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lundi 7 mars 2011

Suzan Fletcher : Un bûcher sous la neige




Suzan Fletcher, en écrivant Un bûcher sous la neige, aborde un sujet dont elle nous fait découvrir l'ampleur, celui de femmes qui ont été persécutées pendant des siècles, accusées de sorcellerie, condamnées à mort par pendaisons, noyades, bûchers. Souvent, leur manque de conformisme religieux, social ou politique, bref! leur différence en étaient la cause! L'obscurantisme a fait le reste. Il y a eu, nous dit l'écrivain, en Angleterre jusqu'en 1735, plus de cent mille femmes "pour la plupart instruites, indépendantes, âgées ou ayant leur franc parler", qui furent accusées de sorcellerie. En Europe leur nombre atteint quarante mille. De nos jours aussi, partout dans le monde, la femme est encore victime de la brutalité et de la violence.
Aussi Suzan Fletcher conte avec beaucoup de conviction et d'empathie l'histoire de Corrag, un personnage qui a vraisemblablement existé. Son nom est resté dans la légende, en Ecosse, dans la vallée de Glencoe où elle s'était fixée, accueillie par le clan des Mac Donald.
Jugée et condamnée comme sorcière, Corrag attend en prison le dégel qui permettra d'allumer les flammes du bûcher. Elle reçoit chaque jour la visite d'un gentilhomme, Charles Leslie, venu  l'interroger sur le massacre du clan Mc Donald de Glencoe par les soldats de Guillaume d'Orange. Charles Leslie veut servir ainsi la cause du roi Jacques VI, fils de Marie Stuart, exilé en France, en discréditant Guillaume d'Orange qui s'est emparé du pouvoir. Mais en écoutant parler Corrag, il va peu à peu s'intéresser à la jeune fille et les préjugés qu'il nourrit à l'encontre de "la sorcière" vont évoluer.
Peu à peu, le lecteur, tout comme Charlie Leslie, se laisse prendre par cette voix presque enfantine qui s'élève dans une prison sordide. Ce n'est pas la haine que convoque Corrag mais l'amour, amour de la nature, des bêtes mais aussi des humains. Amour pour un homme, aussi, qu'elle distingue des autres. Elle qui n'a rien, sait s'émerveiller dans sa solitude et sa souffrance, de la beauté d'un coucher de soleil, d'une fleur, des phalènes prisonnières de ses cheveux, d'un cerf qui vient manger dans sa main, autant de beautés qu'elle reçoit comme des cadeaux inestimables. Fille de l'hiver, elle sait parler merveilleusement de la neige et de la glace, du vent qui emmêle ses cheveux, mais elle célèbre le renouveau printanier avec tout autant de grâce lumineuse. S'il y a envoûtement, c'est le style de Suzan Fletcher qui en est l'origine, un style qui sollicite tous les sens, qui fait voir les couleurs et les formes mais aussi humer les odeurs de l'herbe ou du froid, toucher la douceur velouté du museau d'une jument ou les feuilles d'une plante douce comme la fourrure d'un lapin.  Elle nous fait entendre les voix de la Nature, le craquement de la glace, le glissement des flocons de neige ou le frémissement des chardons dans un champ. Un très beau style qui nous emporte loin dans le temps, sur des hauteurs sauvages, dans une époque impitoyable mais où nous rencontrons des personnages vraiment humains.