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lundi 17 mars 2014

François Garde : Ce qu'il advint du sauvage blanc




 Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde est le genre de livre que l'on ne laisse plus une fois commencé tant on est accroché au récit..

Nous sommes en 1843 lorsqu'un jeune marin français, Narcisse Pelletier, parti un peu trop loin à la recherche d'eau sur une plage d'Australie où son navire a accosté, est laissé seul sur le rivage. D'abord persuadé que le capitaine va faire demi tour pour venir le rechercher, Narcisse commence à désespérer et a bientôt des difficultés pour survivre. C'est une vieille femme qui le découvre, l'adopte et l'introduit dans la tribu où il va avoir bien du mal à s'intégrer. Dix-sept plus tard, un navire anglais le retrouve mais Narcisse a oublié sa langue, ne peut se réhabituer à la vie qui était la sienne jadis. Un scientifique Octave de Vallombrun le recueille pour étudier les effets d'une autre civilisation sur celui que l'on appelle "le sauvage blanc".

Un récit d'aventure

Le livre se lit au premier degré comme un récit d'aventure : vous partagez les sentiments du jeune matelot, ses espoirs et ses craintes. Vous vivez avec lui sa recherche de l'eau, de la nourriture, ses essais infructueux pour s'en procurer car Narcisse Pelletier n'est pas un Robinson Crusoé et mourrait certainement de faim et de solitude s'il n'était recueilli dans la tribu.

Un récit philosophique

Mais par l'intermédiaire de ce personnage qui a été inspiré à l'auteur par une histoire vraie, le roman vous invite à vous interroger sur sur le sens du mot "sauvage". Lorsque Narcisse commence à vivre dans cette tribu, tout choque sa morale et ses habitudes, la nourriture, la nudité des corps, la liberté des moeurs, les coutumes mais aussi la dureté de cette vie qui est un combat pour survivre, la chasse, la pêche assurant au jour le jour la subsistance. Certes, nous sommes loin du mythe du "bon sauvage" à la Rousseau! Le matelot est mal accueilli, la vie dans la nature est loin d'être exaltante; mais quand Narcisse réintègre sa civilisation, tout le heurte, il ne peut se réhabituer à une morale pudibonde, aux vêtements qui emprisonnent, à une nourriture sans goût, à des mentalités si étranges. Les préjugés sociaux qui font que Narcisse est considéré comme un cobaye, livré à la curiosité de la bonne société, les hiérarchies sociales, l'âpreté au gain des héritiers de Vallombrun, tout témoigne d'un Monde qui n'a aucune leçon à donner aux autres. Nous nous trouvons dans une interrogation qui rejoint celle de Montaigne, Pascal ou Rousseau sur la prétendue supériorité d'une civilisation sur une autre et sur la relativité de toutes choses. L'habileté de l'écrivain réside donc dans cette confrontation, à travers le même personnage, de deux modes de vie très différents, qui amène à une réflexion sur la notion même du mot civilisation .

Or je trouve, pour en revenir à mon propos qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en ce peuple, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas conforme à son usage; à vrai dire, il semble que nous n'ayons d'autre critère de la vérité et de la raison que l'exemple et l'idée des opinions et des usages du pays où nous sommes. 
                                                                                                             Montaigne Essai des Cannibales Livre 1 chapitre 31

Merci à Magie (voir ICI) de m'avoir fait gagner un exemplaire de ce roman de François Garde que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir.