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jeudi 9 juin 2016

Olav H. Hauge, poète norvégien : Nord profond

Parc de la maison d'Edvard Grieg :  Vue  sur le Nordasvatnet

 Parc de la maison d'Edvard Grieg :  Vue  sur le Nordasvatnet
Il y a une quinzaine de jours, nous étions assis au bord du Nordasvatnet, le lac de Nordas, à Bergen, dans le parc de la maison d'Edvard Grieg qui se dresse sur la Troldhaugen, La Colline des Trolls.

C'est là que Grieg a composé la musique de Peer Gynt d'après l'oeuvre de Henrik Ibsen. Ma petite-fille adore l'histoire, surtout quand le héros arrive dans l'antre du roi des Trolls et elle a chanté, une partie de la journée, le motif de ce passage si célèbre que Fritz Lang a repris dans M. Le Maudit ! Cela faisait un drôle d'effet !

Norvège Bergen :  Maison de Edvard Grieg :  Troldhaugen
Maison de Edvard Grieg :  Troldhaugen



Ensuite, Ma fille, ma petite-fille, mon mari et moi-même, nous nous sommes assis au bord du lac pour écouter les poésies de Olav H. Hauge, poète norvégien, lues par ma fille qui avait emporté avec elle le recueil Nord Profond. Un souvenir paisible et  doux dans un lieu idyllique.




Olav H. Hauge (1908-1994) écrit des poèmes simples et concis, très purs, qui font naître des images d'une grande beauté,  nous font basculer dans l'Ailleurs, parviennent à dire ce qu'il a derrière l'apparence des choses et à en dévoiler le mystère.

Nicolaï Astrup : pommiers en fleurs

 Printemps dans les montagnes

Aujourd'hui les flocons de neige
dansent comme de jeunes rennes
s'affrontant dans le soleil.
La rivière cravache
sur le chemin du retour
emportant l'hiver avec elle.
Le pluvier doré est là et, sur les pentes,
l'herbe verte.

Un mot

Un mot
-une pierre
dans une rivière froide
une autre pierre encore-
il me faut plus de pierres pour traverser.

 La nature, la solitude, son travail d'horticulteur à Ulvik, sur plateaux sauvages du Hardanger, au bord du fjord, dans ce pays glacial où il exploite les pommiers de son verger, le façonnent et sont à la source de son inspiration poétique.  

Hardanger fjord de Hans Gude,

"Les meilleurs de mes poèmes ont été faits dans une froide tranquillité, dans les bois; avec une chique de tabac dans la bouche et une hache à la main"  

Pommes vertes 
 L'été était froid et pluvieux.
Les pommes sont vertes et piquées.
Cependant je les cueille et je les trie
et je les range dans des caisses à la cave.
Des pommes vertes valent mieux
que pas de pommes
quand on vit ici , au 61e parallèle nord.

Sa maladie mentale, il est schizophrène, qui l'isole, le fait basculer vers le rêve, l'imaginaire, habité par la présence de son double, de "l'autre homme". Angoisse. Il vit seul avec ses livres, ses amis sont Thoreau, Ibsen, Hugo, Gide, Char, Michaud, Bachelard et bien d'autres... Il lit beaucoup.

Peinture norvégienne Oslo National galleriet : Christian Dahl : le vieux chêne peintre romantique
Christian Dahl : le vieux chêne


 Quand je me réveille

Quand je me réveille, un noir
corbeau frappe à mon coeur.
Ne vais-je jamais m'éveiller
à la mer et aux étoiles,
aux bois et à la nuit,
au matin,
avec des chants d'oiseaux.

Dans les années soixante son poème "c'est le rêve" devient l'heureux emblème de toute sa  génération.
musée des beaux-Arts de Bergen Kode 2 Rolf Aamot, peintre norvégien
Rolf Aamot, peintre norvégien

 C'est le rêve

C'est le rêve que nous portons
que quelque chose de merveilleux
va arriver,
que ça doit arriver-
que le temps va s'ouvrir
que le coeur va s'ouvrir
que la roche va s'ouvir
que les sources vont jaillir-
que le rêve va s'ouvrir,
qu'un beau matin, au point du jour, 
nous glisserons sur la vague
vers une anse dont nous ne savions rien.

Ce sont des années heureuses pour Hauge qui lie des amitiés et se marie en 1978; il trouve la sérénité. Dans sa préface, François Graveline qui le compare à Orphée, écrit  : "de sa plongée au plus profond de son être, dont il est revenu sans jamais se retourner, se détourner de son but, la poésie, il réapparaît métamorphosé. Hauge a réussi " à transformer son mal en lumière".


Peintre norvégien Nicolaï Astrup : labour
Nicolaï Astrup : labour

La faux

Je suis si vieux
que je m'en tiens à la faux,
et les pensées peuvent aller.
D'ailleurs, ça ne fait pas de mal,
dit l'herbe,
de tomber sous la faux.


Sommeil

Glissons
dans le sommeil, dans
le rêve paisible,
glissons-
deux boules de pâte dans 
le bon four de la nuit.
réveillons-nous
au matin,
deux pains de blé dorés.

Anna-Eva Bergman, peintre norvégienne : jeux de feuilles
Et j'étais triste

Et j'étais triste 
et je me terrais dans une grotte,
j'étais gonflé d'orgueil et bâtissais
au-delà des étoiles,
Maintenant
je construis dans l'arbre tout proche 
et le matin, quand je m'éveille,
le pin
enfile dans ses aiguilles
des fils d'or.

dimanche 5 juin 2016

Edvard Munch : Oslo Munchmuseet, une déception!/ Oslo National Galleriet/ Bergen Kunstmuseum

Norvège Bergen musée des beaux-arts Kode 3  Edvard Munch Jeune femme assise 1892 (musée de Bergen)
Edvard Munch Jeune femme assise 1892 (musée de Bergen)

 Munchmuseet

Je me faisais une joie d’aller visiter le musée Edvard Munch d’Oslo, le plus riche concernant l’artiste puisque celui-ci a donné ses collections à la ville qui a construit ce musée pour leur servir d’écrin: 1100 toiles, 4500 dessins et 18 000 oeuvres graphiques! 

Le musée présentait, en ce début mai 2016, une exposition mettant en relation Mapplethorne et Munch. Je n’aime pas Mapplethorne, ce photographe que je trouve, froid, nombriliste pour ne pas dire narcissique. Il se met en scène devant l’objectif et explore la sexualité. Mais peu importe! C’est Munch qui m’intéresse!

Quelle déception en arrivant au musée d’apprendre qu’il n’y a pas d’exposition permanente des tableaux de Munch. Je me suis donc retrouvée dans des salles qui mettaient beaucoup plus en valeur Mapplethorne que Munch, du moins c’est l’impression que j’ai eue, perdue dans l’avalanche de photographies de l’invité plus abondantes que les tableaux du peintre. Et comme l’univers du photographe est limité à un thème, les oeuvres de Munch l’étaient aussi. Impossible de découvrir la richesse du peintre norvégien qui peint, certes la sexualité, mais aussi l’angoisse existentielle, la difficulté de vivre, la maladie, la mort, les rapports familiaux. Impossible de voir aussi l’évolution de l’artiste d’un style à l’autre, l’évolution de la couleur qui, chez lui, est si particulière, si riche, signifiante et symbolique. C’est pourtant ce que l’on attend d’un musée Munch! C’est comme si au musée Picasso à Paris, vous ne pouviez voir ses oeuvres qu’en nombre limité et ceci au profit d’un autre artiste. Une expérience très frustrante.

Bien sûr, un musée, pour être vivant doit se renouveler et je comprends bien la nécessité des évènements temporaires. Mais que l’on ne puisse voir d'autres oeuvres, du moins une partie, indépendamment,  quand on vient de si loin pour les admirer, c’est tout de même dommage. En fait, il faut le savoir, si vous visitez le musée Munch, tout dépendra donc, pour le découvrir avec plaisir et dans toute sa richesse, de l’artiste qui lui est associé et de vos goûts. Ah! si j'avais pu voir l'expo précédente Van Gogh-Munch! Le prochain invité sera Jasper Johns.

J'ai fini par comprendre qu'en fait, si vous voulez voir une exposition permanente des oeuvres de Munch, il fallait aller au musée des Beaux-Arts d’Oslo, la Nationalgalleriett et, de même, au  Kunstmuseum de Bergen.

Heureusement, aussi, j’avais vu des très belles oeuvres de lui à Stockholm à la Thielska Galleriet Ici

                                      Edvard Munch à la National Galleriet

Munch : La danse de la vie

Edvard Munch (1863-1944) est considéré comme le plus grand peintre de l’Europe du Nord.  Il fut l’élève de grands artistes norvégiens comme Christian Krogh et Frits Thaulow. Il a participé à l’aventure de l’art  au tournant du XIX siècle et du XX siècle, sensible à différents courants artistiques lors de ses nombreux voyages à l’étranger. A Paris, en particulier, il rencontre les impressionnistes et post-impressionnistes comme Manet, Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec, Degas, Caillebotte. En Allemagne, il se tourne vers le symbolisme et sa peinture annonce l'expressionnisme. Il s’essaie aussi à différentes techniques comme l’eau forte, l’estampe, la lithographie, la gravure sur bois. L'art photographique a lui aussi transformé son oeuvre.
Son enfance est marquée par les décès de sa mère morte de la tuberculose alors qu’il a cinq ans et de sa soeur aînée emportée par cette maladie en 1977. Son père meurt en 1889 et son frère Andreas en 1895. Il est lui-même de santé fragile et présente des troubles mentaux. Il écrit : "J'ai reçu en héritage deux des plus terribles ennemis de l'humanité - la tuberculose et la maladie mentale - la maladie, la folie et la mort étaient les anges noirs qui se sont penchés sur mon berceau." On comprend alors qu'il soit hanté par les thèmes de la maladie et de la mort qui sont récurrents dans son oeuvre et qu'il soit en proie à une angoisse existentielle qui s'exprime dans toute son oeuvre.

Munch : L'enfant malade (détail)
Ce tableau, il le peint de mémoire en souvenir de sa soeur Sophie morte de la tuberculose. Il avait quatorze ans.  Il rappelle celui de Christian Krogh, lui aussi extrêmement émouvant. Exposé en 1886, il déclenche un scandale car il est considéré comme inachevé avec les stries qui raient le tableau comme si l'artiste avait passé sa rage sur la toile. Munch reprendra six fois ce tableau, jusqu'en 1932 : " certains me reprochent d’en avoir peint des quantités – Mais je dis : quand je suis tellement habité par cette image – et – n’est-ce pas aussi valable que de peindre des centaines de pommes ou de violons sur une table ? " Colère devant la mort, obsession qui le quitte rarement et qui trouve son apogée dans le Cri.
 
Le cri
Il existe cinq versions du Cri qui est considéré comme l'oeuvre majeure du peintre. Le paysage à l'arrière représente le fjord d'Oslo vu de Ekeberg. Evidemment ce n'est pas le réalisme du paysage qu'a cherché à rendre Munch mais l'angoisse qui étreint l'homme en proie à la déréliction. Les couleurs en particulier le rouge du ciel et ses vagues sinueuses, les tourbillons de l'eau semblables à un grand maelstrom  (on peut y voir des similitudes avec la peinture de Van Gogh), tout paraît animé d'une malveillance envers l'être humain et d'un mouvement formidable qui semble vouloir l'aspirer et l'emporter bien loin. L'homme qui porte les mains à son visage dans un geste de désespoir présente sur lui les stigmates de la mort.
Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang je m'arrêtai, fatigué, et m'appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j'y restai, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers et qui déchirait la nature. »

Mélancolie ( musée des beaux-Arts Oslo)
Mélancolie est considéré comme le premier tableau symboliste de Munch, faisant du peintre un précurseur de l'expressionnisme. Les couleurs cessent d'être réalistes et l'artiste ne cherche plus à reproduire ce qu'il voit mais un état d'âme.

Madone

et Kunstmuseet de Bergen : Kode 3

Bergen : musée des Beaux-Arts  Edvard Munch : Inger à la plage
Edvard Munch : Inger à la plage (1889)


L'exposition Munch du musée des beaux-Arts de Bergen est somptueuse. Les premières toiles montrent l'influence de l'impressionnisme dans l'oeuvre d' Edvard Munch. Inger est la plus jeune soeur du peintre Edvard Munch. Elle a quatorze ans. Certes, Inger est seule, rêveuse, peut-être mélancolique, mais ces portraits d'elle en robe blanche, en repos, dans un cadre paisible contrastent avec l'ensemble de l'oeuvre du peintre. J'y vois, un moment de détente à Åsgårdstrand où l'artiste  a loué, pendant l'été 1889, unlogement de vacances et où il semble baisser la garde. Plus tard il y achètera une maison.
Edvard Munch Inger au coucher de soleil (1888) musée des beaus-arts de Bergen
Edvard Munch Inger au coucher de soleil (1888)

Norvège musées des beaux-Arts de bergen Edvard Munch Matin (1884)
Edvard Munch Matin (1884)

Kunsmuseet de bergen Kode 3 Edvard Munch : femme se coiffant 1892
Femme se coiffant (détail)


Salle Edvard Munch : Kunstmuseet de Bergen Kode 3
Salle Munch : Kunstmuseet de Bergen
Les salles suivantes montrent un changement dans la manière de peindre de Munch. On y retrouve Mélancolie, une autre version de la peinture déjà découverte à Oslo, une des toiles peintes par l'artiste qui s'inspire du désespoir amoureux de son ami Jappe Nilssen. Munch, lui-même, a eu une vie amoureuse agitée et il considère l'amour comme un tourment qui apporte la douleur, celle de la jalousie, de la séparation. La femme représente des pôles contraires, attirance et peur, Eros et Thanatos. Les couleurs ne sont pas naturelles, les formes sont stylisées et les courbes des rochers et de la plage semblent rendre compte du tourment de l'âme. Le peintre peint par aplats entourés de lignes sombres comme Gauguin qu'il avait rencontré à Paris et qui exerça aussi sur lui une grande influence.

Musée des Beaux-arts de bergen Edvard Munch : Mélancolie  détail (1894_1896)
Edvard Munch : Mélancolie détail  (1894_1896)
Edvard Munch, fidèle à son habitude, a peint toute une série de femmes ou de jeunes filles sur le pont ou sur la jetée. (voir ci-dessous Femmes sur le pont et Filles sur le pont)  A priori, la beauté des jeunes filles, les couleurs éclatantes des robes qui empruntent au nabisme, paraissent optimistes voire gaies. Mais les lignes de fuite, raides et vertigineuses, l'invraisemblance des couleurs, les traits courbes du pinceau, la noirceur de l'eau que contemplent les fillettes, peuvent jeter un trouble sur leur avenir et réfutent l'optimisme en créant une sensation de malaise; mêmes caractéristiques très nettes dans La danse de la vie (voir ci-dessus) avec la symbolique des couleurs blanche, rouge et noire et le reflet de la lune sur la mer semblable à un i comme un cri aigu et sinistre.. A noter les mains cadavériques de la femme en noir qui représente la vieillesse. On voit combien Munch est en avance sur son temps puisqu'il annonce l'expressionnisme qui n'apparaîtra réellement que vers les années 1905 en Allemagne.
Edvard Munch Femmes sur le pont (1902_1903) Bergen
Femmes sur le pont (1902_1903) Bergen
Filles sur le pont
Les  visages des personnages dans les deux tableaux ci-dessous Au chevet de la morte (1895) et Soirée sur l'avenue Karl Johan (1892) sont, comme dans le Cri, ceux de morts vivants. Des crânes aux orbites creuses regardent fixement devant eux, et, certains d'entre eux, de couleur verte, portent déjà les marques de la décomposition des chairs sur eux. Rappel de la mort imminent qui nous guette tous, au chevet d'une morte comme dans les rues d'une grande ville.

Bergen Musée des Beaux-Arts Bergen kunstmuseum Edvard Munch  : Au chevet de la morte (1895)
Edvard Munch  : Au chevet de la morte (1895)

 Musée des beaux-Arts de Bergen Edvard Munch; soirée sur l'avenue karl Johan 1892
Soirée sur l'avenue Karl Johan (1892)


Bergen musée des Beaux-Arts Munch paysage d'hiver de Thüringen 1906
Munch paysage d'hiver de Thüringen 1906