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lundi 14 juillet 2025

Corneille : Le menteur et l'Illusion comique au festival OFF d'Avignon 2025

 

Quand j'étais au collège, on étudiait une pièce de Corneille et une pièce de Racine par année et il s'agissait des tragédies, le genre considéré comme noble à l'époque classique, au siècle de Louis XIV, la comédie étant un genre inférieur. Molière s'en plaignait : "C'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ". Bref ! c'est le contraire de nos jours. Au festival d'Avignon 2025, deux comédies cette année et une seule tragédie, toujours Le Cid.   

Le Menteur de Corneille que ma petit-fille a vu trois fois déjà est un spectacle génial, enlevée, un hommage brillant, amusant, au théâtre, traitée comme une opérette où chacun chante sa partition. Le Menteur, Dorante, jeune étudiant à Poitiers, arrive à Paris où, au jardin des Tuileries, il rencontre deux jeunes filles et tombe amoureux de l'une d'entre elle. Il faut dire que celle-ci est interchangeable, le jeune homme ayant un coeur d'artichaut ! L'intrigue repose sur une méprise au sujet des prénoms des jeunes filles et va l'entraîner de mensonge en mensonge... toujours plus énorme. Comment va-t-il pouvoir s'en sortir ? Lui-même se le demande et il faut être brillant pour retomber toujours sur ses pieds. En fait Corneille, loin d'être moraliste, ne se préoccupe pas de punir le menteur, au contraire, puisque la pièce se termine :

"Comme en sa propre fourbe un menteur s’embarrasse !
Peu sauroient comme lui s’en tirer avec grâce.
Vous autres qui doutiez s’il en pourroit sortir,
Par un si rare exemple apprenez à mentir."  

Le mensonge, après tout, n'est-il pas le propre de  la comédie et le dramaturge n'est-il pas un habile menteur ?

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette seconde ( pour moi puisque je l'ai vue l'année dernière)  représentation de la pièce. Ils vont fêter la 400ième à Paris cette année. Les mimiques du menteur (Alexandre Bierry) dont la gestuelle, les expressions  du visage font  passer tous les sentiments et provoquent le rire tant on a l'impression de le voir réfléchir à toute allure pour inventer un nouveau mensonge. Ils forment avec son valet (Benjamin Boyer) un couple hautement comique ! Et tous les autres comédiens sont bons. La musique d'opérette donnent un rythme enlevé, vif et gai, au récit et crée parfois un effet amusant dans le contexte comme lorsque les comédiens entonnent la chanson de Barbara : Dis quand reviendras-tu ?

J'ai noté aussi  la  façon dont Corneille se parodie lui-même en faisant dire au père de Dorante : "O vieillesse ennemie !".

 

Mon avis 2024

Voilà ce que j'écrivais l'année dernière 

L’action de la comédie de Corneille Le Menteur se déroule dans un décor mobile figurant les maisons des jeunes filles qui s’ouvrent pour suggérer de larges espaces comme les jardins des Tuileries et rappellent aussi un castelet, les visages des personnages apparaissant dans le cadre des fenêtres comme des marionnettes. Il faut dire que tous vont bien se laisser mener en bateau par Dorante qui tire les ficelles !

 On y voit un hilarant Dorante (Alexandre Bierry excellent avec un vrai tempérament comique)  se débattre dans des mensonges toujours plus énormes, toujours plus invraisemblables et l’on attend, bien sûr, qu’il s’emmêle les pinceaux et finisse par recevoir le châtiment qu’il mérite ! Et bien non ! Il retombe toujours sur ses pieds. A moins que l’obligation de se marier à la fin de la comédie ne soit une punition ! Pour un séducteur débutant, ce n’est vraiment pas de chance !

Dorante forme avec Cliton (Benjamin Boyer, lui aussi très bon, très amusant) un couple Maître-Valet qui n’est pas sans évoquer celui de Dom Juan et de Sganarelle, avec des ressorts comiques bien rôdés : la stupéfaction et la réprobation de Cliton effaré par les mensonges de Dorante qui paraît souvent en mauvaise posture mais prend de plus en plus d’assurance. Tout va crescendo ! Le reste de la distribution est au diapason.
 A la manière d’une opérette, l’intrigue  est rythmée par des chansons, des musiques légères, entraînantes. La mise en scène de Marion Bierry est vive, enlevée, étourdissante! Un vrai plaisir théâtral !  Une réussite  

LE MENTEUR DE CORNEILLE    LE GIRASOLE

De Corneille
Mise en scène Marion Bierry

du 4 au 26 juillet
relâches les mardis
durée 1h30

Avec Alexandre Bierry, Stéphane Bierry, Benjamin Boyer, Marion Lahmer, Mathilde Riey, Mathurin Voltz

Décor Nicolas Sire
Costumes Virginie Houdinière
Lumières Laurent Catsaingt
Assistant Mise en scène Denis Lemaître

BMS Productions, Collectif Asap

 

Corneille L'illusion comique



« Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes / Qu'ont éloigné de moi des traitements trop rudes »

Désespéré par la disparition de son fils Clindor, dix ans plus tôt, Pridamant vient consulter le magicien Alcandre afin qu’il lui révèle le destin de son héritier, maltraité et fugueur. Alcandre propose à Pridamant de lui montrer, sous la forme de figures animées, la vie de son fils depuis son départ: après des années d’errance, celui-ci se retrouve au service de Matamore, bouffon et amoureux d’Isabelle. Profitant de son statut d’intermédiaire, Clindor séduit Isabelle ainsi que sa suivante Lise. Intrigues, trahisons, fugues, prison, exil : le scénario cinématographique de cet « étrange monstre » aboutit dans le sang, la crise conjugale, la tragédie et le dévoilement du mensonge.

Après Le Jeu de l’amour et du hasard, F
rédéric Cherboeuf et le Collectif l’Émeute revisitent avec insolence cette pièce virevoltante dans un spectacle où le music-hall côtoie la comédie romanesque.
Et si les images comme les sentiments n’étaient qu’une illusion? Et si Corneille avait inventé le cinéma 250 ans avant les frères Lumière ? Les enjeux et les audaces de cette pièce labyrinthique font de l'Illusion comique l'œuvre la plus moderne de l’auteur du Cid.


Mon avis

 Pridamant n'a plus vu son fils Clindor depuis dix ans et ne sait ce qu'il est devenu. Il se sent responsable de la rupture et vient consulter un magicien, Alcandre, pour savoir ce que Clindor est devenu.

Alcandre convoque des images, des illusions,  qui racontent au père éploré ce qu'a été, après son départ, la vie de son fils qui a vécu des aventures picaresques au service du capitaine Matamore. Corneille crée ici le personnage du Matamore qui incarne le type du " faux brave,  un vantard plus courageux en paroles qu'en réalité " selon la définition du dictionnaire. Suit une histoire d'amour contrarié qui amène Clindor en prison. Il s'en évade  et avec sa bien-aimée Isabelle fuit en Angleterre. Mais le dernier acte est une tragédie puisque Clindor, infidèle à Isabelle, se fait tuer avec sa maîtresse Rosine par le mari, le prince Florilame, qui enlève Isabelle dont il est amoureux.

Tragédie ou faux-semblant ? Je ne vous en dis pas plus ! Mais sachez que Corneille est un virtuose génial! Cette pièce, théâtre dans le théâtre, est une suite de mises en abyme, imbriquées les unes dans les autres, qui perd complètement le spectateur. Celui-ci ne sait plus où est la réalité. La pièce plus proche du baroque que du clacissisme,  est en fait, un peu comme Le Menteur, mais plus explicitement, un hommage au théâtre et au métier de comédien. 

 Le metteur en scène Frédéric Cherbeuf et les comédiens du  collectif de l'Emeute sont les chéris de ma petite-fille (15 ans). Elle va assister ce soir à la représentation de Le Jeu de l'amour et du hasard pour la quatrième fois en deux ans (au festival 2024, trois fois) ! Si j'avais une critique à formuler, je dirai que, comme dans Le jeu de l'amour et du hasard le décor est "une guinguette"  ou plutôt un bar mais le choix me paraît ici plus judicieux que dans Marivaux car la vie du picaro dont s'est inspiré Corneille l'amène plus facilement dans ce lieu que la jeune Silvia, fille chérie, choyée et protégée de monsieur Orgon.  L'utilisation de la vidéo pour montrer l'évasion de Clindor, la projection sur une toile de la neige qui tombe sur le décor tragique du dénouement m'ont plu. Les comédiens  sont  convaincants avec peut-être un petit bémol pour le personnage de Matamore qui est plutôt traité comme un personnage un peu gâteux, plutôt que comme un vantard insupportable, un  (faux) foudre de guerre ! Mais dans l'ensemble L'Illusion comique est un agréable moment théâtral. J'ai vraiment bien aimé. Léonie aussi !

 

 CORNEILLE L'ILLUSION COMIQUE

informations
du 5 au 26 juillet relâche les 8, 15, 22 juillet
10h00 1h30
FACTORY (LA) - 1-Théâtre de l'Oulle
Salle : OULLE (THÉÂTRE DE L') 

équipe artistique
Frédéric Cherboeuf - Mise en scène
Julie Cecchini - Interprétation
Adib Cheikhi - Interprétation
Matthieu Gambier - Interprétation
Jérémie Guilain - Interprétation
Lucile Jehel - Interprétation
Alain Rimoux - Interprétation
Marc Schapira - Interprétation
Justine Teulié - Interprétation
Sabine Arman - Presse
Florence Banks - Collaboration artistique
Adib El-Bouzaidi Cheikhi - Collaboration artistique
Matthieu Gambier - Scénographie
Lucile Jehel - Costumes
Jules Morain - Production
Camille Riey - Création son
Aurélie Saget - Régie générale
Oriane Trably - Création lumière
Collectif l'Émeute et JUMO Production
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
Le Collectif « L’ÉMEUTE » est né de la rencontre d'une dizaine de jeunes comédien.ne.s et de professeurs du Cours Florent désireux de mettre en pratique leur expérience d’école, leur désir de théâtre et leur goût pour le travail de troupe.

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