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dimanche 18 septembre 2011

Pierre Boulle : la Planète des singes




Un livre, un film: Réponse à l'énigme (2)

Merci aux participantes et bravo à toutes celles qui ont trouvé le titre du livre de Pierre Boulle La Planète des singes et le nom du réalisateur du film Franklin J. Schaffner avec Charlton Eston : Aifelle, Keisha, Lire au jardin, Myriam,  Maggie, Sabbio, Tilia, Aymeline, Lystig...

 Pierre Boulle est né en 1912 à Avignon. Deux romans  ont assuré sa célébrité, tous deux ont été adaptés au cinéma par les américains : Le pont de la Rivière Kwai. (1952) et La planète de singes (1963).  Pierre Boulle est mort en 1994 à Paris après avoir obtenu plusieurs prix littéraires.

Dans La planète de singes, Jinn et Phillys qui passent leurs vacances dans l'espace intersidéral recueillent une bouteille contenant un rouleau de papier à l'intérieur. Le texte qu'ils découvrent a été écrit par Ulysse Mérou qui raconte ses aventures et lance aussi un SOS pour sauver l'espèce humaine.
En 2500 Ulysse Mérou part  dans un vaisseau cosmique qui voyage à la vitesse de la lumière avec deux compagnons dont le très érudit professeur Antelle. Arrivés en vue de Beltégeuse, ils se posent sur une planète semblable à la Terre qu'ils baptisent Soror. Là, ils découvrent, à leur grande stupéfaction, une civilisation dominée par les singes qui possèdent intelligence et pouvoir. Là, les hommes se comportent comme des animaux et sont traités comme tels.
Ce sujet sorti de l'imagination de  Pierre Boulle ne manquait, à l'époque, ni  d'originalité, ni d'audace. Il est maintenant connu de tous par l'intermédiaire des films, même si l'on a oublié le nom de l'auteur,  et a été exploité jusqu'à la trame!

Pierre Boulle : un scientifique et un écrivain

Pierre Boulle de formation scientifique (il est ingénieur) utilise plusieurs théories pour étayer son roman :
 La théorie de la relativité restreinte d'Einstein qui a démontré l'effet de la vitesse sur la dilatation du temps et sur la contraction des longueurs. En se déplaçant à la vitesse de la lumière, explique le professeur Antelle,  "notre temps s'écarte sensiblement du temps de la terre, l'écart étant d'autant plus grand que nous allons vite. En ce moment nous avons vécu plusieurs minutes qui correspondent à plusieurs mois sur la terre."  "Comme il l’avait prévu,  ajoute Ulysse, le voyage dura environ deux ans de notre temps, pendant lesquels trois siècles et demi durent passer sur la Terre…
Voir ici 
 L'évolutionnisme de Darwin :  Quand Boulle présente une civilisation où le singe a supplanté  l'homme c'est à Darwin qu'il fait référence et à sa théorie de l'évolution des espèces (De l'origine des espèces). L'évolutionnisme permet d'expliquer la diversité des espèces et la survie de certaines  au détriment des autres par leurs capacités naturelles d'adaptation à l'environnement et à ses changements. Mais dans le monde de Pierre Boulle c'est l'espèce humaine qui a échoué à la sélection naturelle, au profit des singes, plus aptes à l'évolution.
Croyez-moi, affirme le chimpanzé Cornélius, un jour viendra où nous dépasserons les hommes dans tous les domaines. Ce n'est pas par suite d'un accident, comme vous pourriez l'imaginer, que nous avons pris leur succession. Cet évènement était inscrit dans les lignes normales de l'évolution. L'homme raisonnable avait fait son temps, un être supérieur devait lui succéder…

Cependant si Pierre Boulle s'appuie sur des théories scientifiques très sérieuses, il ne s'intéresse pas outre mesure à la technique. Il est avant tout écrivain, reste sensible à la beauté de l'Univers et nous communique cette admiration.
"L'exaltation que procure un pareil spectacle ne peut être décrite : une étoile, hier encore un point brillant parmi la multitude des points anonymes du firmament, se détacha peu à peu du fond noir, s'inscrivit dans l'espace avec une dimension, apparaissant d'abord comme une noix étincelante, puis se dilata en même temps pour devenir semblable à une orange, s'intégra enfin dans le cosmos…"

 Il  utilise fréquemment  la métaphore. Ainsi, le vaisseau de Jinn et Phyllis obéit à des lois physiques, certes, mais semble être un grand navire sur l'océan "avec sa voile miraculeusement fine et légère" qui se gonfle "au souffle des radiations" et utilise "l'ombre des planètes" pour virer de bord; La métaphore se poursuit avec la tempête qui secouent "leur esquif comme une coquille de noix" et les oblige à rentrer "au port" et bien sûr, avec  la fameuse bouteille qui n'est pas ici à la mer (!) mais que Phyllis "pêche" avec une "épuisette à long manche".
D'autre part, en appelant son héros Ulysse, Pierre Boulle se place sous le signe d'Homère  et revendique l'aspect poétique mais aussi métaphorique de ce récit. Dans les deux oeuvres, il s'agit bien d'un long voyage, l'un à travers la mer Méditerranée, l'autre dans le Cosmos, voyage au cours duquel le héros devra subir des épreuves hors du commun. On peut même dire que l'écrivain  surenchérit sur le poète grec : si Ulysse met 20 ans pour retrouver Ithaque après la fin de la guerre de Troie, Ulysse Mérou mettra 700 ans pour retourner sur la Terre. Pas étonnant si quelques "petits" changements, et pas des plus rassurants, ont eu lieu depuis! D'autre part, si le Ulysse d'Homère est le jouet des Dieux démontrant ainsi le manque de liberté de l'Homme, le Ulysse de Pierre Boulle, lui, se considère comme investi pas Dieu d'une mission sacrée, celle de sauver l'espèce humaine.

Mais La planète des singes est aussi un récit d'aventures, plein de rebondissements, de temps forts comme la fameuse chasse des gorilles exposant leur gibier humain, de situations palpitantes (quand Ulysse parvient à se faire reconnaître comme un être pensant) ou cocasses telle cette scène où Ulysse et la guenon chimpanzé Zira sont sur le point de s'embrasser amoureusement. Ulysse cherche à oublier le faciès de sa compagne mais  celle-ci ne parvient pas à surmonter sa répulsion pour la laideur de l'homme! C'est l'extrait que j'ai choisi pour présenter l'énigme*! On comprend toute la valeur ironique du propos, Pierre Boule s'amusant à nos dépens mais attirant aussi notre attention sur le relativisme et l'outrecuidance de l'homme qui se prétend supérieur à toutes les créatures de l'univers. Jusqu'au dénouement, Pierre Boulle, en écrivain consommé, sait ménager ses effets et la chute du récit que je vous laisse redécouvrir (et qui n'est pas la même que celle du film) en est d'autant plus saisissante et fait froid dans le dos.

*"Zira!"
Je me suis arrêtée et l'ai prise dans mes bras. Je vois une larme couler sur son mufle, tandis que nous sommes étroitement enlacés. Ah! qu'importe cette horrible enveloppe matérielle! C'est son âme qui communique avec la mienne. Je ferme les yeux pour ne pas voir ce faciès grotesque que l'émotion enlaidit encore... Nous  allons nous embrasser comme deux amants quand elle a un sursaut instinctif et me repousse avec violence.
Alors que je reste interdit, ne sachant quelle contenance prendre, elle enfouit son museau dans ses longues pattes velues, et cette hideuse guenon me déclare avec désespoir, en éclatant en sanglots.
"Mon chéri, c'est impossible. C'est dommage, mais je ne peux pas, je ne peux pas. Tu es vraiment trop affreux!"

Pierre Boulle : Un philosophe  :

Car La Planète des singes, est aussi une fable philosophique à la Voltaire qui, sous couvert d'un voyage, permet de s'interroger sur la société mais aussi sur des questions philosophiques essentielles. On pense à Candide ou Zadig, bien sûr, mais aussi à Micromégas, ce personnage venu de l'espace sur notre toute petite et insignifiante planète!
Dans La planète des singes Pierre Boulle, en nous présentant  un évolutionnisme inversé où notre espèce a pris du retard par rapport à celles de singes, nous oblige à nous interroger sur notre place dans l'univers et notre comportement par rapport aux autres espèces. La scène de chasse, les expériences médicales, l'emprisonnement dans des cages, où les victimes sont des êtres humains, nous inspirent de l'horreur. Pourtant, nous dit Pierre Boulle, c'est ainsi que nous nous comportons vis à vis du règne animal. Qu'est-ce qui fait l'essence de l'homme et assure sa supériorité? L'intelligence? Mais le professeur Antelle qui devient fou de terreur et régresse d'une manière irréversible dans son comportement n'est-il plus humain parce que son intelligence disparaît? A quoi tient la supériorité de l'homme et sa légitimité à écraser les autres si cette frontière entre les espèces est si fragile qu'elle peut être détruite avec autant de facilité? Bref! Qu'est-ce qui fait l'Homme? Autant de questions qui - comme le fait le Micromégas de Voltaire- nous remettent magistralement à notre place!

Le Livre/Le film
Dans le film, la planète sur laquelle les astronautes atterrissent -  ils le découvriront plus tard - est La Terre lorsque la civilisation humaine a disparu.  Dans le livre, ils arrivent sur une planète semblable à la terre mais qui  appartient à la constellation d'Orion dont Beltégeuse est le "soleil". Ulysse Mérou ne reviendra sur la Terre que cinq ans après son départ (temps du vaisseau) lorsqu'il fuit avec sa femme Nova et son bébé, soit 700 ans après son départ (temps terrestre). Dans les deux oeuvres, l'espèce humaine a disparu supplantée par celle des singes.