magnifique tableau de la Liberté en marche à la Delacroix, qui fait lever l'espoir dans l'humanité future. Il utilise les formes épiques, l'hyperbole, l'accumulation s'élevant jusqu'à l'outrance pour peindre "la vision rouge de la révolution en marche". Il plonge le lecteur dans les clairs-obscurs des paysages miniers, les feux des brasiers rougeoyant à l'air libre dans la noirceur du ciel, découpant les formes lourdes et menaçantes de la Mine, cette abîme semblable à "une bête goulue" qui dévore ses enfants et exige son tribut de vie humaine. En véritable artiste, il joue sur le mouvement, les lumières, les couleurs, avec une dominante rouge qui évoque le sang répandu, pour donner vie, forme, dimension, grandeur à la mine, cadre à la fois réaliste mais aussi surnaturel tel le gouffre des Enfers qui "mange les hommes", tel un "monstre..", "une bête mauvaise gorgée de chair humaine". Et le roman se termine par cette belle métaphore de la germination qui donne son titre au roman *:
Et sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines continuaient. Les camarades étaient tous là, il les entendait le suivre à chaque enjambée. N'était-ce pas la Maheude, sous cette pièce de betteraves, l'échine cassée, dont le souffle montait si rauque, accompagné par le ronflement du ventilateur ? A gauche, à droite, plus loin, il croyait en reconnaître d'autres, sous les blés, les haies vives, les jeunes arbres. Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. ...
Ainsi le récit qui s'était ouvert sur l'arrivée d'Etienne à Voreux en plein hiver, dans la nuit et le froid, se clôt par son départ au printemps, sous le soleil, lorsque la nature s'éveille. Entre temps le personnage a fait l'apprentissage d'un métier, de la lutte des classes et de l'amour et c'est plein d'espoir qu'il repart dans la vie malgré la grève, les affrontements sanglants et la défaite que lui et les mineurs viennent d'essuyer.
* le titre est emprunté au calendrier révolutionnaire de Fabre d'Eglantine : Germinal est le début du printemps, Avril, mois de la germination, de l'éveil de la nature