Le Lien conjugal de Jim Thompson est un roman noir qui offre une vision pessimiste de l'humanité : gangsters sans scrupules, meurtriers sans états d'âme, sans code de l'honneur en vigueur pourtant, à ce qu'on dit, dans le milieu. Dans ce roman, on tue celui qui fut un partenaire s'il a cessé de vous convenir ou de vous servir, ou si l'on commence à avoir des doutes sur lui... et les doutes ne manquent pas.
Carter Mc Coy, dit Doc, vient de sortir de prison et organise un braquage avec l'aide de sa femme, Carol, de son associé Ruddy Torrento et d'un "bleu" qui apprend le métier mais sera supprimé à la première occasion.
Les trois personnages vont fuir dans une course à travers les Etats-Unis qui doit les amener à franchir la frontière. Si Ruddy Torrento surnommé Crâne de Tarte en raison de sa tête aplatie, est une brute primaire mais dangereuse, marquée par une enfance aux mains de tortionnaires, Doc représente le cerveau. Il est réfléchi, intelligent, chanceux et sympathique et sait utiliser ses qualités pour gagner les gens à sa cause, endormir la méfiance. Il est très amoureux de sa femme et réciproquement; Carol n'a pas plus de scrupules que lui lorsqu'il s'agit de se débarrasser de ceux qui les gênent. Mais la méfiance va naître entre eux et ils vont arriver à avoir peur l'un de l'autre.
L'auteur témoigne d'une grande maîtrise d'écriture, en particulier, pour ne citer qu'une scène, lorsque Carol, obligée de se cacher dans une caverne, pénètre dans un boyau rocheux, long et étroit, et doit y demeurer, allongée, pendant quarante-huit heures dans une obscurité totale. Elle est alors en proie - et le lecteur avec elle- à une crise de panique insurmontable. Le style est si précis, si violent, faisant appel à tout le vocabulaire des sens, que nous sommes plongés dans l'angoisse, suffoquant comme si nous étions enfermée vivants dans un cercueil dont il serait impossible de soulever le couvercle.
La plus grande partie du roman est très réaliste mais finit en fable : Le manipulateur sera manipulé, trouvera plus fort que lui et recevra le juste châtiment. Ainsi, le couple Mac Coy parviendra à atteindre un pays sur lequel règne un tyran qui les oblige à dépenser toute leur fortune pour lui, les déshumanise toujours un peu plus, jusqu'au moment où, ruinés, ils finiront par être rejetés et détruits. Vision d'une société avide de profit, qui ne s'intéresse qu'aux riches, qui exploite les individus, les pousse à la consommation avant de les consommer eux-mêmes quand ils n'ont plus de raison d'être! Vous avez dit... Capitalisme?
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