Pages

Affichage des articles dont le libellé est Chili. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Chili. Afficher tous les articles

samedi 19 avril 2025

Roberto Bolano : Le troisième Reich

 

J’ai lu, dans Télérama, que le livre 2066 de l’écrivain chilien Roberto Bolano était considéré comme l’un des plus importants de la littérature du XX ième siècle. Ni ma bibliothèque, ni ma librairie ne le possédant, j’ai acheté un peu au hasard un autre roman de lui intitulé : Le troisième Reich


Un jeune allemand Udo Berger est en vacances avec sa petite amie, Ingeborg, sur la Costa Brava. Il connaît bien l’hôtel où il descend, sur le Paseo Maritimo, puisqu’il y venait en vacances, pendant des nombreuses années, avec ses parents. Il y a dix ans de cela. Dès son arrivée, il reconnaît Frau Else, la propriétaire de l’établissement, une belle femme qui a provoqué ses premiers émois d’adolescent.
Udo Berger, avec son ami Conrad, est un passionné de jeux de guerre, champion d’Allemagne, et écrit dans les fanzines, gagnant ainsi un peu d’argent pour compléter le salaire qu’il gagne pour un travail qu’il n’aime pas. Dès qu’il arrive dans sa chambre, il se fait installer une grande table pour étendre son jeu et noter les règles et les variantes en vue d’un article.

Udo est très amoureux de la belle Ingeborg et espère que les premières vacances qu’il passe avec elle consolideront leur relation naissante. Mais dès le début, un malaise s’immisce entre eux. Ingeborg aime passer des heures sur la plage alors que lui reste dans sa chambre avec son jeu, se lie avec un couple allemand, Charly et Hanna, fait connaissance de deux espagnols d’une moralité douteuse que Udo surnomme non sans raison Le Loup et l’Agneau. Elle traîne Udo dans des boîtes de nuit, de bar en bar et tous finissent plus ou moins ivres.  Charly, surtout, qui semble se débattre avec ses démons. De plus, elle a honte de l’addiction aux jeux de Udo peut-être parce que ce jeu n’est pas anodin. Le troisième Reich met en scène la deuxième guerre mondiale au cours de laquelle Udo (qui représente sans complexe l’Allemagne) cherche à infléchir le cours de l’Histoire en amenant Hitler à remporter la victoire.  Il y a aussi Le Brûlé, loueur de pédalos, un personnage énigmatique rendu monstrueux par les cicatrices de ses brûlures sur le visage et le corps. Il parle espagnol mais semble étranger. Chilien, peut-être ? Mais c’est moi qui le suggère. L’on n’en saura rien !  Il restera mystérieux mais il va accepter de se battre contre Udo et contre le troisième Reich.

Udo Berger tient son journal et nous découvrons les faits de son point de vue. Peut-être est-ce pour cela que les personnages nous échappent, que nous ne les comprenons pas vraiment et que le récit est à la fois étrange et inquiétant. Nous ne sommes pas placés du point de vue du narrateur omniscient mais d’Udo à qui beaucoup de choses sont cachées quand il est enfermé dans sa chambre, lui-même prisonnier de ses fantasmes et de ses addictions. Les gens semblent se croiser sans se rencontrer. Le viol, la violence, la domination s’invitent dans les rapports amoureux. Udo est souvent la proie de cauchemars qui débordent dans la vie quotidienne, effaçant les frontières entre le jeu, le rêve et la réalité. Le malaise ne cesse de s’intensifier jusqu’au dénouement tragique pour l’un d’entre eux, et lorsque tout semble résolu, quand le jeu se termine, la vie n’est plus pour Udo qu’une illusion.

« J’ai dit à Conrad que, à bien y réfléchir et pour tout résumer, nous étions tous pareils à des fantômes qui appartenaient à un état-major fantôme s’exerçant sur des plateaux de jeu de guerre. Les manoeuvres à l’échelle. Tu te souviens de Von Seeckt ? Nous avons l’air d’être ses officiers, nous nous jouons de la légalité, nous sommes des ombres qui jouent avec des ombres; »

Faut-il prendre le jeu comme une allégorie de la vie ? Faut-il y voir le combat toujours renouvelé du Mal  - symbolisé par les armées et idéaux nazis - , et du Bien, une bataille incessante  où l’un ou l’autre gagne et perd tour à tour ? Udo est-il pro nazi ?  Le Brûlé a-t-il un intérêt personnel à relever le défi lancé par Udo ?

Le troisième Reich est le second livre écrit par Bolano en 1989 et édité à titre posthume. Ce roman est l’oeuvre d’un grand écrivain. Il ne peut laisser indifférent et laisse libre cours à l’interprétation. On a l’impression de ne pas avoir tout compris, d’avoir été abandonné au milieu d’un non sens et ces personnages fantomatiques nous égarent encore plus ! Parfois on a l’impression qu’il ne se passe rien; de faire du sur place, en proie à un malaise persistant. J’ai rarement senti un tel désabusement, une telle angoisse, un tel désespoir dans une oeuvre !


J’ai lu dans Babelio la critique de Apoapo qui n’a pas aimé le livre. "Songez encore à un jeu de guerre sur plateau, éponyme du roman, qui commence à avoir du poids seulement à partir de la moitié de celui-ci, mais dont il serait vain de chercher des correspondances avec la fabula – c'eût été trop satisfaisant pour le lecteur… - même lorsqu'une liste de plus d'une page (328) de noms et surnoms de généraux nazis (réels ou imaginaires ? je n'ai pas eu le coeur de vérifier…) est jetée en pâture sans suite et sans raison. le déroulement du jeu ne reproduit ni des étapes textuelles (lesquelles ?!) ni celui de la véritable Seconde Guerre mondiale."

 Je vous renvoie à son texte ICI

 

Chez Je lis je blogue

 

lundi 24 mars 2025

Ramon Diaz-Eterovic : L' obscure mémoire des armes

 

 

Ce polar L’obscure mémoire des armes de Ramon Diaz-Eterovic est le XII ème d’une série qui met en scène le détective privé Heredia. Et comme c’est le premier que je lis, et même si l’ensemble peut être lu dans le désordre puisque chaque enquête se termine à la fin du volume,  il m’a manqué, me semble-t-il, beaucoup d’éléments pour  être vraiment "dans le bain".
Heredia vit à Santiago, dans un quartier pauvre de la ville et lui-même ne roule pas sur l’or. Une enquête de temps en temps et quelques gains modiques quand il joue aux courses avec son copain, vendeur de journaux. Il a un chat qui parle, son alter ego, et qui ne mâche pas ses mots quand il s’agit de le critiquer. Et si ce chat se nomme Simenon, ce n’est pas par hasard. Heredia est un admirateur de l’écrivain et de la littérature en général. C’est fou ce qu’il a le temps de lire pendant son enquête, poésie, romans ! De lire et de boire car il nous fait faire connaissance de tous les troquets du quartier !  J’aime bien aussi l’humour lié à ce personnage nommé Le Scribe et qui n’est autre que l’écrivain lui-même. Ecrivain ? Un métier qui n’est pas de tout repos quand son personnage l’accuse d’erreurs et de négligences.
Heredia a une amoureuse Griseta qu’il ne voit que de temps en temps. J’ai appris en lisant des critiques sur lui qu’il avait rompu avec Griseta pendant des années et l’avait retrouvée ensuite. Pourquoi ? Comment ? Je n’en sais pas  plus et du coup ce personnage féminin reste anecdotique, si ce n’est que c’est elle qui le pousse à accepter une affaire : enquêter sur la mort violente du frère de son amie Virginia. German Reyes a été tué à la sortie de son travail et, même s’il n’y pas eu vol, la police a conclu à un crime crapuleux. Sa soeur veut savoir ce qui s’est réellement passé.

J’ai choisi de lire un polar chilien, pensant échapper à mes lectures précédentes portant toutes sur le coup d’état de 1973. Et voilà que je me retrouve en plein dedans, et, bien sûr, cela n’a rien d’étonnant !

« Même si les cérémonies publiques et les déclarations convenues essayaient d’enterrer le passé, celui-ci continuait à se glisser par les fissures d’une société habituée aux apparences, aux décors trompeurs et aux compromis en coulisses. Le passé était une blessure qui n’avait jamais été totalement désinfectée et laissait échapper sa pestilence à la moindre inadvertance. »

German Reyes fait partie d’un organisation qui traque les anciens tortionnaires.

« les dinosaures et les momies n’appartiennent pas au passé. Ils gardent le silence et continuent à regretter le général qui leur a permis de maltraiter les gens  du peuple. »

Evidemment, ce n’est pas une enquête sans danger et un autre meurtre suit celui de German Reyes, classé suicide par la police, et un autre a eu lieu avant celui de German. Heredia est vite ramené dans le passé avec les témoignages des victimes et ramené aussi sur les lieux, la Villa Grimaldi, où la DINA, Direccion nationale del inteligencia,  a enfermé et torturé près de quatre mille cinq cents personnes..

« Je me suis dirigé vers l’endroit où était exposée la maquette de ce qui avait été l’un des principaux centres de torture pendant la dictature militaire. La tour des pendaisons, le parking où les prisonniers étaient violentés, les étroites cellules où on les enfermait entre deux interrogatoires, le gigantesque ombu, témoin de douleurs et des crimes et la piscine où étaient plongés ceux qui s’obstinaient à garder le silence. L’horreur, l’horreur incombustible, me suis-je dit, en approchant du mur de pierre où les noms des prisonniers assassinés étaient gravés ».

Je vous laisse suivre l’enquête qui se double d’un trafic d’armes mais sachez que lorsque Heredia parle à l'un des bourreaux et lui demande pourquoi il va tous les jours à l’église, pour demander pardon aux victimes ? suggère-t-il. Celui-ci lui répond :

-« Je n’ai pas de raison de demander pardon. Si c’était nécessaire, je n’hésiterais pas à recommencer. »

J’ai trouvé ce roman policier intéressant par son sujet mais le rythme lent, les digressions, ne sont pas parvenus à me convaincre. Il faut que je lise un autre roman avec Heredia pour ne pas m’avouer vaincue par une seule lecture.
 

 

Challenge sur le Chili chez Je lis Je blogue