Arthur Rimbaud |
Dans son livre Retourner dans l’obscure vallée, Santiago Gamboa, écrivain colombien, fait de Rimbaud le personnage central de l'action. Et il cite ce vers du jeune poète, adieu de Rimbaud à l"Europe :
« À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.».
Dans son discours de réception au prix Nobel, en 1973, Pablo Neruda, poète chilien, lut un un texte intitulé : Vers la ville splendide inspiré de ces vers.
Discours de Pablo Neruda pour le prix Nobel (extrait)
Pablo Neruda |
« Voici exactement cent ans, un poète pauvre et splendide, le plus atroce des désespérés, écrivait cette prophétie : « À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.» « Je crois en cette prophétie de Rimbaud, le voyant. Je viens d’une obscure province, d’un pays séparé des autres par un coup de ciseaux de la géographie. J’ai été le plus abandonné des poètes et ma poésie a été régionale, faite de douleur et de pluie. Mais j’ai toujours eu confiance en l’homme. Je n’ai jamais perdu l’espérance. Voilà pourquoi je suis ici avec ma poésie et mon drapeau. En conclusion, je veux dire aux hommes de bonne volonté, aux travailleurs, aux poètes, que l’avenir tout entier a été exprimé dans cette phrase de Rimbaud ; ce ne sera qu’avec une ardente patience que nous conquerrons la ville splendide qui donnera lumière, justice et dignité à tous les hommes. Et ainsi la poésie n’aura pas chanté en vain. » .
Santiago Gamboa |
Mais, reprend Santiago Gamboa, Rimbaud était un voyageur impénitent pour qui le voyage était synonyme de liberté et de plénitude.
Voyager, vivre, être libre.
« À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.»
« Mais vers quelles villes ?
Je me suis mille fois posé la question. Enid Starkie (son biographe) évoque la magie et l’alchimie, la lutte entre Satan et Merlin qui représenterait la fin de sa prétention à s’égaler à Dieu. D’autres parlent des cités de Dieu, dont les portes s’étaient fermées pour lui et qui s’ouvraient, ce qui pouvait être un motif de joie.
Je crois pour ma part que Rimbaud fait allusion à quelque chose de plus simple : le désir d’indiquer un chemin littéraire, celui des villes mystérieuses. Ce sont elles qui abritent des histoires passionnantes et où vivent des inconnus. Une grande partie du roman du XX siècle a emprunté cette voie. Avec cette phrase, Rimbaud scellait pour toujours le lien entre écriture et voyage, entre liberté et mystère de la création, cette solitude particulière qu’on n’éprouve que dans les hôtels et au passage des frontières.
Voyager, aller de plus en plus loin.
Et de temps en temps revenir. »
Pablo Neruda
Pablo Neruda est un poète, diplomate, homme politiques chilien. Il est né à Parral en 1904. Il écrit son premier recueil de poésies en 1923 : Crépusculaire.
Il entre dans la diplomatie, est nommé consul du Chili dans de nombreux pays dont l'Espagne où il se lie d'amitié avec Frederico Garcia Lorca et demure jusqu'au putsch de Franco et à l'assassinat du poète. Il prend alors position dans la guerre d'Espagne contre Franco, ce qui lui vaut sa révocation.
Il entame une carrière politique et devient sénateur communiste dans les provinces du Nord du Chili. Son opposition au président Gabriel Gonzales Videla l'oblige à fuir son pays pour sauver sa vie, en Europe, en Inde, au Mexique. Il publie, en 1950, son oeuvre poétique majeure "Le Chant général" où il exalte les luttes des peuples d'Amérique latine. Il revient au pays en 1952.
En 1969, il se présente à l'élection présidentielle mais il retire sa candidature pour soutenir son ami Salvador Allende, socialiste. Il obtient le prix Nobel en 1973. Il meurt peu après (vraisemblablement assassiné) à Santiago du Chili, juste après le coup d'état de septembre 1973 et le suicide du président Allende, coup d'état qui place à la tête du pays le dictateur, le général Pinochet,
- Crépusculaire (1923),
- Vingt Poèmes d'amour et une Chanson désespérée (1924),
- Résidence sur la terre (1933-1935),
- L'Espagne au Coeur (1937),
- Le Chant général (1950),
- Tout l'amour (1953),
- Odes élémentaires (1954),
- Vaguedivague (1958)
- La Centaine d'Amour (1959),
- Mémorial de l'île Noire (1964).
- L'Épée de flammes (1970)
- La Rose séparée (1972)
- J'avoue que j'ai vécu (1974)
Qu’on me laisse tranquille à présent
Qu'on s'habitue sans moi à présent
Je vais fermer les yeux
Et je ne veux que cinq choses,
cinq racines préférées
L'une est l'amour sans fin.
La seconde est de voir l'automne
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à la terre
La troisième est le grave hiver
La pluie que j'ai aimé, la caresse
Du feu dans le froid sylvestre
Quatrièmement l’été
rond comme une pastèque
La cinquième chose ce sont tes yeux
ma Mathilde bien aimée
je ne veux pas dormir sans tes yeux
je ne veux pas être sans que tu me regardes
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder
Ami voilà ce que je veux
C'est presque rien et c'est presque tout
A présent si vous le désirez
partez
J'ai tant vécu qu'un jour vous devrez m'oublier
inéluctablement
vous m'effacerez du tableau
mon coeur n'a pas de fin
Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c’est tout le contraire qui m’arrive
il advint que je vais me vivre
Il advint que je suis et poursuis
d'abord les grains qui déchirent la terre
pour voir la lumière
mais la terre mère est obscure
et en moi je suis obscur
Je suis comme un puits
et poursuis seul à travers la campagne
Le fait est que j'ai tant vécu
que je veux vivre encore autant
je ne me suis jamais senti si vibrant
je n'ai jamais eu tant de baisers
A présent comme toujours il est tôt
La lumière vole avec ses abeilles
laissez-moi seul avec le jour
Je demande la permission de naître.
La poésie de Pablo Neruda est tellement belle, de temps en temps je lis ou relis certaines de ses nombreuses citations sur Babelio.
RépondreSupprimerJ'aime ton explication sur "les villes" de Rimbaud, il faut dire que je ne m'étais jamais posé la question :-).
merci pour le poème, de qui est le portrait?
RépondreSupprimerAs-tu vu le film sur Neruda?
Avec ta présentation de Pablo Neruda, ca me donne envie de lire sa poésie que je ne connais pas... J'ai justement un de ses recueils de poèmes dans ma PAL ( la centaine d'amour)
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