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mardi 14 juin 2011

Javier Cercas, Les Soldats de Salamine (1)





Autant le dire tout de suite :  le livre de Javier Cercas Les Soldats de Salamine est un coup de coeur!  Il est écrit à la mémoire de ces soldats de la Guerre Civile d'Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l'ont fait  à Salamine contre les Perses de Xerxès Ier en 480 av.JC.  Mais alors que les Grecs ont remporté la victoire, les républicains espagnols ont perdu, assassinés, emprisonnés, exilés, et bientôt oubliés, sans que nul ne leur ait gratitude du sacrifice de leur jeunesse et de leur vie. Inconnus.
 ".. ce fut là que je vis tout d'un coup mon livre, le livre que je poursuivais depuis des années, je le vis tout entier, terminé, du début à la fin, de la première à la dernière ligne, ce fut là que je sus, quand bien même nulle part dans aucune ville d'aucun pays de merde jamais aucune rue ne porterait le nom de Miralles*, que tant que je raconterai son histoire Miralles continuerait en quelque sorte à vivre, tout comme continueraient à vivre, pour peu que je parle d'eux, les frères Garcia Sergués -Joan et Lela- et Miquel Cardos et Gabi Bladrich et Pipo Canal et le gros Odena et Santi Brugada et Jordi Gudayol, bien que morts depuis tant d'années, morts, morts, morts..."
Un journaliste, Javier Cercas(?), auteur d'un seul livre, en panne d'inspiration, décide d'écrire sur  Rafael Sanchez Mazas, ami personnel de José Antonio Primo de Rivera -tous deux fondateurs de la Phalange-  après avoir interviewé le fils de celui-ci, l'écrivain Rafael Sanchez Ferlioso. En effet, une anecdote racontée par Ferlioso au sujet de son père pique sa curiosité : Mazas arrêté par les républicains à Barcelone, est  emprisonné au sanctuaire du Collel, près de la frontière. Lors de l'exécution collective qui suit, il parvient à s'échapper et à se cacher dans un fourré. Une chasse à l'homme est organisée au cours de laquelle un soldat le découvre. Mais lorsque l'on demande  à celui-ci si Mazas est là, il répond, en regardant le phalangiste droit dans les yeux : "il n'y a personne". Réfugié dans le bois pendant quelques jours, le fugitif ne doit son salut qu'à de jeunes républicains qui ont refusé l'exil après la défaite. Il les appelle les amis de la forêt. C'est le titre de la première partie  à la fin de laquelle Javier Cercas  décide d'écrire son livre. Celui-ci sera  non pas un roman, mais un récit réel. Il  s'intéressera au personnage de Rafael Sanchez Mazas mais aussi, et tout naturellement, au soldat de Collel qui lui a sauvé la vie.
J'aime tout dans ce bouquin : j'aime que l'on ne sache pas toujours la frontière entre le réel et la fiction. Le journaliste, auteur de ce livre est-il vraiment Cercas? quelle est la part de mise en scène dans son récit? Miralles existe-t-il vraiment?
J'aime la manière dont se construit  l'histoire comme une enquête qui nous permet, au cours de rencontres avec ceux qui l'ont vécue où avec leurs descendants, de remonter le temps, de voir se dessiner le portait de Mazas que l'auteur nous peint dans toute sa complexité, ne cherchant ni à minimiser ses responsablités, ni à les excuser mais évitant le manichéisme. Cercas montre, par exemple, comment cet homme responsable de la barbarie fasciste a su rester fidèle à ses amis de la forêt et aider ces jeunes républicains à s'en sortir, payant ainsi sa dette.
J'aime me laisser embarquer dans une sorte de suspense sur les traces de Miralles, ce vieil espagnol qui finit sa vie dans une maison de retraite en France. Est-il oui ou  non le soldat de Collel? Jusqu'au bout, je  souhaite  savoir pourquoi il a épargné celui qui fut l'un des grands responsables de la tragédie vécue par l'Espagne? J'aime aussi ne pas avoir les réponses à toutes mes questions et faire une partie du chemin toute seule car la seule réponse est l'absence de réponse.  En écoutant les propos du vieillard qui nous rappellent à quelques vérités, je comprends que ce livre n'est pas l'apologie de la guerre même si l'on sent l'empathie de Javier Cercas envers les républicains :

l'écrivain : -Mais toutes les guerres sont pleines d'histoire romanesques, n'est-ce pas?
Miralles : -Seulement pour celui qui ne les vit pas. Seulement pour celui qui les raconte.(...) Les héros ne le sont que quand ils meurent ou qu'on les assassine. Il n'y pas de héros vivants, jeune homme. Ils sont tous morts. Morts, morts, morts.

 Aussi ce soldat de Collel, quel qu'il soit, qui refuse de tuer alors que les guerres sont faites pour cela, est un homme intègre et courageux et on ne peut plus pur...
Quant à Miralles comme tous ces ces soldats de Salamine qui ont combattu jusqu'au bout les idéologies nazis et fascistes, même sous un drapeau qui n'était pas le leur, il fait partie, dit Javier Cercas - paraphrasant la  devise de Rafael Sanchez Mazas et de Primo de Rivera mais en la détournant -  du peloton de soldats qui sauve  la civilisation dans ces moments inconcevables lors desquels la civilisation tout entière dépend d'un seul homme.
Mais, ajoute Cercas, Miralles serait mort de rire si quelqu'un lui avait dit alors qu'il était en train de nous sauver en ces temps obscurs, et peut-être précisément pour cette raison, parce qu'il n'imaginait pas que la civilisation dépendait de lui, il allait la sauver, et nous avec, sans savoir qu'il obtiendrait en guise de récompense une chambre anonyme de résidence pour pauvres dans une ville éminemment triste d'un pays qui n'était même pas le sien, et où... personne ne le regretterait.
J'aime la nostalgie et la tristesse grave que j'ai ressenties en refermant le livre car au-delà de ce récit captivant sur la guerre d'Espagne, et de ces personnages passionnants, marqués par leur époque, nous atteignons à l'universel. Comme Miralles, nous avons tous rendez-vous à Stockton, titre de la troisième partie, allusion à cette ville d'un film de John Huston intitulé La dernière chance. Pour Miralles, Stockton, c'est cette maison de retraite où il attend la mort.  Nous aurons tous la nôtre, semble nous dire Javier Cercas. Comme le vieux républicain espagnol nous sombrerons dans l'oubli à moins qu'un écrivain ne nous recueille dans les pages de son livre et nous ramène à la vie.

*Miralles, vieux républicain exilé en France

vendredi 10 juin 2011

Ceux que j'aime : Mes écrivains

J'ai été taguée par Armande, Mango  et Irrégulière. Trois bonnes raisons pour jouer le jeu! Il s'agit d'écrire le nom de quinze écrivains qui comptent pour moi sans réfléchir, en laissant courir mon crayon. Ce que j'ai fait. Je me suis arrêtée non parce que j'avais terminé mais parce que je me suis dit que j'avais peut-être dépassé le nombre prescrit!  Effectivement, j'en étais à trente cinq! Il m'a donc fallu élaguer ma liste (au lieu de la compléter). Quelle torture car, enfin, il est hors de question que j'abandonne mes classiques, ceux qui  accompagnent toute ma vie mais il y aussi les contemporains et puis il y les romanciers, les poètes, les dramaturges et... D'accord, d'accord, il faut choisir! Alors voilà!

Michel de Montaigne : Pourquoi? parce que c'était lui, parce que c'était moi ... et parce qu'il porte, comme chaque homme, la forme entière de l'humaine condition.
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Molière : parce que sous le comique, le tragique, parce que sous le rire, l'Homme!
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Voltaire : parce qu'il est intolérant envers l'intolérance
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Marivaux : parce qu'il faut être trop bon pour l'être assez!
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Stendhal : parce que Julien Sorel et tous ceux qui comme lui, aujourd'hui, hier, demain, subissent le mépris au quotidien.
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Emile Zola : parce que J'accuse! les violences faites aux faibles, aux modestes, aux démunis parce que j'accuse l'exploitation de l'homme, le racisme, l'antisémistisme...
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William Shakespeare: parce que la vie n'est qu'une ombre qui passe un pauvre artiste qui s'agite et se pavane sur la scène, puis que l'on n'entend plus...
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Thomas Hardy : parce que Le retour au pays natal, Loin de la foule déchaînée, parce que Tess, parce que Jude, parce que les damnés de la terre, la femme et l'ouvrier.
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Jane Austen : parce que l'humour fait rire de l'ennui, de la tristesse, de la pauvreté,  bref! de la médiocrité,  parce que sous l'apparente légèreté, la gravité.
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Steinbeck : parce que Tendre jeudi et Les raisins de la colère, parce que la tendresse avec les humbles et l'humour qui illumine tout.
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John  Irving : parce que Garp et Owen, parce que la musique triste et angoissante de la vie
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Joyce carol Oates : parce que la force  intérieure de ses personnages, la violence de la dénonciation de ceux qui détiennent l'argent donc le pouvoir.
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Javier Cercas:  parce que il sait parler de ces moments inconcevables lors desquels la civilisation tout entière dépend d’un seul homme.
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George Semprun : parce que dans les camps de la Mort, l'Esprit a continué à lutter et parce que l'on trouve des raisons de vivre au milieu de la noirceur.
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Chadorrt Djavan : pour sa dénonciation des violences faites aux femmes.
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Gérard de Nerval parce que  mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie.. et parce que Aurélia et Les Filles du feu
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Guillaume Apollinaire :  parce que  un soir de demi-brume à Londres...
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Jules Supervielle :  parce que La petite fille de la haute mer et parce que la terre est une quenouille que filent la lune et le soleil...
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René Char : parce que Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats
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George Brassens parce que la richesse de la langue, le jeu sur les mots, la beauté et l'originalité des images, la nostalgie, l'humour, la tendresse.
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et puis tous les écrivains bien-aimés que je n'ai pu citer ou ceux que je suis en train de découvrir en espérant qu'ils deviendront aussi grands pour moi que ceux qui figurent déjà dans mon panthéon littéraire.


lundi 3 janvier 2011

David Trueba : Savoir perdre



Avec Savoir perdre, couronné par le grand prix national de la Critique 2008, traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet en août  2010, l'écrivain, scénariste et réalisateur espagnol, David Trueba, brosse un portrait pessimiste et désabusé de l'Espagne et plus précisément de Madrid à notre époque.
Ce pays, nous le découvrons à travers quatre personnages principaux dont l'écrivain nous offre une tranche de vie qui s'étend sur une période d'un an environ. C'est le temps d'une année scolaire, celle de Sylvia que nous découvrons au lycée, deux semaines après la rentrée de Septembre au début du roman et que nous quittons en juillet, à la fin du récit, le résultat de ses examens en poche. Pendant ce laps de temps, ces quatre personnages autour desquels David Trueba brosse toute une galerie de portraits, vivent des moments fondamentaux de leur vie. Tous s'acheminent vers un échec qui les marquera irrémédiablement mais avec plus ou moins de cruauté. C'est le sens du titre : Savoir perdre, ce qui somme toute est une philosophie difficile que tous ne sauront atteindre. Si je vous dis que dans ce constat assez noir, seuls les jeunes gens s'en sortent vraiment, vous ne serez pas étonnés, je suppose. En effet, l'espoir réside encore dans la jeunesse et éclaire - même si ce n'est pas sans nostalgie-  cette vision de la vie et de la société.
La découverte de la sexualité et de l'amour bouleverse la vie de Sylvia qui a tout juste 16 ans même si elle sait cet amour condamné d'avance et sans avenir. De plus, elle doit faire face au divorce de ses parents et gérer la solitude et les angoisses de son père Lorenzo, assister sa grand-mère Aurora dans la longue maladie qui amène inexorablement  la vieille dame vers la mort. La jeune fille est sur le point de rater son année scolaire et au-delà son avenir qui paraît bien compromis mais sa maturité, son intelligence, son courage lui permettent de limiter les dégâts et de faire face. C'est un personnage intéressant malgré ses erreurs et ses mensonges, comme l'est d'ailleurs Aurora, sa grand-mère qui a su aimer les autres avec altruisme. Quant à la  mère de Sylvia, Pilar, qui a choisi d'être heureuse en vivant un nouvel amour, elle vient compléter ces beaux portraits de femmes aux trois âges de la vie, ce qui introduit un peu d'optimisme dans le roman.
Ariel, le footballeur argentin qu'aime Sylvia, a vingt ans. Il a un côté touchant, un peu enfantin quand il reste seul à Madrid après le départ de son frère aîné. Le mal du pays, la solitude, la pression qui pèse sur ses épaules au niveau sportif quand la nécessité de gagner un match enlève tout plaisir de jouer, sont parfois trop lourds à supporter. C'est l'occasion pour Trueba de dénoncer ce milieu du football perverti par les sommes colossales qui sont désormais en jeu. Un milieu du fric sale où la parole donnée ne compte pas, où l'on peut rompre un contrat sans état d'âme, où chacun, du joueur à l'entraîneur en passant par toutes les personnes impliquées dans ce sport y compris la presse, ne pense qu'à s'en mettre plein les poches. Ariel aime sincèrement Sylvia même s'il est effrayé par son extrême jeunesse. Il essaie de l'oublier en côtoyant un monde factice, prostituées, groupies énamourées, filles superficielles uniquement préoccupées par le sexe et le paraître. C'est un milieu où l'on peut facilement être corrompu et perdre sa vie et son talent en beuveries et relations sexuelles sans lendemain qui laissent un arrière-goût d'amertume et de vide. Lui aussi va être perdant mais l'espoir lui est permis.
Les deux autres personnages sont Lorenzo, le père de Sylvia dont la situation est désespérée. A travers lui, nous côtoyons le monde des sans-papiers mais aussi de ceux qui  exploitent leur misère et leur précarité! Enfin Léandro, grand-père de Sylvia et père de Lorenzo, incarne le naufrage de la vieillesse. Sa passion pour une prostituée au moment où la femme qu'il a aimée est en train de mourir ressemble à un suicide, une auto-destruction programmée. Il y perd non seulement son argent mais plus encore, sa dignité, son honneur, ses raisons de vivre. A travers Leandro et son enfance, Trueba présente les traumatismes de la guerre civile qui a marqué toute la société espagnole.
Le style de Trueba est sec, phrases courtes, nerveuses, souvent au présent de narration, comme si l'écrivain nous présentait un instantané, un tableau qui s'anime, là, devant nos yeux. Il s'agit d'un constat, d'un état de lieu sans concession. C'est un grand roman par l'ampleur de ses vues mais le refus de l'émotion, la distanciation voulue par l'écrivain font que le lecteur reste un témoin extérieur et n'est jamais vraiment partie prenante sauf, peut-être, mais seulement dans une certaine mesure, pour Sylvia et Ariel.

dailogues-croises-capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1295109300.pngMerci à Dialogues croisés et aux éditions Flammarion

mardi 30 mars 2010

Anniversaire : Ma Librairie a deux ans


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La librairie de Michel de Montaigne dans la tour de son château
Le 30 mars 2008, il y a deux ans donc, j'ai ouvert Ma Librairie dans le Monde. Depuis sous l'oeil bienveillant de Montaigne, de nombreux livres sont venus garnir les étagères fictives de ce blog.
Plus de 200 articles après, je me suis demandé quels livres je choisirais parmi ceux que j'ai lus pendant cette période.
Mes dix romans préférés
51dk53ysx2l_sl75_.1269363272.jpgJavier Cercas : Les soldats de Salamine  ici 1 et  2
J'ai adoré ce roman consacré à la mémoire des soldats de la Guerre Civile d’Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l’ont fait jadis à Salamine. Mais écrit Javier Cercas : De toutes les histoires de L’Histoire, la plus triste est sans doute celle de L’Espagne, parce qu’elle finit mal.

51m1kqh9w9l_sl75_.1269363287.jpgManuel Rivas : Le crayon du charpentier  ici 1   ici 2

Entre réalité et fantastique, Le Crayon du charpentier écrit une magnifique page de l'Histoire espagnole au temps de la guerre civile : un récit émouvant, de beaux personnages, un point de vue original, celui du bourreau observant sa victime.

41huhzl2-sl_sl500_ss75_.1269385519.jpgC Virgil Georghiu : La maison de Petrodova ( ou Les noirs chevaux des Carpates)  ici

Ce roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d’un peuple façonné par l’âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien puisqu’il est le sien - est une oeuvre passionnante.
51obmitbmyl_sl500_ss75_.1269385346.jpgAtiq Rahimi : Syngue Sabour   ici 1    ici 2

De ce roman, je retiens un huis clos étouffant rythmé par les bruits extérieurs qui évoquent la mort, la guerre et la folie des hommes. Un magnifique plaidoyer pour la liberté de la femme.
9782869307575_1_v.1269468477.jpg Raymond Carver : les trois roses jaunes

Recueil de nouvelles : ce qui m'a frappée dans Raymond Carver, c'est sa manière d'aborder une histoire souvent poignante par un petit détail insignifiant (ou qui paraît tel) et de nous laisser, à la fin, le coeur au bord des lèvres sans savoir comment il est parvenu à nous retourner ainsi, à nous faire éprouver un tel malaise, une telle tristesse? Du grand art!
519kxas9n7l_sl160_aa115_.1269456662.jpgChristian Bobin : autoportrait au radiateur voir ici 1   2   3

J'aime la poésie qui se dégage de ces petites textes archipels, ces éclats de beauté qui jaillissent de ci, de là, d'un bouquet de fleurs, d'une mère avec son enfant, d'un nuage ... cette attention patiente et fine portée au monde qui l'entoure.
41menrx7eal_sl500_ss75_.1269386551.jpgMilos Kundera : la plaisanterie

A une époque où l'on ne peut plus être anti-sioniste sans se faire accuser d'anti-sémistisme, où l'on ne peut plus être contre la burka sans être taxée d'anti-musulman, où une artiste ne peut plus reprendre une célèbre formule en la détournant - "travailler moins pour gagner plus- sans être censurée, où l'on n'ose plus jouer Voltaire librement ou dessiner des caricatures sur n'importe quel sujet est incendiaire, bref! à une époque où il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler si l'on ne veut pas être traîné en justice, il FAUT lire La plaisanterie de Milos Kundera.
41na3x66fbl_sl75_.1269363256.jpgJoyce Carol Oates : Les chutes voir ici 1    2

Ce roman en trois parties de Joyce Carol Oates, qui présente une intrigue complexe et forte, a pour cadre les chutes du Niagara. Plus qu'un décor, plus qu'un personnage, le Niagara apparaît ici comme un Dieu tout puissant qui semble détenir un pouvoir de vie et de mort sur les personnages.
41n3zr-8t1l_sl500_ss75_.1269363779.jpgChahdortt Djavan : La muette

Un petit roman, très court, qui résonne comme un cri, frappe comme un coup de poing, une dénonciation des violences faites aux femmes en Iran, petites filles mariées par leurs parents à des vieillards vicieux, privées d'éducation, d'amour, de liberté. Tristement d'actualité avec la loi sur l'âge minimum des filles pour le mariage au Yemen
41xntyae3wl_sl500_pisitb-sticker-arrow-bigtopright35-73_ou08_ss75_.1269386372.jpgJane Austen : Northanger Abbey :  ici 1   2

Double bonheur - celui de lire en anglais pour la première fois depuis bien longtemps un roman de Jane Austen, écrivain dont je connais tous les titres! et cela pendant mon voyage à Bath en pèlerinage sur les lieux décrits par Jane Austen. De cet auteur, j'aime l'humour caustique, les portraits satiriques de ses contemporains écrit d'un plume acérée, sa manière ironique et légère de se moquer de ses héroïnes trop romantiques tout en nous les faisant aimer.

Un recueil de poésies : Découverte de Rafael Alberti
catalogo-rafael-alberti-lt-br-gt-alberti-sobre-los-angeles-i0n98665.1269468849.gifRafael Alberti : sur les anges (recueil de poésie)voir 1    2

A propos de son recueil Sur les anges, le grand poète espagnol Rafael Alberti écrit : C’est alors que j’eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d’irrésistibles forces de l’esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature.

un document :

543995830_mjpg.1269386817.gifGitta Sereny : Au fond des ténèbres un bourreau vous parle

(document)
Ce livre, une enquête rigoureuse sur un bourreau nazi, directeur du camp de Treblinka, que l'auteur a rencontré juste avant son procès, a le mérite de nous décrire par le détail l'horreur des camps et surtout de nous faire réfléchir à la nature humaine. Qu'est-ce qui amène des gens en apparence normaux à commettre des actes d'une telle barbarie? n'y-a-t-il pas en chacun de nous une part d'ombre? Qu'aurions-nous fait à leur place? A rapprocher de La mort est mon métier de Robert Merle et de Les bienveillantes.
Pas de livres policiers dans la liste de mes dix romans préférés? Alors je me rattrape! :
519mw2d5czl_sl500_ss75_.1269456429.jpgDonald Westlake : Le couperet (roman policier)  voir 1    2

Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 est toujours d'actualité avec la crise économique que nous connaissons et le chômage qui menace non pas seulement les ouvriers mais aussi les cadres. j'ai beaucoup appris sur la gestion des entreprises et les fonds de pension. Un livre politique féroce et grinçant mais aussi un roman noir avec suspense et angoisse.
412rcvyshwl_sl160_aa115_.1269456208.jpgStieg Larson : Millenium
Peu m'importe si les critiques le considèrent comme un bon ou mauvais roman, si le succès est dû à la mode et au tapage médiatique... Moi, je me souviens que j'ai vécu les aventures de ce roman avec fièvre, que j'y ai gagné quelques nuits blanches tant je ne pouvais me détacher des trois tomes ... sans compter les discussions passionnantes. Et ma foi, je ne risque pas de renier ce genre de bonheur. Vive la littérature évasion! Quoique... évasion? Hum! peut-être? mais elle est aussi ancrée dans un pays dont l'auteur dévoile les noirceurs

lundi 8 mars 2010

Lucia Etxebarria : Tout le monde a droit au bonheur...



C'est à la lumière de  l'actualité récente en Vendée que je relis cette  phrase :

Tout le monde a droit au bonheur, sauf peut-être les néonazis, les skinheads et les spéculateurs immobiliers*
*Lucia Etxebarria  : Je ne souffrirai plus par amour

mercredi 12 août 2009

Archives du festival d’Avignon 1997 : Dom Juan d'origine d'après Tirso de Molina

Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

La représentation de Don Juan d'origine, pièce de Louise Doutreligne d'après Tirso de Molina et d'après la correspondance de Madame de Maintenon, mise en scène par Jean-Luc Paliès,  se déroulait, en ce mois de Juillet 1997, en plein air, au théâtre du Balcon, côté cour.
Je me souviens bien de cette magnifique scénographie et de la finesse de la mise en scène de Jean-Luc Paliès qui exaltaient les thèmes féministes de Louise Doutreligne, auteur de ce Dom Juan d'Origine, mise en abyme de la pièce de l'écrivain espagnol. Féministes, car les jeunes filles, en interpétant ce Don Juan, brisent le carcan dans lequel elles sont enfermées, pulvérisent les codes moraux et religieux qu'on leur a inculqués. Elles sortent de leur chrysalide pour se retrouver femmes, sensuelles, prêtes à l'amour. Et madame de Maintenon qui se meurt dans son lit a beau secouer sa clochette pour ramener à elle ses brebis égarées, elle demeure impuissante devant cette métamorphose.
Cet article est paru dans le journal La Provence : Coup de coeur du OFF  15 juillet 1997


Archives du festival d’Avignon : Don Juan d'origine





Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

dimanche 26 avril 2009

Rafael Alberti… Sur les Anges





Aurélia Frey : Des nuages et des contes


Trois souvenirs du ciel dans le recueil : Sur les anges (1929)


Premier souvenir


Elle se promenait avec un air de lis qui pense,

presque un air d'oiseau qui sait qu'il doit naître.

En se regardant sans se voir dans une lune qui changeait

son rêve en miroir

et dans un silence de neige, qui soulevait ses pieds du sol.

Penchée sur un silence.

Antérieure à la harpe, à la pluie et aux mots.

Elle ne savait pas.

Blanche élève de l'air,

elle tremblait avec les étoiles et la fleur, avec les arbres.

Sa tige, sa verte taille.

Avec mes étoiles

qui, de tout ignorantes,

pour creuser deux lagunes dans ses yeux

la noyèrent dans deux mers.


Et je me souviens...

Rien d'autre : morte, s'éloigner.


C'est ainsi que la lecture des poèmes de Rafael Alberti nous plonge dans un univers fascinant où naissent des images que l'on ne peut toujours expliquer mais qui font vivre en nous des mondes inconnus, inexplorés.

 

Les Anges collégiens


Aucun de nous ne comprenait le secret nocturne des ardoises

ni pourquoi la sphère armillaire s'excitait aussi esseulée quand nous la regardions.

Nous savions seulement qu'une circonférence ne peut pas être ronde

et qu'une éclipse de lune abuse les fleurs

et donne de l'avance à l'horloge des oiseaux.

 

Aucun de nous ne comprenait quoi que ce fût :

ni pourquoi nos doigts étaient d'encre de Chine,

ni pourquoi le soir ouvrait des compas pour ouvrir à l'aube des livres.

Nous savions seulement qu'une droite peut, à son gré, être courbe ou brisée

et que les étoiles errantes sont des enfants qui ignorent l'arithmétique.
 





Rafael Alberti : D'Espagne et d'ailleurs (poèmes d'une vie)
traduits de l'espagnol par Claude Couffon

édit. Le Temps des Cerises

Les anges, de Rafael Alberti à Homero Aridjis

 
L'ange de l'Annonciation de Fra Angelico

Quand le grand poète espagnol, Rafael Alberti, publie, en 1929, à l'âge de vingt-sept ans, son recueil Sur les Anges (Sobre los angeles) il traverse une période qui n'est que colère, fureur, rage, détresse, selon ses propres mots. A peine remis de la tuberculose,  en proie à une crise spirituelle avivée par un chagrin d'amour, il entretient pourtant l'espoir en lui. Par la poésie, il va entreprendre de renaître à lui-même. Sur les Anges correspond donc à la quête du poète à la recherche de son âme. C'est la rencontre de l'amour,  de celle qui deviendra sa femme et le ramènera à la vie.

Ainsi il écrit à propos de son recueil : "C'est alors que j'eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d'irrésistibles forces de l'esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature. Et je les lâchai par bandes à travers le monde, aveugles réincarnations de tout ce qu'il y avait en moi de sanglant, de désolé, d'agonisant, de terrible et parfois de bon- de tout cela qui me traquait" .

 Peu de temps après avoir refermé Sur les anges d'Alberti, j'entrai dans l'univers du recueil Le Temps des Anges (Tiempo de angeles) de Homero Aridjis, poète mexicain que je m'étais promis de découvrir après avoir lu l'hommage que lui consacrait Le Clezio dans son discours pour le prix Nobel.

Le recueil de Homero Aridjis fait bien sûr référence à celui de Rafael Alberti en particulier dans le long poème de dix strophes intitulé Sur des anges qui est une variation sur le titre du recueil du poète espagnol.

Pour Homero Aridjis, l'ange est celui qui unit l'être aux dieux, c'est celui que l'homme deviendra quand il se trouvera lui-même, lorsqu'il saura voir l'ange qu'il y a en lui. L'ange et l'homme se rejoignent dans la langue originelle que parlent tous les anges de tous les temps, celle qui est faite des mots du poème, de paroles intérieures.

L'ange n'est-il pas tout simplement le poète chargé d'assister à la souffrance et la solitude des hommes, à la destruction de notre planète et de s'en faire le témoin? Son témoignage parviendra-t-il à ramener les hommes à la raison, et à l'amour, à introduire une lumière dans le dernier soir du monde?

L'ange, en ces temps de noirceur

qui se préparent,                           
  sera messager de lumière.

Que l'ange soit l'égal de l'homme

Voici que vient le temps des anges .


Fra Angelico

L'Ange du soleil couchant (extraits)

Il marchait dans la forêt perturbée,

entendait le parfum des plantes effacées,

touchait le chant des oiseaux disparus,

voyait les branches de végétations mortes,

car dans sa mémoire chaque temps était présent,

des visions se détachaient par ses yeux.

(...)

 Les ancêtres venaient à sa rencontre :

"Qu'as-tu fait des animaux? Pourquoi salir les flots?

L'air a changé. Où sont partis les oiseaux?"

"L'année fut sans printemps, et sera sans hiver.

Le soleil, comme un oeil sans paupières,

fixe furieusement la terre."

Lui, figé sur la colline du Couchant,

vêtu de jaune, les ailes resplendissantes,

ne trouvait pas de mots pour répondre;

il leur montrait simplement de la main

les bribes bleues, les lambeaux verts

du paysage de son enfance lacérée







 

samedi 25 avril 2009

Lucia Etxebarria : Amour, Prozac et autres curiosités




Cette fois, c'est par un roman : Amour, Prozac et autres curiosités  et non par un recueil de nouvelles comme  dans Aime-moi per favor que Lucia Etxebarria traite du thème de la femme et de son aliénation dans la société actuelle. Mais, d'un livre à l'autre, c'est toujours avec la même force, pour ne pas dire violence, avec le même franchise de ton, ne s'embarrassant d'aucun tabou lorsqu'il s'agit de parler de sexe, avec la même conviction qu'elle met en scène ses personnages : ici,  trois femmes, trois soeurs.

Le roman présente tour à tour le point de vue de chacune des soeurs dont le portrait se complète par la vision que les autres ont d'elle.

Cristina, la plus jeune, la plus belle, préfère travailler dans un bar plutôt que d'être exploitée comme éternelle stagaire dans une grande entreprise. Elle multiplie les expériences sexuelles mais s'agit-il vraiment de libération? Le retour vers son enfance nous l'apprendra. Elle se drogue à l'ectasy. Rosa, l'aînée, occupe une position importante, directrice financière dans une grande société mais elle doit se montrer supérieure aux hommes pour ne pas se faire évincer. Supérieurement intelligente, cérébrale, bien habillée,  riche, mais... seule. Anna a épousé un mari qui a réussi, a un petit garçon et s'applique à être une parfaite maîtresse de maison et une bonne mère puisqu'elle a tout pour être heureuse : une maison cossue, de beaux meubles qu'il faut éviter de rayer, des rideaux qu'il faut entretenir  méticuleusement et pourtant ... elle prend des drogues légales pour dormir du style prozac ou autres curiosités... Peu à peu sous les différences, se révèlent les failles de ces trois soeurs, les blessures du passé jamais refermées, leur condition de femme dans une société de mâles qui ne leur fait pas de cadeau.

On pourrait penser en voyant ces trois personnages qu'ils forment un échantillon soigneusement choisi par l'auteur pour explorer toutes les facettes de la condition féminine... et c'est vrai!  De là à dire que le roman est trop démonstratif, il n'y a qu'un pas. Mais c'est sans compter le  talent de Etxebarria qui balaie toute critique. Cristina, Rosa, Anna ne sont pas que des idées, elles sont vivantes, complexes, inattendues. L'humour noir et grinçant du roman souligne le tragique de chacune de ces vies et finalement emporte l'adhésion du lecteur.

mercredi 22 avril 2009

Rafael Alberti, Jardin d'amour, marin à terre…



Les Asturies (photo de voyage)


Rafael Alberti est un poète espagnol malgré son nom d'origine italienne. Il est né en 1903 près de Cadix. Parti très jeune vivre à Madrid avec sa famille, "marin à terre", il restera toute sa vie fidèle à la région de son enfance et regrettera la mer. Sa poésie est d'abord très personnelle et lyrique. Mais devenu membre du parti communiste espagnol en 1933, il déclare dès 1934 vouloir mettre son art au service de la politique. Républicain engagé, il est obligé de s'exiler en France en 1939. Puis il fuit en Argentine devant l'invasion allemande. Il ne rentrera en Espagne qu'en 1977, deux ans après la mort de Franco. Devant une foule immense venue l'accueillir à l'aéroport de Madrid, Rafael Alberti s'exclame: "J'ai quitté l'Espagne, le poing levé, et je reviens la main tendue en signe de paix et de réconciliation avec tous les Espagnols". Il meurt en 1999.

Jardin d'Amour

Va-t'en au jardin de la mer
et plantes-y un arbousier
sous les glaces polaires.

Jardinier :

Pour mon amie, une île
aux cerisiers stellaires,
murée de cocotiers.

Jardinier.

Et dans mon coeur guerrier,
plante quatre palmiers
comme on plante un mât de hune.
Jardinier.

Le recueil d'où est extrait Jardin d'Amour, Marin à terre (1924 ) lui valut le prix national de littérature.

lundi 9 mars 2009

Lucia Etxebarria : Aime-moi por favor,




Dans Aime-moi por favor, recueil de nouvelles, Lucia Etxebarria nous offre un éventail varié de portaits de femmes. Quinze nouvelles, quinze femmes, d'âge, de régions, ou pays, de caractère, de préférence sexuelle, d'instruction, de milieu social différents mais toutes guidées par un fil conducteur, celui de l'amour, et toutes marquées, de la prostituée à l'avocate, de la femme au foyer à la femme indépendante, par la difficulté d'être femme dans la société actuelle.

Vous allez dire que je le fais exprès de choisir toujours des sujets sur la condition de la femme, de Syngue Sabour à Moukhtar Mai en passant par Chahddortt Djavann et j'en passe. Ah! ça oui, je le fais exprès! et pourquoi pas? mais là... non! Je voulais simplement découvrir des auteurs espagnols contemporains pour préparer mon voyage en Espagne et voilà que je suis tombée sur cette jeune basque, installée à Madrid, qui n'a pas la langue dans sa poche, je devrais dire la plume!

Le style vif, parfois cru, affirme une personnalité très forte; on sent qu'il n'y a pas de demi-teinte dans ses prises de position. On est surpris par ce ton neuf, sans tabou et l'intelligence de l'analyse. C'est sans indulgence qu'elle juge les relations entre les couples, l'assujettissement de la femme à ce qu'elle nomme l'amour et qui bien souvent n'est qu'habitude, convention pour les bourgeoises, ou tout simplement impossiblité matérielle et financière de s'en sortir pour les autres. il y a à  la fois beaucoup de cruauté et de tendresse dans tous ces récits : absence de liberté, coups,  prostitution, drogues, inceste, viol ...  mais aussi de beaux portrait de femmes.

J'aime en particulier la mère malheureuse et pourtant si digne de Une histoire d'amour comme n'importe quelle autre ou la prostituée de Cinquante pas. J'aime le fait que ce soit ces femmes-là, apparemment faibles, qui aient une telle réserve de courage et de fierté.

Certaines nouvelles sont d'une noirceur absolue, sans aucune issue possible, comme celle de la jeune sarhaouie de Sans Terre :

Moi, en vérité, j'ai déjà perdu  toute espérance.... Des années à attendre. Demain, demain, après demain, des semaines, des mois, des années qui se prolongent pour rien."
ou de Mon nom est Légion où la jeune femme sans amour, victime d'une fausse couche, se retrouve à l'hôpital avec de nombreuses femmes tout aussi pommées qu'elle parce que :

Les différences de classe, de coutumes, de physionomie, disparaissaient dans la communion profonde de la dépendance, dépendance d'un mari ou d'une famille qui exigaient de ces femmes pour leur concéder de l'importance, qu'elles soient mère.
D'autres, au registre plus léger, laissent parfois de l'espoir comme celle Des fleurs pour Sally.

Les récits sont faits à la première personne et le style, le vocabulaire, le rythme, reflètent avec un brio incontestable de la part de l'auteur, la personnalité et les caractéristiques de chaque femme : sentiments d'une adolescente de quatorze ans dans Des pancakes au sirop d'érable, finesse de l'analyse de l'avocate qui quitte son mari dans Mal accompagnée ou froideur et rigueur de la démonstration philosophique de l'écrivain dont le Moi balance entre deux mondes, le physique et le virtuel, dans Un coeur sur un toit.

Ajoutons aux nouvelles dont je viens de parler celle intitulée Seule et vous aurez mes préférées (à l'exception de  un coeur sur un toit  que je n'aime pas - non parce qu'elle est mal écrite, au contraire-  mais parce le sujet ne me touche pas). Quelques-unes peuvent avoir une chute un peu décevante ou des personnages qui ne m'attirent pas mais l'ensemble est très réussi.

Le tableau que donne Lucia Etxebarria de la condition féminine en ce début du siècle est bien noir, à tel point que des lecteurs ont accusé l'auteur d'exagérer, de dresser des caricatures. Or,  nous prévient l'auteur, tous ces récits sont des témoignages réels de femmes qui se sont confiées à elle. Mais, ils ne sont pas que cela, transfigurés par ce qu'elle appelle "l'interprétation littéraire du réel".

Comme ces personnages Lucia Etxebarria a souffert si j'en juge par cette interview dont je cite un extrait et qui renvoie à ce  site

Au départ, j'avais des problèmes émotionnels liés au fait que j'avais grandi dans une famille très catholique et machiste. On m'a enseigné à devenir une femme que je ne peux pas être. J'étais dans une position de pouvoir professionnellement, mais émotionnellement, je me retrouvais dans des relations de couple où je ne pouvais pas m'épanouir, d'où ma thérapie, au cours de laquelle j'ai compris que ce n'était pas qu'un problème psychologique personnel, mais qu'il s'agissait en vérité d'un blocage généralisé, d'ordre social, observe l'écrivaine de 42 ans. Même encore aujourd'hui, les mariages impliquent une construction symbolique basée sur la soumission de la femme. C'est incroyable, le nombre de femmes autour de moi qui ont sacrifié leur vie au nom de l'idée qu'elles se faisaient d'un amour romantique qui s'est avéré destructeur.