Dans Une femme (Una Donna) publié en 1906, Sibilla Aleramo publie une autobiographie romancée et raconte un fait inouï pour l’époque : Comment elle a quitté son mari et a dû pour cela abandonner son fils.
Sibilla Aleramo, de son vrai nom Rina Faccio, commence son récit avec son enfance, petite fille déchirée entre un père qu’elle admire et une mère effacée, qui ne supporte pas les infidélités de son mari. La fillette est d’une grande intelligence et son père adoré dirige son éducation, lui donnant lui-même des cours, l’incitant à lire, développant en elle des connaissances précoces. A 13 ans, l’enfant travaille dans l’usine de son père comme comptable et l’aide à la gestion. Mais celui-ci se désintéresse de sa famille pour s’installer avec une autre femme et l’adolescente souffre beaucoup de cet abandon qui la laisse seule avec ses frères et soeurs, sa mère sombrant progressivement dans la folie. Aussi quand elle est violée à l’âge de 15 ans par un employé de son père, elle ne peut se confier à personne et se persuade qu’elle doit l’épouser. C’est le début d’une vie conjugale horrible où la jeune femme -elle a 16 ans- doit abdiquer toute personnalité, se fondre dans son rôle d’épouse, face à un mari jaloux et violent qui l’humilie et la bat. La société conformiste et étriquée de province accentue son isolement. Seule la naissance de son fils lui apporte la joie et l’amour. Pour lui, elle accepte encore des années de souffrance mais après sa tentative de suicide, elle comprend qu’elle ne peut plus continuer ainsi, c’est une question de survie ! Pour être libre, retrouver sa dignité et aussi pour avoir le droit d’écrire, de devenir l’écrivain qu’elle porte en elle, elle s’enfuit de son foyer en laissant son enfant derrière elle. Elle n’obtiendra jamais le droit de le revoir. Un geste si douloureux qu’elle en portera la blessure toute sa vie.
J’ai aimé ce récit écrit dans un style simple, limpide et sobre. Ce témoignage émouvant et douloureux montre toute l’horreur de la condition féminine la fin du XIX siècle et au début du XX ème en Italie. Au XVII ème siècle la peintre, Artemisia Gentileschi, était elle aussi prête à épouser son violeur pour « réparer » la faute. On voit que la situation féminine n’a pas beaucoup évolué tant de siècles après ! Sibilla Aleramo mène une réflexion intéressante et intelligente sur les grands problèmes liés au statut de la femme. Elle y répond à sa manière en montrant que oui, la femme peut gagner sa liberté.
Si ce récit a fait scandale à sa parution auprès de la bonne société italienne catholique et pratiquante, il a placé Sibilla Aleramo au rang d’icône du féminisme, à l’époque et encore de nos jours …
Et comment peut-elle devenir une femme si ses parents la donnent, innocente, fille, incomplète, à un homme qui ne la regarde pas comme son égale, mais qui en use comme d’un objet dont il est le propriétaire….
Sibilla Aleramo écrit ses impressions, ses notes s’accumulent :
Une ardeur secrète courait dans ces feuillets que je commençais à aimer comme quelque chose qui serait le meilleur de moi-même, comme s’ils m’assuraient que je pourrais vivre intensément et utilement. Vivre ! je voulais désormais non plus seulement pour mon fils, mais pour moi, pour tous.
La liberté
Penser, penser ! Comment avais-je pu vivre tant de jours sans penser ? Les personnes, les choses, les livres, les paysages, tout provoquait chez moi désormais d’interminables réflexions.
Mon prochain billet présentera une autre oeuvre de Sibilla Aleramo : Le Passage
Extraits de Une femme
Sibilla Aleramo réfléchit à la condition de la femme et en particulier lorsque celle-ci devient mère. Mais qu’est ce qu’une « bonne mère » ?
Mais la bonne mère ne doit pas être comme la mienne une pauvre créature à sacrifier : elle doit être une femme, une personne humaine.Et comment peut-elle devenir une femme si ses parents la donnent, innocente, fille, incomplète, à un homme qui ne la regarde pas comme son égale, mais qui en use comme d’un objet dont il est le propriétaire….
Sibilla Aleramo écrit ses impressions, ses notes s’accumulent :
Une ardeur secrète courait dans ces feuillets que je commençais à aimer comme quelque chose qui serait le meilleur de moi-même, comme s’ils m’assuraient que je pourrais vivre intensément et utilement. Vivre ! je voulais désormais non plus seulement pour mon fils, mais pour moi, pour tous.
La liberté
Penser, penser ! Comment avais-je pu vivre tant de jours sans penser ? Les personnes, les choses, les livres, les paysages, tout provoquait chez moi désormais d’interminables réflexions.
Mon prochain billet présentera une autre oeuvre de Sibilla Aleramo : Le Passage
Sibilla Aleramo
Sibilla Aleramo, pseudonyme de Rina Faccio, est une écrivaine italienne, née à Alexandrie dans le Piémont le 14 août 1876 et morte à Rome le 13 janvier 1960.
Sibilla Aleramo, pseudonyme de Rina Faccio, est une écrivaine italienne, née à Alexandrie dans le Piémont le 14 août 1876 et morte à Rome le 13 janvier 1960.
Mariée à 16 ans à l'homme qui l'avait violée, elle écrit son premier roman Une femme, en 1906 après avoir quitté son mari et son enfant. Le livre, qui connaît immédiatement un grand succès, est traduit en plusieurs langues. Féministe, militante communiste, Sibilla Aleramo a toujours lutté pour la cause des pauvres.
J'ai dévoré ton billet, Claudialucia. Quand j'ai lu "Ursa minor", trouvé par hasard, je me suis intéressée à Sibilla Aleramo, j'ai cherché après ce roman sans le trouver. Je le lirais volontiers, je vois qu'il a été republié aux éditions des Femmes.
RépondreSupprimerOui, effectivement, tu le trouveras aux éditions des Femmes et on peut lire "Le passage" en ligne sur Wikisource.
SupprimerHeureuse de te retrouver
RépondreSupprimerje crois avoir lu quelque chose d'elle mais je n'arrive pas à m'en souvenir vraiment
Un destin cruel qui ressemble à bien d'autres destins hélas
Un destin cruel mais une femme forte, instruite, intelligente et d'un milieu social qui a favorisé cette intelligence dans l'enfance quand son père s'occupait d'elle. .. Il faut tout cela pour qu'un femme puisse s'en sortir à cette époque.
SupprimerC'est une histoire terrible, trop courante hélas sous toutes les latitudes. Je note le nom de cette auteure.
RépondreSupprimerTu as raison. C'est encore vrai de nos jours dans certains pays.
SupprimerTurquie : "Tous les condamnés pour viol en Turquie n'auront peut être pas à effectuer leur peine. Jeudi 17 novembre, le Parlement a voté en première lecture, une proposition de loi soumise par le gouvernement, allant dans ce sens. Elle doit permettre d'annuler toute condamnation pour agression sexuelle "sans force, ni menace ou contrainte" sur mineur commise avant le 11 novembre 2016, si l'agresseur épouse sa victime. Elle doit passer en deuxième lecture avant d'être définitivement adoptée."
j'aime beaucoup l'expression "agression sexuelle sans contrainte" !!
J'ai envie de lire cette autobio ! Je découvre car je ne connais pas trop les auteurs italiens. Tiens, je lis Goliarda Sapienza (romancière italienne aussi) qui est aussi féministe.
RépondreSupprimerJe viens de découvrir Sibilla Aleramo et je ne connais âs Goliarda Sapienza.
Supprimertu reviens avec une historie marquante! J'espère que les soucis s'arrangent... Bises!
RépondreSupprimerOui cela va mieux ! Merci ! Comme je le dis à Maggie, je viens de découvrir cette auteure et effectivement son histoire est marquante. C'est pour cela qu'elle a eu un tel impact mais aussi parce qu'elle est bien écrite.
SupprimerUn bien triste destin. Devoir abandonner son fils pour toujours.. quel déchirement ! Mon moral n'étant actuellement pas au top, j'évite de lire ce genre de témoignage.
RépondreSupprimerEspérons qu'avec les dénonciations de plus en plus nombreuses, tant par les médias que sur les réseaux sociaux, les hommes hésiteront désormais à reproduire ce genre d'ignominie envers les jeunes femmes.
En souhaitant que tes soucis soient définitivement terminés, je t'embrasse bien amicalement
Merci Tilia !
SupprimerLes femmes ne sont pas encore au bout de leurs peines. Quand je lis ton billet sur ADN et que je vois qu'en 1896, les femmes réclamaient déjà " à travail égal, salaire égal "!! En France, il y a une progression. C'est long mais...
Heureuse de vous retrouver.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas du tout cet écrivain. On l'a mariée à l'homme qui l'avait violée ! .... Je pense que ce qu'elle a écrit est encore tout à fait d'actualité.
Merci pour la découverte.
Bonne journée.
Merci à toi!
SupprimerD'actualité, oui. J'ai cité, en réponse à Aifelle, un extrait de journal sur la loi que voulait faire passer Erdogan en 2016.Incroyable, horrible !
Je ne connais pas du tout cette auteure qui semble très "en avance" sur son temps. Je suis heureux de te retrouver et te remercie de tes encouragements. J'ai quelques billets à poster même si je pense ne reprendre que parcimonieusement. De toute façon je continuerai de rendre visite à mes blogs amis. Il n'y en a pas tant que ça. Je te souhaite le meilleur, Claudia.
RépondreSupprimerMerci Eeguab... Et à bientôt !
SupprimerEn avance, oui, mais disons qu'elle n'était pas la seule ! Et Sand l'était aussi ! Et va voir le billet de Tilia aussi.
merci, merci! je ne connaissais pas et c'est un tort que je vais réparer tout de suite!
RépondreSupprimerUne découverte pour moi aussi !
SupprimerRavie de te relire ! Et avec un billet fort alléchant, en plus !
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerBien contente de te retrouver ! Je ne connaissais pas du tout cette auteure. En effet le chemin a été long, et difficile et l'est encore !
RépondreSupprimerMerci de nous faire cp.naitre cette auteure . Je note pour le challenge du mois italien
RépondreSupprimerLe problème restant que ce sont principalement des femmes qui lisent ces livres. En parler aujourd'hui autour de nous est tellement important.
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