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lundi 15 septembre 2025

Jules Verne : Kereban le têtu

 

 

Avec Kereban le Têtu, Jules Verne concocte pour ses lecteurs un roman comique où les portraits de personnages tirant vers la caricature, les situations absurdes, l’avalanche d’aventures en tout genre s’accumulent pour former un récit pour le moins original, étonnant, amusant. Le contraste entre le têtu Kereban « Quand j’ai dit non, c’est non ! » et le trop conciliant et molasson Van Mitten, son ami, est l’une des constantes et l’un des ressorts comiques du roman. Et que dire du pauvre Bruno, le serviteur, si fier de son embonpoint acquis au service de son maître et qui voit avec consternation son ventre maigrir au cours de ce voyage fou, fou, fou !
Mais, bien sûr, sinon cela ne serait pas Jules Verne, il s’agit d’un roman instructif aussi ! Jules Verne, fidèle à ses habitudes, nous fait visiter les pays traversés et l’Histoire de toutes ses régions riches de leur passé glorieux et qui se rappellent à notre présent, notamment quand on traverse la Crimée, russe depuis la Tsarine Catherine II.

Jugez plutôt du point de départ : Kereban le Turc, richissime négociant en tabac, rencontre à Constantinople son ami, Hollandais, Van Mitten, qui exerce le même métier que lui mais est venu se réfugier en Turquie pour fuir son épouse et ses déboires matrimoniaux. Il paraît que Jules Verne, dans ce roman, règle ses comptes avec sa femme ! 

- …Vous savez, les affaires!… les affaires!… Je n'ai jamais trouvé cinq minutes pour me marier !
- Une minute suffit! répondit gravement Van Mitten, et souvent même … une minute, c'est trop!


Kereban invite son ami toujours suivi de son fidèle serviteur Bruno à venir manger chez lui, dans sa belle propriété à Scutari (l’actuel Üsküdar) sur la rive asiatique du Bosphore, juste en face de Constantinople. Pour cela, il faut traverser le détroit en caïque, ce qui n’est l’affaire que de peu de temps.

 

En l'absence de pont la traversée vers Scutari (Uskudar) se faisait en bateau

Mais voilà que les autorités de Constantinople déclarent que désormais il faudra acquitter un droit de péage pour la traversée. Bien qu’il s’agisse d’une somme dérisoire pour un homme aussi riche que lui, Keraban s’indigne, refuse de payer; il s’entête, Il y va de son honneur ! Il ne paiera pas ! Et pour arriver chez lui, le voilà qui entreprend un voyage autrement coûteux et autrement long (2800 kilomètres), faire le tour de la mer noire avec ses amis. Il lui faudra traverser la Bulgarie, la Roumanie, l’Ukraine, la Russie, la Géorgie et revenir en Turquie sur la rive asiatique.



De plus, allergique au progrès, Kereban refuse d’emprunter des moyens de locomotion moderne comme le train et de s’aventurer sur la mer en bateau car il craint le mal de mer. Et comme vous le savez maintenant, Kereban est têtu ! Bruno résume  la situation ainsi : 

« De toutes les têtes de Turc dans lesquelles on tape dans les foires, je ne crois pas qu’il puisse jamais s’en trouver une aussi dure que celle-là !  « 
- «  Ta comparaison, si elle n’est pas respectueuse, est très juste, Bruno, réplique Van Mitten. Aussi comme je me briserai le poing sur cette tête, je me dispenserai, à l’avenir, de frapper dessus ! »

 Ajoutez à cela qu’il faudra accomplir ce voyage en un temps record car Kereban doit impérativement arriver à Scutari pour le mariage de son neveu Ahmet avec la charmante Amasia, fille de son ami banquier d'Odessa. De plus, le mariage ne peut être reporté car ce serait renoncer à un héritage subordonné à une date précise. Rien n’est simple, tout se complique et ceci d’autant plus que le jeune homme se voit obligé par son oncle de partir avec lui et que, pendant son absence, la jeune fille et sa suivante vont être enlevées par d’affreux bandits qui veulent les vendre à un harem. 
Ah! l’Horreur ! Vous allez en vivre des aventures rocambolesques, vous enliser dans le delta du Danube, échapper à une meute de sangliers, risquer la prison à maintes reprises ou une collision avec un train ( et toujours à cause de l’entêtement de Kereban, le bien nommé) ! Vous allez sauver des jeunes filles en détresse dans une tempête, faire un quasi mariage forcé avec une Kurde, trois fois veuve, la noble Sardapoul ! Pauvre Van Mitten qui fuit son mariage pour tomber entre les pattes de cette matrone ! 
Mais bon à savoir, tout va bien se terminer avec encore moult quiproquos et moult entêtements de la part de notre héros !

Un curieux roman qui m’a bien amusée !


La Bulgarie

 


Comme j’ai lu ce livre non seulement dans le cadre du challenge de Jules Verne, de celui de la Carte d'Europe autour de la mer noire mais aussi de la Bulgarie, je me suis intéressée plus particulièrement à ce pays dans ce roman.
Le roman de Jules Verne  est écrit en 1883. Au début du voyage entrepris pas Kereban, l'écrivain écrit : « La Turquie d’Europe comprend actuellement trois divisions principales : la Roumélie (Thrace et Macédoine), l’Albanie, la Thessalie , plus une province Tributaire, la Bulgarie ».

La Bulgarie  après la victoire Russe contre  les  Ottomans en 1878  et le traité de San Stéfano devait devenir une grande principauté autonome mais la Grande Bretagne et l’Empire austro-Hongrois  s’y opposent  et le traité de San Stefano ne fut jamais appliqué.. 

«  La conséquence majeure, voulue par la diplomatie britannique, fut le traité de Berlin du 13 juillet 1878, qui eut pour but de contenir la Russie, et pour conséquence de réduire la Bulgarie de San Stefano à deux entités séparées : une « principauté de Bulgarie » vassale de l'Empire ottoman (entre le Danube et le Grand Balkan), et la « Roumélie orientale », province autonome de celui-ci (entre le Grand Balkan et le Rhodope). » « Ces deux petites principautés bulgares qui, malgré les réticences des puissances occidentales, parviennent à s'unir en 1885 en un royaume qui fait reconnaître son indépendance en 1908. Pour tenter de retrouver ses frontières de San Stefano, la Bulgarie s'allie à l'Allemagne durant les deux guerres mondiales. En 1946, elle est intégrée dans le « bloc de l'Est » qui se disloque en 1990. Elle est membre de l'Organisation mondiale du commerce depuis 1996, de l'OTAN depuis 2004, de l'Union européenne depuis 2007. (source Wikipédia)

Le soir du second jour les voyageurs atteignent Bourgas bâti sur le golfe du même nom en Roumélie  où ils dorment dans une auberge rudimentaire, puis  la route qui s’écarte du littoral, les ramène le soir à Aïdos jusqu’à Varna.

« Ils traversaient alors la province de Bulgarie, à l’extrémité sud de Dobroutchka, au pied des derniers contreforts des Balkans »
Jules Verne y décrit un passage difficile « dans des vallées marécageuses, tantôt  à travers de plantes aquatiques, d’un développement extraordinaire, dans lesquelles la chaise avait bien de la peine à ne pas glisser, troublant la retraite de milliers de pilets, de bécasses, de bécassines, remisés sur le sol de cette région accidentée. »

  



« On sait que les Balkans forment une chaîne importante. En courant entre la Roumélie et la Bulgarie vers la mer Noire, elle détache de son versant septentrional de nombreux contreforts, dont le mouvement se fait sentir jusqu’au Danube. »
 

Mais bien vite les voilà en Roumanie.


 

Chez Taloiduciné Dasola


Chez Cléanthe



samedi 6 septembre 2025

Jules Verne : Le rayon vert

 

  

Dans son roman Le rayon vert Jules Verne imagine que son héroïne, la charmante écossaise Helena Campbell - orpheline élevée par ses deux oncles qui veulent la marier-  leur répond qu’elle ne se mariera que lorsqu’elle aura pu observer le rayon vert. Celui-ci est le dernier rayon que le soleil lance avant de se coucher sur la mer et de disparaître à l’horizon, dans un  ciel  pur, débarrassé de toutes particules et  nuages…
 Cette Écossaise, dont la « fibre patriotique vibrait comme la corde d’une harpe », est dotée d’un tempérament poétique et rêveur à l’extrême. Son caractère présente une dualité marquée : elle peut se montrer tantôt sérieuse et réfléchie, tantôt superstitieuse et fantasque. Bonne et charitable « elle s’appliquait à justifier le vieux proverbe gaélique : “Puisse la main qui s’ouvre être toujours pleine !” »

 

Le rayon vert du film de Rohmer

Pour moi Le rayon vert a une résonance particulière. Je me souviens d’avoir essayé, en vain, de l’observer en Lozère avec mes amis cinéphiles, tous amoureux d’Eric Rohmer dont nous aimions le film éponyme qui venait de sortir. Nous avions peu de chance de l’apercevoir en montagne, il faut bien le dire, mais cela avait peu d’importance puisque j’ai toujours cru que le rayon vert n’existait pas. Or, récemment, en cherchant des images du film sur le net,  je me suis aperçue que non seulement Rohmer ( ou plutôt son équipe) l’avait filmé ( au ralenti) et que ce n’était pas un trucage comme je l’avais cru jadis mais une réalité.  

Ainsi le « mythique »  rayon vert, qui donne un pouvoir exceptionnel de lucidité sur soi-même et sur les autres, celui qui permet d’y voir plus clair dans ses sentiments, est tout simplement un phénomène physique rare qui ne dure qu’une seconde ou deux d'où la difficulté de le saisir et encore plus de le filmer !
« Le rayon vert est  la combinaison de deux phénomènes différents, la dispersion et la diffusion de la lumière par l’atmosphère  terrestre (beaucoup plus épaisse à l’horizon) qui joue le rôle d’un prisme. »


 

Le rayon vert

Mais revenons à nos moutons ou plutôt au roman de Jules Verne qui a d’ailleurs inspiré Eric Rohmer !

Il faut bien l’avouer Sam et Sib Melvill adorent leur nièce et sont toujours prêts à faire ses quatre volontés, mais ils ne sont pas très au fait des sentiments féminins quand ils cherchent à la marier avec le savant (et prétentieux), insipide, pour ne pas dire définitivement rasoir, Aristobulus Ursiclos. Déjà avec un nom pareil, le lecteur le moins fûté comprend que le jeune homme est in-mariable. 

Si bien que nous nous lançons avec Helena et ses oncles à la recherche du rayon vert qui décidera de son mariage. Au cours de cette quête qui se passe en Ecosse nous sommes rejoints par le jeune et courageux Olivier Sinclair, dernier « rejeton d’une honorable famille d’Edimbourg », qui s’est illustré devant la jeune fille par un héroïque sauvetage en mer dans le gouffre de Corryvrekan.

 « Le gouffre de Corryvrekan, justement redouté dans ces parages, est cité comme l’un des plus curieux endroits de l’archipel des Hébrides. Peut-être pourrait-on le comparer au raz de Sein, formé par le rétrécissement de la mer entre la chaussée de ce nom et la baie des Trépassés, sur la côte de Bretagne, et au raz Blanchart, à travers lequel se déversent les eaux de la Manche, entre Aurigny et la terre de Cherbourg. La légende affirme qu’il doit son nom à un prince scandinave, dont le navire y périt dans les temps celtiques. En réalité, c’est un passage dangereux, où bien des bâtiments ont été entraînés à leur perte, et qui, pour la mauvaise réputation de ses courants, peut le disputer au sinistre Maelström des côtes de Norvège. »
 

Pas besoin du rayon vert pour savoir ce qui va arriver !

« Peintre distingué, qui aurait pu vendre ses œuvres à haut prix s'il l'eût voulu, poète à ses heures — et qui ne le serait à un âge où toute l'existence vous sourit ? —, cœur chaud, nature artiste, il était pour plaire et plaisait sans pose ni fatuité. (…) »

D’habitude, c’est le savant qui, dans Jules Verne, a le beau rôle. Ce n’est pas le cas ici ! Aristobulus va se rendre de plus en plus insupportable car le roman ne manque pas d’humour et chaque fois que les jeunes gens vont enfin pouvoir admirer le rayon vert, que toutes les conditions sont réunies, qui surgit entre eux et l’horizon ? Devinez ? Même le lecteur a envie que le fâcheux jeune homme reste définitivement suspendu à la souche qui l’arrête quand il tombe de la falaise et d’où Olivier, charitable, le décroche ! Qui plus est, l’explication qu’il donne du rayon vert est fausse… mais on ne le savait pas à l’époque ! Pardonnons-lui !

Le roman est aussi un prétexte à une visite de l’Ecosse, de son littoral et de ses îles, de la mer, qui donne lieu à des descriptions pittoresques et détaillées du pays, ce qui n’est pas l’un des moindres intérêts de la lecture.

« C’est un curieux emplacement, ce terrain semé de pierres funéraires, où dorment quarante-huit rois écossais, huit vice-rois des Hébrides, quatre vice-rois d’Irlande, et un roi de France, au nom perdu comme celui d’un chef des temps préhistoriques. Entouré de sa longue grille de fer, pavé de dalles juxtaposées, on dirait une sorte de champ de Karnac, dont les pierres seraient des tombes, et non des roches druidiques. Entre elles, couché sur la litière verte, s’allonge le granit du roi d’Écosse, ce Duncan illustré par la sombre tragédie de Macbeth. De ces pierres, les unes portent simplement des ornements d’un dessin géométrique ; les autres, sculptées en ronde bosse, représentent quelques-uns de ces farouches rois celtiques, étendus là avec une rigidité de cadavre.
Que de souvenirs errent au-dessus de cette nécropole d’Iona ! Quel recul l’imagination fait dans le passé, en fouillant le sol de ce Saint-Denis des Hébrides ! »

 


 


 

vendredi 2 mai 2025

Jules Verne : Paris au XX siècle

 

 

Le roman d’anticipation Paris au XX siècle que Jules Verne a  écrit en 1860  n’est paru à titre posthume qu’en 1994. Il a été refusé par son éditeur Hetzel peu après la publication de Cinq semaines en ballon. J’ai lu la lettre de refus et je me suis dit que l’éditeur était bien méchant envers le pauvre jeune écrivain. J’étais décidée à bien l’aimer, ce roman !… Et bien non, il m’a agacée !

Hetzel explique à Jules Verne que son livre est raté parce que personne ne pourra croire à toutes les « prophéties » qu’il  présente pour décrire Paris dans le Futur. Et pourtant, ce qu’imagine Jules Verne est parfois extravagant mais jamais autant, finalement, que la réalité. Par exemple, il n’a pas prévu que l’on réduirait certains problèmes techniques par l’infiniment petit et non par le gigantisme, pour les machines qui ressemblent à l’ordinateur, la calculatrice, la photocopieuse. Que Paris soit devenu un port par l’aménagement d’un canal et la création de docks, que les véhicules y circulent proprement - voitures à hydrogène- sans émettre de vapeur (et oui pas de pollution), métros grâce à un système d’air comprimé, après tout, pourquoi pas ? Le moteur à air comprimé était déjà inventé et Verne voyait loin à l’adaptant aux transports, même s'il délirait un peu en utilisant les catacombes pour y stocker l’hydrogène ! Bref ! Tout cela cela ne me gêne pas !

Comme dans tout roman de science-fiction, Jules Verne critique la société de son temps à travers la présentation du futur, il prend à parti le matérialisme d’une époque tournée vers les sciences et qui accorde peu d’attention à la spiritualité et à la culture. Là aussi, c’est ce que l’on attend ! Mais cette critique trop répétitive, trop appuyée, frôle la démesure et finit par être lassante. Il n’a pas tort, pourtant, Jules Verne, lorsqu’il prévoit l’abandon du latin et du Grec dans les lycées au profit des chiffres, des mathématiques, mais il n’a plus aucune nuance quand il prévoit que les écrivains, Hugo, Balzac, Stendhal… seront tous tombés dans l’oubli.

« - Que désirez-vous, monsieur, lui dit l'employé, chef de la Section des demandes.

- Je voudrais avoir les œuvres complètes de Victor Hugo, répondit Michel.
L'employé ouvrit des yeux démesurés.
- Victor Hugo, dit-il Qu'est-ce qu'il a fait?
- c'est un des plus grands poètes du XIXe siècle, le plus grand même, répondit le jeune homme en rougissant. »


Tout est vu, raconté ou décrit pour servir son propos !  On dirait  un roman à thèse et il finit par être maladroit et lourd.

Le personnage principal, Michel, est un jeune étudiant fort en thème, c’est à dire bon à rien, selon les critères de son oncle, financier, qui l’élève et veut faire de lui un comptable  alors qu’il se veut poète. Heureusement, Michel  a un ami, musicien, un oncle du côté maternel qui est archiviste-bibliothécaire, un professeur de latin-grec doté d’une fille, l’adorable Lucy. Histoire d’amour forcément !  Il existe des gens sauvables, tout de même ! Mais les personnages sont si caricaturaux, si manichéens, (l’oncle, le cousin), si démonstratifs,(les jeunes gens) que l’intérêt est réduit. Ils  manquent de vie et d'étoffe.


Au fond, Jules Verne reste un visionnaire dans ce livre  mais le récit est plat et sans grand intérêt littéraire si ce n'est qu'il est une curiosité !

 Voir Patrice ICI

 



samedi 20 avril 2024

Jules Verne : Le phare du bout du Monde


"Au moment où le disque solaire ne montrait plus que sa partie supérieure, un coup de canon retentit à bord de l’aviso Santa-Fé, et le pavillon de la République Argentine, se déroulant à la brise, fut hissé à la corne de la brigantine. Au même instant jaillit une vive lumière au sommet du phare construit à une portée de fusil en arrière de la baie d’Elgor, dans laquelle le Santa-Fé avait pris son mouillage.
Deux des gardiens, les ouvriers réunis sur la grève, l’équipage rassemblé à l’avant du navire, saluaient de longues acclamations le premier feu allumé sur cette côte lointaine.
Deux autres coups de canon leur répondirent, plusieurs fois répercutés par les bruyants échos du voisinage. Les couleurs de l’aviso furent alors amenées, conformément aux règles des bâtiments de guerre, et le silence reprit cette Île des États, située au point où se rencontrent les eaux de l’Atlantique et du Pacifique."


C’est ainsi que, dans le roman de Jules Verne, s’allument les premiers feux du Phare du Bout du Monde dans l’île aux Etats où Jules Vernes place son récit. L'écrivain situe l'action en 1859 mais il prend pour modèle le phare de San Juan del Salvamento édifié en 1884 par la République argentine et qui fut remplacé en 1902 par le Phare Nuevo mieux situé.

L’île des Etats et le phare du Bout du Monde

 

Le phare du Bout du Monde

Le roman commence au mois de décembre, au début de la belle saison, et trois gardiens restent sur place pour veiller au bon fonctionnement du phare. Vasquez est le chef. Un peu plus âgé que ses compagnons, Felipe et  Moriz, Vasquez est doté d’une solide expérience, d’un bon sens et d’une bonhomie souriante. Ils savent tous trois que rester seuls pendant trois mois avant la relève, sur une île aussi isolée, ne va pas être de tout repos. Mais le phare est un asile solide, les provisions sont abondantes,  et ils sont motivés par leur mission qui est de sauver des vies humaines, la navigation étant extrêmement dangereuse dans ces eaux houleuses, hérissées d’écueils, en proie à  de violentes et soudaines tempêtes.

"La tour était d'une extrême solidité, bâtie avec les matériaux fournis par l'île des États. Les pierres d'une grande dureté, maintenues par des entretoises de fer, appareillées avec une grande précision, emboîtées, les unes dans les autres à queue d'aronde, formaient une paroi capable de résister aux violentes tempêtes, aux ouragans terribles qui se déchaînent si fréquemment sur cette lointaine limite des deux plus vastes océans du globe. Ainsi que l'avait dit Vasquez, le vent ne l'emporterait pas, cette tour."

Jules Verne nous explique le fonctionnement d’un phare à cette époque :

" La lanterne était donc munie de lampes à double courant d’air et à mèches concentriques. Leur flamme, produisant une intense clarté sous un petit volume, pouvait dès lors être placée presque au foyer même des lentilles. L’huile leur arrivait en abondance par un système analogue à celui des Carcel. Quant à l’appareil dioptrique disposé à l’intérieur de la lanterne, il se composait de lentilles à échelons, comprenant un verre central de forme ordinaire, qu’entourait une série d’anneaux de médiocre épaisseur et d’un profil tel que tous se trouvaient avoir le même foyer principal. Dans ces conditions, le faisceau cylindrique de rayons parallèles produit derrière le système de lentilles était transmis au dehors dans les meilleures conditions de visibilité. "

Il nous fait découvrir cette île inhabitée aux côtes déchiquetées, où les plaines du centre cèdent la place vers l’ouest à des hautes falaises et à des pics escarpés qui rendent la circulation dans l’île difficile.


Une histoire de pirates


 Cependant, si les deux premiers chapitres nous décrivent le départ de l'aviso La Santa Fé, l’installation de Vasquez et ses collègues et posent le cadre du récit, la description du travail et de la vie des gardiens va être de courte durée car c’est un récit d’aventures que Jules Verne nous propose et assez haut en couleurs !  Rapidement nous nous apercevrons que l’île n’est pas aussi inhabitée qu’il le paraît !
Le troisième chapitre intitulé La Bande Kongre nous présente des pirates qui ont fait naufrage sur l’île et attendent de pouvoir mettre la main sur un bateau pour repartir. Pendant la durée de construction du phare, ils ont vécu cachés dans une caverne entassant les provisions et les richesses des navires naufragés. Quand ils parviennent à prendre possession d’un bateau échoué encore en état de naviguer mais nécessitant des réparations, ils décident de s’installer à l’abri dans la baie d’Elgor,  d’attaquer les gardiens et de s'emparer du phare. Désormais les chapitres vont présenter en alternance les agissements des pilleurs d’épave qui sont aussi des naufrageurs et la résistance de Vasquez.   

Une leçon de navigation

Un trois-mâts


Si l’on apprend relativement peu de la vie dans un phare, par contre les pirates qui sont d’excellents navigateurs nous en apprennent beaucoup sur la navigation dans des eaux tumultueuses et sur les types de bateaux de l’aviso, le bateau de guerre qui assure la relève et est prêt à intervenir avec ses canons, à la Goélette, la Maule, que vont réparer les pirates : 

 "Dans cette position, on voyait son pont depuis le gaillard d’avant jusqu’au rouf de l’arrière. Sa mâture était intacte, mât de misaine, grand mât, beaupré, avec leurs agrès, ses voiles à demi carguées, sauf la misaine, le petit cacatois et la flèche qui avaient été serrés."

au  trois-mâts, aux baleiniers, aux steamers qui passent devant l'île ou s'y échouent.
 

"Le premier était un steamer anglais venant du Pacifique, qui, après avoir remonté le détroit de Lemaire, s’éloignait, cap au nord-est, probablement à destination d’un port d’Europe. Ce fut en plein jour qu’il passa à la hauteur du cap San Juan.
Le second navire était un grand trois mâts dont on ne put connaître la nationalité. La nuit commençait à se faire, lorsqu’il se montra à la hauteur du cap San Juan pour longer la côte orientale de l’île jusqu’à la pointe Several. "



Un vocabulaire riche sur les parties du navire : 

"Les lames avaient tout saccagé. Elles avaient arraché les planches du pont, démoli les cabines de la dunette, brisé les gaillards, démonté le gouvernail, et le choc sur les récifs avait achevé l’oeuvre de destruction."


"Il vint alors examiner la carène du côté du large. Le bordé ne paraissait pas avoir souffert. L’étrave, un peu enfoncée dans le sable, semblait intacte, de même l’étambot, et le gouvernail adhérait toujours à ses ferrures."

"Dans toute la portion comprise entre l’étrave et l’emplanture du mât de misaine, aucune avarie ne fut
constatée. Varangues, membrure, bordé étaient en bon état; chevillés en cuivre, ils ne se ressentaient pas du choc de l’échouage sur le banc de sable"
 

sur les voiles  "On hissa la trinquette et le foc… »  « Carcante fit établir  la misaine, la brigantine qui est la grande voile dans le gréement d’un goélette, puis hisser le hunier à bloc. "


 

 Henri Paasch, Illustrated Marine Encyclopedia, 1890, croquis de la poupe. 1. quille ; 2. aileron ; 3. massif d'étambot / courbe d'étambot ; 4. étambot ; 5. garniture pour bois ; 6. petites barres d'arcasse ou barres de contre-arcasse ou contre-lisses ; 7. barre d'hourdi, lisse de hourdi ou grande barre d'arcasse ; 8. jaumière ; 9. allonge de poupe (voûte) ; 10. bord (voûte) ; 11. apôtre d'étambot ; 12. jambette de voûte ; 13. allonge de côté (voûte) ; 14. couples de l'arrière ; 15. estain ; 16. couples dévoyés ou élancés ; 17. Couples droits.

 Un étambot : Partie du navire qui continue la quille à l'arrière et où se trouve le gouvernail.

 

La varangue (16) fait la jonction entre la quille (9) et les couples(14)

Une varangue est une des pièces de charpente d'un bateau, servant, dans les fonds, de liaison transversale entre la quille et les deux couples de chaque côté, à la base de la coque1.( wikipedia)

Bref ! Un livre qui entre très bien dans la thématique de Book Trip en mer.

 

 


 

mardi 12 mars 2024

Jules Verne : Les forceurs de blocus

 


 

Les forceurs de blocus est une longue nouvelle de Jules Verne parue en 1871. La guerre de Sécession ou guerre civile américaine (1861 à 1865) eut de graves répercussions en Ecosse sur l’économie du textile. Pendant La famine du coton, six-cent vingt cinq mille métiers s’arrêtèrent, des milliers d’ouvriers sans travail furent réduits à la misère, les patrons subissant des revers de fortune importants. En effet, les Etats du Sud pourvoyeur du coton cultivé par les esclaves noirs subissaient un blocus de la part des fédérés et ne pouvait ni exporter leur coton, ni recevoir de l’aide extérieure.
Le jeune capitaine James Playfer dont l’oncle,Vincent Playfer, est un riche négociant de Glascow, décide de partir en mer avec un navire à vapeur d’une rapidité exceptionnelle, The Delphin, pour forcer le blocus de Charleston. Il partira chargé d’armes et, après avoir forcé le blocus il les échangera avec du coton.

Il embarque à son bord, en plus de l’équipage, un nommé Crockston, un homme qui se dit excellent marin et son jeune neveu. Or, dès le début du voyage, Crockston se révèle complètement ignorant des choses de la marine et James Playfer comprend tout de suite que le jeune neveu est, en fait, une fille. Je pense que l’on peut le révéler tout de suite car l’intérêt du récit n’est pas là et il ne s’agit en aucune mesure d’une surprise ! En effet, si le lecteur, se doute tout de suite du travestissement, le capitaine n’est pas dupe non plus et traite avec beaucoup d’égard sa jeune et jolie passagère, Jenny Halliburtt.  
Celle-ci a embarqué avec son domestique pour rejoindre son père, journaliste des Etats du Nord, anti-esclavagiste convaincu, retenu prisonnier dans le Fort de Charleston pas les confédérés.
Et c’est là que réside l’intérêt de ce récit :  Le capitaine est avant tout un commerçant et il voit les fédérés et leur cause, l’abolition de l’esclavage, d’un mauvais oeil. Tout ce qui est néfaste au commerce attire son courroux. Face à ce matérialisme, la jeune fille, idéaliste, va plaider pour les Etats du Nord, montrer que la question de  l’esclavage prime dans cette lutte entre le Sud et le Nord,  et mettre en valeur la noblesse de la cause défendue par son père. Le jeune homme, d’abord commerçant dans l’âme, se laisse peu à peu gagner par les idéaux de la jeune fille. Les idéaux? ou les beaux yeux ? Un peu des deux mais les beaux yeux surtout ! 

Les forceurs de blocus est donc un récit d’aventure mais aussi d’amour et ne manque pas d’humour comme on le voit dans la chute de la nouvelle ! Comment les héros forceront-ils le blocus ? Echapperont-ils aux dangers de l’aventure ? Parviendront-ils à libérer le père de Jenny ? C’est ce que je vous laisse découvrir !
Un petite oeuvre peu connue de Jules Verne mais très agréable à lire et qui présente une vue originale de la guerre de Sécession vue du côté européen et des idées de Jules Verne opposé à l'esclavage.

LC  avec Violette ICI

 LC avec Fanja ICI


Chez Fanja
 


 

Chez Nathalie