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lundi 18 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand à Crozant et Gargilesse avec Le péché de Mr Antoine (4)


La Creuse à Crozant

Le récit du roman de George Sand Le péché de Mr Antoine se déroule dans la vallée de la Creuse, "dans les landes de Crozant et dans les ruines de Chateaubrun où s'était plue ma fiction" écrit George Sand. (voir billet ICI)

  Un jeune voyageur, étranger au pays, Emile Cardonnet,  arrive à Eguzon  :

C’est qu’Éguzon est le point central d’une région pittoresque semée de ruines imposantes, et que, soit qu’on veuille voir Châteaubrun, Crozant, la Prugne-au-Pot, ou enfin le château encore debout et habité de Saint-Germain, il faut nécessairement aller coucher à Éguzon, afin de partir, dès le matin suivant, pour ces différentes excursions.

Le jeune homme intrépide refuse de coucher à Eguzon et continue son chemin malgré la menace d'un orage. Il se fait surprendre par la tourmente sur la route escarpée dominant la Creuse par des a-pics vertigineux. Forcé de s'arrêter il distingue à la lueur des éclairs une masse sombre, celle d'une forteresse "terrible", les ruines du manoir de Châteaubrun.

 La Creuse, limpide et forte, coulait sans grand fracas au bas de ce précipice, et se resserrait avec un mugissement sourd et continu, sous les arches d’un vieux pont qui paraissait en fort mauvais état. La vue était bornée en face par le retour de l’escarpement; mais, de côté, on découvrait une verte perspective de prairies inclinées et bien plantées, au milieu desquelles serpentait la rivière; et vis-à-vis de notre voyageur, au sommet d’une colline hérissée de roches formidables qu’entrecoupait une riche végétation, on voyait se dresser les grandes tours délabrées d’un vaste manoir en ruines. Mais, lors même que le jeune homme aurait eu la pensée d’y chercher un asile contre l’orage, il lui eût été difficile de trouver le moyen de s’y rendre; car on n’apercevait aucune trace de communication entre le château et la route, et un autre ravin, avec un torrent qui se déversait dans la Creuse, séparait les deux collines.

Le manoir de Châteaubrun  (photographie ici)

C'est pourtant dans ce château que Emile se réfugiera, reçu modestement mais chaleureusement  par le maître  ruiné de ces lieux, Antoine de Châteaubrun, le dernier seigneur de Châteaubrun et par sa charmante fille Gilberte.


Après avoir péniblement gravi un chemin escarpé, ou plutôt un escalier pratiqué dans le roc, nos voyageurs arrivèrent, au bout de vingt minutes, à l’entrée de Châteaubrun. Le vent et la pluie redoublaient, et le jeune homme n’eut guère le loisir de contempler le vaste portail qui n’offrait à sa vue, en cet instant, qu’une masse confuse de proportions formidables. Il remarqua seulement qu’en guise de clôture, la herse seigneuriale était remplacée par une barrière de bois, pareille à celles qui ferment les prés du pays.

Le lendemain, il se rend au village de Gargilesse pour rejoindre ses parents mais la rivière du même nom, affluent de la Creuse, insignifiante en temps habituel, fantasque et capricieuse, gonflée par les pluies, devient un monstrueux torrent, dangereux à traverser.

La rivière de Gargilesse

C'est cette même rivière qui ruine les projets industriels de Mr Cardonnet, le père d'Emile, qui a installé son usine sur ses bords. Le village de Gargilesse apparaît au jeune homme dans toute sa charmante beauté.


 L'église de Gargilesse

Après une heure de marche environ, nos voyageurs se trouvèrent en face du vallon de la Gargilesse, et un site enchanteur se déploya devant eux. Le village de Gargilesse, bâti en pain de sucre sur une éminence escarpée, et dominé par sa jolie église et son ancien monastère, semblait surgir du fond des précipices....

Le château-monastère de Gargilesse

Un jour où désespéré d'être séparé de sa bien aimée Gilberte, Emile broie du noir en se promenant au hasard, il découvre la forteresse de Crozant. Les ruines de Crozant correspondent alors son état d'esprit par leur aspect désolé et inhospitalier. Le décor qui s'offre à ses yeux qualifié de "sublime " par George Sand a toutes les caractéristiques du paysage prisé par les romantiques : accidenté, sauvage, désert avec des reliefs tourmentés propres à épouser les états d'âme les plus sombres.


Il leva les yeux, et vit devant lui, au-delà de précipices et de ravins profonds, les ruines de Crozant s’élever en flèche aiguë sur des cimes étrangement déchiquetées, et parsemées sur un espace qu’on peut à peine embrasser d’un seul coup d’œil.
Émile était déjà venu visiter cette curieuse forteresse, mais par un chemin plus direct, et sa préoccupation l’ayant empêché cette fois de s’orienter, il resta un instant avant de se reconnaître. Rien ne convenait mieux à l’état de son âme que ce site sauvage et ces ruines désolées. Il laissa son cheval dans une chaumière et descendit à pied le sentier étroit qui, par des gradins de rochers, conduit au lit du torrent. Puis il en remonta un semblable, et s’enfonça dans les décombres où il resta plusieurs heures en proie à une douleur que l’aspect d’un lieu si horrible, et si sublime en même temps, portait par instant jusqu’au délire.




Les premiers siècles de la féodalité ont vu construire peu de forteresses aussi bien assises que celle de Crozant. La montagne qui la porte tombe à pic de chaque côté, dans deux torrents, la Creuse et la Sédelle, qui se réunissent avec fracas à l’extrémité de la presqu’île, et y entretiennent, en bondissant sur d’énormes blocs de rochers, un mugissement continuel. Les flancs de la montagne sont bizarres et partout hérissés de longues roches grises qui se dressent du fond de l’abîme comme des géants, ou pendent comme des stalactites sur le torrent qu’elles surplombent.

La maison de George Sand à Gargilesse : La villa Agila


La villa Agila offerte à George Sand par son dernier amant, Manceau,  est un lieu calme où l'écrivaine aimait se retirer pour écrire.