"J'aime échapper aux étiquettes" affirme Patricia Highsmith dans la préface de son roman Carol paru en 1952 et réédité aux éditions Calmann-lévy pour cette rentrée littéraire.
Effectivement lorsque j'ai choisi ce titre, je pensais à L'inconnu du Nord-Express que je venais juste de lire après avoir revu le film d'Hitchcock. Or Carol est un roman très différent. Il traite de l'homosexualité féminine.
Therese, une jeune fille timide et solitaire, décoratrice de théâtre sans emploi, travaille dans un magasin au rayon de jouets pour enfants. Elle y fait la rencontre de Carol, une cliente qui vient acheter un cadeau pour sa fille. Therese se sent très attirée par cette belle jeune femme, élégante et sûre d'elle, d'un autre milieu social que le sien. Carol l'invite chez elle et peu à peu Thérèse découvre la nature de ses sentiments. Une histoire d'amour naît entre elles, difficile à vivre à une époque où, dans les années 50, l'homosexualité ne pouvait se vivre que cachée : Avant ce livre, écrit Patricia Highsmith, les femmes et les hommes homosexuels des romans américains devaient payer leur déviation en s'ouvrant les veines, en se noyant dans une piscine, ou en se convertissant à l'hétérosexualité (tels étaient les termes employés) ou encore en sombrant dans une dépression comparable à l'enfer.
Rien de tout cela dans Carol. Patrica Highsmith analyse le thème de l'homosexualité avec beaucoup de finesse, de naturel et de simplicité. A aucun moment, le lecteur n'a l'impression qu'il s'agit d'un sujet tabou. Si Patricia Highsmith souligne les difficultés que vont rencontrer les deux jeunes femmes pour vivre leur relation, en particulier pour Carol, mariée et mère d'une petite fille, ce qui l'intéresse avant tout c'est l'évolution de la toute jeune Therese, sa "timide ingénue". Les sentiments qu'éprouve Therese ne diffèrent en rien de ce qu'elle aurait pu ressentir pour un partenaire d'un autre sexe. On peut donc dire que le roman de Patricia Highsmith n'est pas un livre sur l'homosexualité mais est, avant tout, un roman d'initiation.
Therese prend conscience que ses rapports avec les hommes ne sont pas satisfaisants, elle s'éveille à l'amour mais aussi elle va mûrir, régler ses comptes avec son enfance, assumer enfin l'indifférence et l'abandon de ses parents, avoir confiance en elle. Les relations entre les deux femmes vont évoluer subtilement car le roman traite aussi de la différence sociale. La jeune Therese, pauvre, vendeuse dans un grand magasin, est en admiration devant Carol, sa voiture, ses visons et sa riche maison. Il y a entre les deux femmes un rapport de domination qui exclut l'égalité. Mais la souffrance va révéler Therese à elle-même et c'est désormais en égale qu'elle pourra vivre son amour et assumer sa vie. Un beau roman.
Merci à la Librairie Dialogues et aux éditions Calmann- Lévy