La Postérité du soleil d'Albert Camus est paru après la mort de l'écrivain. Il est né de l'amitié d'Albert Camus et de René Char unis par leur amour commun de cette Provence hautaine et tendre, funèbre et déchirante dans ses soirs, jeune comme le monde dans ses matins et qui garde, patiemment, comme tous les pays de la Méditerranée, les fontaines de la vie ou l'Europe épuisée et honteuse reviendra un jour s'abreuver. *
Le livre a été réédité récemment aux éditions Gallimard dans un grand format qui permet de mettre en valeur les photographies noir et blanc de Henriette Grindat, artiste suisse venue rencontrer René Char à Isle-sur-Sorgue et dont les images inspirent à Camus des poèmes en prose, aphorismes qui tendent un miroir aux images de la photographe.
Seigneur farouche, le mistral souffle en maître sur ses terres. Même les soleils sont ivres. Le cyprès résiste ou rompt. Mais le long frissonnement des peupliers déplie la force du vent et l'use. L'un enseigne l'honneur; les autres, l'obstination de la douceur. Que ferions-nous de vos villes et de vos écoles? Albert Camus, La postérité du soleil
Un dieu sourcilleux veille sur les jeunes eaux. Il vient du fond des âges, porte une robe de limon. Mais sous la lave de l’écorce, un doux aubier... Rien ne dure et rien ne meurt ! Nous, qui croyons cela, bâtirons désormais nos temples sur de l’eau.
Le taureau enfonce ses quatre pattes dans le sable de l’arène. L’église du Thor** ne bouge plus, force de pierre. Mais qu’elle se mire dans la Sorgue claire, la force s'épure et devient intelligence. Elle encorne le ciel en même temps qu’elle s’enfonce dans un lit de cailloux vers le ventre de la terre. Sur le pont du Thor, j’ai senti parfois le goût vert et fugitif d’un bonheur immérité. Ciel et terre étaient alors réconciliés.
La Postérité du soleil, magnifiquement préfacé par René Char, est un très beau livre dans lequel les voix des deux poètes s'allient à la photographie pour dire la lumière de Vaucluse que Camus qualifie de lumière de vérité *
Préface de René Char : Et ce chemin, long comme un long squelette nous conduit à un pays qui n'avait que son souffle pour esclaader l'avenir. Comment montrer, sans les trahir les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel? Par la vertu de la vie obstinée, dans la boucle du Temps, entre la mort et la beauté.