Je suis allée voir un spectacle de théâtre intitulé La convivialité, réquisitoire impitoyable et drôle des absurdités de l'orthographe française. Arnaud Hoedt, Jérôme Piron, belge et québécois, tous deux anciens professeurs à Bruxelles, sont très sérieux quand ils dénoncent le non-sens de l'orthographe française et montrent que les codes de celle-ci ont été fixés pour assurer le pouvoir d'une classe sociale. Mais ce qu'ils nous ont amusés !
Le spectacle commence par... une dictée et qui s'y colle ? Nous, spectateurs ! Premier éclat de rire !
Puis quand les comédiens se lancent dans la démonstration loufoque des aberrations de l'orthographe, à l'aide de petits tableaux pour visualiser le manque de logique des règles et des exceptions, de logiciels pleins de malice et de beaucoup d'humour, ils emportent l'adhésion du public ! L'adhésion ? ... Enfin momentanément !
En effet, le public, composé dans cette salle d'Avignon, au théâtre des Halles, de trois quart d'enseignants, a beaucoup ri, s'est bien amusé des ridicules de l'orthographe française pendant toute cette brillante démonstration.
Mais... lorsque les auteurs-comédiens lui ont demandé s'il accepterait la modification de l'ortografe de certains mots, la plupart a levé un carton rouge... moi compris ! Le savez-vous ? Les français ont horreur des réformes !
"On se demande souvent comment respecter l'orthographe. Mais l'orthographe est-elle respectable ?
L'histoire de l'orthographe
La convivialité quatrième de couverture |
Jérôme Piron et Arnaud Hoedt ont envoyé leur livre à l'Académie française à l'attention de chacun des académiciens. Ils n'ont jamais eu de réponse. Et pour cause : la quatrième de couverture montre l'académie en flammes ! Provocateurs ? Eux ?
"Au XVII siècle, on centralise l’Etat et Richelieu réalise que la langue est un pouvoir. Il crée alors l’Académie française. Elle sera chargée de rédiger un dictionnaire pour fixer la norme.
L’Académie va surtout faire de cette norme la marque de l’appartenance à la bonne société, le « bon usage ».
Dans les cahiers préparatoires de ce dictionnaire, il est indiqué que l’orthographe servira à « distinguer les gens de lettres d’avec les ignorans (sic) et les simples femmes. »" p 66
Il faut attendre le XIX siècle pour que l'orthographe devienne une norme incontournable. C'est la bourgeoisie montante qui lui donne ses lettres de noblesse. Elle revendique une orthographe délibérément compliquée. Dans son édition du dictionnaire de 1835, l'Académie réintroduit le th et ph et des consonnes doubles, dont on s'était pourtant débarrassé."
Quelques exemples parmi tant d'autres
Lisez le livre, ou mieux, allez voir le spectacle, pour savoir d'où vient le x de cheveux au lieu du s que l'on serait en droit d'attendre, ou l'accord du participe passé quand le cod est placé avant ou après...
Traditionnellement, la confiture de groseilles prend un s à groseilles parce que, en gros, on aperçoit la forme des fruits. Alors que la gelée de groseille, qui est une masse informe, ne prend pas de s à groseille.
Donc la présence du s dépend du temps de cuisson.
Donc la présence du s dépend du temps de cuisson.
Une institutrice demande à ses élèves de placer des points à l’écrit sous les lettres qui ne se prononcent pas comme dans POIDS.
Une fillette lui dit : Si elles ne se prononcent pas, pourquoi les écrire ?
et son petit camarade rétorque : « mais si on ne les écrivait pas, on ne saurait pas où mettre les points? »
Une fillette lui dit : Si elles ne se prononcent pas, pourquoi les écrire ?
et son petit camarade rétorque : « mais si on ne les écrivait pas, on ne saurait pas où mettre les points? »
"En français on écrit bruit, édit ou crédit avec un t pour faire bruiter, éditer, créditer mais pas abri.
On écrit dix avec un x qu'on prononce /s/, alors qu'on écrit dizaine avec un z et un dixième qu'on écrit x et qu'on prononce /z/ "
Qui a dit ?
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Rendez-vous au bas de la page quand vous aurez trouvé qui a dit ? ! Les portraits des écrivains peuvent vous aider mais ils ne sont pas publiés dans l'ordre.
"L’orthographe, divinité des … sots" 1)
"C’est en vain que nos Josués littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent.- Voilà pourquoi le français de certaine école contemporaine est une langue morte." 2)
"L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. (…) L’habitude seule peut en supporter l’incongruité." 3)
"Orthographe. Y croire comme aux mathématiques. N’est pas nécessaire quand on a du style." 4)
"Epargnons ce temps si précieux que l’on dépense trop souvent dans les vétilles de l’orthographe, dans les règles de la dictée qui font de cet exercice une manière de tour de force et une espèce de casse-tête chinois." 5)
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1) Stendhal Lettre à Pauline 1804
2) Victor Hugo préface de Cromwell 1827
3) Voltaire dictionnaire philosophique 176
4) Flaubert dictionnaire des idées reçues 1913
5) Jules Ferry discours au congrès pédagogique 1880