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vendredi 22 mars 2019

Kalman Mikszath : Le parapluie de Saint Pierre


Le parapluie de Saint Pierre de Kalman Mikszath est un roman plein d’humour, au rythme enlevé, qui m’a amusée du début jusqu’à la fin. Il raconte l’histoire d’un parapluie rouge qui passe de main en main et est à l’origine de grands chamboulements dans la vie des personnages principaux, le curé Janos Bélyi, sa petite soeur Veronka qu’il élève, et la famille Gregorics dont l’avocat Gyuri, un bien sympathique jeune homme. Cet objet miraculeux aurait même sauvé la vie du bébé Veronka, ressuscité un mort et il confère un décorum sans précédent à tous les enterrements des villageois. Bref, depuis que Saint Pierre l’a déposé, on ne peut plus s’en passer à Glogova !
Divisé en cinq parties, le roman se déroule entre 1870 et 1885 en Hongrie, en particulier dans le petit village de Glogova, situé en Slovaquie qui appartient alors à la Hongrie de l’Empire austro-hongrois des Hasbourg. On y parle plusieurs langues et plusieurs nationalités se côtoient.
La première partie intitulée La légende qui fait intervenir Saint Pierre lui-même, pas moins, est un petit chef d’oeuvre d’humour qui n’est pas sans rappeler le ton d’un roman de Pagnol ou d’un conte de Daudet. C’est bon, les miracles qui transforment les pingres Glogovains (oh! ce nom!) en généreux donateurs ! La deuxième est un retour en arrière qui va expliquer la véritable histoire du parapluie mais quand la réalité s’en mêle, c’est pour introduire un autre mystère ! Enfin les trois autres divisions lancent l’avocat Gyuri à la recherche de ce parapluie, dans une quête qui ne se départit jamais de cet humour vif, de ce ton léger et plaisant même s’il se révèle parfois satirique envers les ruraux aussi bien que les bourgeois. Ce voyage dans la Hongrie de l’époque offre une peinture enlevée du pays, de ses paysages, de ses coutumes et  surtout de ses habitants hauts en couleurs. Kalman Mikszath n'est pas en reste quand il s'agit de brosser les portraits des jeunes héros, Veronka et Gyuri, tous les deux naïfs, un peu sots tant ils sont ignorants de leurs propres sentiments, mais gentils et sympathiques. Et bien sûr, un Happy end !

Un récit vraiment très agréable et original.


Kalman Mikszath

  Kálmán Mikszáth (16 janvier 1847 - 28 mai 1910) fut un romancier, journaliste et homme politique hongrois.

Mikszáth est né à Szklabonya (aujourd'hui Sklabiná, située en Slovaquie) dans une famille de la petite noblesse hongroise, sous l'empire des Habsbourg. Il fit des études de droit à l'université de Budapest de 1866 à 1869 sans obtenir de diplôme et écrivit pour de nombreux journaux hongrois, dont le journal de Pest.

Ses premières nouvelles décrivaient la vie de paysans et d'artisans; malgré leur faible popularité, s'y manifestait son talent pour forger des anecdotes humoristiques qu'on allait retrouver dans ses oeuvres ultérieures. Nombre de ses romans commentaient la société, parfois d'un ton satirique, et devinrent de plus en plus critiques envers l'aristocratie, et le fardeau que celle-ci, selon Mikszáth, avait donné à la société hongroise.

Mikszáth fut membre du parti libéral hongrois et fut élu en 1887 à l'Assemblée Nationale de Hongrie.  (Source : Wikipedia)




samedi 16 mars 2019

Magda Szabo : Abigael



Le livre de Magda Szabo, Abigaël, est un roman d’initiation. C’est l’histoire de Gina, jeune fille de la bourgeoisie aisée, élevée par un père aimant, attentif et indulgent et par une gouvernante française intelligente et affectueuse. Tout sourit à la jeune fille lorsque son père l’envoie en pension loin de la capitale dans un monde austère d’où les plaisirs et la beauté sont exclus, loin du luxe et de la vie plaisante qu’elle menait à Budapest. La souffrance d’être séparée de son père adoré et admiré ajoute à la révolte de Gina.
Dans cette institution calviniste, les jeunes filles doivent obéir à une discipline quasi militaire et consacrer leur vie à Dieu et à leurs études, sachant que leur conduite - qu’elle soit bonne ou mauvaise- ne les sauvera pas si Dieu ne l’a pas décidé ainsi à leur naissance ! Un déterminisme d’autant plus difficile à supporter que Gina avait l’habitude de la liberté, de la discussion, des plaisirs culturels, des divertissements, bals, théâtre… La description de l’établissement, de ses règles qui en brimant la spontanéité détruisent aussi toute sincérité, la présentation de cette philosophie religieuse, puritaine, qui refuse tous les plaisirs de la vie est un des grands intérêts du roman.

Dure initiation donc pour cette charmante jeune fille et ceci d’autant plus que nous sommes en 1943 et la Hongrie, alliée à l’Allemagne nazie, va bientôt subir ses premiers revers. Mais alors que la guerre avec ses privations, ses alertes aériennes, son couvre-feu, est au centre du roman, elle apparaît comme secondaire tant les jeunes filles enfermées dans cet établissement aux règles religieuses strictes semblent vivre dans un monde à part, occupées seulement par des soucis de collégiennes. Peu à peu, l’intrusion de la vie réelle bouscule leur existence. L’antisémistisme sévit, les lois raciales s’étendent jusqu’à elles et pénètrent dans l’établissement, menaçant certaines d’entre elles. La Résistance s’organise pour lutter contre l'armée allemande qui occupe le pays. La menace qui plane finit par rejoindre Gina elle-même dans une terrible et effrayante sortie de l’enfance.

Le récit est fait à la troisième personne, selon le point de vue de Gina, et bien qu’elle soit intelligente et mature pour ses quinze ans, le ton ne se départit pas d’une certaine naïveté et d’une fraîcheur de l’enfance qui fait que l’on se sent proche d’elle, que l’on partage ses chagrins, ses révoltes, ses peurs aussi. Le lecteur adulte ne peut s’empêcher de sourire de son manque de clairvoyance à propos de la statue d’Abigaël, la confidente et la protectrice de toutes les élèves en difficulté. Son aveuglement, lié à ses partis pris envers ses professeurs et les gens qui l’entourent, nous la rendent plus proche ! Alors même qu’elle est dotée d’un grand sens de l’observation, elle ne cesse de faire des erreurs de jugement qui lui font très mal. Une façon de grandir parfois bien douloureuse. Le personnage avec ses défauts et ses qualités est donc très attachant et, de plus, Magda Szabo peint avec dextérité et sans manichéisme toute une galerie de portraits bien campés et complexes, des adultes aux enfants, compagnes de Gina.

Un livre passionnant, une tranche de vie individuelle inscrite dans un moment  tragique de l’histoire de la Hongrie.


Voir aussi l’excellent roman de Magda Szabo : La Porte ICI

 Magda Szabo

Né(e) à : Debrecen , le 05/10/1917
Mort(e) à : Kerepes , le 19/11/2007
Biographie :  Babelio

Magda Szabo est née en Hongrie. Ses premiers écrits sont publiés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mais, après 1948, pour des raisons politiques, elle disparaît de la scène littéraire.  Lorsque ses livres ressortent en librairie à la fin des années 50, l'accueil est enthousiaste.

Depuis, récompenses et traductions à l'étranger se succèdent, notamment le prix Pro Urbe Budapest en 1983, le prix Csokonai en 1987, le prix Getz en 1992, le prix Betz Corporation en 1992 et le prix Femina étranger en 2003 pour "La porte". Magda Szabo est devenue une figure majeure des lettres hongroises.

 




C'est  avec un peu de retard que je rejoins Eva, Patrice et Goran mais il est encore temps - et pour vous aussi- de les rejoindre pour ce mois de Mars dédié à la littérature de L'Europe de l'Est.

 Souvenez-vous, c’est l’an dernier qu’est né Le mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran. Et ce dernier revient, toujours en mars. Voici en quoi celui-ci consiste.
Vous l’aurez compris, lors de ce mois de mars, il va être question de littérature, tout genre confondu (roman, essai, poème, BD, livre jeunesse, etc.), d’Europe de l’Est. Lorsque vous aurez rédigé votre critique, comme vous le faites avec n’importe quel autre texte, il ne vous restera plus qu’à préciser que celle-ci a été rédigée dans le cadre du célébrissime mois de mars. Enfin, n’oubliez pas de venir partager votre article chez Goran ou bien chez Eva et Patrice. Si vous le préférez, vous pouvez aussi utiliser nos contacts via ces liens (ici et ici.). Début avril nous rédigerons un article récapitulatif. Par ordre alphabétique voici la liste des pays acceptés :
– Albanie
– Biélorussie
– Bosnie-Herzégovine
– Bulgarie
– Croatie
– Estonie
– Hongrie
– Lettonie
– Lituanie
– Moldavie
– Monténégro
– Pologne
– République de Macédoine
– République tchèque
– Roumanie
– Russie
– Serbie
– Slovaquie
– Slovénie
– Ukraine
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous les poser. Toujours est-il que nous vous espérons tout aussi passionnés et passionnants que l’an dernier ! Et surtout que ce Mois de l’Europe de l’Est vous apportera de merveilleuses découvertes littéraires. Enfin, nous rappelons que vous pouvez utiliser notre visuel afin d’illustrer vos articles. Par avance, merci de faire vivre ce mois de mars qui ne serait pas possible sans votre participation.
Voici pour rappel le lien vers le bilan du Mois de l’Europe de l’Est 2018 qui avait rassemblé 22 blogueurs et 99 billets !
A très bientôt
Eva, Patrice & Goran

lundi 10 octobre 2011

Magda Szarbo : La Porte Editions Viviane Hamy


Magda Szarbo, est un des plus grands écrivains hongrois, disparue en 2007. Dans La Porte, elle parle de ses rapports avec sa femme de ménage Emerence. Un sujet qui, à priori, paraît bien terre à terre et peut-être même peu attirant. C'est sans compter sur le personnage d'Emerence et le talent de l'écrivain! Car cette vieille femme n'est pas n'importe qui. Douée d'une intelligence supérieure mais sans aucune instruction, elle sait à peine lire et écrire, elle a une personnalité hors du commun!  Et ce n'est pas peu dire! Vous en connaissez beaucoup de femmes de ménage qui demandant à ses patrons des références pour accepter de travailler chez eux? Et qui, lorsqu'on les critique injustement, cesse de venir travailler si les patrons ne demandent pas pardon? Emerence est ainsi, imbattable dans son métier, capable de tenir le ménage de plusieurs familles, d'assurer son travail de concierge, de déblayer la neige pendant les longs mois d'hiver. Pleine de générosité, elle s'occupe des malades et des nécessiteux en leur apportant à manger, offre des cadeaux à sa patronne mais n'en accepte jamais d'elle, trop fière pour cela! Elle règne dans son quartier où tout le monde la connaît. Ajouter à cela qu'elle un don pour parler aux animaux et  que c'est un rien irritant puisque le chien de l'écrivain n'obéit qu'à elle et la choisit pour maîtresse. Mais elle a un secret. Elle ne laisse jamais personne pénétrer dans son appartement et reçoit ses invités, y compris son neveu, sur le pas de la porte. Cette fameuse porte, qui, le jour où elle sera franchie, signifiera sa mort.

Magda Szarbo écrit ce livre pour avouer  sa culpabilité, c'est elle qui a tué Emerence, elle en est persuadée. Ce qu'elle raconte ce sont les rapport d'amour et  d'impatience (ce n'est pas toujours facile d'avoir une femme de ménage pareille), les moments tour à tour traversés d'orage ou d'entente, de coups de tonnerre et de pacification entre elle et Emerence. Autour de ce récit se dessine la personnalité de chaque femme. On découvre le passé douloureux d'Emerence, les drames terribles qu'elle a vécus et qui ont fait d'elle ce qu'elle est. Magda Szarbo nous apparaît aussi comme la voit Emerence, une petite bourgeoise incapable de se suffire à elle-même, qui a besoin d'être assistée et ne saurait pas se débrouiller toute seule. Le récit ne manque d'ailleurs pas d'humour. Et certains épisodes sont même carrément hilarants comme lorsque la vieille dame ramène le chien complètement ivre à ses patrons :
 On a bu un petit coup, répondit-elle avec flegme. Il n'en mourra pas, il avait soif, cela lui a fait du bien.

Ou encore lorsqu'elle apporte au couple qui a des goûts esthétiques raffinés des chiens et des nains en faïence. Emerence regarde avec beaucoup de suspicion ses patrons (le mari de Magda Szarbo est l'écrivain Tibor Szobotka ) car écrire n'est certainement pas un travail sérieux :
... vous n'aurez jamais d'autres soucis que le mal qu'on peut dire de vous dans les journaux, c'est sans aucun doute une ignominie, mais aussi pourquoi avez-vous choisi ce métier minable où chacun peut vous traîner dans la boue. Je ne sais pas ce qui vous a rendu si célèbre parce que vous n'avez pas grand chose dans la tête, vous ne savez rien des autres.
Il lui arrive, en effet, de morigéner sa maîtresse avec un bon sens à toute épreuve qui se révèle être souvent  d'une grande portée philosophique. Ainsi Emerence répond à Magda qui lui reproche de ne pas avoir empêché son amie Polett de se suicider :

Apprenez qu'on ne retient pas celui dont l'heure a sonné, parce que vous ne pouvez rien lui donner qui remplace la vie. Vous vous imaginez que je n'aimais pas Polett, que cela m'était égal qu'elle en ait assez de tout et qu'elle veuille partir? Seulement voilà en plus de l'affection, il faut savoir donner la mort, retenez bien cela, cela ne vous fera pas de mal.
L'écrivain décrit les liens très forts qui naît entre elles, la difficile mais indéfectible confiance que va peu à peu lui accorder Emerence, confiance qu'elle trahira pour le bien de la vieille femme, pense-t-elle, mais aussi par égoïsme et manque de compréhension.

"Il faut savoir tuer qui on aime, c'est plus humain que laisser souffrir" affirme la vieille femme. C'est une leçon dont Magda Szarbo ne comprendra pas la portée.

A travers ce roman apparaît le portrait d'une femme très forte et pourtant très fragile qui tient plus à sa dignité qu'à la vie, avec en arrière-fond le quotidien de tout un quartier et, en filigrane, l'Histoire de la Hongrie et ses tragiques vicissitudes. Un excellent roman.