Pages

Affichage des articles dont le libellé est romans historiques. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est romans historiques. Afficher tous les articles

lundi 12 mai 2025

Challenge Bulgarie Bilan 1

 

Nicolaï Raïnov : peintre Bulgare Le royaume enchanté

 

 Je suis en ce moment en Bulgarie, d'abord à Sofia puis à Plovdiv. Voici le premier bilan de nos lectures à la découverte des écrivains bulgares.

 

Claudialucia

 Challenge Bulgarie : Littérature Histoire Art qui se joint à moi ?

Les Héros nationaux bulgares : Hristov Botev, Vassil Levski, Hadji Dimitar

 Les peintres bulgares : Vladimir Dimitrov Le Maître et Radi Nedelchev

Elena Alexieva : Le prix Nobel  

Anton Dontchev : Les cent frères de Manol

 Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer

Kapka Kassabova : Elixir 

Victor Paskov : Ballade pour Georg Hanig

Yordan Raditchkov  : Le poirier/ Les noms

Yordan Raditchkov : les récits de Tcherkaski

Ivan Vazov : sous le joug

Jules Verne : Le pilote du Danube

Yordan Yolkov Un compagnon mon billet 

Yordan Yolkov Soirée étoilée mon billet


Fanja

Le pays du passé de Gueorgui Gospodinov 

 

Je lis je blogue
 

Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer 

Viktor Paskov Ballade pour Georg Henig 


Miriam :

 

Carnets bulgares 

Theodora Dimova : Les dévastés 

Anton Dotchev : Les cent frères de Manol

Kapka Kassabova Elixir ou la vallée de la fin des temps

Kapka Kassabova : L'esprit du lac 

Kapka Kassabova : Lisière 

René Kabestan : La vierge jurée 

Marie Kassimova-Moisset :  Rhapsodie balkanique 

Alexandre Levy : Carnets de la Strandja : d'un mur à l'autre 1989-2019 

Paskov Victor : La ballade pour Georg Henig

Jules Verne : Kereban le têtu 

Jules Verne : Le pilote du Danube 

Angel Wagenstein :  Adieu Shangaï

Angel Wagenstein : Le pentateuque ou les cinq livres d'Israel



Rappel du challenge :

A partir du mois de Mars jusqu'à la fin septembre, je propose que l'on découvre la littérature bulgare mais aussi l'histoire du pays et les arts, peintures, icônes, fresques, architecture...

 Laissez vos liens ici.

 

Nicolaï Raïnov : peintre bulgare Le royaume enchanté




 

mardi 6 mai 2025

Anton Dontchev : Les cent frères de Manol

 

 

Les cents frères de Manol est un roman dans lequel Anton Dontchev décrit l’islamisation forcée des populations chrétiennes en Bulgarie, dans les montagnes des Rhodopes, à la fin du XVII siècle. 

Ce roman est aussi un hommage à la Nature, une ode à ces montagnes à la fois sauvages et protectrices pour ceux qui la connaissent et lui appartiennent, au plus près de la grotte d’Orphée où l’on jette les chiens errants qui hurlent à la mort de manière lancinante. Le printemps et surtout l’automne, somptueux, avec ses couleurs rougeoyantes que les femmes imitent pour tisser leurs tapis et teindre leurs vêtements, sont d’une beauté toujours renouvelée.

« La vallée d’Elindenya faisait penser à ces parures de verre coloré enrobé de cristal. L’air était si pur que j’avais l’impression de toucher la montagne en tendant la main. Là où il n’y avait que deux couleurs, on en voyait à présent flamboyer des dizaines… Sur la masse d’acier bleu noir des forêts de sapin apparaissaient çà et là les taches de rouille des hêtres aux feuilles rougissantes, mais seulement au bas des versants. Sur les hauteurs, la muraille sombre se dressait vers le ciel, réfractaire à l’automne et au pourrissement. Le soleil ne se levant plus assez haut pour éclairer les versants abrupts au nord, les forêts couvrant ceux-ci ne se départaient plus de la robe violette et noire de l’ombre. »

 Nous sommes à l’époque du siège de Candie (La Crète, ville Héraclion) commencé en 1648  qui oppose les Turcs aux Vénitiens et aux français venus leur prêter main forte. Le grand Vizir Ahmed Pasha Kropulu prend la ville de Candie en 1669 à la grande satisfaction du sultan Mehmed IV, portant l’empire ottoman à son apogée. Pour briser toute résistance extérieure, les chrétiens des montagnes des Rhodopes en Bulgarie, alors sous le joug turc, sont islamisés de force.

Dans Les cents frères de Manol, Anton Dontchev offre un récit à deux voix qui propose deux points de vue opposés. D’une part, celle du pope Aligorko qui raconte ce qui se passe dans la population bulgare. D’autre part, la vision de celui que l’on appelle le Vénitien qui accompagne l’armée turque venue convertir les bulgares. Le Vénitien est en fait un noble français islamisé, fait prisonnier par les Turcs au siège de Candie. Il a dû choisir lui aussi entre la mort et la conversion si bien que même s'il est du côté des Turcs, les sentiments que lui inspirent les chrétiens martyrisés transparaissent car rien, dit-il, n’a pu éradiquer la foi ancienne.
Le roman commence avec l’enfance de Manol, comme une légende issue pourtant d’une triste réalité   : de jeunes bulgares sont amenés par les Turcs loin de leur pays, les garçons pour devenir des janissaires, les filles pour servir dans les harems. Parmi elles, une jeune épousée avec son bébé qu’elle ne peut plus nourrir. Elle le dépose sur une branche d’arbres pour qu’une biche le nourrisse. C’est Karamanol, le Haïdouk*, traqué par les Turcs, qui le trouve et l’emporte  à travers les forêts : « Toujours est-il que Karamanol descendit en cent villages et cent mères nourrirent son petit protégé ». Karamanol, avant de mourir, confie l’enfant au père Galouschko qui « l’appela  Manol du nom de son père nourricier, et lorsque l’enfant eut grandi on commença à l’appeler Manol aux cent frères ». Une légende qui prend une dimension épique et dont les héros, nobles et courageux, Manol en tête, sont des bergers qui tiennent tête à l’oppression turque, choisissant le supplice et la mort plutôt que de trahir leur foi, certains se cachant dans les montagnes et échappant  à leurs  poursuivants. L’emprisonnement des chrétiens dans le Kanak*, leur résistance héroïque, les supplices qui leur sont réservés, donnent au roman un caractère dramatique grandiose mais les peurs et les défaillances des autres, la faim qui vrille les ventres, le froid qui transperce, la mort qui rôde autour d’eux, soulignent leur fragilité et nous touchent d’autant plus. 

 
Les cent frères de Manol compte un grand nombre de personnages que ce soit du côté bulgare, Manol et ses fils, le jeune Mirtcho  et Momtchil qui finira par incarner aux yeux des Turcs et à lui seul la résistance, la farouche et altière Elitza, Sveda séductrice et fourbe, le père Galouschko dont le fils est devenu janissaire … que ce soit du côté turc. Ainsi le Bey Karaïbrahim, complexe et tourmenté, à la tête d’une armée de cent cavaliers est, lui aussi, face à Manol, un homme hors du commun, et de même l’aga Suleyman, maître du Konak* de la vallée,  pragmatique et retors, qui comprend que, pris entre deux feux, les bergers et l’armée de Karaïbrahim, son temps est fini.  Ce sont des personnages pleins de vie, parfois de fureur, de cruauté, de doute,  de souffrance, mais aussi de joies, d’amour, des êtres humains que nous sentons proches de nous malgré leur dimension héroïque. Mais ce sont aussi des symboles. A travers eux, à travers les « cent frères », Anton Dontchev décrit tout un peuple attaché à sa culture, à ses racines, à ce qui fait son identité, tout un peuple résistant pour rester lui-même et conquérir la liberté mais qui n’est pas encore parvenu à mâturité pour y accéder.

« Karaïbrahim disait qu’être seul, c’est être fort. Selon moi, il aurait dû dire : c’est devenir une bête féroce. L’homme ne vit pas seul. Il lui faut choisir : vivre seul ou vivre avec son prochain. Karaïbrahim voulait être seul et rompre tous les liens avec les autres. Alors que les bergers faisaient tout pour rester ensemble. » La solidarité comme preuve d'humanité.

Un très beau livre, magnifiquement écrit !


*Haïdou : un hors-la-loi, ici, dans ce contexte, vu du côté bulgare, un rebelle, révolté contre les Turcs
 

*Konak : palais, résidence des riches turcs

 


 

vendredi 7 mars 2025

Carmen Castillo : Un jour d'octobre à Santiago

Carmen Castillo
 

Carmen Castillo est une écrivaine et cinéaste franco-chilienne, née à Santagio du Chili. Amie de Beatriz, la fille du président Allende, elle a travaillé un temps au ministère des affaires étrangères au palais de la Moneda. Elle a été la compagne de deux dirigeants du MIR, mouvement de la gauche révolutionnaire : Andres Pascal Allende, neveu du président avec qui elle a eu une fille Camila et Miguel Enriquez.

 

Miguel Enriquez, un des chefs du MIR

Dans son livre Un jour d’octobre à Santiago, alors qu’elle est en exil en France, elle raconte comment elle a choisi avec son compagnon de vivre dans la clandestinité et de continuer la lutte armée jusqu’à ce jour du 5 Octobre 1974 ou Miguel est tué et elle gravement blessé lors d’une attaque de la DINA (police militaire du général Pinochet.). 

La première partie de ce récit a pour titre la maison bleue de Santa Fé, là, où elle a vécu pendant un an après le coup d’état et éprouvé malgré le chagrin et la violence, « un bonheur paisible, intense », avec leurs deux petites filles : Camila (qui est la fille de Carmen Castillo et d’Andres Allende) et Javeira (fille d'un premier mariage de Miguel Enriquez). Mais le danger est trop grand, les enfants des révolutionnaires sont torturés pour faire parler les parents, et les deux petites filles sont envoyées en exil via l’ambassade d’Italie pour assurer leur sécurité. Dans un récit où le danger guette à chaque instant, Carmen Castillo, entre retour dans le passé et présent, nous fait vivre le quotidien de la lutte révolutionnaire, l’organisation, les changements de domicile et d’identité, les pièges, les trahisons, les arrestations de leurs amis, la mort, les disparitions, le chagrin et la peur mais aussi la force morale, la résistance, toujours présente, et qui font partie de la vie. Et elle revit comme un film le déroulement de la sinistre journée du coup d'état 11 septembre 1973. Parfois l’écrivaine emploie la troisième personne pour parler d’elle-même comme si elle voulait mettre une distance entre elle et elle-même, tenir à distance ce qu’elle a vécu.

"Dix mois de vie à la maison bleu ciel de Santa Fé. Et tout ce qu’on peut attendre le long d’une vie, je l’ai vécu, là.
Chaque action de nos jours, le moindre geste dans ce lieu, entrepris comme si c’était le dernier. Et c’était cela simplement notre bonheur.
Pas une compromission, pas une légèreté, pas une défaillance à réaménager le lendemain, on n’avait pas le temps."


La seconde partie La maison José Domingo Canas est une plongée dans l’horreur. Il s’agit de la prison où les révolutionnaires  sont torturés et maintenus en vie le plus longtemps possible afin d’obtenir des aveux. Il y a les amis, membres du MIR, El Chico qui résistera à la torture jusqu’à la mort, Luisa, Amélia, Jaime, Carolina … Une solidarité étroite les unit qui étonne même leurs gardiens. Il y a aussi la Flaca Alexandra qui a cédé sous les tortures, dénonce ses amis et collabore avec les ennemis. 

Mais malgré les détours tout nous ramène au but de ce récit : « Je me dois de refaire, à mes risques et périls, l’interminable et si court enchaînement qui mena au samedi 5 Octobre » quand la police prend d’assaut la maison bleue, Miguel tué en combattant, elle gravement blessée et enceinte conduite à l’hôpital. Et puis, face à la pression internationale, elle est libérée  et expédiée en exil, son bébé meurt peu de temps après.

Enfin la troisième partie La rue Claude-Bernard  où est situé l’appartement dans laquelle elle est hébergée à Paris, elle et d’autres exilés comme Simon, le frère de Miguel.

 

Laura, députée socialiste, soeur du président Allende

Elle va revoir sa fille Camila hébergée chez son père Andrès à la Havane où la famille s’est réfugiée. Javiera, elle, est au Mexique. A Cuba, elle rencontre aussi Laura Allende, la grand-mère de Camila, mère d’Andres, la soeur du président Allende, un beau personnage plein de force, de grandeur, de résilience. Laura Allende raconte l'enterrement de son frère.

"Le cimetière à Viña del Mar. Les quatre proches familiers et des marins en grand nombre. Laurica cueille une petite fleur jaune, une primevère, dans l'herbe qui entoure la sépulture. Elle la met sur le cercueil. La fleur tombe au fond de la fosse. Les soldats ricanent. Laurita s'exclame : Vous devriez avoir honte !... honte d'enterrer ainsi le président du Chili !... Et après un silence, lentement : Ce n'est pas cela l'important... quoi que vous fassiez, le peuple chilien ne l'oublie ni ne l'oubliera.

Elle n'a pas fini ces mots que le fossoyeur saute dans la fosse, ramasse la fleur jaune et la remet sur le cercueil. Personne ne bouge."

Carmen s’apprivoise à la vie en France au point que lorsqu’elle sera à nouveau autorisée à revenir au Chili, elle ne reconnaît plus son pays, la vie a  continué là-bas sans elle. Mais elle ne cesse pas de poursuivre son but, son devoir de mémoire, demandant à tous ceux qui souhaitent lui répondre : Où étais-tu le 5 Octobre ?

 

 


 

Challenge chilien chez Je Lis Je blogue

vendredi 21 février 2025

Connie Willis : Le Grand Livre


 

Vous aimez l’Histoire avec un grand H ? Vous aimez le Moyen-âge? Vous aimez l’aventure et l’extraordinaire ? Vous souhaitez voyager dans le Temps, vivre dans le futur ou dans le passé ? Alors ce livre est pour vous : Le Grand Livre de Connie Willis.

Nous sommes en 2054. Kivrin est étudiante en histoire à l’université d’Oxford et va être expédiée à l’époque médiévale par le directeur du laboratoire de Recherche, Mr Gilchrist, qui n’hésite pas à risquer la vie de son étudiante dans un tel voyage pour satisfaire ses ambitions personnelles. Et ceci, contre l’avis de James Dunworthy, chargé de l’organisation des voyages temporels. Pour lui, le Moyen-Âge est une période trop élevée sur l’échelle des risques et Kivrin lui paraît trop fragile :« Une fille qui mesurait moins d’un mètre cinquante, aux cheveux blonds tressés en nattes. Elle ne semblait même pas assez âgée pour pouvoir traverser une rue toute seule ». Mais elle souhaite ardemment partir et Dunworthy ne peut s’opposer à Gilchrist. Et puis, après tout, le XXI siècle n’est-il pas dangereux, lui aussi ?

«  Au Moyen-Âge, au moins, on ne risquait-on pas de recevoir une bombe sur la tête. »

Krivin a bien été préparée et partira le 22 décembre 2054 dans l’Oxfordshire du 14 au 28 décembre 1320. Le 28 décembre, elle retrouvera la porte temporelle à l’endroit où celle-ci l’a déposée.
Le docteur Mary Arhens lui a fait toutes sortes de vaccins, choléra, peste, typhoïde... Elle a aussi renforcé son système immunitaire même si l'on sait sait que la grande peste, la Mort Noire qui a d’abord touché l'Asie, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, avant de ravager la population européenne, n’arrivera en Angleterre qu’en 1348. Badri, l’ingénieur chargé de la machine à voyager dans le temps, est très compétent. Et le départ a lieu malgré les inquiétudes de James Dunworthy.



Mais…  dans la ville du XXI siècle qui se prépare à fêter Noël se déclare alors une épidémie liée à un virus inconnu. Krivin, elle se retrouve au Moyen-âge, est recueillie par une famille noble mais une erreur de calcul la plonge en pleine épidémie de peste en 1348. Le roman se déroule donc en alternance sur les deux périodes. 


Breughel l'Ancien : le triomphe de la Mort


Au Moyen-âge, nous faisons connaissance du père Roche, de dame Eliwys, épouse de sir Guillaume, et de leurs filles, Rosemonde (12 ans) Agnès ( 5 ans). Kivrin doit affronter la peste, soigner les pestiférés, sans savoir si elle pourra revenir dans le présent. Parviendra-t-elle à sauver Rosamonde et Agnès ? Retrouvera-t-elle son époque ? Elle va prouver qu'elle est capable de "traverser la rue toute seule" !  La description de la peste est cauchemardesque et nous immerge dans une époque terrifiante. Le XIV siècle est, en effet, ressuscité avec ses superstitions, ses ignorances et ses peurs, sa vie religieuse, ses croyances à la sorcellerie, avec le manque d’hygiène et la misère, la puanteur, la maladie, avec la mort omniprésente….  


Panneau de la chapelle de Lanslevillard (XVe siècle), en Savoie, La peste noire de 1348

Au XXI siècle malgré l’épidémie et les progrès de la médecine, la pandémie fait rage. James Dunworthy se dévoue pour lutter contre la maladie, pour essayer de sauver Kivrin perdue dans l'époque médiévale,  et pour s'occuper de Colin Templer (12 ans), petit-neveu du docteur Arhens, personnage attachant. Colin et l’étudiant William Meager, ce dernier bourreau des coeurs, doté d’une mère abusive et bigote, apportent une touche de fraîcheur et de dérision au récit. Par exemple, lorsque madame Meager pour réconforter les malades leur lit des pages de l’Ancien Testament !  

« A son réveil, Mme Meager se dressait au-dessus de lui, bible au poing.
-Il vous enverra maux et afflictions, entonna- t-elle dès qu’elle le vit ouvrir les yeux. Et toutes les maladies et toutes les fièvres jusqu’à votre destruction. »
« - je constate que madame Meager ne ménage toujours pas ses efforts pour remonter le moral des troupes. Je présume que le virus prendra bien soin de l’éviter. »
 

Malgré la situation dramatique, à la recherche des origines du virus et d’un vaccin, certaines situations nous font rire !

Un livre addictif qui mêle aventures palpitantes, tragiques, et humour bienvenu, nous amène très loin dans l’imaginaire. A lire absolument si vous aimez ce genre de lecture ! Moi, j’aime et je pense que je lirai d’autres livres de Connie Willis ! Le livre a été récompensé par quatre prix. 


Les pavés de l'hiver chez Moka (702 pages)



Chez Sandrine Blog Tête de lecture


dimanche 16 février 2025

Merja Mäki : Quand les oiseaux reviendront

 


Décidément, avec les auteurs finlandais et par l’intermédiaire de la fiction, je suis en train de découvrir l’Histoire de la Finlande et en particulier l’histoire du XX siècle et de la guerre de 1940 de roman en roman.
Vous vous souvenez qu’Olivier Norek avait raconté la guerre d’endurance et la résistance acharnée des soldats finlandais en 1939 contre l’assaillant soviétique dans Les guerriers de l'hiver.
Avec Merja Mäki, Quand les oiseaux reviendront, nous sommes en Carélie du Sud et Alli et sa famille font face chaque jour aux bombardements ennemis soviétiques. Alli, envoyé à la ville pour apprendre le métier de guérisseuse, comme le veut sa mère, s’est bien vite enfui pour retourner chez ses parents et sa petite soeur. La famille vit dans une ferme au bord du lac Lagoda en Carélie du sud où son beau-père est pêcheur. C’est aussi ce que veut faire Alli mais ce métier n’est pas fait pour les femmes et elle se heurte à la désapprobation et à la colère de sa mère. Son Frère Aatos est mort au front, son  jumeau Tuomas continue le combat mais laisse derrière lui une jeune épouse enceinte, Silvi.

 Mais l’armistice est signé en mars 1940 et la famille apprend qu’une partie de la Carélie du Sud est annexée par les soviétiques et que toute la population est déplacée et doit fuir. La famille ira en train rejoindre le frère du beau-père d'Alli et celle-ci se propose de mener le bétail à pieds et en traîneau. Elle est accompagnée par sa belle-soeur Silvi. Elle veut prouver qu’elle n’est pas la rêveuse que voit en elle sa mère et qu'elle est très capable de réussir cette longue et harassante équipée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a du caractère et du courage ! C’est un beau personnage assez complexe avec ses faiblesses et ses défauts, son entêtement parfois, qui fait aussi sa force !

Le roman est un roman d’aventures où l’on voit Alli secondé par Silvi affronter des kilomètres dans la neige et le froid. C’est aussi un livre sur l’exil, sur le déchirement de devoir quitter son pays natal et de le laisser aux envahisseurs, même si l’espoir demeure, Alli est certaine qu’elle sera de retour au pays quand les oiseaux reviendront. Un livre aussi sur la tristesse de l’exil, l’humiliation d’être reçue en quémandeuse, en étrangère, dans son propre pays, la Finlande restée indépendante. La Carélie a l’air plus archaïque, plus pauvre que ceux qui accueillent les exilés. Cette région est encore proche des traditions, des croyances magiques, le vocabulaire, la prononciation des mots sont différents. Loin de rencontrer de la compassion, les exilés sont traités avec mépris et considérés comme des « semi-russes » alors qu’ils viennent de tout perdre, justement, à cause des russes !
Mais il y a bien d’autres thèmes dans ce riche roman. La faim, la misère en particulier des enfants. Les souffrances de la guerre avec son lot de blessés et les mourants. Les rapports mère et fille souvent violents. Alli est rejetée par sa mère. Il y a aussi la condition féminine en train d’évoluer. En Carélie, les femmes « ne devaient pas se montrer trop hardies sans quoi le maître de maison perdait tout crédit aux yeux du village». Dans sa nouvelle vie Alli voit des jeunes femmes s’affirmer en devenant infirmières, indépendantes et libres. C’est ce que souhaite ardemment Alli qui affronte toutes sortes de défis. Y parviendra-t-elle ?
 Le roman est bien écrit avec sobriété dans l’expression des sentiments et la nature y est présente à la fois belle et rude avec son lac si grand que les pêcheurs l’appellent la mer, sa myriade d’oiseaux sauvages, ses hivers rudes dans les forêts enneigées.

« L’île de Haavus s’élevait en pente raide au niveau de la falaise de Haukka.
Arrivée au sommet, j’eus l’impression que le vent me transperçait de part en part et formait un tourbillon glacé dans mon ventre. La falaise plongeait presque verticalement vers la glace en contrebas. J’avais observé les récifs de nombreuses fois depuis le bateau, et ils m’avaient toujours donné l’impression qu’ils s’apprêtaient à me tomber dessus et à m’écraser sous leur poids.
En bas, la mer étincelait sous le clair de lune. La glace craquait sous l’effet du gel. »

 

 

Les quatre saisons de pavés chez Moka ICI

 


 

jeudi 6 février 2025

Eric-Emmanuel Schmitt : La lumière du Bonheur


 

J’ai pris « en marche » si j’ose dire La traversée dans le temps que propose Eric-Emmanuel Schmitt dans La Lumière du bonheur mais il semble que l’on peut les lire de manière indépendante.
L’écrivain imagine le voyage d’un homme Noam qui se découvre immortel et toujours jeune et qui voyage  à travers les millénaires de la préhistoire à nos jours.

Le premier livre s’intitule Paradis perdus (fin du néolithique et déluge)  

Le second La porte du ciel ( Babel et la civilisation mésopotanienne)

Le troisième Soleil sombre (l’Egypte et Moïse).

Enfin le quatrième La lumière du Bonheur nous amène dans la civilisation grecque au temps de Périclès. J’ai eu plaisir à retrouver et à côtoyer rien moins que Sappho, la Pythie de Delphes, ( Vous aurez du mal à interpréter ses oracles !) Hippocrate, (Mais oui, avec Noam, vous conseillerez Hippocrate pour la rédaction de son fameux serment),  Périclès  et Aspasie, et, bien sûr, Socrate pour ne citer qu’eux… Plaisir à participer aux jeux Olympiques avec Noam, à assister aux représentations de pièces de théâtre, à vivre la démocratie grecque très particulière ( qui, comme on le déplore, ne concerne ni les esclaves ni les femmes ! ) à livrer la guerre aux Perses et à vous confronter aux Dieux…

Le roman d'Eric-Emmanuel Schmitt est donc une manière agréable de revisiter la Grèce antique, l’auteur connaît bien son sujet, des notes en bas de page vous invitent à aller plus loin.

Par contre, je n’ai pas trop adhéré à ce personnage immortel, Noam et encore moins à Noura, immortelle elle aussi, et à leur relation entre amour et haine. Ils ne sont pas assez, à mon goût, des personnages mais restent des prétextes. Peut-être me manquait-il finalement la lecture des premiers volumes ?

samedi 31 août 2024

Almudena Grandes : Le lecteur de Jules Verne

 


Le petit Nino a neuf ans. Il vit avec sa famille dans une maison-caserne à Fuensanta de Matos dans la sierra Sur,  province de Jéan, en Andalousie. Son père est garde-civil.
 Nous sommes en 1947, l’Espagne vit sous la dictature de Franco, les libertés sont férocement réprimées, et dans ces montagnes, la guerre civile n’est pas terminée. Nino va s’en apercevoir peu à peu.
 Qui sont ces hommes qui vivent cachés dans les montagnes ? Et qui est ce Cencerro, qui devient aux yeux des villageois et de Nino l’incarnation du héros invincible, échappant à tous les pièges, déjouant les traquenards, volant les riches, Robin des bois généreux envers les pauvres? Pourquoi son père et ses collègues partent-ils la nuit dans des missions qui font trembler leur femme d’effroi ? Pourquoi les enfants des garde-civils sont-ils enfermés chez eux avec interdiction de sortir par des mères qui craignent des représailles ? Parfois, des Rouges sont faits prisonniers et dans la prison qui jouxte sa chambre, il entend les cris des hommes torturés avant d’être abattus par une balle dans le dos. Et que dire de ces femmes vêtues de noir qui exposent leur vêtement de deuil au passage des processions ? De ces femmes qui après avoir été tondues parce que leur mari était républicain, subissent quotidiennement les humiliations, la misère, le rejet social, mais ne cèdent pas, la haine engendrant la haine, toujours plus grande. L’enfant voit, observe, réfléchit et s’il pressent ce qui se passe, il ne comprend pas tout.

Pourtant l’avenir d’un fils de garde-civil est tout tracé, il fera le métier de son père, avec un salaire misérable mais bénéficiant de petits privilèges en nature accordés par les commerçants qui ont peur de lui, craint et méprisé à la fois et risquant quotidiennement sa peau pour capturer et abattre des gens qui sont bien plus proches de lui que les autorités et les riches propriétaires qui lui donnent des ordres. J’ai trouvé intéressant que, même si l’on sait où vont les sympathies de l’écrivaine, Almudena Grandes ne condamne pas le père de Nino et évite le manichéisme et la simplification. 

 « mon père qui était un assassin, un assassin et un brave homme, un assassin et un malheureux, un assassin et sa propre victime, un assassin sans la moindre trace de l'homme heureux qui souriait sur la vieille photographie en noir et blanc du bon temps qui ne reviendrait jamais. »

Le père n’a pas vraiment choisi sa voie, ce sont plutôt les évènements qui l’ont choisi mais il est pris dans un engrenage qui le fait souffrir.  Lui-même est prisonnier, d’un côté du régime franquiste qui le prive de son libre-arbitre, de l’autre des républicains qui voient en lui un assassin et le condamnent. Il n’y a pas d’issue possible. D’ailleurs il y a des bons et des mauvais dans tous les camps comme le prouve ce républicain prêt à trahir ses compagnons pour obtenir l’amnistie !

Deux circonstances vont infléchir le destin de Nino : Il ne grandit pas et son père, inquiet, craint qu’il n’ait pas la taille règlementaire pour devenir garde civil. Il décide de lui faire apprendre la dactylographie pour devenir secrétaire. Ce qui n’est pas si facile ! Où trouver un professeur compétent et comment le payer ?
Mais c’est quand il fait la connaissance de Pepe le portugais, un homme plutôt marginal, qui a loué le vieux moulin et cultive des oliviers que sa vie va changer. Une amitié lie l’enfant à cet homme qu’il admire pour son indépendance et sa vie simple et libre dans la nature. Celui-ci lui prête son premier Jules Verne.  Puis il  le présente à la famille Rubio, des femmes seules et fortes, les soeurs Filo, Paula et  Chica, et Catalina, la mère, veuve, et en deuil de ses fils, dont on comprend qu’elles sont en relation avec les hommes de la montagne. Là, il fait la connaissance de leur amie Elena. Dona Elena lui donne des leçons et c’est chez elle que commencent les prêts de ces livres précieux rangés dans des cagettes de fruits, les romans de Jules Verne, qui vont transformer l’enfant.

« Ainsi pendant que je conquérais l’espace en traversant les étoiles, je sondais le magma incandescent des profondeurs de la terre, les romans de Jules Verne prêtés par dona Elena étaient pour moi bien plus que des livres. Ils assuraient une existence privilégiée à un petit gamin qui n’avait jusque là jamais eu de raison de se sentir chanceux. Ils étaient le lien entre les deux vies, le tunnel secret reliant les murs nus de ma chambre de la maison-caserne aux cagettes de fruits qui abritaient une bibliothèque vivante. »

Le lecteur de Jules Verne est un roman qui secoue et où la vision  naïve de l'enfant donne une humanité particulière à ces personnages qui sont pris dans l'horreur de la guerre civile. Le lecteur qui ne partage pas la naïveté de Nino, accompagne l'enfant dans la découverte terrible de la réalité qui va définitivement mettre fin à l'enfance, dans la douleur des ces années pendant lesquelles la dictature, en liaison avec la religion, étouffe les libertés individuelles, traque et assassine, où la guerre civile a continué ses ravages et divisé la population, amenant un cortège de maux et de souffrances. On apprend ce qu’est la vie dans ces villages de la Sierra andalouse, avec ses hivers rigoureux, sa population pauvre, avec les peurs, les non-dits, les interdictions qui empêchent les femmes des républicains anti-franquistes de travailler, la violence qui provoque la terreur des mères.
De plus, c’est un roman très « peuplé » avec beaucoup de personnages, tout un village apparaît derrière les personnages principaux et ces personnages secondaires ont aussi des histoires fortes, marquantes, qui touchent le lecteur. Et puis, bien sûr, il y a les romans de Jules Verne qui mènent l’enfant vers la connaissance, la puissance de la lecture révélée qui guide Nino et éclaire les ténèbres morales où il se débat.

Un très beau livre, triste, c'est vrai, mais humain, et attachant !

Chez les gens courageux, la peur n'est que la prise de conscience du danger, ajouta-t-elle, mais chez les lâches, c'est bien plus qu'une absence de courage. La peur exclut également la dignité, la générosité, le sentiment de justice, et parvient même à entraver l'intelligence, car elle altère la perception de la réalité et allonge les ombres de toute chose. Les gens lâches ont peur y compris d'eux-mêmes...


Livre de poche 516 pages


mardi 26 mars 2024

Emma Stonex : Les gardiens du phare


 Dans son roman Les gardiens du Phare, Emma Stonex s’appuie sur un fait divers réel qui est toujours demeuré un mystère.
En 1895, sur les îles Flannan, au large de l’Ecosse, au coeur de l’archipel des Hébrides, la construction d’un phare dans cette zone pleine de récifs, réputée dangereuse, commence. C’est en décembre 1899 que le phare d’Eilean Mor, qui se dresse sur un rocher inhospitalier, inhabité, battu par les vagues et le vent,  s’illumine pour la première fois
Pour assurer sa maintenance, il faut quatre hommes, dont trois doivent rester en permanence sur l’île, le quatrième  partant en congé sur la terre ferme toutes les six semaines.  En Décembre 1900, un capitaine de navire signale que le phare est resté éteint. Quand on envoie des secours, les trois gardiens restés sur place, James Ducat, Thomas Marshall et Donald MacArthur, ont disparu sans laisser de traces. 

L’enquête a conclu que les gardiens avaient dû s’approcher trop près du bord pour sécuriser une grue et avaient été emportés par une vague géante. Mais cette conclusion est restée à l’état d’hypothèse n’ayant jamais pu être confirmée.

Les trois gardiens disparus d'Eilean Mor
 

C’est cette histoire que raconte Emma Stonex dans Les gardiens du phare en la transposant en 1972  et en situant le phare sur les îles Maidens, au nord de l’Irlande.
Les trois hommes, Arthur Black, le gardien-chef de la Maiden, Bill Walker son second et Vince dont c’est le premier poste - et à qui l’on essaiera de faire porter le chapeau parce qu’il a fait de la prison - disparaissent. La société des phares cherchent rapidement  à clore l’enquête, refusant de creuser plus avant, de crainte de détruire la bonne réputation de la Société, plutôt paternaliste, qui exige la fidélité et la bonne conduite de ses employés dont elle veut donner une image héroïque et qui prend soin de leur famille en retour.

L'île Flannan : Eilenn Mor

C’est l’occasion pour l’écrivaine de présenter la vie dans le phare et la dureté du métier de gardien qui exige des nerfs solides, une bonne santé mentale et une entente entre les trois personnes qui sont obligés de vivre ensemble de jour comme de nuit. Si l’une de ces conditions n'est pas réunie, les agacements deviennent vite antipathies, les tensions naissent, les risques d’affrontement s’exacerbent. La journée est rythmée par les travaux d’entretien du phare et de l’optique de la lanterne, les nuits exigent des quarts de veille pour assurer le bon fonctionnement de la lumière. Il faut imaginer la monotonie de la nourriture et des occupations, la solitude qui ébranle le moral, la séparation d’avec la famille, les tempêtes, effrayantes, avec des vagues gigantesques qui se brisent sur le phare dans un vacarme  incessant, la responsabilité des vies humaines qui pèse sur les gardiens s’il y a un dysfonctionnement.

Dans le roman,  Emma Stonex imagine que vingt ans après, un journaliste décide d’écrire sur cette histoire et demande à rencontrer les  femmes des disparus, Helen, Jenny et Michelle. Car ce qui intéresse aussi l'écrivaine, c’est de donner une explication à ces disparitions ou tout au moins d’avancer une autre hypothèse que celle retenue officiellement. Les femmes parlent, en effet, et se dessinent des secrets de couple, des mésententes, des jalousies, des non-dits… Une analyse psychologique assez fine qui fait apparaître les caractères et les sentiments de chacun, sous laquelle, en filigane, se dessine une réponse au mystère et à la tragédie ! Un roman intéressant !

 Tout seul

 

Je vous signale la magnifique BD  intitulée Tout Seul de Christophe Chabouté sur les gardiens de phare.

Voilà ce que j'en écrivais : "Tout seul, bande dessinée de Chabouté, est un petit bijou d'émotion, de poésie, de beauté, de tendresse, d'espoir. .. Si vous n'avez pas encore lu cette BD, faites-le vite ! Et si vous ne deviez en lire qu'une dans votre vie, que ce soit celle-là!

Cet album est presque sans paroles, les personnages qui y vivent sont soit des marins taciturnes, soit un solitaire, séparé de la civilisation, prisonnier volontaire dans un phare en pleine mer. Le dessin en noir et blanc, jouant sur le lumières de la nuit et du jour,  prend alors toute son importance, c'est lui qui raconte tout ce qui n'est pas dit, c'est pourquoi il faut être attentif aux moindres détails, et il est fantastique. Les variations des points de vue nous permet une approche toujours renouvelée de l'histoire. Nous sommes oiseaux et nous nous laissons porter par le vent pour nous poser sur la lanterne du phare, poisson dans un bocal nous contemplons la solitude d'un autre être, solitude qui n'a d'égale que la nôtre, marin, nous essayons de percer le mystère du phare..  A cela s'ajoutent les variations des cadrages, d'un gros plan qui éveille en nous la curiosité à un plan d'ensemble qui nous révèle la réalité…  Le dessinateur joue ainsi sur le mystère, éveille notre imagination. Chabouté suggère aussi le mouvement par le procédé cinématographique  d'un plan fixe qui permet de voir s'éloigner le bateau ou au contraire de le voir se rapprocher, venant droit sur nous, pour créer l'impression de durée dans le temps. Car l'histoire a un rythme, celui de la lenteur, de l'égalité des jours qui se traînent et se ressemblent, sauf quand survient un évènement, quand il y a irruption de la vie dans le quotidien."
VOIR la suite ICI

 

La Tour d'amour

 
 
"La tour d'amour de la "sulfureuse" Rachilde est un roman qui sidère, qui laisse pantelant. Jamais en ouvrant le livre de quelqu'un qui était pour moi une inconnue, jamais je n'aurais pensé découvrir un texte d'une telle force, servi pas un style puissant aux images hallucinatoires. Je comprends, bien sûr, que le récit ait fait scandale et je ne suis pas sûre qu'il ne choque pas, même de nos jours, les lecteurs sensibles tant il est morbide et nous entraîne dans la spirale d'une folie qui tient de la perversion. Si vous êtes de ceux-là, tant pis, mais ne dites pas que Rachilde est un médiocre écrivain" Voir Ici


 Le gardien du feu


J'ai aimé aussi :  Le gardien du Feu de l'écrivain breton Antoine Le Braz

"Je vous l'ai dit à propos du roman de Rachilde La Tour d'amour, les phares bretons inspirent aux écrivains des romans sombres et tourmentés tout comme le sont les personnages qui y vivent! Dans Le gardien du Feu d'Anatole Le Braz, c'est le phare de Gorlébella en plein Raz qui sert de décor pour cette histoire d'amour et de jalousie proche de la folie." Voir  Ici

 

 Les disparus du phare

 

J'ai moins aimé Les disparus du phare de Peter May mais lisez  le premier volet de la trilogie L'île des chasseurs d'oiseaux !

"Peter May, je l’ai découvert avec sa trilogie écossaise qui se situe dans l'archipel des Hébrides, dans l’île Lewis, et c’est de loin L’île des chasseurs d’oiseaux, le premier, qui demeure mon préféré. Il offre des pages d’une force étonnante qui raconte le quotidien des hommes de cette île et décrit leur mentalité ancrée dans le passé, si loin de la civilisation urbaine actuelle.
 Avec Les disparus du Phare, Peter May retourne dans les Hébrides, plus précisément dans les îles Flannan à une vingtaine de kilomètres de l’île Lewis. L’auteur s’empare d’un fait divers réel, survenu en 1900 : la disparition jamais élucidée des trois gardiens du phare d’Eilean Mor." 
Voir Ici


Tadloidu ciné chez Dasola conseille aussi les titres suivants et Je lis Je blogue une BD. Merci à eux  ! Je ne les ai pas encore lus mais cela me donne envie de les découvrir.

 

Robert Louis Stevenson : Journal de la construction d'un phare

Au large de l’Écosse, en mer du Nord, à la croisée de plusieurs routes maritimes, se trouve un récif meurtrier, où les navires s’abîment par dizaines. En 1807, un homme décide de mettre fin à cette malédiction. Ingénieur pour la Compagnie des Phares du Nord, Robert Stevenson se lance dans une entreprise périlleuse : ériger un phare sur un récif immergé vingt heures par jour. Trois années durant, dans des conditions chaotiques, il coordonne le chantier de Bell Rock. Animés par la volonté de rendre la mer plus sûre, ses hommes et lui luttent contre vents et marées pour mener à bien ce projet ambitieux.

En racontant l’histoire de sa famille et en publiant les carnets de son grand-père, Robert Louis Stevenson rend non seulement hommage à la dynastie de pionniers et de bâtisseurs dont il est issu, mais il révèle aussi au public une formidable aventure collective. (quatrième de couverture)  

 

Jules Verne : Le Phare du bout du monde


L’île des États : un îlot désertique au large de la Terre de Feu, à plusieurs dizaines de milles de tout espace civilisé. Les autorités argentines viennent d’y inaugurer un phare, pour permettre aux navires de franchir le cap Horn par une route plus rapide et plus sûre. Trois gardiens de phare sont déposés sur l’îlot pour y séjourner, seuls, durant les trois mois de l’hiver austral. Seuls ?... (quatrième de couverture) 

 

Emmanuel Lepage :  Ar -Men  BD


Au large de l’île de Sein, à la pointe Finistère, Ar-Men émerge des flots. Construit en 1867, on surnomme ce phare mythique «L’enfer des enfers». Sa lumière veille les navires, et les protège des récifs menaçants. Les hommes se sont succédés pour l’entretenir, sentinelles d'une côte déchiquetée que les marins redoutent. Germain, dans les années 1960, est l’un de ces gardiens téméraires et solitaires. Dans l'édifice isolé, contre vents et marées, il a trouvé son exacte place, emportant là ses blessures et son abandon d’une vie sur terre, avec les autres hommes. ( quatrième de couverture ) Editions Futuropolis




samedi 15 avril 2017

Vilhem Moberg : La saga des émigrants Tomes I et II Au Pays/ La traversée

 
Je lis moins en ce moment, lassitude ? mais il ne faut pas croire pourtant que je peux me passer de ma drogue quotidienne ! Il me faut simplement trouver des livres faciles à lire (bon, attention, cela ne veut pas dire idiots ! ) et qui me procurent une évasion voire une addiction ! Et cela existe ! C’est ce que je viens de vivre avec les cinq tomes de La saga des émigrants de l’écrivain suédois Vilhem Moberg  dans la collection de poche. Il peut avoir jusqu’à huit divisions dans d’autres éditions.

Mais évasion n’a rien de péjoratif, évasion signifie voyage passionnant, plein de découvertes, d’aventures, mais aussi de réflexions sur l’humain : sur la liberté de conscience, le rôle de la  religion et de de la foi, sur le libre arbitre aussi, sur le courage de ces hommes et ces femmes qui ont fondé l’Amérique et cultivé au péril de leur vie ces terres riches; ce qui n’occulte pas les problèmes des peuples amérindiens spoliés de leur terre, de leur terrain de chasse et voués à la famine. Cette suite de plus de 2000 pages a été élue par les suédois comme le meilleur roman de la littérature suédoise.

Tome I :  Au Pays


 
Dans le Tome I, sont posées les bases de l’histoire, les raisons de l’émigration et la présentation des personnages auxquels nous allons nous attacher pour cette longue traversée littéraire d’un continent à l’autre.
Car La saga des émigrants est un voyage dans l’espace et dans le temps : nous sommes dans le Smäland, province du sud-est de la Suède dans les années 1830 à 1850. A travers plusieurs familles de Ljuger et sur plusieurs années, le lecteur est introduit dans la vie quotidienne des habitants et comprend comment ceux-ci ont été poussés à l’exil. Le pays est régi par une autocratie rigoureuse dans laquelle le souverain est relayé par le clergé qui a tout pouvoir sur les consciences; la censure est telle qu’elle brime toute liberté individuelle. Les gens sont considérés comme hérétiques s’ils lisent la bible chez eux sans avoir recours au pasteur; la persécution religieuse est implacable pour ceux qui ne respectent pas strictement l’orthodoxie religieuse.


 
 
Enfin, c’est aussi un pays où la terre est rare pour les plus humbles, où la famine règne. On comprend, dans ce cas qu’il y ait eu plus d’un million de suédois, pour beaucoup des agriculteurs, qui choisit l’exil en Amérique, plus d’un million à quitter le pays pour s’installer sur les terres américaines attribuées aux colons qui venaient s’y installer pour les cultiver.
La famille Nilsa, le père Karl-Oscar, la mère Kristina et leurs enfants sont parmi ces mal lotis, s’échinant toute la journée sur une terre ingrate et caillouteuse, soumis aux aléas du climat ou de la sècheresse qui les laissent exsangues. De plus, la toute puissance des nantis, des riches propriétaires terriens sur leurs employés est sans limites. Les valets sont liés par un contrat à leur patron qui a tous les droits et peut exercer sa violence sur eux en toute légitimité. Ainsi le jeune frère de Karl Oscar, Robert, rêveur et insoumis, placé comme valet chez un maître brutal est frappé si violemment qu’il s’enfuit; poursuivi par la police, il est obligé de vivre caché. C’est lui qui, le premier, a l’idée de partir en Amérique et cherche à entraîner dans l’exil son ami Arvid. Son frère Karl Oscar le rejoint bientôt dans cette idée et, après la mort de sa petite fille pendant un hiver de famine, il donne corps à ce rêve en vendant la ferme. La fin de ce tome I raconte les préparatifs de départ et le ralliement de ceux qui décident de partir avec eux : le voisin, Jonas Petter, mal marié, qui fuit sa femme, l’oncle de Kristina, Daniel Andreadson, illuminé qui se croit investi d’une mission par Jésus et est obligé de fuir la persécution religieuse avec sa famille et ses convertis. Parmi eux, la prostituée Ulrika de Västergölh une femme de caractère et sa fille Elin

Tome II : La traversée



 
Ce qui est bien avec cette Saga, c’est que l’intérêt augmente d’un tome à l’autre. L’on a souvent entendu parler des souffrances subies par les pionniers entassés dans des cales exiguës, sans possibilité d’intimité ni d’hygiène, tourmentés par les poux, le mal de mer et bientôt le scorbut, mais c’est autre chose de le vivre par l’intermédiaire des personnages. Dès son premier pas sur La Charlotta, vieux rafiot qui ne semble pas pouvoir tenir la route, Kristina, enceinte, sait qu’elle va mourir. Nous assistons avec empathie aux épreuves quotidiennes qu’endurent les voyageurs. L’absence de vent retarde encore l’arrivée à New York. La maladie sévit, la mort rôde et emporte plusieurs d’entre eux. Les conditions de vie, les rapports conflictuels liés à la promiscuité, l’odeur pestilentielle, la saleté, les vomissures qui s’incrustent dans les vêtements, les cheveux, sur les couvertures, sont décrits avec un tel réalisme que l’on a parfois l’impression de partager cet enfer.

D’autre part, Vilhem Moberg décrit avec beaucoup d’acuité la psychologie des personnages, leur révolte vis à vis de Dieu qui les abandonne à l’océan ou au contraire la foi qui les raffermit; leur peur de cette immensité liquide prête à les engloutir. Il analyse leurs sentiments lorsqu’ils comprennent que c’est un voyage sans retour, qu’ils ne reverront plus jamais la terre natale et les vieux parents qu’ils ont laissés désemparés sur le pas de la porte, et aussi les lieux où ils ont été jeunes et amoureux.

Le style est parfois empreint de nostalgie, parfois traversé d’humour comme lorsque Robert apprend l’anglais ; il peut atteindre le burlesque avec les contes grivois de Jonas Petter mais il prend aussi le ton l’épopée. En effet, il y a quelque chose d’épique dans cette traversée, dans le contraste entre l’infiniment petit, les hommes, face à l’immensité de l’océan.

Robert écoutait le fracas des paquets de mer, au-dessus de leurs têtes. Ils claquaient, clapotaient, puis coulaient sur le pont. Une puissante masse d’eau s’abattait, cognait contre le navire et rebondissait. Lorsque la vague se brisait sur le pont le bruit faisait vacarme et bouchait les oreilles comme une grande giffle. La vague venait frapper le flanc du navire, se brisait et retombait dans la mer. Puis survenait la suivante (…) Il écoutait ces vagues, les unes après les autres, et entendait le navire se libérer chaque fois de la langue de mer, échapper à la grande gueule béante du monstre. La Charlotta flottait toujours.

 L’énergie dans la marche de ce petit voilier se frayant un chemin sur les abysses, le courage, la détermination de ces pauvres gens, malgré leurs doutes et leurs angoisses, nous entraînent bien loin. Un suspense se crée; une envie d’arriver au port comme eux. Une lecture, donc, que l’on ne peut quitter. Je  dois dire que j’ai préféré le deuxième tome même si j’ai aimé le premier. Je considère Au Pays comme une  scène d’exposition nécessaire et intéressante. Mais La Traversée est animé d’un souffle plus intense.
 

Scène du film Les émigrants : Kristine, Karl-Oscar et leurs enfants

 
 
Je vous parlerai dans un prochain billet des volumes suivants : 
Tome III : La terre bénie
Tome IV : Les pionniers du Minnesota
Tome V : Au terme du voyage
 

Vilhem Moberg  auteur de La saga des émigrants : photographie de Lars Nordin.
Vilhem Moberg : photographie de Lars Nordin.