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dimanche 8 mars 2020

La citation du dimanche : Camilla Grebe : les réseaux sociaux

Camilla Grebe
Dans L’ombre de la baleine, roman policier, l’écrivaine suédoise, Camilla Grebe, ne se prive pas de jeter un coup d’oeil critique sur notre société et en particulier sur notre addiction aux réseaux sociaux. Je n'ai pas encore commenté le livre mais, en attendant, voilà de quoi, nous interroger sur nous-mêmes et sur notre société.

Le syndrome du "J'en ai plus rien à foutre du temps présent"
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

L’un des personnages secondaires, Martin, est étudiant en sociologie. Il discute avec Manfred, le narrateur, et son épouse Afsaneh sur le sujet de sa thèse, le narcissisme.

« - Le narcissisme ou plus précisément, pourquoi les personnalités narcissiques sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui. (…)
J’interviens
- Mais pourquoi serions-nous devenus plus narcissiques?
Martin a un sourire en coin.
-La société a changé, les structures sociales ont éclaté, la plus petite unité n’est plus la famille, mais l’individu. S’ajoute à cela la montée en puissance des réseaux sociaux. Plus d’un milliard de personnes se connectent sur Facebook chaque mois. Un milliard. Vous imaginez ? Et les autres plateformes se développent à vitesse grand V. Il y a une forte corrélation entre la dépendance aux réseaux sociaux et le comportement narcissique. Une corrélation établie par essai clinique. En réalité, ce n’est pas étonnant - l’objectif est de montrer une façade qui permet d’engranger le plus de likes, de commentaires, enfin ce qui intéresse l’utilisateur.
- Mais les gens n’ont-ils pas toujours eu besoin de reconnaissance sociale ? demandé-je.
-Si, mais la technologie a pris en otages notre quête naturelle d’interactions et d’acceptation sociale. Aujourd’hui, il y a des gens qui ne sortent plus de chez eux, qui ne font que se prendre en photo ou se filmer dans différentes situations pour poster leurs images sur les réseaux sociaux. Et tous leurs amis sont en ligne. Ils ont fusionné avec la technologie.
-C’est un peu comme les mariages chinois (dit Afsaneh)
Il est assez courant de ne pas organiser de fête pour son mariage. Au lieu de cela, les jeunes époux se rendent chez un photographe et se font tirer le portrait avec un tas d’accessoires, verre de champagne à la main, couteau et fausse pièce montée, décors devant lesquels ils s’embrassent. Et au Japon, apparemment, on peut faire appel à des figurants pour poser sur la photo de mariage.
-  Tout à fait répond Martin.(..) Je me suis rendu à Auschwitz, l’hiver dernier : vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui prennent des selfies ! Comme si elles avaient d’avantage à coeur de montrer qu’elles y étaient allées que de réfléchir à ce qui s’y est passé.
Le visage d’Afsaneh se tord dans une grimace.
-C’est vrai ? ça m’aurait fait vomir de voir quelqu’un prendre la pose devant les chambres à gaz.
-Et pourtant c’est ce que faisaient les gens. Et ce n’est que le  début. Internet a modifié le contrat social. Celui qui régule le nombre de fois que l’on peut dire : «  regarde-moi ». Dans la vie réelle, on ne peut recevoir des commentaires positifs sans relâche comme sur Internet. Alors pourquoi se concentrer sur la vie réelle?
-Donc Facebook a gagné ?
C’était dit comme une plaisanterie, mais Martin ne sourit pas.
- Sais-tu que Facebook a explosé au moment où l’entreprise a inventé le like ?
Une certaine Leah Pearlman en a eu l’idée, si je ne m’abuse. C’était il y a près de dix ans et cette petite icône, le pouce levé, a transformé internet. Il a changé les comportements humains, il a permis à des entreprises de fleurir, à d’autres de s’effondrer. Il a fait élire et fait tomber des présidents.
- Tu n’exagères pas un peu ?
Martin secoue vivement la tête.
-Les réseaux sociaux vont transformer notre société en profondeur. Ils vont NOUS transformer en profondeur.  Et pas nécessairement en bien.


Et la solitude pour ceux qui ne suivent pas le mouvement
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

Un narcissisme accru
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

6 commentaires:

  1. Tu as chroniqué ce roman ? Je l'ai lu mais je ne me rappelle aps de ce passage... Bonnes et tristes analyses :-)

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  2. Dans la même veine, dans le dernier roman que j'ai lu (billet à venir) une femme qui passe sa vie sur les réseaux, professionnellement et personnellement, ne sait plus comment communiquer avec un "vrai" humain lorsque tout le système s'écroule (c'est une dystopie). Instagram a l'air particulièrement piégeant.

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  3. Les dessins sont bien trouves surtout le petit mome avec le ballon. Il y a de tout dur les réseaux sociaux me me du bon.

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  4. Je ne fréquente pas cette planète et je ne prends pas de selfies, c'est grave, docteur ?

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  5. Le moment présent zappé, la situation non vécue mais en image me préoccupent. À quoi bon avoir une photo de soi devant Les Ménines si on ne sait rien, ne voit ni ne comprend rien du tableau...je ne vois pas à quoi ça rime, vraiment!

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  6. Ce livre m'aurait intéressé, je pense, au moment où bien j'étais pleinement dans la vie active pour mieux communiquer avec les jeunes. Mais cela ne m'empêche pas de m'intéresser au phénomène.
    L'addiction est un bien vilain défaut, malheureusement celle-ci arrive parfois toute seule sans que la personne ne s'en rende compte et après...

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