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le roman: le chat de Simenon
le roman: le chat de Simenon
Le film : Le chat de Pierre Granier-Deferre Interprètes: Simone Signoret et Jean Gabin et... le chat!
Le chat de Simenon
Simenon ne croyait guère au mariage, reflet d'une morale hypocrite chrétienne et bourgeoise. Dans Le Chat, deux veufs se sont remariés pour meubler leur solitude, mais leur vie de couple vire très vite à l'enfer. Tout les oppose à commencer par leur origine sociale. Emile est un ouvrier, retraité du bâtiment, qui a perdu sa femme d'origine modeste qu'il aimait. Il s'attarde volontiers au café pour boire un verre de rouge, fumer des cigares qui empestent et par dessus tout il adore son chat que sa nouvelle épouse, Marguerite, déteste. Marguerite est d'une autre milieu social, fille d'une bourgeoisie industrielle en partie ruinée, elle a reçu une bonne éducation chrétienne, elle a appris le piano et l'équitation. Elle vénère son défunt mari, premier violon à l'Opéra de Paris. De fait, elle méprise Emile et ses habitudes. Pourquoi ces deux êtres dissemblables se sont-ils mariés ? Certainement pas par attirance physique, entre les deux personnages, il n'y a aucune relation sexuelle mais par peur de finir sa vie seul, malade et abandonné. Pour Marguerite, avare, Emile représentait la possibilité d'avoir un homme à tout faire sous la main, corvéable, sans avoir à débourser. Peu à peu la cohabitation se transforme en haine. Marguerite empoisonne le chat, Emile se venge sur le perroquet de sa femme. Les deux époux décident de ne plus s'adresser la parole, ils communiquent rarement et uniquement par écrit. Emile et Marguerit ne peuvent divorcer parce qu'ils sont chrétiens. Il leur est impossible de se séparer parce que la souffrance, la perversité, la haine permettent de combler le vide de leur existence.
"C’était devenu leur vie. Il leur était aussi naturel, aussi nécessaire, de s’envoyer des billets venimeux, qu’à d’autres échanger des politesses ou des baisers".
Le chat de Pierre Granier- Deferre.
L'adaptation de Granier-Deferre et de Pascal Jardin a gardé du roman le cadre décrit par Simenon : un modeste pavillon situé dans une impasse, dans une banlieue en reconstruction. Mais le scénario ne s'attarde pas sur l'aspect social, il s'attache à montrer l'usure d'un vieux couple, Julien et Clémence, marié depuis plus de 25 ans. Lui était typographe, fier de son travail. Elle était trapéziste mais une chute l'a obligée à quitter le cirque. Depuis elle traîne la jambe et se laisse aller à boire un peu trop. Le couple a vécu des jours heureux mais le temps a fait son oeuvre, les sentiments se sont désagrégés, la lassitude et l'ennui ont remplacé peu à peu à l'amour. Toute l 'affection de Julien va se porter sur un chat errant qu'il adopte. Clémence devient jalouse de l'animal et dans une crise de folie elle l'abat. Julien décide de ne plus adresser la parole à son épouse. Les deux êtres vont vivre l'un à côté de l'autre, menant une guerre silencieuse. Ils restent ensemble pas uniquement par habitude, la haine qui s'exprime n'a pas tué complètement l'amour qui a existé comme l'indique le dénouement. Le film, le meilleur réalisé par Granier-Deferre, bénéficie de la présence de deux monstres sacrés du cinéma français : Simone Signoret et Jean Gabin. Les deux acteurs ont reçu conjointement, L'Ours d'argent du festival de Berlin pour leur remarquable interprétation.
Tout en conservant la trame du roman et jusqu'à certains détails, Granier-Deferre a réalisé un film personnel, s'intéressant à l'érosion de l'amour dans un vieux couple, mais aussi à la lassitude qui guette la vieillesse, émousse les sentiments et enlève le goût de vivre. Marguerite aime encore son mari, elle souffre qu'il ne l'aime plus et elle est encore plus malheureuse de ne pas comprendre pourquoi il n'a plus d'amour pour elle, plus le goût de manifester un semblant d'intérêt pour elle. Lui n'a rien à répondre. Il est fini, incapable de ressentir un sentiment sauf envers ce vieux chat qu'il a pris sous sa protection. Le film est très dur parce que le couple se déchire, les paroles amères, haineuses, fusent et pourtant ils ne sont rien l'un sans l'autre. Contrairement à Granier-Deferre, Simenon règle ses comptes à une société dont il fait partie et qu'il n'aime pas. Il crie sa haine du mariage (bien qu'il se soit marié trois fois!) et d'une classe sociale, la bourgeoisie, dont il hait les mesquineries et l'hypocrisie. Mais s'il n'y a pas d'amour au départ dans le roman comme dans le film, le sentiment de haine est bien là et l'enfer du couple est décrit d'une main de maître.
Dans les deux oeuvres, roman et film, le décor, cette rue pavillonnaire, avec ses maisons tranquilles et ses jardins est en train de disparaître, éventrée par les engins d'un chantier, symbole d'un monde qui s'écroule, remplacé par un autre qui, on le pressent, ne sera pas forcément meilleur.Texte commun : Wens/ Claudialucia