Lady Suzan est le premier roman de Jane Austen qui l'a écrit alors qu'elle n'avait que 18 ou 19 ans. Elle n'a jamais songé à le publier. Il ne parut qu'en 1871, soit 54 ans après sa mort.
Ce court roman épistolaire ne manque pourtant pas de piquant. L'ironie lucide et caustique de Jane Austen s'y exerce avec finesse. Certes, il ne s'agit pas d'un de ses grands romans, mais cette oeuvre de jeunesse est un petit régal! Il est regrettable que l'écrivaine le termine, malheureusement, de façon si abrupte comme si elle s'en désintéressait.
Plusieurs personnages s'y croisent mais les deux principales sont Lady Suzan Vernon et Catherine Vernon, sa belle-soeur. Elle s'adressent toutes deux à des destinataires différents, Lady Suzan principalement à sa meilleure amie Alicia Johnson, et Madame Vernon à sa mère Lady de Courcy dont elles reçoivent des réponses qui complètent le récit. D'autres correspondants interviennent aussi, ce qui permet à travers ces échanges de suivre l'histoire mais aussi de découvrir tous les protagonistes du roman. Ainsi Lady Suzan si l'on en croit sa première lettre où elle réclame l'hospitalité à son frère est une femme honorable, veuve éplorée, injustement décriée par des amis et surtout par madame Manwaring qui l'accuse de coquetterie envers son mari. Elle adore sa fille Frédérica, désagréable et sauvage, dont l'éducation la préoccupe beaucoup. Elle est donc obligée de la mettre en pension, ce qu'elle ne fait qu'avec tristesse.
Mais les écrits qu'elle envoie à sa meilleure amie Madame Johnson présentent un autre éclairage : Lady Suzan est la maîtresse de M. Manwaring, elle déteste sa fille dont elle n'a pas envie de s'occuper. Elle veut la marier de force à Sir James et l'envoie en pension pour l'obliger à y consentir.
Les lettres de madame Vernon contrainte de recevoir lady Suzan chez elle, nous permettent de compléter le tableau. Lady Suzan a jeté son dévolu sur le frère de madame Vernon, Reginald de Courcy et entreprend de le séduire tout en continuant à voir son amant Manwaring. Frédérica se révèle une jeune fille charmante et timide, terrorisée par sa mère mais décidée à refuser le mariage que cette dernière veut lui imposer. De plus, elle tombe amoureuse de Reginald alors que celui-ci qui n'a d'yeux que pour sa mère. Lady Suzan arrivera-t-elle à ses fins? Fréderica et Reginald seront-ils ses victimes?
Ces lettres permettent une variation du point de vue et nous éclairent sur la vérité des caractères au-delà des apparences. Jane Austen nous livre là une comédie amère et mordante de la société de son temps.
Le cynisme dont font preuve les deux amies, Suzan et Alicia, dans leur correspondance nous montrent des femmes coquettes et égoïstes, uniquement préoccupées d'elles-mêmes, intéressées et même avides, habituées à s'épauler pour tromper leur mari. Plus encore que l'immoralité de Lady Suzan, c'est son hypocrisie que l'auteure fustige. Lady Suzan se sert de sa beauté mais aussi du beau langage, de l'art de convaincre, comme d'une arme. Elle sait que la beauté n'est pas tout, là où il n'y pas l'intelligence.
L'ironie déployé par Austen à propos de ces dames est assez jubilatoire. Je vous laisse en juger!
Ce court roman épistolaire ne manque pourtant pas de piquant. L'ironie lucide et caustique de Jane Austen s'y exerce avec finesse. Certes, il ne s'agit pas d'un de ses grands romans, mais cette oeuvre de jeunesse est un petit régal! Il est regrettable que l'écrivaine le termine, malheureusement, de façon si abrupte comme si elle s'en désintéressait.
Plusieurs personnages s'y croisent mais les deux principales sont Lady Suzan Vernon et Catherine Vernon, sa belle-soeur. Elle s'adressent toutes deux à des destinataires différents, Lady Suzan principalement à sa meilleure amie Alicia Johnson, et Madame Vernon à sa mère Lady de Courcy dont elles reçoivent des réponses qui complètent le récit. D'autres correspondants interviennent aussi, ce qui permet à travers ces échanges de suivre l'histoire mais aussi de découvrir tous les protagonistes du roman. Ainsi Lady Suzan si l'on en croit sa première lettre où elle réclame l'hospitalité à son frère est une femme honorable, veuve éplorée, injustement décriée par des amis et surtout par madame Manwaring qui l'accuse de coquetterie envers son mari. Elle adore sa fille Frédérica, désagréable et sauvage, dont l'éducation la préoccupe beaucoup. Elle est donc obligée de la mettre en pension, ce qu'elle ne fait qu'avec tristesse.
Mais les écrits qu'elle envoie à sa meilleure amie Madame Johnson présentent un autre éclairage : Lady Suzan est la maîtresse de M. Manwaring, elle déteste sa fille dont elle n'a pas envie de s'occuper. Elle veut la marier de force à Sir James et l'envoie en pension pour l'obliger à y consentir.
Les lettres de madame Vernon contrainte de recevoir lady Suzan chez elle, nous permettent de compléter le tableau. Lady Suzan a jeté son dévolu sur le frère de madame Vernon, Reginald de Courcy et entreprend de le séduire tout en continuant à voir son amant Manwaring. Frédérica se révèle une jeune fille charmante et timide, terrorisée par sa mère mais décidée à refuser le mariage que cette dernière veut lui imposer. De plus, elle tombe amoureuse de Reginald alors que celui-ci qui n'a d'yeux que pour sa mère. Lady Suzan arrivera-t-elle à ses fins? Fréderica et Reginald seront-ils ses victimes?
Ces lettres permettent une variation du point de vue et nous éclairent sur la vérité des caractères au-delà des apparences. Jane Austen nous livre là une comédie amère et mordante de la société de son temps.
Le cynisme dont font preuve les deux amies, Suzan et Alicia, dans leur correspondance nous montrent des femmes coquettes et égoïstes, uniquement préoccupées d'elles-mêmes, intéressées et même avides, habituées à s'épauler pour tromper leur mari. Plus encore que l'immoralité de Lady Suzan, c'est son hypocrisie que l'auteure fustige. Lady Suzan se sert de sa beauté mais aussi du beau langage, de l'art de convaincre, comme d'une arme. Elle sait que la beauté n'est pas tout, là où il n'y pas l'intelligence.
L'ironie déployé par Austen à propos de ces dames est assez jubilatoire. Je vous laisse en juger!
Extrait d'une lettre d'Alicia Johnson à lady Zuzan. Madame Johnson pensait profiter de l'absence de son mari qui partait à Bath pour s'amuser avec son amie et ses soupirants.
M. Johnson a trouvé le moyen le plus efficace de tous nous tourmenter. J'imagine qu'il a entendu dire que vous seriez bientôt à Londres et sur le champ il s'est arrangé pour avoir une attaque de goutte suffisante pour retarder, à tout le moins, son voyage à Bath, sinon pour l'empêcher tout à fait.
Réponse de Lady Suzan
Ma chère Alicia, quelle erreur n'avez-vous pas commise en épousant un homme de son âge - juste assez vieux pour être formaliste, pour qu'on ne puisse avoir prise sur lui et pour avoir la goutte-, trop sénile pour être aimable et trop jeune pour mourir.
Mais si les femmes sont malmenés par sa plume acerbe, les hommes ne sont pas épargnés! Le frère de Lady Suzan est un homme bon mais sans caractère, incapable de juger ce que fait sa soeur, ni d'avoir un peu d'autorité
Monsieur Vernon qui, comme on a déjà dû s'en apercevoir ne vivait que pour faire ce que l'on attendait de lui...
Quant à Reginald qui, au départ, se croit supérieur à Lady Suzan et la méprise, il n'a que ce qu'il mérite en tombant dans les filets de la dame et en ayant le coeur brisé! Brisé? Encore que...
Reginald de Courcy à force de paroles adroites, de flatteries, de ruses, fût amené à prendre du goût pour elle*, ce qui, compte tenu du temps nécessairement imparti à vaincre son attachement pour la mère, à renoncer à tout autre lien et à prendre les femmes en abomination, pouvait être raisonnablement attendu dans un délai d'un an. Trois mois peuvent suffire en général, mais Reginald avait des sentiments qui n'étaient pas moins vivaces qu'ardents. * Frederica
M. Johnson a trouvé le moyen le plus efficace de tous nous tourmenter. J'imagine qu'il a entendu dire que vous seriez bientôt à Londres et sur le champ il s'est arrangé pour avoir une attaque de goutte suffisante pour retarder, à tout le moins, son voyage à Bath, sinon pour l'empêcher tout à fait.
Réponse de Lady Suzan
Ma chère Alicia, quelle erreur n'avez-vous pas commise en épousant un homme de son âge - juste assez vieux pour être formaliste, pour qu'on ne puisse avoir prise sur lui et pour avoir la goutte-, trop sénile pour être aimable et trop jeune pour mourir.
Mais si les femmes sont malmenés par sa plume acerbe, les hommes ne sont pas épargnés! Le frère de Lady Suzan est un homme bon mais sans caractère, incapable de juger ce que fait sa soeur, ni d'avoir un peu d'autorité
Monsieur Vernon qui, comme on a déjà dû s'en apercevoir ne vivait que pour faire ce que l'on attendait de lui...
Quant à Reginald qui, au départ, se croit supérieur à Lady Suzan et la méprise, il n'a que ce qu'il mérite en tombant dans les filets de la dame et en ayant le coeur brisé! Brisé? Encore que...
Reginald de Courcy à force de paroles adroites, de flatteries, de ruses, fût amené à prendre du goût pour elle*, ce qui, compte tenu du temps nécessairement imparti à vaincre son attachement pour la mère, à renoncer à tout autre lien et à prendre les femmes en abomination, pouvait être raisonnablement attendu dans un délai d'un an. Trois mois peuvent suffire en général, mais Reginald avait des sentiments qui n'étaient pas moins vivaces qu'ardents. * Frederica
Féroce, Jane Austen, je vous l'avais dit! Et dire que certain(e)s la jugent romantique! J'ai parfois l'impression de lire du Voltaire dans le domaine du sentiment!
Voici un livre de Jane Austen que je n'avais pas encore lu. C'est chose faite aujourd'hui grâce à la lecture commune du blogclub!
Voici un livre de Jane Austen que je n'avais pas encore lu. C'est chose faite aujourd'hui grâce à la lecture commune du blogclub!
C'est vrai que Jane Austen a un talent pour la satyre de ces contemporains. C'est pour ça que ça m'énerve terriblement que beaucoup ne voient en elle qu'une auteur versant dans la romance...
RépondreSupprimerje viens de regarder une version de Orgueil et préjugés, fidèle au roman, et, oui, pas tellement de romantisme, mais de la raison, et l'appréciation de la richesse des gens...Plus les dialogues ciselés...
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord avec toi ce petit roman est un vrai plaisir
RépondreSupprimerje n'ai pas lu ce petit roman mais déjà deux billets qui me donnent envie de réparer ça très vite. Qui a donc pu dire que Jane Austen était romantique? Sa plume est bien trop acide et lucide!
RépondreSupprimeroup j'ai fait une fausse manoeuvre
RépondreSupprimerje disais donc que j'ai beaucoup aimé ce court roman que j'ai en fait écouté, exccellent
une jane Austen féroce et ironique loin de l'image du romantisme
La finesse de la plume est exquise!
RépondreSupprimerTout le monde en rajoute une couche aujourd'hui, je vais les sortir mes deux euros !
RépondreSupprimer@ Eiluned : Moi aussi je trouve Jane Austen excellente dans la critique sociale. J'adore son ironie qu'elle manie aussi bien qu'un Voltaire mais en l'appliquant à la société qui est la sienne et aux sujets qu'elle connaît.
RépondreSupprimer@ Keisha : Orgueil et préjugés est considéré comme son son chef d'oeuvre, ce qui me semble très juste.
RépondreSupprimerLady Suzan est un premier roman, certainement pas retravaillé et qui ne l'a pas assez intéressée pour qu'elle le reprenne et le finisse. Il n'est pas assez développé et sa fin est un peu bâclée. Et c'est dommage car il a déjà toutes les qualités en gestation de ses grands romans!
@ Christime : oui un petit régal! Dire qu'elle l'a écrit à 18-19 ans! Elle était précoce la demoiselle!
RépondreSupprimer@ Gwen : Je pense que ce sont les films qui ont donné à Austen une aura romantique. Ils édulcorent sa "méchanceté" et insistent surtout sur l'histoire d'amour. Mais c'est vrai que l'amour chez Austen est toujours soumis au contrôle de la raison et de l'estime comme Elizabeth de Orgueil et préjugés.. Tout le contraire de la passion romantique. Celles qui se laissent conduire par le sentiment le paie très cher comme la Marianne de Raison ou sentiment ou alors sont des petites dindes comme la petite soeur d'Elizabeth...
RépondreSupprimer@ Dominique : oui, un bon roman où elle aiguise ses quenottes contre la société avant de devenir redoutable!
RépondreSupprimer@ Clara : Je suis très sensible à la finesse de son humour et à la férocité de ses traits satiriques.
RépondreSupprimer@ aifelle : et oui au diable l'avarice et les avaricieux! Sors les donc tes deux euros!
RépondreSupprimerTu me donnes envie de relire ce texte pour me délecter de cette férocité et cette ironie si mordante ! Par contre, je me souviens avoir été déçue par le traitement du roman épistolaire, très superficiel : un roman de narration classique aurait tout aussi bien pu contenir cette intrigue. Les différents points de vue par exemple n'étaient pas assez exploités, selon moi, mais j'ai l'impression de m'être trompée à la lecture de ton billet...
RépondreSupprimer@ Minou : Non, c'est vrai que c'est assez rapide, que l'on aimerait que le roman aille plus loin, développe le récit et les caractères. Mais Jane Austen l'a écrit quand elle était très jeune et ne l'a probablement pas achevé. Ensuite, elle l'a recopié quelques années après, le roman épistolaire était moins à la mode, elle n'a pas dû avoir envie de le reprendre. Mais tel qu'il est, trop rapide, imparfait donc, inachevé, c'est déjà un petit bijou d'ironie et de malice.
RépondreSupprimerTu as raison de souligner l'a^ge de Jane Austen quand elle a écrit ce livre. Quel sens de l'observation et de l'analyse pour un si jeune a^ge ! Quant à la plume, n'en parlons pas...
RépondreSupprimersylire : oui, je trouve que son âge est important car pour un premier roman il y a déjà une force dans l'analyse!
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