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jeudi 4 octobre 2012

Paul Féval : La fée des Grèves (2): Le Mont Saint Michel, Tombelène et le Couesnon

Le Mont Saint Michel dans Les très riches heures du duc de Berry (XV°)

 Le Mont Saint Michel était originellement appelé Mont Tombe. Aubert, évêque d'Avranches fait construire l'abbaye sur le Mont au VIII ième siècle lorsque l'archange Saint Michel lui apparaît pour le lui demander. L'église est consacrée en 709.
L'enluminure de Les très riches heures du duc de Berry montre à quoi devait ressembler le Mont Saint Michel à l'époque où se situe le roman de Paul Féval La fée des grèves au XV siècle, sous François 1er, duc de Bretagne et  sous le règne du roi de France, Charles VII.
Et le voici aujourd'hui Septembre 2012

 Paul Féval le décrit ainsi en cette année 1450 lorsque François 1er se rend au Mont pour obtenir  du ciel "le repos et le salut de l'âme de son de M. Gilles, son frère, mort à quelque temps de là au château de la Hardouinays"*.

Au sortir de la porte d’Avranches, ce fut un spectacle magique et comme il n’est donné d’en offrir qu’à ces rivages merveilleux.
Un brouillard blanc, opaque, cotonneux, estompé d’ombres comme les nuages du ciel, s’étendait aux pieds des pèlerins depuis le bas de la colline jusqu’à l’autre rive de la baie, où les maisons de Cancale se montraient au lointain perdu.
De ce brouillard, le Mont semblait surgir tout entier, resplendissant de la base au faîte, sous l’or ruisselant du soleil de juin.
Vous eussiez dit qu’il était bercé mollement dans son lit de nuées, cet édifice unique au monde ! et quand la brume s’agitait, baissant son niveau sous la pression d’un souffle de brise, vous eussiez dit que le colosse, grandi tout à coup, allait toucher du front la voûte bleue :
La ville de Saint-Michel, collée au roc et surmontant le mur d’enceinte, la plate-forme dominant la ville, la muraille du château couronnant la plate-forme, le château hardiment lancé par-dessus la muraille, l’église perchée sur le château, et sur l’église l’audacieux campanile égaré dans le ciel !


 Le cloître

À mesure qu’on montait, le roman disparaissait pour faire place au gothique, car l’histoire architecturale du Mont-Saint-Michel a ses pages en ordre, dont les feuillets se déroulent suivant l’exactitude chronologique.
Le soleil de midi éclairait le cloître, qui apparut aux pèlerins dans toute sa riche efflorescence : Un carré parfait, à trois rangs de colonnettes isolées ou reliées en faisceaux qui se couronnent de voûtes ogivales, arrêtées par des nervures délicates et hardies.
Le prodige ici, c’est la variété des ornements dont le motif, toujours le même, se modifie à l’infini dans l’exécution, et brode ses feuilles ou ses fleurs de mille façons différentes, de telle sorte que la symétrie respectée laisse le champ libre à la plus aimée de nos sensations artistiques : celle que fait naître la fantaisie. 


La flèche

La basilique de Saint-Michel n’était pas entièrement bâtie à l’époque où se passe notre histoire. Le couronnement du chœur manquait; mais la nef et les bas côtés étaient déjà clos. L’autel se dressait sous la charpente même du chœur qui communiquait avec le dehors par les travaux et les échafaudages.
Le duc François s’arrêta là. Il ne monta point l’escalier du clocher qui conduit aux galeries, au grand et au petit Tour des fous et enfin à cette flèche audacieuse où l’archange saint Michel, tournant sur sa boule d’or, terrassait le dragon à quatre cents pieds au-dessus des grèves**. 

Entre le Mont Saint Michel et Tombelène 

Les gens de la rive disent que le deuxième jour de novembre, le lendemain de la Toussaint, un brouillard blanc se lève à la tombée de la nuit.
C’est la fête des morts.
Ce brouillard blanc est fait avec les âmes de ceux qui dorment sous les tangues.
Et comme ces âmes sont innombrables, le brouillard s’étend sur toute la baie, enveloppant dans ces plis funèbres Tombelène et le Mont-Saint-Michel.
Au matin, des plaintes courent dans cette brume animée; ceux qui passent sur la rive entendent :
—    Dans un an ! Dans un an !
Ce sont les esprits qui se donnent rendez-vous pour l’année suivante.
On se signe. L’aube naît. La grande tombe se rouvre, le brouillard a disparu.


Autour du Mont Saint Michel
Ces défauts de la grève forment quand la mer monte, des espèces de rivières sinueuses qui s’emplissent tout d’abord et qu’il est très difficile d’apercevoir dès la tombée de la brune, parce que ces rivières n’ont point de bords.
L’eau qui se trouve là ne fait que combler les défauts de la grève.
De telle sorte qu’on peut courir, bien loin devant le flot, sur une surface sèche et être déjà condamné. Car la mer invisible s’est épanchée sans bruit dans quelque canal circulaire, et l’on est dans une île qui va disparaître à son tour sous les eaux.
C’est là un des principaux dangers des lises ou sables mouvants que détrempent les lacs souterrains.

 Tombelène
 
Le mont Tombelène est plus large et moins haut que le Mont-Saint-Michel, son illustre voisin.
À l’époque où se passe notre histoire, les troupes de François de Bretagne avaient réussi à déloger les Anglais des fortifications qui tinrent si longtemps le Mont-Saint-Michel en échec. Ces fortifications étaient en partie rasées. Il n’y avait plus personne à Tombelène.
C’était sur le rocher de Tombelène, parmi les ruines des fortifications anglaises, que monsieur Hue de Maurever avait trouvé un asile, après la citation au tribunal de Dieu, donnée en la basilique du monastère.( Voir La fée des Grèves (1) ICI)


 Tombelène et les lises vus d'une meurtrière du Mont Saint Michel

Quand Reine, l'héroïne, la fée des Grèves  s'enfonce dans les lises de Tombelène, son amoureux aperçoit la scène du haut du Mont Saint Michel à travers un tube qui provoque l'incrédulité de chacun car il permet de voir de près, comme par magie, ce qui est fort loin. Un tube miraculeux!

Aubry mit son oeil au hasard à l'une des extrémités.
Il vit distinctement les vaches qui passaient sur le Mont-Dol, à quatre lieues de là.
Un cri de stupéfaction s'étouffa dans sa poitrine.
Le tube fut dirigé vers le point sombre qui tranchait sur le sable étincelant. Cette fois, Aubry laissa tomber le tube et saisit sa poitrine à deux mains.
-Reine ! Reine ! dit-il ; Julien et Méloir ! ! ! Au risque de se briser le crâne, il se précipita à corps perdu dans l'escalier de la plate-forme. (...)
Bientôt, on put le voir galoper à fond de train sur la grève. Il tenait à la main la lance de Ligneville. Devant lui, un grand lévrier noir bondissait. Ils allaient, ils allaient.- C'était un tourbillon ! Jeannin avait dit :
-Dans dix minutes, la mer couvrira ce point noir. Ce point noir, c'était Reine.


   Le Couesnon

Que venez-vous quérir sur les domaines du Roi ? demanda monsieur de Ligneville.
-Nous venons, par la volonté de notre seigneur le duc, répondit Corson, quérir monsieur Hue de Maurever, coupable de trahison.
-Et portez-vous licence de franchir la frontière ?
-De par Dieu ! monsieur de Ligneville, riposta Corson, quand notre seigneur François a sauvé votre sire des griffes de l'Anglais, il a franchi la frontière sans licence.
Ligneville fit un geste. Ses soldats se rangèrent en bataille. Hue de Maurever perça les rangs.
-Messire, dit-il, si ces gens de Bretagne veulent s'en retourner chez eux en se contentant de ma personne et en laissant libres tous les pauvres paysans de mes anciens domaines, je suis prêt à me livrer en leurs mains.
-Donc, pour ce, franchissez la rivière de Couesnon**, messire, répliqua Ligneville ; sur la terre du Roi, on ne se rend qu'au Roi.
       

*M Gilles, le frère de François 1er de Bretagne (qui était aussi son héritier), a été incarcéré par son frère. Il fut retrouvé étranglé dans sa cellule. On n'a jamais pu savoir si c'était sur l'ordre du Duc.  Mais ce dernier est  mort quelques mois après.

** Paul Féval fait une erreur ; La flèche actuelle n'a été construite qu'en 1899 

***Le Mont était rattaché depuis l'époque de Charlemagne au diocèse d'Avranches, en Neustrie. En 867, le traité de Compiègne attribua l'Avranchin à la Bretagne : c'était le début de la période "bretonne" du mont Saint-Michel. L'Avranchin, tout comme le Cotentin ne faisaient pas partie du territoire concédé à Rollon lors de l'établissement des Normands en 911 - le mont Saint-Michel restait provisoirement breton. Il l'était encore en 933 lorsque Guillaume Ier de Normandie récupéra l'Avranchin : la frontière était alors fixée à la Sélune, fleuve côtier qui se jetait à l'est du Mont.
Quelques décennies plus tard, en 1009, la frontière sud de l'Avranchin (et, partant, de la Normandie) fut déplacée jusqu'au Couesnon, fleuve côtier dont l'embouchure marqua pendant des siècles la limite officielle entre la Normandie et la Bretagne (bien avant d'être remplacée par une limite topographique fixe).

L'histoire et la légende se brouillent à cette date. Les textes de l'époque ne précisent pas le sort du mont Saint-Michel (ni sa localisation par rapport au Couesnon), mais son rattachement à la Normandie est attesté quelques décennies plus tard, et il est déjà effectif lorsque Guy de Thouars incendie le Mont en avril 1204.
Or, une légende affirme que le Couesnon, lors d'une de ses fréquentes divagations, se serait mis à déboucher à l’ouest du Mont, faisant ainsi passer ce dernier en Normandie. Si cette légende est exacte, le Mont aurait été situé à l'ouest du Couesnon en 1009 et la divagation du Couesnon se situerait quelques décennies plus tard. Si elle est fausse, le Couesnon se jetait déjà à l'ouest du mont Saint-Michel en 1009. (source Wikipedia)





vendredi 28 septembre 2012

Présentation du challenge breton : Littérature, Arts, Histoire


George Sand disait en parlant des écrivains bretons : Génie épique, dramatique, amoureux, guerrier, tendre, triste, sombre, naïf, tout est là! En vérité aucun de ceux qui tiennent une plume ne devrait  rencontrer un breton sans lui ôter son chapeau."

et Michel Lebris écrit : " Que serait un voyage sans le livre qui l'avive et en prolonge la trace - sans le bruissement de tous ces livres que nous lûmes avant de prendre la route? Samarcande, Trébizonde, tant de mots, dès l'enfance, qui nous furent comme des portes, tant de récits, tant de légendes ! 

Mon challenge breton

 Paysannes bretonnes Paul Gauguin

Je rentre de Bretagne, après un séjour de trois semaines dans cette belle région, les yeux et l'esprit plein d'images, de sensations et aussi de lectures intéressantes, passionnantes, parfois obsédantes.  Lire, n'est-ce pas un des plus belles manières d'approfondir la découverte d'une région, de la comprendre par l'intérieur, de prolonger le voyage…

Vous prenez du granit, des chênes, un peu de bruyère, du vent, de la pluie, de la mer, vous mêlez le tout, vous agitez fortement et vous avez la Bretagne. Oui et non. Elle est cela  sans doute, mais qu'elle est encore autre chose!  Anatole Le Braz

Après avoir consulté Lystig qui a initié un challenge passionnant auquel je suis inscrite : Vivent nos régions et pour m'assurer que mon challenge ne ferait pas un doublet avec le sien, je décide donc, avec ses encouragements, de vous proposer le mien : Challenge breton : Littérature, Arts, Histoire. Ce sera le prolongement et l'approfondissement à une unique région de celui de Lystig. Et un coup double, puisqu'un seul billet servira pour les deux! C'est pas beau, ça?

Pourquoi la Bretagne? parce que la région est belle et diverse, parce que les textes sont variés, parce que les auteurs bretons ont une plume forte et originale, parce que les auteurs non bretons qui écrivent sur la Bretagne sont inspirés, parce que la civilisation bretonne nourrie de légendes et mythes, avec ses origines celtes, ses chevaliers de la table ronde, sa forêt de Brocéliande, son histoire mouvementée, avec la présence obsédante de l'océan, son peuple de terriens et de pêcheurs, ses croyances et de ses coutumes, est bien propre à nourrir l'imagination et à nous entraîner dans l'aventure littéraire et artistique!

En langue celtique Bretagne se dit Breiz, ce qui signifie :  "bigarré". Pays de toutes les couleurs et de toutes les lumières, y compris la lumière du soleil …  Paul Guilloux

Par Littérature, j'entends tous les livres d'écrivains bretons ou non qui écrivent sur la Bretagne et nous permettent de découvrir la région. Tous les genres sont les bienvenues :  tous les styles de romans, que ce soit les récits de mer, d'aventures, romans historiques, policiers, Fantasy, contes, légendes, BD, biographies de personnages bretons, livres pour la jeunesse, relations de voyage, poésies, chansons…
Le challenge peut s'ouvrir sur l'art :  peintres bretons ou non peignant la Bretagne, musique, sculpture, films qui ont pour cadre ou pour sujet la Bretagne...

Je vous présente ici une liste de livres non exhaustive. Je ne commente que les livres que j'ai lus ou ceux dont j'ai trouvé un commentaire chez des blogueurs. Je n'ai pas tout lu et je découvrirai avec vous la plupart de ces livres en espérant y engranger des richesses. Si vous avez d'autres titres à me proposer, n'hésitez pas!

Ecrivains bretons

Chateaubriand

François-René de Chateaubriand :   Les Mémoires d'Outretombe 
Lisez le tome I des Mémoires d'Outretombe où Chateaubriand raconte son enfance et son adolescence avec humour et tendresse. Vous y découvrirez une autre facette de l'écrivain et c'est une lecture agréable.

Ernest Capendu : Marcof Le Malouin West France Editions

Jean Déguignet  Mémoires d'un paysan bas-breton 
Jean-Marie Déguignet est de ce type d'hommes dont le destin fait immanquablement penser à un roman picaresque. Né en 1834 dans une très modeste famille bretonne, il a grandi dans un milieu "où presque personne ne savait lire ou même parler un mot de français". Mais, dévoré par le désir de s'instruire, le petit vacher misérable apprit d'abord seul à lire et à écrire ..

Paul Féval : La fée des Grèves
 Un roman d'aventure et d'amour qui se déroule entre le Mont Saint Michel et l'île de Tombelène. Paul Féval y fait preuve d'un talent de conteur  incontestable. On frémit, on craint pour la vie de la jolie héroïne perdue  dans les lises de Mont  Saint Michel. Espérons que son amoureux, le noble chevalier arrivera à temps pour la sauver!

Pierre Jakès Helias : Le cheval d'orgueil, L'herbe d'or,  La colline des solitudes.
J'ai lu, il y a longtemps  Le cheval d'orgueil, un livre d'ethnologue qui nous apprend beaucoup sur la Bretagne. Et je viens de finir L'herbe d'or et la colline des solitudes, dont je vous parlerai bientôt.

Max Jacob  : Il s'inspirera de Quimper et de la Bretagne pour situer ses romans, notamment "Le Terrain Bouchaballe", "La Côte", "Morven le Gaélique". C'est aussi à Quimper, vers 1917, qu'il écrivit en partie "Le Cornet à dès".

Louis Guilloux : Le pain des rêves
 Je suis en train de le lire..

Jean Guehenno : Changer la vie

Anatole Le Braz : La légende de la mort (Kindle), Le sang de la sirène (voir ICI), Les noces noires de Guernaham (Voir ICI), le gardien du feu; Au pays des Pardons, Conte du soleil et de la brume; Contes de vent et de la pluie;

Pierre Loti : Pêcheurs d'Islande
Lu quand j'étais enfant. Aimerais-je toujours autant l'histoire de ces hommes partant de Paimpol pour affronter les dangers des glaces du Nord et l'histoire d'amour de Yann, le fier pêcheur et de Gaud, la jeune paimpolaise?

Charles Le Goffic : Le crucifié de Keraliès
 Le moins que l'on puisse dire c'est que les écrivains bretons ne sont pas mièvres! Si vous lisez Le crucifié de Kéraliès et La tour d'amour de Rachilde (voir ci-dessous) vous serez secoués par la force de l'écriture et la vigueur de l'analyse psychologique. Quant à moi, je ne suis pas prête à oublier de tels récits!

François-Marie Luzel : Contes populaires, contes bretons

Henri Pollès : Sophie de Tréguier :
 Un étude  mordante et âpre de la société trégoroise au XIX siècle et de la condition féminine à travers le portrait d'une jeune fille trop douce pour survivre à la cruauté et l'égoïsme de son entourage.

Henri Queffelec : Le recteur de l'île de Sein

Rachilde : La tour d'amour
 Un huis-clos hallucinant entre deux hommes, gardiens de Ar- Men, un des phares les plus isolés , les plus terrifiants de Bretagne, au bout de la chaussée de Sein hérissée de récifs. Une force d'écriture impressionnante pour décrire le glissement irrépressible vers la folie.

Jakez Riou : L'herbe de la vierge Terre de brume bibliothèque celte
La campagne bretonne sert de décor à ses récits, qui semblent venir d'un autre âge, « Les marins » est la seule nouvelle qui parle des gens de mer.
« L'herbe de la vierge », nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage est l' histoire de la mort d'une jeune femme, victime de la pingrerie de son père. Ce texte donne une idée de l'ensemble du livre, avec l'omniprésence de l'Ankou.( Blog Ma Bretagne Ici)

Ernest Renan : Souvenirs d'enfance et de jeunesse (kindle)

Emile Souvestre : Les Derniers Bretons (1835-1837), Le Foyer breton (1844), L’échelle de femmes (1835), La Bretagne pittoresque (1841), ......Mémoires d'un sans-culotte bas-breton (roman). La Pierre sainte de la bruyère (légende). — 1841. La Bretagne pittoresque. 1842. La Goutte d'eau, Le Mât de Cocagne (romans).

Gustave Toudouze : Le bateau des sorcières

Roger Vercel : Remorques (Voir ICI)

Autres écrivains bretons : André Breton, Jules Verne, Lamennais, Louis Ferdinand Céline,Villiers de l'Isle Adam...

Auteurs classiques 

Balzac : Les chouans

Victor Hugo : Quatre-vingt-treize
Quatre-vingt-treize met particulièrement en évidence le déroulement de la contre-révolution vendéenne et l'acharnement breton et montre l'opposition entre les bleus, révolutionnaires, et les blancs, monarchistes. "Moi, si je faisais l'histoire de la Révolution (et je la ferai), je dirais tous les crimes des révolutionnaires, seulement je dirais quels sont les vrais coupables, ce sont les crimes de la monarchie ».Hugo

Balzac les Chouans

Publié en 1829  le roman peint donc l’impossibilité du compromis entre Chouans et Révolutionnaires.
Il a été conçu beaucoup plus comme la peinture d’une ambiance que comme un roman historique. L’auteur dit que le romancier qui fait œuvre d’historien ne doit pas faire « de l’histoire un charnier, une gazette, un état civil de la Nation ». Au contraire, il doit restituer l’esprit d’une époque ou d’un événement.

Barbey D'Aurevilly : Le chevalier Destouches

Jules Sandeau : La roche aux mouettes

Poètes bretons

René-Guy Cadou

 

 René-Guy CadouTristan Corbière, Xavier Grall, Eugène Guillevic, Saint Pol Roux

et des poètes contemporains..

Biographies

Anne de Bretagne

Toutes biographies sur des personnages célèbres de Bretagne. 

 

Relations de voyages 

 
Michel Le Bris

Flaubert : Par les champs et les grèves

Michelet : Carnets de Bretagne

Pierre Mac Orlan : Brest

Stendhal Mémoires d'un touriste en Bretagne

Michel Le Bris : Voyage en Bretagne
L'auteur, breton né à Plougasnou, passe l'hiver sur les bords de la baie de Morlaix. Il se promène le long des grèves, dans le vent et la tempête, se souvient de ses sorties en mer, de ses parties de pêche à pied et de ses rêves d'enfant ... Il évoque également le souvenir des marins et des paysans bretons d'autrefois : le dur labeur des goémoniers, les aventures du roi des mers, Nicolas Coëtanlem, grand corsaire .... Dans de petites tavernes enfumées, il en profite pour nous raconter l'histoire d'un Robinson breton, William Le Squin qui survécut à un naufrage aux îles Crozet et celle d'un certain Troïlus du Mesgouez, mauvais seigneur qui tenta de soumettre la ville « libre » de Morlaix en usant de ses appuis à la cour. (LJ Sébastien.)

 Sarah Barnarht Mémoires

Armelle Lavallou Le voyage en Bretagne
Le chapitre « Géographie littéraire » ouvre ce bel ouvrage consacré à la Bretagne à travers des auteurs « nés ou venus séjourner » là-bas, et qui ont écrit des textes évocateurs de paysages, événements et ambiances de cette « province de l'âme ». Le voyage va de Nantes à Brest, pour revenir à Saint-Malo, Rennes, Vitré et Fougères. On croise Stendhal et Flaubert en pays de Nantes, Proust à Beg-Meil, avantde suivre Maupassant, de Vannes à Douarnenez. Un poème de Guillevic, Pierre Loti et ses amis marins, Julien Gracq en pays bigouden.. (critique Télérama)

Histoire 

 
Du Guesclin

Alain Berbouche :  Pirates, flibustiers et corsaires de Duguay-Trouin à Robert Surcouf
Histoire maritime a le vent en poupe. Pour le constater il suffit de parcourir les salons littéraires consacrés aux livres de mer. En particulier celui des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo : la prestigieuse cité maritime dont le plus illustre des fils, François-René de Chateaubriand, disait dans ses Mémoires qu elle n égalait pas en superficie celle du jardin des Tuileries mais qu elle donna à la France tant de marins célèbres. Haut lieu de mémoire où les pirates, flibustiers et autres corsaires exercent toujours leur fascination aventureuse.

Alain Roman : La saga des Surcoufs, mythes et réalités 

Jean Markalé : Les celtes et la civilisation celtique Payot :

Jean Markalé : Merlin l'enchanteur Albin Michel  :
Qui est Merlin l'enchanteur ? On le représente souvent comme un magicien prêt à plaisanter et à jouer des tours. C'est là réduire l'une des incarnations les plus audacieuses et les plus originales de la Sagesse.A travers Merlin, conseiller du Roi Arthur et organisateur de la Table Ronde, se cristallisent les rapports mystérieux entre l'homme et la nature, entre le passé et l'avenir, entre la connaissance et le trésor caché qui gît au coeur de l'âme.

 Yves-Marie Rudel : Le roman d'Anne de Bretagne

Yves-Marie Rudel : Typhaine l'amour au temps de Du Guesclin

Hervé Jaouen : Les filles de Roz-Kelenn  voir chez Oncle Paul ici
La saga d'une famille bretonne de la fin du XIX siècle à nos jours

et romans historiques


Michel Herubel : Surcouf, titan des mers

Michel Herubel Gilles de Rais ou la fin du monde édit. Fayard

Michel Herubel  Les caravelles du soleil Fayard

 Pierre Emmanuel Marais Les messagers du Duc de Bretagne Edit Yoran Embanner

Guy Gauthier : La conspiration de Pontallec Edit. Coop Breizh

Gabriel Jan : Ys, le monde englouti 
Tout comme l’Atlantide, la cité d’Ys a alimenté l’imaginaire des conteurs qui ont puisé dans le drame de cette ville engloutie pour écrire moult histoires. Gabriel JAN nous propose sa version qui n’est pas dénuée de charme et d’enchantement, malgré le dénouement cataclysmique que tout le monde connait, ou presque.  Blog de Oncle Paul Ici 

Gabriel Jan : Le réveil des Menhirs 
Le Réveil des menhirs est tout autant un roman de chevalerie médiéval qu’un roman d’anticipation, l’épilogue nous le prouvera, avec une fracture temporelle qui nous plonge au cœur de la Bretagne profonde. Une agréable histoire pleine de rebondissements, comme dans les romans de cape et d’épée, empreinte d’aventures mystérieuses et d’un final époustouflant. (Voir Oncle Paul ICI)

Contes et légendes 


 Chrétien  de Troyes  : Les chevaliers de la table ronde     

 Joseh Bédier : Tristan et Yseut

Charles Guyot : La légende d'Ys
  
Anatole Le Braz : La légende de la mort

Yann Brekilien : Contes et légendes de Bretagne

OL Aubert Légendes traditionnelles de la Bretagne,  La légende de la ville d'Ys etc..


François-Marie Luzel : Contes populaires, contes bretons

Philippe Camby :  Les dicts du druide Cadoc

Romans fantasy 


La fantasy arthurienne se rapproche tantôt du roman historique, tantôt de la fantasy mythique. Elle met en scène les éléments issus de la mythologie liée au Roi Arthur : Merlin, la dame du lac, Viviane, Morgane la Fée, le Saint Graal, Excalibur, Les chevaliers de la table ronde(wikipedia)

Jean-Lous Fetjaine : La Trilogie des elfes (le Crépuscule des elfes en 1998, la Nuit des elfes en 1999 et l'Heure des elfes en 2000) Le Pas de Merlin, Brocéliande

Stephen R. Lawhead : Le Cycle de Pendragon   Taliesin (I), Merlin (II), Arthur (III), Pendragon (IV) et Le Graal (V).

Marion Zimmer Bradley :  Le Cycle d'Avalon 

Romans policiers ou noirs


Simenon :  Le chien jaune se passe à Concarneau

Michel Herubel:  Tempête sur Ouessant (prix du roman historique de l'académie française 1977)


 Béatrice Nicodème : Les loups de la terreur
Béatrice Nicodème, qui est entre autre une spécialiste des aventures de Sherlock Holmes et a imaginé de nouvelles péripéties au jeune Wiggins, l’aide occasionnel du détective britannique, Béatrice Nicodème nous entraîne un peu plus de deux siècles en arrière, sous la Terreur, dans la forêt de Brocéliande qui connût les exploits de Merlin l’Enchanteur et de la Fée Viviane.
Des éditions locales se sont spécialisés en Bretagne dans le roman policier breton. Blog de l'oncle Paul

Michèle Cofdir  Nuits assassines à Paimpol  édit. Alain Bargain
Paimpol, la nuit, l'hiver... et des enfants victimes de farces sinistres, de harcèlement, d'agressions. L'angoisse plane sur la ville. Qui s'amuse à ces jeux cruels ? " Deux cas de figure se présentent à nous, déclare le criminologue consulté. Ou il s'agit d'un individu qui prend un plaisir sadique à terroriser des gamins, et qui s'en tiendra là. Ou c'est un pervers beaucoup plus dangereux...
du même auteur  dans la même édition : Il court, il court le furet des Abers; Herbes amères à Belle Isle

Hervé Jaouen : Flora des Embruns Presses de la Cité
Dans ce petit port tranquille de Bretagne, le café des Embruns vit au rythme des marées, du départ et du retour des pêcheurs, de la rotation du phare. Le café des Embrubs, c’est le refuge des marins. A sa barre, Flora, veuve de pêcheur et mère de Viviane, une jeunette de dix-huit ans, délurée, à la langue agile, lycéenne à l’étroit dans ce petit village. Oncle Paul

Coatmeur : Escale à Brest  Edit. terre de brume


Bande dessinée


Cotias et Wachs Marie Tempête

Comme vous pouvez le découvrir sur cette première planche, l'histoire s'ouvre à Versailles, le 10 mai 1774. Nous sommes à la veille de la Révolution et dans toute la série, le peuple gronde.  Une femme vient de mettre au monde un enfant, une petite fille. Le père est noble et marié. . Le nouveau-né est donc confié à un des régisseurs du père, en Bretagne... Le premier tome de la série s'attache à nous présenter l'enfance de Marie. On découvre également la vie dans une ferme bretonne au XVIIIe siècle. voir  Margotte ICI

 Patrice Pellerin : L'épervier
 Une BD de cape et d'épée et de mer au XVII ème siècle à recommander sans réserves, par la qualité et la précision du dessin ( les lieux, réels, sont magnifiquement croqués, quant aux bateaux, les vaisseaux de la Royale sous Louis XV, c'est somptueux ) et la cohérence et la correction du scénario. De quoi faire passer Hergé, pourtant une référence sérieuse, pour un amateur... (Voir blog droopyvert)

BD : Sandro Masin :  Le sang de la sirène d'après le roman d'Anatole le Braz (voir Ici)

Cinéma

Grémillon : Remorques d'après Vercel (Brest)    

Jacques Demy : Lola ( Nantes)

Manuel Poirier :   Western
                     

Je vous renvoie aussi à des éditions comme : Coop Breiz et Terres de brume


Le logo est réalisé à partir d'un tableau de Armand Seguin

jeudi 27 septembre 2012

Anatole Le Braz : Les noces noires de Guernaham




C'est dans le manoir de Guernaham dans la commune Le Vieux-Marché, au sud de Lannion, Côtes d'Armor,  qu'Anatole Le Braz nous transporte avec cette courte nouvelle.

Manoir de Guernaham (détail)


Emmanuel Prigent est un jeune homme pauvre. Il s'est engagé comme domestique  à Guarnaham, chez  Renée-Anne Guyomar,  une cousine éloignée qui a épousé Constant Dahorn. Ce dernier, un ivrogne brutal la maltraite.  Emmanuel veille discrètement sur la jeune femme, l'arrachant parfois aux brutalités de son vieux mari. A la mort de celui-ci, Prigent devient chef de labour de la jeune et riche veuve et l'aide à entretenir le grand domaine.  La jeune femme, élevée en demoiselle, est vite courtisée par des voisins de son rang, ce qui provoque la jalousie muette et la tristesse du jeune homme. Une barrière sociale sépare les jeunes gens. Emmanuel se ferme et se replie dans une solitude douloureuse mais digne. Il  refuse désormais de participer aux soirées dans la vieille demeure et s'absente chaque soir à la même heure. Renée-Anne dépite sans trop savoir pourquoi. Un soir, elle le suit en cachette, pensant qu'il va voir une autre femme et elle découvre....

 Mais qu'est-ce que les noces noires? Un an après la mort du conjoint ont lieu  des commémorations funèbres pour honorer la mémoire du disparu, la veuve est alors autorisée à se remarier.
 Le ton de cette nouvelle est plus léger que Le sang de la sirène que je vous ai présenté hier mais elle a beaucoup de charme car les deux jeunes gens sont attachants et l'histoire d'amour aussi. Nous nous intéressons à la Bretagne, toujours présente dans l'oeuvre d'Anatole Le Braz qui décrit les mentalités de la campagne,  les coutumes.  Nous assistons au Pardon de Saint-Sauveur; L'hiver avec ses veillées au coin du feu lui succède. Chacun y apporte son travail, les hommes du chanvre à éfibrer, les femmes leur fuseau et leur quenouille.
Le sujet m'a fait penser à un roman de Thomas Hardy Loin de la foule déchaînée où l'on voit un berger amoureux de sa riche patronne. Evidemment, la comparaison s'arrête là car il s'agit ici d'une nouvelle rapide, peu développée, donc plus superficielle, contrairement au roman de Hardy. Mais comme dans l'Angleterre victorienne, la hiérarchie sociale dans les campagnes bretonnes y est très marquée. Il y a presque autant de différence entre la propriétaire d'un riche domaine et son valet que dans la noblesse entre une princesse et un roturier! Le mariage est un marché, une négociation commerciale où la fortune, l'étendue des terres, la possession du bétail, le rang, sont minutieusement étudiées avant la demande en mariage.
Le récit d'Anatole Le Braz tient un peu du roman courtois où l'amoureux doit gagner le coeur de sa belle par sa bravoure et son dévouement. Ici "le charrueur" devra être compétent, valoriser les terres, aimer son métier mais aussi avoir des sentiments élevés qui lui suggèreront comment devenir l'égal de sa maîtresse. Les sentiments amoureux, dépit, jalousie, douleur, méconnaissance de ses propres sentiments, découverte de l'amour, sont analysés avec finesse et non sans humour. On y voit aussi la condition féminine du XIX siècle. Renée-Anne n'est libre que lorsqu'elle est veuve.  Mariée à une brute, elle doit subir ses violences qui mettent sa vie en danger. Le mari a tous les droits.

 Une lecture agréable! Petite anecdote : J'ai lu que les descendants de Prigent sont toujours les propriétaires du manoir de Guernaham.






mercredi 26 septembre 2012

Anatole Le Braz, écrivain breton / L'île d'Ouessant : Le sang de la sirène


 
Le sang de la sirène  se déroule dans l'île d'Ouessant


Anatole Le Braz  (1859_1926) est né en Bretagne dans les Côtes-d'Armor à Saint-Servais dans une famille d’instituteurs publics, défenseurs de l’idéal républicain. Il a vécu une partie de sa jeunesse en Bretagne avant d'aller faire des études lettres-philosophie à la Sorbonne. Poète et écrivain, il se passionne aussi pour le folklore de sa région et collecte de nombreuses légendes, des témoignages de la vie quotidienne. Il a été le disciple d’Ernest Renan et de François-Marie Luzel,  folkloriste.  Il s’est insurgé très tôt contre la politique d’étouffement de la langue bretonne. Féministe convaincu, véritable père fondateur du Mouvement breton dès 1898, il a toujours privilégié la plus large ouverture possible sur le monde, conjuguée à l’obsession constante de l’Au-delà et de l’Ailleurs.
Son oeuvre la plus célèbre reste : La légende la mort en basse-Bretagne (1893). Il a publié de nombreux écrits sur la Bretagne : Au pays des Pardons (1894)  Au pays d'exil de Chateaubriand (1909) des contes et nouvelles : Vieilles histoires du pays breton (1897), Contes du soleil et de la brume (1905) Le sang de la sirène (1901), Les noces noires de Guernaham, Le Gardien du feu (1900)...

Editions Terre de Brume

Le narrateur de la nouvelle Le sang de la sirène est un "Monsieur" qui débarque sur l'île d'Ouessant pour y  collecter des légendes anciennes et étudier les rites et traditions. Autrement dit, il s'agit de l'écrivain lui-même! Sur le bateau, il rencontre une belle et charmante jeune femme, Marie-Ange, "la Fleur d'Ouessant" qui semble inspirer à chacun  amour et respect.  Marie-Ange appartient à une des plus anciennes familles d'Ouessant, le clan des Morvac'h.  Pourtant une aura mystérieuse semble l'entourer et les insulaires ne parlent d'elle, malgré leur franche sympathie, qu'à mots couverts. Elle  invite le narrateur à lui rendre visite quand son époux, Jean Morvac'h, sera de retour de la pêche. Grâce à Nola, une vieille femme aux pouvoirs étranges et aux habitants de l'île, le narrateur apprend peu à peu le secret de Marie-Ange. La malédiction des Morganes, sirènes partagées entre leur état de divinités de la mer et leur état de femmes pèserait-elle sur la jeune femme?

Cette nouvelle est une fiction et le lecteur suit  avec intérêt ce qui arrive à Marie-Ange et son époux Jean mais elle témoigne aussi de la passion d'Anatole Le Braz pour le folklore breton. Nous apprenons beaucoup sur les mentalités et les moeurs des habitants d'Ouessant dont la vie est dure dans ce pays âpre et sauvage. L'omniprésence de l'océan pèse sur tous. Celui-ci, synonyme de subsistance mais aussi de tous les dangers, est étroitement lié à la mort dans un pays où le nombre de veuves est élevé et où le nom des hommes disparus en mer ne figure pas sur les stèles des tombes.  A tel point que les ouessantins ont coutume de façonner une croix en cire censée représenter  le mort  sur lequel le prêtre prononce l'absoute, suivie d'une veillée funèbre, bref! un simulacre d'enterrement : "paraît que, sans ça le noyé ne se tient pas tranquille: c'est toutes les nuits des cris, des hurlements, des insultes, un branle-bas de tonnerre de Dieu.".

On se passionne donc pour cette découverte de l'île et de ses habitants. Le style  d'Anatole  Le Braz est aussi un des plaisirs de la lecture. Tout en ayant parfois la démarche de l'ethnologue, ses descriptions précises ne manquent pas de pouvoir suggestif.

La route devant nous, plus large, plus unie, filait droit à travers les chaumes. Nul accident visible du terrain. Pas un arbre, par même un végétal arborescent. Rien qui rompît la sobre et sévère harmonie du paysage. Du point où nous étions parvenus, l'île se montrait toute, en sa nudité triste, suspendue entre ciel et mer, avec les cassures de ses rivages, le brusque arrêt de ses falaises dans l'océan..

Il devient parfois poétique et incantatoire. A  propos d'un marin disparu en mer  :

 Les autres s'en vont dans un coup de temps, dans un coup de mer... Lui s'en est allé par mer belle, sous une nuit d'étoiles. Ne dites pas : "la mer est traîtresse!". La mer n'est pas plus traîtresse que la terre. Quand la mort commande, il faut obéir. La mort est la reine du monde.

Il sait rendre l'atmosphère pesante qui règne sur ces gens écrasés par le poids des superstitions, soumis aux caprices de l'Océan, à des forces qui les dominent et qu'ils essaient d'expliquer de leur mieux par la présence du surnaturel. On sent le narrateur gagné peu à peu par l'atmosphère des lieux malgré ses a priori scientifiques. Avec lui, on glisse du réel au fantastique. Tout devient alors possible. 

J'eus l'impression d'une terre enchantée par un sommeil magique, d'un pays de rêve, empire de quelque fée invisible, de quelque Belle aux Flots Dormant. (...)

Mais le plus extraordinaire ce sont les phares, celui du Stiff sur notre droite, celui de Créac'h à notre gauche. On ne distingue que leurs feux qui ont l'air de brûler dans le vide, au-dessus des lourdes masses d'ombre. Ils ajoutent encore, si possible, à l'horreur de cette nature déchaînée, achèvent de lui donner je ne sais quoi de chaotique, d'absurde et de fou. Le stiff fait l'effet d'une lune blafarde, barbouillée de sang, qui tournerait sur elle-même, en proie au vertige de l'épouvante, tandis qu'à l'autre bout de l'île, le Créach semble une comète clouée dans l'espace, et qui s'impatiente et qui bondit.

Une lecture et une rencontre intéressantes avec un écrivain breton que j'ai découvert avec plaisir.  Et pour terminer, cerise sur le gâteau, je vous livre cette phrase que je trouve si belle et qui me touche tant.  Elle décrit la fragilité du bonheur, son caractère éphémère. A elle seule, elle justifierait la lecture du livre!
"Ne dites pas, s'écrie la précheuse au début de son improvisation, ne dites pas : " Le bonheur est sur cette demeure." Le bonheur est comme les goélands. Il se pose ici, puis là, entre deux vols; mais il fait son nid dans des lieux inconnus.."

 
J'ai lu cette nouvelle dans un recueil intitulé Gens de Bretagne tome 1 éditions Omnibus





Il existe aussi une Bande dessinée :  Le sang de la Sirène que je n'ai pas lue mais que je signale aux curieux .


 Paru le 11 Avril 2012
Album de la Série : Histoires de Bretagne
Dessinateur : Sandro Masin
Scénariste : François Debois
Auteur : Anatole le Braz
Genre : Fantastique-Etrange
Editeur : SOLEIL PRODUCTION
Collection : CELTIC
Public : Ados-Adultes

Ce billet participe à deux challenges : Celui de Lystig Vivent les régions et celui que j'initie à partir de Vendredi : Challenge breton : Littérature, Arts, Histoire.  




Voilà le logo de challenge breton



lundi 24 septembre 2012

Bécherel, la cité du livre en Bretagne



A mon retour de Bretagne, j'ai envie de vous faire part de ma découverte d'un village entièrement consacré aux livres et qui regorge de librairies, d'ateliers du livre. J'ai nommé Bécherel situé à mi-chemin entre Rennes et Dinan dans le département d'Ille-et-Vilaine. Voilà de quoi faire baver d'envie certaines blogueuses que je connais bien, j'en suis sûre! Et ce qui ne gâte rien, c'est que cette "petite cité de caractère" qui doit sa fortune au travail du lin et du chanvre du XVI au XVIII° siècle,  est bien jolie, perchée sur sa colline, enceinte de ses remparts médiévaux et toute fleurie à l'ombre de ses belles et grandes librairies. Dans ce lieu de perdition, les maisons anciennes, du rez- de-chaussée au  grenier, sont "bourrés" de livres, du sol au plafond, de quoi en perdre la tête (et le porte-monnaie!)  Oui, bon, c'est ce que j'ai fait!  je reviens avec un chargement... énorme... de quoi augmenter ma PAL et faire écrouler le plancher de ma maison.


Librairie du Donjon

Et comme j'ai découvert, ce qui ne gâte rien de très bons écrivains bretons, je ne m'en suis pas privée! J'ai même décidé de lancer un challenge breton : Littérature ( romans, biographies, poésies, chansons bretonnes avec des écrivains bretons de langue française et non bretons célébrant la Bretagne) mais aussi englobant les Arts et l'Histoire de la Bretagne.  Dites-moi si vous êtes intéressés? Je présenterai ce challenge cette semaine si je trouve preneur.

Avec ces dix-huit librairies, une dizaine de métiers d'art au service du livre, Bécherel est devenu la première cité du livre en France et la troisième en Europe.

Librairie Boulavogue

Sachez que chaque premier dimanche du mois a lieu un marché de livres anciens et d'occasion. Des salons du livre, des animations d'atelier ont lieu plusieurs fois dans l'année. Vous pouvez voir le site collectif des librairies ICI et ICI

Librairie Abraxas-Libris

Librairie La Souris des Champs

dimanche 23 septembre 2012

Un écrivain breton/ Un lieu = Roger Vercel /Brest : Remorques

Un livre/ Un film :  Réponse à l'énigme n°40



Réponse à l'énigme n° 40
Le livre est Remorques de Roger Vercel. Le film qui porte le même titre est de Jean Grémillon, scénario de Cayatte et dialogues de Jacques Prévert.

Ceux qui ont deviné cette fois-ci et ont passé victorieusement leur brevet de pilote de remorqueur sont : Eeguab, Pierrot Bâton, Thérèse... Merci Keisha d'avoir gardé le silence!  Et merci à tous de votre participation.

Roger Vercel (1894-1957) né au Mans, professeur au collège de Dinan, obtint le prix Goncourt pour Capitaine Conan. Remorques parut en 1935. Le roman est différent du film de Jean Grémillon où Jacques Prévert a mis sa patte qui n'a rien de commun avec celle de Vercel. Deux univers très différents.

Le capitaine Renaud  commande un remorqueur, le Cyclone. Il est dehors par tous les temps pour venir en aide aux navires en détresse. Pour l'heure, il est très inquiet pour sa femme dont la santé décline et qui semble perdre ses forces. Cependant, lorsqu'un navire grec appelle à l'aide, Renaud, son second Tanguy et son équipage quittent le port pour se porter à son secours. Le roman raconte ce sauvetage particulièrement difficile et dangereux où chacun subit des épreuves et des souffrances inimaginables et risque sa vie pour sauver celles des autres. Risque sa vie, oui! Mais le navire sinistré devra payer car l'intervention du remorqueur à un prix et un prix fort! Le capitaine grec ne l'entend pas ainsi. Il veut bien être sauvé mais il refuse de payer, il coupe la remorque qui le relie au Cyclone, et prétend qu'il s'en est sorti tout seul. Sa forfaiture rapproche Renaud et la femme du capitaine qui hait son mari. Elle veut se venger et va obtenir la preuve qu'il a menti. Renaud est un instant attiré par elle, pourtant lorsqu'il rentre chez lui et comprend que sa femme Yvonne va mourir, il prend conscience de son amour pour elle, de tout ce qu'elle a fait pour lui, de tout ce qu'il lui doit. Il reste à son chevet pour l'assister dans ses derniers instants. Mais lorsqu'un matelot du Cyclone vient lui transmettre un nouvel SOS, que choisira-t-il? Rester auprès de la mourante ou partir en mer au secours des naufragés?

Le roman peut se lire comme un roman d'aventure au cours duquel les dangers vécus par l'équipage, le courage et l'endurance presque surhumaines des matelots au cours de la tempête, tiennent en haleine le lecteur. Le récit est bien écrit et bien mené et l'on reste suspendu à ce combat contre les éléments déchaînés. Le style est à la fois très réaliste car l'écrivain connaît ce métier et nous l'explique avec force détails. Le roman est de plus bien ancrée dans la région bretonne et le port de Brest. Mais le récit est aussi épique. La mer dotée d'une vie propre avec ses fureurs, sa violence, sa sournoiserie est une sorte de Divinité toute puissante et les sauveteurs qui s'opposent à elle, bien qu'ils soient des hommes très simples, se comportent en véritables héros du quotidien. Le sauvetage des matelots et de la femme dans une chaloupe, le passage de l'île de Sein réputé pour sa dangerosité près du phare d'Ar Men, entre les lignes de brisants semblables à de menaçantes mâchoires, pour ne citer que ces exemples, sont  des moments qui tiennent en haleine le lecteur et le passionnent. Ils me font penser à cet épisode de l'Odyssée où Ulysse ne peut échapper au monstre Charybde que pour tomber dans un autre Sylla!

La chaussée de Sein.. Une chaussée, oui, une route d'écume, cahoteuse, large de quatre milles et hérissée de milliers de cailloux noirs. Et là-dedans, les entrelacs incohérents des courants et des remous, une sorte de foisonnement de l'eau, d'enchevêtrements absurdes, de retours , de repentirs.
Quand le nord redevint clair, les brisants surgirent si proches que Renaud en reçut un choc, comme de retrouver présente, au réveil, la menace d'un cauchemar. Un moutonnement furieux y courait, d'est en ouest, et les recouvrait. C'était quelque chose de prodigieusement vivant, une galopade d'avalanches, des crinières démesurées qui s'échevelaient. Les roches parfois pointaient sous l'écume comme des engins difformes crachant à d'extraordinaires hauteurs des explosions tonnantes.

Mais à d'autres thèmes viennent interférer. La maladie de sa femme, Yvonne, trouble Renaud et lui pose un problème moral. Alors qu'elle a toujours été d'un dévouement exemplaire avec lui comment va-t-il se comporter avec elle maintenant qu'elle est handicapée par la maladie et qu'elle a perdu sa beauté. Il se sent déjà plein d'impatience  de devoir jouer le garde-malade, il sent bien qu'il ne pourra pas assumer ce rôle longtemps si la situation s'éternise. Pourtant le véritable courage ne serait-il pas là? Ne serait-il pas lâche malgré son héroïsme en mer? Un combat se livre dans sa conscience entre son égoïsme et son devoir par rapport à Yvonne.

Et il sentait grandir une inquiétude anxieuse : lui qui avait tant aimé la force, la sienne et celle des autres, comment se tiendrait-il, maintenant qu'il allait être, à son tour, le maître responsable d'une épave? Car c'était là, mieux que sur les bateaux solides, qu'on voyait les hommes et les salauds.

L'autre combat est celui entre l'amour  qu'il porte à Yvonne  et  l'amour de son métier. Il veut qu'elle vive, il lui promet d'abandonner le remorqueur.  Mais peut-il laisser des équipages en détresse, ne pas répondre au SOS des navires qui risquent de se perdre sans lui?


Si le film reprend certains thèmes, la tempête, le combat contre la mer, l'amour du métier en concurrence avec l'amour de la femme, il y a cependant une certaine différence entre le roman et le film. Ce dernier est avant tout une histoire d'amour impossible, thème cher à Prévert qui a écrit les dialogues et il a pour but de réunir le couple mythique Gabin/Morgan  après le succès de Quai des Brumes.. Renaud, (Jean Gabin) tombe amoureux au premier regard de la femme du capitaine (Michèle Morgan) après l'avoir sauvée du naufrage et elle devient sa maîtresse.. Amour impossible car si elle est mariée, lui doit soigner sa femme (Madeleine Renaud). Il est torturé, déchiré entre son devoir pour Yvonne et son amour pour la belle naufragée mais aussi son métier qu'il ne peut abandonner. Dans le roman,  par contre, il n'y a même aucune relation amoureuse entre eux même si Renaud a la tentation d'avoir une liaison avec elle. Par son attitude, elle symbolise à la fin l'ingratitude de la plupart des naufragés envers les remorqueurs et elle a un rôle relativement secondaire puisqu'elle n'apparaît que très tardivement dans le roman.