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mercredi 24 juillet 2024

Avignon : Festival 2024 Le XVIIème siècle : Molière : Les femmes savantes, Le Bourgeois gentilhomme, Le misanthrope

 

 Bélise ( Pauline Paoli) dans Les femmes savantes festival d'Avignon 2024

 

Quand j'amène ma petite-fille (14 ans) au festival de théâtre d'Avignon et même si j'essaie d'aller voir avec elle quelques contemporains, il lui faut des classiques ! Et parmi les classiques, le roi Molière ! Qui a dit que les ados n'aimaient pas Molière ? Amenez-les au théâtre et vous verrez !

Et quand on me demande si je n'en ai pas assez de voir toujours les mêmes pièces, cela me fait rire ! Car vous pouvez assister chaque année à une représentation de L'Avare, Le bourgeois gentilhomme, Tartuffe,  les femmes savantes... peu importe, ce n'est jamais le même ressenti ! Et c'est cela, le spectacle vivant, toujours différent, toujours renouvelé, selon les metteurs en scène, leur inventivité,  les interprétations,  la sensibilité, le brio des comédiens, les transpositions dans des époques différentes, les décors, les lumières, les costumes... Ce que j'aime dans la mise en scène, c'est lorsque, tout en donnant leur lecture personnelle, en nous surprenant et nous touchant, les metteurs en scène savent respecter l'auteur et se mettre au service de la langue. Des idées, de la personnalité, oui, mais du respect !  Ras le bol de ceux à l'égo surdimensionné qui méprisent le texte et l'auteur et se croient supérieurs à lui. Et oui, c'est la mode surtout dans le In !

Il m'arrive même souvent  poussée par ma petite-fille d'aller revoir la pièce deux fois de suite, et même il y a deux ou trois ans, de revoir quatre fois Beaucoup de bruit pour rien car Shakespeare est son deuxième auteur préféré.

LES FEMMES SAVANTES



 Parlons du spectacle des Femmes savantes mis en scène par Jean Hervé Appéré par Comédiens et Compagnie, revu deux fois à quelques jours d'intervalle.

L'Argument

"Henriette qui aime Clitandre se voit contrainte par sa mère, Philaminte, d’épouser Trissotin, un médiocre poète à la mode qui, tout comme Tartuffe, essaie de s’introduire dans la maison pour s’enrichir. Le père, Chrysale, heureusement accompagné de son frère, Ariste, va essayer d’empêcher ce mariage en affrontant les foudres de sa femme, Philaminte, de sa soeur Bélise et de son autre fille, Armande, trois femmes savantes qui essaient de régenter le monde… de leur maisonnée.
 Les Femmes savantes veut offrir un moment de spectacle complet : cruel, tendre, comique, musical, un délicieux projet pour Comédiens & Compagnie qui expérimente depuis 15 ans une certaine idée de la commedia dell’arte, faite de bouts de ficelles et d’imagination."

Présentation par la Compagnie

"Après La Princesse d’Élide, Le Mariage forcé et Le Malade imaginaire, Comédiens & Compagnie et Molière sont de nouveau réunis avec Les Femmes savantes. Cette comédie drôlissime s’en prend aux sots, aux pédants et aux hypocrites. Ce superbe texte en alexandrin s’amuse à dévoiler les sottes lourdeurs d’une société patriarcale contre la naïveté de suffragettes intégristes, la lutte pour le pouvoir… à l’intérieur du cadre familial, l’ennui profond des salons mondains. Une satire incisive de ceux qui savent ou plutôt qui croient savoir et qui cherchent à imposer leur vision du monde. Toute ressemblance avec notre actualité ne peut être qu’accidentelle... 
Encore une fois cette comédie est emblématique de notre savoir-faire, à savoir : présence gestuelle, improvisations raisonnablement dosées, musique et chants, danses et pantomimes avec un respect du texte (le travail sur les alexandrins cherche à trouver la fluidité suffisante pour faire passer le vers avec sa force intrinsèque sans en entraver la justesse, la vérité. Ce travail esquissé dans La Princesse d’Élide dont le premier acte et le début du deuxième étaient en vers, trouve ici son aboutissement) qui n’entrave pas la gaieté communicative de la comédie. Un spectacle pour tous, un spectacle populaire dans le sens noble du terme, accessible, ne rimant pas avec pauvreté ou vulgarité mais nous l’espérons, avec richesse, pour ne pas dire en l’occurrence, préciosité et humanité."


Les femmes savantes  à l'époque du Charleston. Clitandre est vêtu comme Tintin !


 Mon avis :

 Un excellent spectacle où effectivement l'alexandrin, souple, naturel, aisé, s'écoule librement ! Transposé  à l'époque des Années folles, les comédiens sont portés par la musique de Bartok, Ravel, le Jazz et le Charleston... On danse, on chante, on rit, on réfléchit aussi.  Molière condamnerait-il l'éducation des femmes, leur refuserait-il l'accès à l'étude, aux sciences ? 

Mais il n'en est rien, c'est la sottise que Molière réprouve, celle de Trissotin, l'écrivain ridicule et ampoulé,(un Guillaume Collignon loufoque à souhait), celle des trois femmes Philaminte, Bélise et Armande, qui admirent les faux-semblants, la fausse culture et affiche le mépris du corps et de l'amour. Non des femmes savantes mais des femmes snobs dont l'affectation n'a d'égale que la vanité. Armande et Philaminte sont d'ailleurs vêtues en homme comme si elles renonçaient à leur féminité. 

On rit de la lâcheté de Chrysale (Fred Barthoumeyrou), le père, mais on le comprend quand on voit arriver son petit bout de femme furibonde (Ana Isoux) qui en effraierait plus d'un !  Tous les comédiens sont d'ailleurs très bons avec une mention spéciale pour l'interprétation de Bélise (Pauline Paoli) qui croit tous les hommes amoureux d'elle. Cruauté aussi comme toujours dans Molière quand Armande s'aperçoit que son mépris affiché du mariage lui a fait perdre celui qu'elle aimait, Clitandre qui s'est tourné vers sa soeur Henriette.

LES FEMMES SAVANTES MOLIÈRE
https://www.comediensetcompagnie.info/les-femmes-savantes
 18H30 durée 1H40 Espace Alya
Mise en scène de  JEAN HERVÉ APPÉRÉ
7 comédiens et 2 musiciens
Comédiens & Compagnie

FRED BARTHOUMEYROU Chrysale / Julienv 
; VALÉRIE FRANÇAIS  Philaminte
 ; ANA ISOUX Armande / Piano ; 
MÉLANIE LE DUC ou AUDREY SAAD  Henriette 
; STÉPHAN DEBRUYNE ou BORIS BÉNÉZIT Ariste / Martine / Violoncelle
 PAULINE PAOLINI Bélise
;  ANDRÉ FAUQUENOY Clitandre / Vadius
 ; GUILLAUME COLLIGNON Trissotin / Trompette ; 
JONATHAN JOLIN Le Notaire / Clarinette / Percussion

Crédit photo : Castanéa/Nicolas BARBARIN
Direction des chants ANA ISOUX
Pantomimes LiONEL MENARD
Chorégraphie SOPHIE PECOUD
Costumes DELPHINE DESNUS
Lumières EDWIN GARNIER



 LE BOURGEOIS GENTILHOMME 

 


L’argument
 

Riche Bourgeois, M. Jourdain veut acquérir l’éducation des personnes de qualité et s’élever dans le monde au-dessus de sa condition.  Il décide de commander un nouvel habit et  fait venir des maîtres d'armes, de danse, de musique et de philosophie, et se couvre de ridicule
Il fait la cour à Dorimène, une marquise veuve, amenée chez lui par son amant, un comte indélicat qui profite de la sottise de monsieur Jourdain pour lui soutirer de l'argent.
Sa femme et Nicole, sa servante, se moquent de lui, puis s'inquiètent pour Lucile, la fille de monsieur Jourdain  amoureuse de Cléonte que M. Jourdain refuse car il n’est pas noble.

Mon avis

Je crois que l'affiche résume bien la mise en scène, le grain de folie qui secoue cette représentation d'un Bourgeois gentilhomme complètement échevelée et survoltée. Les costumes baroques, magnifiquement colorés, burlesques, originaux, avec les perruques surdimensionnées, échevelées, donnent le ton en conférant aux personnages une dimension à la fois comique et onirique, renforcés par le maquillage outrancier, visage blanc, joues orangées qui rappellent le cirque.

 

Bastien Ossart : Monsieur Jourdain


 Et c'est en même temps très beau, fantaisiste, amusant : Ô ! les frisettes roses de Liwen Liang quand elle est Lucile ou son énorme noeud jaune à pois noirs sur la tête, façon coiffe alsacienne, quand elle est marquise ! Ou encore la citrouille coiffée par Monsieur Jourdain sacré Mamamushi.

 

Liwen Liang : Lucile, la fille de monsieur Jourdain

Nous n'avons pas devant nous des personnages réels mais des personnages surgis d'un esprit en délire et qui évoluent sur la scène dans des pantomimes et des danses, une véritable comédie-ballet (mais sans Lully) comme l'a voulu Molière au son de musiques diverses, opéra, boléro, sacre du printemps. Le personnage du Bourgeois acquiert une certaine démesure dans ses ridicules et son obsession nobiliaire. J'ai aimé que la pièce soit respectueuse du texte mais s'en éloigne parfois en introduisant des variantes, en particulier les deux fables de La Fontaine extrêmement bien dites. Encore un excellent spectacle et très original.

De Molière
Adaptation et mise en scène Bastien OSSART
Compagnie Théâtre Les Pieds Nus
Avec Bastien OSSART, Iana Serena DE FREITAS, Mathilde Guêtre-Rguieg, Benoît MARTINEZ, Nicolas QUELQUEJAY, Liwen LIANG
Costumes Théâtre Les Pieds Nus

Lumières Florian DERVAL


LE MISANTHROPE

 

L'argument

Alceste hait les mondanités et dénonce l'hypocrisie de ses semblables. Son ami Philinte est plus mesuré et représente l'idéal de l'honnête homme du XVII siècle. Alceste critique le sonnet d'Oronte et a un procès sur le dos. Malgré sa misanthropie, il est pourtant fou amoureux de Célimène, jeune et belle veuve, coquette et frivole qui ne correspond pas du tout à ses idées. Il finira par renoncer à la société et à l'amour.

Dans le plus grand respect de l'alexandrin, cette mise en scène transposée dans le monde des réseaux sociaux, des influenceuses et des jet-setters nous montre à quel point l'homme, en 350 ans, n'a pas changé 

  

Le misanthrope : Célimène et ses amis
 

Mon avis

 Et oui, une transposition dans le temps, cette fois-ci dans notre présent avec smartphone, selfie, boîte, alcool, guitare électrique et rock. Et à n'importe quelle époque... Molière ? c'est juste, c'est vrai ! L'hypocrisie, les amitiés superficielles, le vide des relations humaines, les moqueries, la méchanceté voire la cruauté, tout est là !  J'ai bien ri lors de la scène où Oronte (Le Douarec ) lit son sonnet à Alceste (Jean-Charles Chagachbanian) pris au piège de ses propres contradictions. Mais tout ne fait pas rire dans cette pièce où se joue l'une des comédies humaines les plus noires de Molière. Un bon spectacle !

 

LE MISANTHROPE MOLIERE

LES LUCIOLES 15H50  Durée 1h55 - Dès 10 ans

 Compagnie Le Douarec

Mise en scène de Thomas Le Douarec 

Comédiens : Valérian Béhar-Bonnet, Jean-Charles Chagachbanian, Caroline Devismes, Jules Fabre, Thomas Le Douarec, Théo Lima, Philippe Maymat, Jeanne Pajon, Justine Vultaggio




Nous avons revu aussi une pièce vue l'année dernière Le malade imaginaire en La majeur déjà commentée  Et les Trois Molière .






3 commentaires:

  1. Bravo à toutes les deux pour votre enthousiasme & merci pour ces échos d'Avignon !

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  2. Voir revoir les classiques! On ne s'en lasse pas. Et comme le texte est connu les découvertes sont dans les détail. Avignon est une fête!

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  3. 3 belles adaptations ! Cela m'aurait beaucoup plu aussi !

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