Gérard Donovan dans son roman Julius Winsome  réussit le tour de force de nous passionner avec une histoire qui met en  scène un personnage replié sur lui-même, détaché de tout et dont le  comportement finit par être à la limite de l'Humain. Pourtant Julius  Winsome, ce solitaire qui vit dans un châlet en bordure de la forêt,  enseveli dans le silence de la neige pendant les six mois d'hiver dans  le Maine du Nord, à la frontière du Canada, est curieusement proche de  nous, voire attachant.
Je dis curieusement et vous allez voir pourquoi.
Je dis curieusement et vous allez voir pourquoi.
Julius Winsome a vécu toute sa vie dans ce lieu avec  son père, un lettré qui lui a transmis l'amour des livres mais aussi des  mots, ceux de l'inventeur de la langue anglaise, Shakespeare. Il  lui a  légué à sa mort les milliers de volumes qui tapissent les murs. De son  grand père, combattant de 1914, poursuivi jusque dans ses rêves par les  fantômes des soldats ennemis qu'il a tués, il a compris l'horreur de ces  meurtres collectifs que la guerre autorise. De son père, mobilisé  pendant la guerre de 1940, il tient la haine de tout ce qui est arme à  feu même s'il a appris à se servir du fusil allemand de 1919 que son  grand père a ramené. Un jour pourtant, tout bascule pour ce  cinquantenaire qui n'a pas su retenir la femme qu'il aimait et qui vit  avec son chien pour seule compagnie. Quand ce dernier est tué à bout  portant par un chasseur - non un accident mais un geste de cruauté  gratuite-  Julius Winsome sort son fusil et tire! Il se transforme en  tueur!
Quand j'ai lu le commentaire  de L'or des chambres   dans son blog, j'ai d'abord eu une réaction de rejet pour ce personnage  qui se venge d'une manière aussi horrible. Et  puis elle m'a convaincue  de lire ce roman et je ne le regrette pas.
Il y a d'abord la magnifique écriture de Donovan qui  fait voir la beauté de ces paysages, fait entendre le silence troublé  seulement par le crissement de la neige, les pas des animaux sauvages à  la lisière de la forêt, la beauté pure pourtant perturbée, à intervalles  réguliers, par les détonations des fusils. Les chasseurs jouent ici un  rôle symbolique, ils introduisent les notions de souffrance et de mort.  Ils représentent la force brute face à la fragilité de la nature. Mais  au delà de la magnificence de ces forêts touffues, du passage des  saisons somptueuses avec leurs couleurs variées, l'écrivain nous fait  sentir le  sifflement sinistre du vent, les bruits angoissants de la  nuit qui encerclent la maison et se referment sur elle, le froid qui  s'empare du corps et de l'âme, le poids du silence, la terreur de la  solitude. Nous entrons dans ce désert glacé longtemps réchauffé par les  livres qui forment un rempart au mal mais qui cède peu à peu... Nous  nous sentons envahis par la détresse du personnage et comprenons  pourquoi il sombre ainsi dans un no man'sland psychologique d'où il ne  reviendra jamais. Ce récit conte aussi une belle et triste histoire  d'amour. Claire aurait pu sauver Julius de lui-même mais il n'a pas su  la retenir, incapable de dire son amour, d'exprimer ses sentiments.  Claire l'a quitté, s'est mariée mais certaines scènes montrent pourtant  la tendresse qu'elle lui conserve et la compréhension intuitive qu'elle a  de cet homme muré en lui-même. Julius Winsome est l'histoire d'une vie  ratée d'où l'intense nostalgie que l'on éprouve à la lecture.
Est-ce aussi la description d'un glissement  progressif vers la folie? Certainement! Mais je préfère l'explication  donnée dans le résumé de la quatrième de couverture (excellent cette  fois-ci) : "Avatar du Meursault de Camus qui tuait "à cause du soleil",  Julius Winsome tue à cause de la neige, symbole de pureté et de deuil."
voir Aifelle
                                                                  Chez Folfaerie

