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mardi 22 juillet 2025

Shakespeare : Le songe d'une nuit d'été

Arthur Rackham : Puck et Titania
  

Je devais aller voir Macbeth pour participer au challenge de Cléanthe mais je n'ai pas pu. Par contre j'ai assisté à deux représentations de le Songe d'une nuit d'été  qui m'ont particulièrement déçue. Je reprends ici tout en le complétant ce que j'avais déjà écrit sur cette pièce pour le challenge Shakespeare il y a quelques années pour mieux faire comprendre ma déception.


La  pièce de Shakespeare Le songe d'une nuit d'été était à l'origine intitulée Le songe de la nuit de la Saint Jean. Une bizarrerie puisque Shakespeare place le déroulement de sa pièce au mois de Mai (mid summer).
 L'universitaire Ernest Schanzer donne une explication : il s'agit de la date de la première représentation du Songe donnée pour célébrer la nuit de la Saint-Jean. Ce qui reste étonnant, pourtant, c'est que le dramaturge ait tenu à placer l'action la veille du premier Mai. Certes, ces deux nuits, dans les croyances élizabéthaines, étaient toutes deux considérées comme propices à la magie, à l'apparition des êtres surnaturels. Cependant c'est à la Saint Jean que les fleurs cueillies cette nuit-là ont un pouvoir magique capable de susciter des rêves amoureux et de frapper les gens de folie. Or, constate Ernest Schanzer  "la folie amoureuse n'est-elle pas, en effet, le thème essentiel du songe d'une nuit d'été ?".
Quoi qu'il en soit, la pièce est bien nommée puisque toutes les scènes se déroulent la nuit sauf peut-être la première scène de l'acte 1 et encore est-elle placée aussi sous le signe de la lune..

L'intrigue 

La scène se passe à Athènes et dans un bois voisin.

Thésée, le duc d'Athènes et Hippolita vont fêter leur mariage dans quatre nuits, à la nouvelle lune.  Mais Egée, un vieux courtisan,  vient se plaindre de sa fille Hermia qui refuse d'épouser Démetrius, le prétendant qu'il lui a choisi. Hermia aime Lysandre et veut se marier selon son coeur.  Héléna, la fille de Nedar, elle, aime Démetrius qui lui préfère Hermia. Telle est la situation, inextricable, lorsque les deux amoureux, Hermia et Lysandre décident de fuir.  Ils seront suivis, contre leur gré, par Héléna et Démétrius. Les quatre jeunes gens se perdent dans la forêt pendant cette nuit de folie et vont être les jouets des fées.

Pendant ce temps, des gens du peuple, artisans de la ville, décident de monter une pièce sur la mort de Thisbée et de Pyrame pour la représenter au mariage de Thésée et Hippolita. Ils espèrent s'attirer les bonnes grâces du roi. Ils s'éloignent dans la forêt guidé par Lecoin, le charpentier qui s'est improvisé metteur en scène. La troupe à l'intention de répéter à l'abri des regards et il va leur arriver à eux aussi bien des mésaventures.

Dans la forêt vit le peuple des fées : La reine Titania, entourée de ses elfes, est en rivalité avec Obéron, le roi des fées. Il lui réclame un enfant qu'elle lui a volé. Elle refuse et Obéron jure de se venger avec l'aide de Puck ; il demande à ce dernier d'aller cueillir une fleur magique dont le suc déposé sur la paupière d'une personne la rend amoureuse du premier visage aperçu lors de son réveil.

Avec cette fleur commence la folie amoureuse de cette nuit d'été : Titania tombera amoureuse de Bottom (Navette), le tisserand, affublé d'une tête d'âne ; les quatre jeunes gens eux aussi vont changer de soupirants et voir se nouer et dénouer leurs amours, au gré des caprices des fées.


Une comédie tragique : l'Homme est-il libre ?


Le songe d'une nuit d'été est une comédie. Elle présente effectivement des personnages franchement comiques, en particulier la troupe de théâtre des artisans, ridicules à souhait dans leurs prétentions. Les personnages vont jouer une tragédie en se prenant très au sérieux; c'est ce qui va provoquer le rire car nous assistons à une parodie sans que les acteurs en soient conscients. Ils craignent même de faire peur aux dames ! Ce sont des personnages de farce et celle-ci est à son comble quand Bottom se retrouve avec une tête d'âne. Shakespeare a toujours aimé mener une réflexion sur le théâtre dans ses pièces, soit pour révéler la vérité comme dans Hamlet, soit pour rappeler que la vie, le monde entier, est un théâtre comme dans Macbeth ou Le marchand de Venise.  Ici, le théâtre dans le théâtre permet de jouer sur le grotesque tout en dénonçant la sottise et la vanité humaines. Il est aussi frappant de constater que le thème de Pyrame et Thisbé répond à l'intrigue du Songe, une histoire d'amour contrarié et d'amants séparés. A l'astre de la lune qui veille sur la pièce, répond la lune factice, une lanterne, des comédiens amateurs.

Cependant la pièce a un fond tragique et même si le spectateur rit, il reste conscient de la cruauté des jeux amoureux qui se déroulent devant lui. Quand le suc de la fleur magique détourne l'amour de Lysandre et de Démétrius vers Héléna, Hermia devient pour eux un objet de mépris. Il n'y aucune compassion pour la jeune fille qui doit essuyer des insultes :

"Moi me contenter d'Hermia ! Jamais ! Comme je regrette les heures d'ennui passées auprès d'elle. C'est Héléna que j'aime, non Hermia !  Qui ne voudrait changer une corneille contre une colombe ?(...)

"Va-t-en tartare moricaude, va t'en ! au diable médecine répugnante, au diable vomitif dégoûtant!"

Les rapports entre  hommes et femmes sont donc d'une grande violence  même si leur caractère excessif nous rappelle que nous sommes dans la comédie. Il n'en reste pas moins que Hermia soudainement délaissée est désemparée, humiliée et malheureuse. Héléna qui ne peut croire au revirement des deux jeunes gens, est tout aussi blessée par ce qu'elle croit être une raillerie. La souffrance des deux femmes est bien réelle.

Hermia : Jamais si fatiguée, jamais si malheureuse, trempée par la rosée, déchirée par les ronces, je ne puis me traîner ni avancer d'un pas.

Mais les relations entre femmes ne sont pas meilleures même si elles sont parfois plus subtiles. Hermia se fâche lorsque Héléna dit et répète qu'elle est "petite" ! Est-elle trop susceptible ? La "gentille" Héléna  a-t-elle une intention blessante ou, au contraire, dit-elle cela innocemment ?  Nous restons ainsi dans la comédie mais Shakespeare nous montre une nature humaine bien noire. 

Il est vrai que les personnages magiques eux-mêmes ne sont pas plus sages, témoins la dispute entre Titania et Obéron, les facéties de Puck, et ils ont, comme jadis les dieux de l'Olympe, tous les défauts des humains, à moins que ce ne soit le contraire ! Cependant leur guerre, leur colère ou leurs décisions, s'ils peuvent nous faire rire, ont un retentissement sur l'ordre du monde et sur la destinée des hommes. 

Le pauvre laboureur voyait ses champs croupis,
Et dans les prés noyés le parc est sans troupeaux,
Car le bétail malade a nourri les corbeaux.
Le mail où l’on jouait ? La fange l’a couvert !
Nos yeux, sans la trouver, cherchent la place où fut
Le sentier qui courait sous les gazons touffus.]
Les hommes ont perdu leurs saintes nuits d’hiver ;
Plus d’hymnes de Noël ! Et, pâle et refroidie,
La lune, reine de la mer,
Répand partout les maladies !
Voilà ce qu’ont fait nos querelles !
Les saisons se battent entre elles ! 

Le givre aux lèvres froides pose
Ses baisers sur le cœur des roses,
Et, misérable moquerie,
L’hiver grelottant a placé
Sur son crâne glacé
Des couronnes fleuries !]
Oui, l’été, le printemps et l’hiver et l’automne
Échangent leur livrée ! Et le monde s’étonne
Du désordre des éléments !
Telle est notre œuvre !…  

La pièce est donc aussi une réflexion et pas des moindres sur la liberté de l'homme face à la divinité. Ce sont les Fées qui tirent les ficelles et les êtres humains apparaissent bien vite comme des marionnettes soumises à leurs caprices. Obéron tout puissant et Puck, en commettant des erreurs, tiennent entre leurs mains la clef de leurs sentiments et décident de leur avenir. Doit-on penser que Shakespeare penche vers le déterminisme voire la prédestination dans cette Angleterre qui a rompu avec le catholicisme? Ce serait peut-être aller bien loin et encore une fois, comme il s'agit d'une comédie, Shakespeare nous invite à ne pas trop nous poser de questions et à considérer tout cela comme un rêve ! (même si celui-ci vire parfois au cauchemar !). Pourtant l'on peut avoir de sérieux doutes quant à la liberté de l'Homme en voyant Le Songe d'une nuit d'été, même si ce dernier est persuadé du contraire !


La folie amoureuse 

 

Titania et Bottom

Car le pessimisme de Shakespeare s'exprime dans cette peinture de la folie amoureuse. Lysandre peut passer de l'amour d'Hermia à celui d'Hélène puis revenir à Hermia ; Titiana s'énamoure d'un monstre à tête d'âne et le tient pour le plus beau des êtres.  Si l'on peut changer ainsi de partenaire, si l'on peut s'aveugler sur les mérites de celui qu'on aime, si le caprice préside au choix, si les êtres sont interchangeables, alors l'amour réel existe-t-il ?
Il faut remarquer que c'est au moment où Lysandre agit avec le plus d'inconséquence qu'il invoque la raison pour expliquer qu'il n'est plus amoureux d'Hermia mais de Héléna : 

C'est la raison qui gouverne la volonté de l'homme et la raison me dit que vous êtes la plus précieuse.
 

On voit l'ironie de Shakespeare ! Et la conclusion paraît évidente. L'amour n'est qu'une création de l'esprit, il s'apparente à la folie et l'un ne va pas sans l'autre.
 

La féérie, la fantaisie

Obéron et Titania dans la belle représentation de Le songe et the Fairy Queen de Purcell 

 

Enfin la pièce est magnifique par sa poésie et sa beauté lyrique. Elle peint les sortilèges de la nuit :

Il nous faut nous hâter, seigneur des elfes, car les rapides dragons de la nuit fendent les nuages en plein vol et voyez briller là-bas la messagère de l'aurore. A son approche les fantômes qui errent çà et là s'assemblent pour regagner les cimetières..

Elle est éclairée dès le début par un clair-obscur onirique, celui de la lune et la nuit; des ombres s'agitent, éphémères, dans l'obscurité. Rien n'est solide, rien n'est vrai et les fées qui peuplent la forêt sont "des esprits" qui s'évanouiront à l'approche du jour à l'exception, peut-être, d'Obéron, le Seigneur des elfes qui peut braver les rayons de l'aurore.

La fantaisie de la pièce est remarquable dans la façon de traiter le thème féérique avec ses personnages majestueux comme Titania ou Obéron,
 

"Je connais un tertre où fleurit le thym sauvage, où croissent les primevères et les tremblantes violettes, le foisonnant chèvrefeuille, l'églantine, les douces roses musquées le recouvrent d'un dais; C'est là, parmi ces fleurs, que Titania s'endort un moment la nuit bercée par les danses et les délices avec ses  elfes au nom délicieux, entités de la Nature et qui participent à son entretien et à sa survie :  Toile d'araignée, Phalène, Graine de moutarde, Fleur de pois... 
Puis vous partirez durant le tiers d'une minute, les uns pour aller tuer les vers dans les boutons des roses musquées; les autres pour guerroyer contre les chauves-souris ."

et avec Puck, ce Robin le diable, malicieux, farceur et parfois un peu redoutable pour les pauvres êtres humains égarés dans la forêt :

Tu dis vrai? Je suis ce joyeux vagabond nocturne. J'amuse Obéron et le fais sourire quand métamorphosé en jeune pouliche, je hennis pour tromper le gros cheval bourré de fèves…"

Puck est un personnage de la mythologie celte, et s'il n'est pas entièrement méchant, il est tout de même  capable de farces cruelles.

 La Fée à Puck

Si vos manières ne m’abusent,
Galopin,
Cervelle matoise,
Vous êtes le fameux Robin
Bon Enfant qui s’amuse
À lutiner les villageoises !

C’est vous qui répandez le lait des cruches pleines ;
Détraquez le moulin au milieu du labeur ;
Mettez la vieille hors d’haleine
Quand elle bat son beurre ;
C’est par vous que s’évente
Et que s’aigrit la bière...

 

Puck : Reynolds
  

 Le théâtre dans le théâtre : le burlesque

 

Les artisans qui jouent la pièce de Pyrame et Thisbé sont les personnages grotesques, des acteurs qui ne se rendent pas compte de leur nullité et qui sont très fiers d'eux-mêmes.  Réflexion sur le théâtre, sur les mauvais comédiens ? Le plus vaniteux - qui se croit capable de jouer tous les rôles - est bien sûr Bottom et ce n'est pas étonnant que ce soit lui qui soit puni, devenu un monstre à tête d'âne.  Si sa mésaventure fait rire, Ann Witte dans son article sur Shakespeare et le folklore de l'âne écrit que parmi les métamorphoses de la pièce "le symbolisme érotique de l'âne se retrouve dans des traditions qui mettent en valeur les rites de fécondité liés à ce animal, tantôt emblème de sottise et de paresse, tantôt symbole du "bas matériel et corporel"( bottom) ) qui incarnait la puissance maléfique."

Ainsi même dans la partie comique de la pièce, nous sommes donc toujours dans le registre de la féérie  et des personnages inquiétants avec l'âne Bottom.


Une pièce très riche dont on ne peut épuiser le sujet.  Je l'ai déjà vue plusieurs fois dans des mises en scène très différentes. C'est la première pièce que j'ai vue au théâtre à l'âge de 13 ans. Et j'en garde un souvenir ébloui. Elle fait partie de mes comédies shakespeariennes préférées avec La nuit des rois et Beaucoup de bruit pour rien.

 

C'est pourquoi j'ai été très déçue par les deux représentations que j'ai vues cette année; l'une où le metteur en scène a simplifié l'action pour la mettre à la portée de ses comédiens qui paraissaient tout juste sortis de l'école.

Une autre interprétée par de jeunes comédiens qui remplacent par leur énergie ce qu'ils ne sont pas capables de rendre par leur talent. Tout est joué sur le même registre, comique, si bien que l'on distingue à peine ce qui est du domaine de la parodie théâtrale donnée par les artisans, du reste de la pièce. Bien sûr, un spectateur qui ne connaît pas la pièce peut rire et s'en satisfaire puisqu'il n'attend rien de plus. Je le comprends. Mais il n'est pas étonnant, ensuite, qu'il la considère comme une comédie légère et mineure dans l'oeuvre de Shakespeare. Toute réflexion est écartée et où est passé le beau texte lyrique de l'écrivain ? Cela me fait mal de voir comment l'on appauvrit un texte si riche !


Participation  à Escapades en Europe (avec un mois de retard pour le  thème de Shakespeare) chez Cléanthe


samedi 19 juillet 2025

SHAKESPEARE

 

 

SHAKESPEARE : Elsa Robinne - Mise en scène

Une traversée de sa vie en suivant le flot de son œuvre.
Somme hétéroclite d’aspect kaléidoscopique espérant synthétiser partiellement l’ensemble des accomplissements remarquables de l’éponyme a pour acronyme SHAKESPEARE. Et c’est précisément sa vie que ce spectacle traverse, porté par le flot considérable de son œuvre.

Ses contemporains - sa femme, sa troupe, Marlowe, ses protecteurs, la Reine Elisabeth, le Roi Jacques… - se confondent avec les figures de son théâtre et racontent, avec les morceaux familiers de ses pièces, celui que la postérité appellera « le divin barde » mais qui fut avant tout cet excellent William.

Le monde entier est un théâtre, écrit Shakespeare, et c’est dans son théâtre que trois comédien-nes et un musicien s’élancent pour imaginer son monde, avec pour seul espoir le souffle de vos bienveillants murmures. Sinon, ils auront manqué leur but : vous plaire.
« Une épopée fantaisiste qui n’égratigne en rien la pertinence et l’intemporalité de ce théâtre. »
ARTS-CHIPELS

« Cette approche un brin déjantée de son œuvre aurait certainement plu à William. »
COUP DE THEATRE

« On est dans des sommets d’humour et on rit beaucoup. »
SNES

« Le spectacle est fort bien interprété. »
A2S

« Une épopée inattendue à la rencontre de cette figure majeure…L’ensemble est plein d’inventivité, d’humour, de générosité. »
L’INFO TOUT COURT


Mon avis

Les bonnes critiques de presse sur ce spectacle m'ont encouragée à aller le voir d'autant plus que ma petite-fille, Léonie, l'amoureuse de Shakespeare, était là ! Donc aller voir la vie de Shakespeare "en suivant le flot de l'oeuvre" me paraissait être une bonne idée ! Je savais que le spectacle ne serait pas classique et même qu'il serait "déjanté "selon le mot adoré (pour ne pas dire le poncif) des critiques de théâtre ! Un mot qui me fait peur et qui peut cacher tout et  n'importe quoi.
Non, finalement, ce n'était pas du n'importe quoi!  Les comédiens savent très bien ce qu'ils font, c'est un choix de leur part que beaucoup de spectateurs semblent aimer : ils présentent la vie de Shakespeare en insistant sur les aspects parodiques des personnages (la reine Elizabeth, par exemple !) sans occulter certains aspects tragiques de la vie de l'auteur comme la mort de son fils Hamnet. Mais voilà, cela ne me fait pas rire. C'est vrai qu'il y a des connaissances certaines sur le vie de l'auteur mais c'est une sorte d'humour que je n'aime pas. De plus, je trouve que les textes du "divin barde" ne sont pas assez mis en valeur, Roméo et Juliette lui aussi escamoté en plaisanterie : "William pourquoi es-tu William." Je n'ai apprécié que lorsque le comédien qui interprète le rôle du dramaturge dit lui-même le texte malheureusement souvent trop peu et trop rapide.  Dans l'ensemble je suis restée sur ma faim ! Bref ! ce n'était pas un spectacle pour moi ni pour Léonie qui n'a pas aimé !


SHAKESPEARE

du 5 au 26 juillet relâche les 9, 16, 23 juillet
15h25 1h20
LUCIOLES (THÉÂTRE DES)
Salle : Salle Fleuve - 
D'après William Shakespeare
équipe artistique
Elsa Robinne - Mise en scène
Tristan Le Goff - Interprétation
Etienne Luneau - Interprétation
Malvina Morisseau - Interprétation
Joseph Robinne - Interprétation
Emmanuelle Dandrel - Diffusion
Elodie Kugelmann - Presse
Anne Lacroix - Scénographie
Emilie Nguyen - Création lumière
Tiphaine Vézier - Administration
GRAND TIGRE
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
Implantée en Région Centre-Val-de-Loire, la Compagnie Grand Tigre, dirigée par Elsa Robinne et Etienne Luneau, doit sa pérennité au soutien des partenaires institutionnels et à la variété de ses réseaux de diffusion.
 

 Participation  au challenge Escapades en Europe  de Cléanthe (sur Shakespeare mois de juin)

samedi 15 juillet 2023

Shakespeare / Sabine Anglade : La Tempête au Chêne noir

 

 J'ai vu La Tempête plusieurs fois et j'en ai déjà parlé dans ce ce blog ICI . Cette année la pièce est donnée au Chêne noir dans la mise en scène de Sabine Anglade.

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Pendant ce temps, Caliban persuade le Fou et le Capitaine du navire, eux aussi rescapés du naufrage, de s'allier à lui pour vaincre Prospero en leur promettant de devenir rois de l'île.  Shakespeare montre ici que l'attrait du pouvoir assorti à la violence, au meurtre et à la traîtrise, est le même chez les nobles et  les gens du peuple.
Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbre les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

  Présentation de la pièce par la compagnie

Fabrique d’images et de sens, La Tempête est sans doute la pièce la plus opératique de tout le théâtre de Shakespeare, faisant la part belle au conte, à l’image, à la musique.Cette dimension ne pouvait qu’éveiller le désir de la metteuse en scène d’opéra et de théâtre qu’est Sabine Anglade, lui offrant la possibilité de mettre en commun ces deux approches.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé la scénographie de Mathias Baudry dans cette représentation de La Tempête mise en scène par Sabine Anglade. Elle nous plonge dès le début dans la fureur des éléments déchaînés :  le fracas du tonnerre, le rugissement du vent, les éclairs qui traversent la scène, les jeux de clairs-obscurs, et l'enchevêtrement des voiles du navire chahuté par les vagues de la mer déchaînée. Tout ceci forme un  très beau tableau. Belle et poétique aussi la représentation d'Ariel, interprété par une une jeune comédienne, à la silhouette longiligne, vêtue de noir, aux longues ailes flamboyantes, qui prend du relief dans cette représentation, un esprit qui aspire à la liberté et dont on sent la souffrance d'être retenu prisonnier. 
 
J'ai aimé l'interprétation du rôle de Prospéro, Miranda et Caliban. Par contre, j'ai été surprise par la conception du rôle de Ferdinand, (interprété par par  le comédien qui incarne Caliban). Avec son short, ses godillots et grosses chaussettes montantes, son air benêt, il faut dire qu'il est un jeune premier qui ne fait pas rêver ! Manifestement, la metteuse en scène n'a pas voulu jouer sur l'émerveillement un peu naïf, c'est vrai, un peu sot, mais seulement aux yeux des autres, de deux très jeunes gens qui découvrent l'amour. Il est vrai que l'on sent l'ironie de Shakespeare observant cette idylle naissante mais aussi beaucoup de tendresse et de légèreté. Sabine Anglade a préféré tiré les scènes où ils apparaissent vers la parodie et le comique un peu lourd ! Finalement,  même si je n'ai pas vraiment apprécié cette conception, le comédien est bon et m'a fait rire. Par contre j'ai trouvé que l'interprétation des autres personnages étaient plus faibles et ils m'ont parfois ennuyée.
 
Donc, mon avis est assez mitigé sur ce spectacle qui, certes, a de grandes qualités mais est inégal.


 La Tempête

Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h
Relâche les 10, 17, 24, 28 et 29 juillet

Durée : 2h05

De William Shakespeare

Traduction/adaptation Clément Camar-Mercier

Mise en scène Sandrine Anglade

assistée de Marceau Deschamps-Segura

Avec 

Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede

Scénographie Mathias Baudry

Lumières Caty Olive

Costumes Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum

Chef de chant Nikola Takov

Création sonore/régie son Théo Cardoso

Régie Ugo Coppin et Rémi Remongin

Administration et production Alain Rauline et Héloïse Jouary

Production Compagnie Sandrine Anglade

Coréalisation Théâtre du Chêne Noir

A partir de 13 ans

 

lundi 18 janvier 2021

Margaret Atwood : Graine de sorcière


Vous aimez le théâtre ? Vous idolâtrez Shakespeare ? Vous avez un faible pour sa pièce si étrange et complexe : La tempête ? Alors ce livre est pour vous et c’est un pur régal !

Félix est un grand metteur en scène, dans le style de ceux qui brillent et sévissent à la fois au Festival d’Avignon : Brillent parce qu’ils débordent  d’idées, n’hésitent pas à provoquer, à secouer les habitudes du public, à le mettre dans l’inconfort ! Sévissent parce que leurs provocations se font parfois au détriment de l’émotion, de l’authenticité du sentiment, et, ce qui est pire du sens, quand le metteur en scène cherche à se mettre lui-même en valeur au préjudice de l’auteur.
Quoi qu’il en soit Félix est directeur artistique du festival canadien de Makeshiweg et il laisse à son ami Tony l’entière responsabilité de la direction financière, des contacts avec les décisionnaires, avec les réseaux sociaux et les pouvoirs politiques. Cela ne l’intéresse pas.
C’est au moment où il monte La Tempête qu’il dédie à Miranda, sa fillette de trois ans qui vient de mourir, que Tony, s’appuyant sur un ministre de ses amis, prend le pouvoir et le démet de ses fonctions.  Seul Lonnie, le bras droit de Tony, lui manifeste un peu de sympathie.

Félix part se cacher loin de la ville, louant sous un faux nom un ancien bâtiment désaffecté où personne ne viendra le chercher. C’est son île déserte où il survit malgré le vide énorme, le chagrin dévastateur que lui a laissé la mort de sa petite fille survenue après celle de son épouse Nadia. Passent les années. Le fantôme de Miranda vit et grandit à côté de lui jusqu’à atteindre l’âge de la Miranda shakespearienne, quinze ans ! Félix réagit enfin et trouve un emploi dans une prison. Dans le cadre d’un programme pédagogique, il va enseigner le théâtre aux détenus. L’heure de la vengeance a sonné.*

Caliban de William Hogarth

La suite est une pure gourmandise, les discussion des détenus sur les personnages, leur manière de les voir révèlent les richesses de La Tempête tout en introduisant la vie et l’humour.
Chacun va juger en fonction de son instruction ou de son bon sens, de son âge, de son milieu social, de son passé plus ou moins mouvementé, des violences subies, de la pauvreté. C’est ainsi que Caliban, le fils de la sorcière Sycorax, devient pour certains la victime de la violence contre les peuples et les pauvres, le champion de la lutte des classes : Graine de sorcière, c’est lui qui donne son titre au roman. C’est ainsi qu’Ariel, l’esprit de l’air et ses petites fleurs, est une « tapette » que personne ne veut incarner, c’est ainsi aussi que les comédiens n’ont le droit de jurer que s’ils emploient les injures de Shakespeare et l’on s’aperçoit alors de la richesse de la langue du dramaturge dans ce domaine-là aussi !

Ariel, l'esprit de l'air

Quant à la vengeance proprement dite, je vous la laisse découvrir. Ne perdez pas de temps à vous demander si elle est réaliste. Nous sommes au théâtre et nous devons en accepter les conventions. Par contre, elle est d’une ingéniosité brillante car chaque personnage du roman va devenir personnage de la pièce ; ce qui nous révèle l’actualité de La Tempête, la constance à travers les siècles de la nature humaine tiraillée entre la lumière et l’obscurité, la pérennité du combat entre le Bien et le Mal et la corruption du pouvoir.

J’ai beaucoup aimé aussi quand les comédiens répondent à la question : que se passe-t-il après le dénouement de la Tempête ? Les réponses sont toutes d’un grand intérêt et donnent encore de nouveaux éclairages au texte comme si le génie de Shakespeare ne pouvait s’arrêter à la fin de la pièce.

Le livre est un donc un vibrant hommage à Shakespeare, il montre combien son théâtre s’adresse à tous, il peint la force de la littérature qui interroge, remue, change les mentalités de chacun.

À partir d’aujourd’hui, vous êtes des comédiens. Vous allez tous participer à une pièce ; chacun aura sa fonction, les anciens vous le diront. La Troupe du pénitencier Fletcher ne donne que des pièces de Shakespeare, parce que c’est le moyen le meilleur et le plus complet d’apprendre le théâtre.Shakespeare a quelque chose pour tout le monde, parce que son public regroupait tout le monde, des plus hauts placés jusqu’aux plus modestes et vice-versa."

* Si vous connaissez l'intrigue de la pièce de Shakespeare, vous avez noté la similitude existant entre Graine de sorcière et  Félix et  La Tempête et  Prospero. Si vous ne la connaissez pas, il y a un résumé de la pièce à la fin du roman de Margaret Atwood.

Et puis je vous renvoie à ce résumé et cette image d'une mise en scène donnée en 2017 par la compagnie Les têtes de Bois au festival d'Avignon. Voir ICI

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Dépossédé du duché de Milan, Prospero a trouvé refuge avec sa fille Miranda sur une île inconnue : là, régnant en maître sur le « sauvage » Caliban, il a appris l’art de la magie et dominé Ariel, un esprit de l’air.

Un jour, il déclenche une tempête qui fait s’échouer le navire transportant ses puissants ennemis : son propre frère, Antonio l’usurpateur ; Alonso, le roi de Naples, qui l’a trahi, accompagné de son frère Sébastien et de son fils Ferdinand ; Gonzalo l’ancien conseiller loyal de Prospero et tout leur équipage. Les rescapés se retrouvent en divers points de l’île, saufs mais séparés, ignorants du sort des autres.

La vengeance de Prospero est en place : tourmentés, les naufragés deviennent des marionnettes aux mains du cruel magicien. Sur cette île (dés) enchantée où les mauvais esprits croisent les bons génies, la tragédie du monde se rejoue : chacun, le temps d’un orage, sera confronté à lui-même…

J'ai écrit un billet sur cette pièce et cette mise en scène à l'époque ICI

Autres billets sur La Tempête dans mon blog  :

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2012/08/la-tempete-au-festival-davignon-par-le.html

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2012/07/de-la-tempete-de-skakespeare-the.html

Chez Myriam : La tempête d'Aimé Césaire  Ici

Prélude pour la Tempête de Shakespeare /L’Île de Prospero L.Durrell ICI

Qui veut (re)lire avec moi La Tempête en LC ? Disons pour le  mois d'Avril ?

 
Ariel


samedi 7 septembre 2019

Shakespeare et Purcell : Un songe d'une nuit d'été et The fairy queen, mise en scène : Antoine Herbez

Festival d'Avignon 2019 Obéron et Titania dans une songe d'une nuit d'été par la compagnie AH
Obéron et Titania dans Un songe d'une nuit d'été par la compagnie AH
Léonie, ma petite fille, 9 ans et demi, adore le théâtre et a arpenté le festival d'Avignon avec moi ce mois de Juillet 2019. C'est une festivalière assidue depuis l'âge de 18 mois.
 Voici sa critique  : Un Songe d'une nuit d'été d'après Shakespeare et The fairy queen de Purcell :

Un songe d’une nuit d’été

Un songe d'une nuit d'été par la compagnie AH mise en scène par Antoine Herberz
Un songe d’une nuit d’été est une pièce de Shakespeare, mise en scène par Antoine Herbez, qui m’a vraiment beaucoup plu. Ce n’est pas que de Shakespeare mais aussi de Purcell, un musicien qui a écrit l’opéra The fairy Queen, la Reine des fées.
Nous sommes dans une forêt où habitent la Reine des fées Titania et le Roi des fées Obéron, trois fées musiciennes et Puck le serviteur d’Obéron.
Titania a adopté un enfant et Obéron est jaloux. C’est la guerre ! Sur l’ordre d’Obéron, Puck verse le suc d’une plante magique qui fait tomber amoureux du premier venu, sur les paupières de Titania. En ouvrant les yeux, elle devient amoureuse d’un âne mais tout se finit bien.
Des humains sont aussi dans la forêt. Hermia, Lysandre, Demetrius et Héléna. Lysandre et Demetrius sont tous les deux amoureux de Hermia et Héléna est amoureuse de Demetrius qui ne l’aime pas.
Toujours sur l’ordre d’Obéron, Puck doit réconcilier Démétrius et Héléna. Mais il se trompe et verse le suc sur les yeux de Lysandre puis de Démetrius qui deviennent tous les deux amoureux d’Hélèna. Du coup plus personne n’aime Hermia.
Comment vont-ils s’en sortir ?

La compagnie Ah interprète Un songe d'une nuit d'été au festival d'Avignon 2019

Le roi et la reine ont de grandes capes vertes avec des fleurs dessus. Ils ont de belles couronnes en bois. On dirait vraiment un roi et une reine. Ils sont grandioses, radieux, majestueux. Les costumes sont rouge bleu,  blanc, orange, vert et marron et gris. Quand ils sont dans la forêt, les lumières sont superbes : rouge, rose, verte et bleu.
Les chants sont très beaux et tout le monde chante magnifiquement bien.
J’ai aimé le côté fantastique de cette histoire merveilleuse. Le côté amusant m'a beaucoup fait rire parce que les humains se bagarrent, se disputent.
Shakespeare veut dire que les humains ne sont pas libres parce qu’ils se font contrôler par les dieux.
J’ai adoré l’histoire, elle était enchantée! J'ai vu cette pièce deux fois.
                                                                                                                     Léonie

Mon avis : Je suis entièrement d'accord avec ma petite fille. Ce spectacle présente beaucoup de qualités, mise en scène, costumes et interprètes. Il est agréable, amusant et mêle heureusement le texte de Shakespeare et la musique de Purcell. Bien sûr, il ne s'agit pas de la pièce complète, certains passages (Hélène et Thésée, les artisans) sont supprimés. La réflexion philosophique sur la liberté de l'homme, le déterminisme, y est abordée mais rapidement.  Les interrogations sur l'essence de l'amour et la cruauté des rapports hommes et femmes sont traités résolument sur le mode comique dans des bagarres virevoltantes, réglées comme un ballet. La pièce ainsi mise en scène permet aux enfants d'accéder plus facilement au texte du grand dramaturge anglais mais aussi à la musique baroque, réalisant le tour de force de plaire aussi bien aux petits qu'aux adultes.

          Compagnie Ah festival Avignon 2019

  • Metteur en scène : Antoine Herbez
  • Interprète(s) : Laetitia Ayrès, Ariane Brousse, Marianne Devos, Francisco Gil, Ivan Herbez, Grégory Juppin, Orianne Moretti, Maëlise Parisot, Louise Pingeot, Clément Séjourné, Maxime de Toledo, Nicolas Wattinne
  • Diffusion : Stéphanie Gamarra 06 11 09 90 50
  • Régisseuse : Cynthia Lhopitallier





Il y a bien longtemps que ma petite fille Léonie,  sous le pseudonyme d'Apolline, n'a plus écrit de fiches de lecture.  Hélas! Elle a perdu le goût de lire !  Si vous connaissez des livres pour enfants qui pourraient produire un miracle et la faire repartir, alors donnez -moi des titres ! Merci, ils seront les bienvenus !

jeudi 27 juillet 2017

La tempête de Shakespeare Compagnie Les Têtes de Bois festival OFF d'Avignon



Avant cette représentation de La Tempête mise en scène par  Mehdi Benabdelouhab, j'avais  déjà vu la pièce de Shakespeare au festival d’Avignon  : ICI  et aussi  au festival de Marseille, en danse contemporaine : ICI

L'intrigue de la pièce de Shakespeare

La tempête : le naufrage

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbrent les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

La compagnie les Têtes de Bois

Prospéro et Ariel marionnette
 La compagnie Les Têtes de Bois signe, avec cette mise en scène de La Tempête, un spectacle à fois poétique, burlesque et tragique, les trois dimensions que nous offre le texte de Shakespeare.
Le metteur en scène Mehdi Benabdelouhab veut, en effet, souligner sous la magie et la féérie, l’amertume de la pièce et le pessimisme du dramaturge face à la nature humaine. Dans cette pièce, en effet, la lutte pour le pouvoir est âpre et ne recule devant aucune forfaiture, usurpation, trahison, meurtre. Prospéro a été évincé du pouvoir par son frère Antonio, Sébastien projette de tuer son frère Alonso, le roi de Naples. Du simple marin à l’aristocrate, tous complotent pour dominer les autres et les soumettre. Et si Prospéro parvient à les réconcilier, il lui faut pour cela utiliser ses pouvoirs magiques et user lui aussi, de violence. C’est une pièce où il est toujours question de liberté car personne ne peut en jouir : C’est ce que réclame Caliban mais aussi Ariel. Tous sont prisonniers et ne peuvent s’échapper.  Les jeunes gens, eux aussi, sont soumis à une stricte obéissance. Même Prospéro qui domine les autres n’aura plus aucun pouvoir quand il renoncera à la magie.

 La mise encore scène inventive, enlevée, met donc en relief la complexité de la pièce servie par une très belle scénographie, toile blanche qui devient proue et voiles du navire secoué par la tempête, vagues monstrueuses qui montent à l’assaut des spectateurs, au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre, action rythmée par la musique jouée in situ, jeux de lumière, tout contribue à emporter le spectateur dans le rêve. Les costumes sont aussi d’une grande beauté, kimonos bleu et rouge de Miranda, magnifique tenue de samouraï pour les hommes. Aucune raison de justifier ce choix esthétique, les lieux shakespeariens sont si flous et l’île de Prospéro est de toutes façons située dans un ailleurs poétique…

La tempête : Caliban et les marins

Si Prospéro et les jeunes amoureux encore innocents sont visages nus, les autres personnages portent des masques, comme pour mieux effacer leur nature humaine et révéler l’animalité en eux. Ainsi Caliban, mi-bête, mi-homme et les marins ivrognes et stupides qu’il se donne pour maîtres ! Ce sont eux qui représentent le grotesque shakespearien que prônait Victor Hugo pour le drame romantique. J’ai pourtant une peu regretté que Caliban soit traité toujours de la même manière dans le mode comique car cela ne rend pas assez compte de sa sensibilité à la beauté de la nature, ni du symbole qu’il représente, celui de l’indigène colonisé par des maîtres qui le considèrent comme un  « Sauvage » mais qui ne sont pas meilleurs que lui.
Quant à Ariel, l’esprit du vent, il apparaît tour à tour sous la forme d’un visage lunaire derrière la toile de fond, ou comme une marionnette, fragile, pleine de poésie.
Les comédiens sont bons dans tous les registres mais je me suis interrogée sur la place donné au trio comique de Caliban qui prend beaucoup d'importance par rapport à Prospéro, Miranda et Sébastien. Il me semblait que ces derniers avaient un rôle plus long dans la pièce? Mais il s’agit d’un ressenti personnel et je peux me tromper.
Quoi qu’il en soit j’ai beaucoup aimé cette belle et intéressante interprétation.

Caliban, Prospéro et Miranda


jeudi 24 novembre 2016

Londres : Shakespeare et Tate Britain

Elizabeth 1er  1563: Portrait attribué à Steven van der Meulen ou Steven Vann Herwijckz
La Tate  Britain abrite la collection nationale d'art britannique du XVI siècle à nos jours. On peut donc suivre l'évolution de cet art chronologiquement, de salle en salle. Un autre parcours est proposé dédié à Shakespeare dont on peut  suivre l'influence qu'il a eu sur l'art britannique au cours des siècles.

Shakespeare à la Tate Britain

Tate Britain

La collection commence avec des oeuvres du XVI siècle et en particulier de Elizabeth 1er qui nous plonge directement dans le siècle de Shakespeare avec des portraits de personnages contemporains du dramaturge intéressants par la personnalité qu'il reflète mais aussi les costumes richement orné, leurs bijoux témoins de leur haute classe sociale.

Portrait de femme inconnue  1565 : Hans Eworth (1540-1573)

William 1er lord de la Waar : école du XVI siècle
Deux dames de la famille  Cholmondeley (1600_10) Ecole du XVII siècle
Curieux tableau que celui de ces deux femmes jumelles, mariées le même jour et qui ont accouché le même jour. Identiques? presque car une différence subtile permet de voir que l'un d'entre elles à épouser un homme plus riche que l'autre.

King Lear weeping over the dead body of Cordelia  1786 :  James Barry

Oberon, Titiana and Puck with fairing dancing 1786 : William Blake
Lady Macbeth saisissant les dagues 1812  : Henri Fuseli



Henri Fuseli :  Titiana et Oberon

 Queen Mab’s Cave by JMW Turner.1846

Sir John Everett Millais :  Ophelia 1851-2










 

lundi 21 novembre 2016

Shakespeare : Imogen au Théâtre du Globe mise en scène de Matthew Dunster

Théâtre du Globe

 Un théâtre du XVI ème siècle

Londres Théâtre du Globe rebâti à l'identique de celui de Shakespeare XVI siècle
Théâtre du Globe
 Le 16 Octobre 2016, date historique, je suis allée voir la dernière représentation de l'année au théâtre du Globe, la dernière de la saison car le spectacle est en plein air comme à l'époque élizabéthaine.  Il s'agissait de la pièce de Shakespeare Cymbeline que le metteur en scène Matthew Dunster a renommé Imogen, marquant ainsi sa volonté de redonner à Imogen, fille du roi Cymbeline, le premier rôle qui lui revient à juste titre. Elle est, en effet, le personnage le plus important  et le plus intéressant de la pièce. Loin d'être une jeune femme soumise et victime, elle prend en main son destin, se dresse contre ceux qui veulent décider pour elle de sa vie, - son père et sa belle mère - et obtient réparation des insultes et des violences qui lui sont faites par son mari et les amis de son mari.

Lorsque j'ai découvert la pièce cette année pour préparer ma visite à Londres (Voir mon billet ICI), j'ai surtout été frappée par la complexité de l'intrigue, la pluralité de l'action, les invraisemblances, et je me demandais comment l'on pouvait faire passer tout cela sur scène; je m'inquiétais aussi  de savoir si je comprendrais quelque chose, moi qui suis nulle en anglais à l'oral ! J'ai découvert depuis que la pièce n'est pas des plus connues du public anglais, ce qui me donnait une (modeste) longueur d'avance par rapport à ceux qui ne l'avaient pas lu !
Mais je savais que de toutes façons j'aurais le sentiment de vivre un moment exceptionnel dans la magie de ce théâtre, dans ce retour au source du XVI siècle. Voir billet sur le Globe ICI 
La queue pour les places du parterre quelques heures avant la représentation
Le public s'amasse autour de la scène quelques minutes avant l'ouverture du rideau
Comme les "riches" nous étions au balcon

 Une mise en scène étonnante et enlevée

Mise en scène de Imogen au théâtre du Globe par  Matthew Dunster

D'emblée la mise en scène de Matthew Dunster m'a conquise, emportée comme je l'ai été dans un tourbillon étonnant, "amazing" comme disait le public, extrêmement enlevé, virevoltant. Le spectacle  tient de la danse avec des chorégraphies au rythme endiablé, du cirque avec les cascades des comédiens qui s'envolent au-dessus de la scène, mimant les scènes de combat, mais aussi du pur théâtre qui laisse place aux moments d'émotions tout en mettant nettement en valeur l'aspect comique de la pièce. Longtemps on s'est demandé si Cymbeline était une tragédie ou une comédie. Avec Imogen, Matthew Dunster a tranché :  les comédiens ne cessent de nous faire rire. De plus leur gestuelle qui souligne le texte me permettait de mieux comprendre.

Matthew Dunster a choisi de transposer la scène dans une banlieue défavorisée de Londres (ou d'ailleurs) livrée au trafic de drogue. Les règlements de compte, les passages à tabac, les meurtres  sont le quotidien. La violence est omniprésente comme elle l'est chez Shakespeare. Et le metteur en scène ne nous épargne pas même s'il en tire parfois un effet comique.  Cymbeline est un caïd de la drogue et ceux qui l'entourent ne sont plus des nobles mais ses lieutenants, ses gros bras. Il va se mesurer non pas à un général romain comme dans le texte d'origine mais à un autre caïd. Et comme il se doit dans ce milieu-là les femmes doivent obéir et servir les hommes. Aussi quand Imogen se déguise en garçon (avec sa casquette à l'envers comme un gosse des banlieues) et s'enfuit pour sauver sa vie, l'intrigue est tout à fait crédible. Et le plus étonnant c'est que le texte de Shakespeare respecté à la lettre, servi par de très bons comédiens, semble avoir été écrit pour  notre époque et se révèle étonnamment (encore ce mot) moderne. Mais ce n'est pas la première fois que je constate cela à propos de Shakespeare, ce qui est le propre des plus grands dramaturges. On se sent toujours concerné. D'ailleurs le public, en particulier le parterre où la moyenne d'âge était jeune, manifestait son empathie pour Imogen et l'applaudissait quand elle marquait des points. J'ai adoré ce public nature, spontané et enthousiaste; il était un spectacle dans le spectacle !

Bref! Un vrai régal! Un spectacle théâtral que je ne suis pas prête d'oublier !
Maddy Hill,  excellente Imogen, en garçon : survêtement et casquette

 Encore quelques images

Imogen
Allez voir le site du Globe, mise en scène de Imogen, vous pourrez y voir des extraits de la pièce ICI

Un des fils de Cymbeline enlevé à son père dans son enfance. Il cultive du cannabis dans la forêt !

 A la fin de la représentation: Le metteur en scène  Matthew Dunster et les acteurs
A côté d'Imogen, Maddy Hill,  en noir et avec les béquilles Cymbeline le roi : Jonathan McGuinesss