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vendredi 7 février 2014

Un été avec Montaigne d'Antoine Compagnon






Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s'apprêteraient à déjeuner, et ils entendaient causer de Montaigne dans le poste.
C'est ainsi que Antoine Compagnon explique la genèse de son livre  : Un été avec Montaigne. Une série de quarante passages sur France Inter durant l'été pour rendre accessible à tous le philosophe du XVI siècle et sa pensée, élucider les difficultés de cette langue riche, savoureuse, imagée mais déjà si ancienne qu'il faut se laisser prendre par la main pour éviter de se perdre. Et en plus réaliser le tour de force de plaire à ceux qui entre la poire et le fromage ont plus envie de faire bronzette que de philosopher gravement!

Mais qui a dit gravement? Antoine Compagnon nous amène tout simplement en promenade et nous donne envie d'aller plus loin dans la découverte de Montaigne et non seulement de l'oeuvre  mais de l'homme qui apparaît sous ses écrits. 
Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautés empruntées. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice : car c'est moi que je peins. (Au lecteur)


Michel Eyquiem Montaigne

Nous découvrons donc un Montaigne non pas seulement retiré dans sa librairie en train de méditer mais aussi le Montaigne de la vie publique, le maire de Bordeaux, le conseiller du roi, un Montaigne voyageur qui aime aller se frotter aux coutumes d'autrui, plein de curiosité  envers tout ce qui se passe par le monde; ainsi il rend compte des découvertes du Nouveau Monde. C'est un homme ouvert et tolérant dans un pays qui ne l'est pas. Car à travers lui apparaît en effet son siècle et les dangers qui  guettent chaque citoyen. Nous sommes en pleine guerre de religion, les passions sont exacerbées de telle façon que l'on est menacé non seulement par ceux qui ne sont pas de votre religion mais aussi par ceux qui le sont et vous prennent pour un adversaire. 

 Je me suis couché mille fois chez moi, imaginant qu'on me trahirait et assommerait cette nuit-là : composant avec la fortune, que ce fut sans effroi et sans langueur : et me suis écrié avec mon patrenôtre : ces terres que j'ai  tant labourées, c'est donc un soldat impie qui les aura (Virgile) (III, 9)

François Dubois : massacre de la Saint Barthélémy, la reine Catherine de Médicis

Montaigne nous parle aussi de la mort, de l'amitié, de l'amour, de la sexualité, du vieillissement, de tous les sujets qui nous concernent mais toujours comme à bâtons rompus, une conversation au coin du feu.

Voilà comment  Montaigne parle des trois "commerces" qui ont rempli sa vie :

Ces deux commerces (l'amour et l'amitié) sont fortuits, et dépendants d'autrui : l'un est ennuyeux par sa rareté, l'autre se flétrit avec l'âge : ainsi ils n'eussent pas assez pourvu au besoin de ma vie. Celui des livres, qui est le troisième; est bien sûr et plus à nous. Ils cède aux premiers, les autres avantages : mais il a pour sa part la constance et la facilité de son service. (III, 3)

 Il (le commerce des livres) me console en la vieillesse et en la solitude: il me décharge du poids d'une oisiveté ennuyeuse; et me défait à toute heure  des compagnies qui me fâchent: il émousse les pointures de la douleur, si elle n'est pas du tout extrême et maîtresse : Pour me distraire d'une imagination importune, il n'est que de recourir aux livres, ils me détournent facilement à eux, et me la dérobent... (III, 3)

Etienne de la Boétie, le meilleur ami de Montaigne

Oui, une conversation : c'est ainsi que Antoine Compagnon procède! Il cite un extrait de Montaigne puis il nous en donne le sens, ensuite replace le texte dans son époque, enfin en montre la portée actuelle. Evidemment ce livre ne convient pas à des spécialistes du XVI siècle ni même à des lecteurs avertis. Il s'agit, vous l'avez compris, d'une oeuvre de vulgarisation mais très utile et agréable à lire.

mercredi 11 décembre 2013

Martine Mairal : L'obèle




Amoureux de Montaigne, vous ne pouvez pas ne pas lire ce livre! Et les autres? Lisez-le pour découvrir Michel de Montaigne comme une introduction à ses Essais! Lisez-le aussi pour faire connaissance de cette femme à l'intelligence exceptionnelle, Marie de Gournay, beaucoup plus jeune que le gentilhomme gascon, et qui a su attirer son attention, son admiration et s'attacher son amitié!

Dans L'obèle, Martine Mairal prête sa voix, en effet, à Marie de Gournay, "la fille d'Alliance" de Michel de Montaigne, celle qu'il admirait tant qu'il a fait d'elle la dépositaire de ses Essais, la seule qu'il jugeait à même de comprendre son oeuvre, de la respecter et de s'y retrouver! Car dans les  marges de son ouvrage, l'écrivain n'a jamais cessé tout au long de sa vie, de préciser sa pensée, d'ajouter des réflexions ou des références, d'enrichir ses écrits par des phrases qu'il marquait par un obèle. L'obèle? C'est un insigne, une petite broche indiquant où insérer un ajout dans le texte.


L'obèle (source wikipédia)


Un récit à la première personne

Les précieux et les précieuses
Le récit est à la première personne. Martine Mairal imagine que Marie de Gournay écrit ses mémoires  au XVII ème siècle, en 1643, à une époque qui n'est plus celle de Montaigne. Marie est née en 1565 sous Charles IX. En 1643, Louis XIII vient de mourir et Louis XIV lui succède sous la régence d'Anne d'Autriche. Un siècle à contre emploi du mien, un siècle aveugle qui ne reconnaît plus la valeur et la portée d'une oeuvre comme les Essais.
 La langue du XVI siècle, en effet, paraît bien trop rugueuse, bien  trop affranchie de toutes lois, en ce temps où la langue française passe à la moulinette de l'académie française, est codifiée, doit obéir à des règles précises, savantes et rigides, doit bannir toutes traces de provincialisme pour mieux servir un pouvoir qui se veut absolu et centralisé.. On "épure" le français. Dans les salons les Précieuses chassent le mot juste, jugé trop cru, pour employer la périphrase. C'est tout le contraire de la démarche du gentilhomme gascon, " à sauts et à gambades"  et où "le gascon y arrive quand le français n'y peut aller"!

Et Marie, devenue une veille dame dont on se moque et que l'on méprise, semble la gardienne dévote d'un temple sacré, demeure d'un dieu n'ayant plus cours.
Si fadaises leur sont devenus les Essais de Montaigne, curieusement veux-je dire céans, une dernière fois avant que de disparaître, combien je les plains de ne plus savoir lire.

Une jeune fille exceptionnelle

 
Marie de Gournay

Pour ma part, il y a  longtemps que je connais de nom Marie de Gournay et que je me demande, à travers ce que Montaigne en dit, qui elle était vraiment, ce qu'elle avait fait pour être reconnue par lui comme "sa fille d'Alliance", comprenons sa fille par l'esprit… Aussi la rencontrer "en chair et en os",  si j'ose dire, dans ce roman, a été pour moi un vif plaisir. On y découvre un portrait de femme exceptionnelle, dotée d'une vive intelligence, assoiffée de savoir, elle qui a appris le latin et le grec toute seule, sa mère refusant de les lui faire enseigner parce qu'elle était une fille.
A dix-sept ans, j'entrai en érudition comme on entre en religion. La religion d'un livre qui les contient tous : Les Essais de Michel, Seigneur de Montaigne.

Féministe avant l'heure, elle refusera toute sa vie le mariage, désirant ne pas dépendre du choix de ses parents pour son mari et conserver sa liberté. C'est dans Les Essais qu'elle trouvera les réponses à ses questions :
Et voilà que parmi tous les livres, il en était un qui parlait à mon esprit avec une limpidité et une force jamais éprouvées, qui ordonnait les lignes de ma raison avec une évidence bouleversante et disait sans vert le bonheur de réfléchir, d'être doué de conscience.

Une rencontre avec Montaigne

Michel Eyquiem, seigneur de Montaigne
 
Le plaisir de lire ce livre, consiste bien sûr à cette (re)lecture de Montaigne que nous offre Martine de Mairal mais une lecture sans pédanterie, guidée par l'amour de Marie de Gournay, qui se souvient, qui commente, qui admire et nous fait partager tous ses sentiments.
Nous y rencontrons l'homme, avec ses défauts, une certaine paresse avouée, une propension à fuir les difficultés;  mais aussi un homme de bon sens, ne cherchant jamais à imposer ses idées, doutant de connaître la vérité, épris de liberté et de justice; un homme à l'esprit ouvert, tolérant dans un siècle de fanatisme exacerbé, au milieu des massacres de la Saint Barthélémy, un homme au franc parler comme à la pensée franche, disant ce qu'il pense (ce qui lui vaut bien des ennuis du côté de l'église catholique et du pape!). Un homme qui paraît se retirer dans sa librairie, être plongé dans la méditation et qui pourtant a eu, par sens du devoir, une vie politique intense, maire de Bordeaux mais aussi conseiller du roi.
Nous tournons les pages de Essais avec Marie et les pensées de Montaigne s'égrènent :  
Je hais entre autres vices, cruellement la cruauté, et par nature et par jugement, comme l'extrême de tous les vices.

Et il s'oppose à la torture  -la géhenne- utilisé en ce temps pour obtenir des aveux d'un condamné. A propos de ceux que l'époque appelle des "sauvages", il parle, l'un des premiers, de la relativité des coutumes, il montre que nous ne leur sommes pas supérieurs à ces peuples et nous invite à la tolérance et à regarder nos propres travers :
Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toutes sortes de barbaries.

Il se moque du tempérament de ses compatriotes, insolents, batailleurs, qui se croient toujours supérieurs et veulent imposer leurs idées à toutes forces:   
Les français semblent des guenons  qui vont grimpant en contremont un arbre, de branche en branche, et ne cessent d'aller jusques à ce qu'elles sont arrivées à la plus haute branche, et y montrent leur cul quand elles y sont.

Ou encore: Mettez trois français au désert de Lybie, ils ne seront pas un mois ensemble, sans se harceler et égratigner.

Sur les femmes? Il se distingue de la misogynie de l'époque (et pas seulement! on a encore bien besoin de le lire et de le suivre à la nôtre!) et là encore il a des siècles d'avance :
 Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles. 

Je dis pareillement qu'on aime un corps sans âme ou sans sentiment quand on aime un corps sans son consentement et sans son désir.

 La langue du XVI siècle

Valentin Conrart, le premier académicien
Enfin autre plaisir et non le moindre, les Mémoires de Marie sont écrits dans la langue du XVI siècle et c'est une réussite totale de la part de Martine Mairal. Elle est tellement imprégnée, qu'elle sait en emprunter les tournures grammaticales, le vocabulaire mais aussi faire naître les images savoureuses et vivantes… à la Montaigne!

Ainsi  dans la critique qu'elle adresse aux  hommes de lettres qui ont été nommés par le Cardinal de Richelieu membres de l'académie alors qu'elle en a été évincée parce qu'elle était une femme, Marie retrouve des accents.
Car il n'est pour y entrer (à l'académie), que de déposer un vil blason de flatterie à gueules d'obéissance aux pieds du Cardinal. Quant à  la qualité littéraire, l'étiquette mondaine y suffit. Le pot fait la confiture.

ou encore quand elle parle de la verdeur de la langue de Montaigne qui sait appeler un chat un chat :

La beauté des Essais est là. Leur vérité aussi. Le lecteur se dit, voilà un homme qui parle et non un pur esprit rhétorique embabouiné de pédantisme et de bigoterie.
 
Et pour finir je vous laisse savourer - et oui, il s'agit bien de gourmandise- ce petite passage à la Montaigne mais qui m'évoque aussi Rabelais, où Marie Mairal de Gournay flanque une volée de bois vert aux Académiciens :

Curieuse leur suis-je et curieuse veux-je être quand il s'agit de défendre la langue des poètes, la parole des Essais, contre les menées académicrophages de ces méchants gribouris, de ces affreux coupe-bourgeons et viles lisettes d'Académiciens qui ravagent nos vieilles vignes langagières, compromettant les vendanges futures et pensent mériter leur surnom d'écrivain pour avoir dévoré leurs feuilles vertes à belles dents!

Voir  le billet de Dominique (ICI) et merci à elle de m'avoir fait découvrir ce livre 


MONTAIGNE : Les Essais

Je ne peux m'empêcher de citer à nouveau ici un extrait du chapitre de La conscience que j'aime beaucoup car il montre Montaigne plein de compassion pour un gentilhomme protestant qu'il devrait considérer pourtant comme son ennemi. Ainsi il dénonce les horreurs de la guerre civile et son absurdité. 
Au milieu des massacres liés aux guerres de religion qui n'ont cessé de déchirer la France en ce XVIème siècle, on conçoit quel grand esprit est celui de Montaigne, sa tolérance et son humanité, lui qui ne trahit pas son compagnon de route mais le prend sous sa protection.

Voyageant un jour, mon frère sieur de la Brousse et moi, durant nos guerres civiles, nous rencontrâmes un  honnête gentilhomme et de bonne façon. Il était du parti contraire au nôtre, mais je n'en savais rien, car il contrefaisait autre. Et le pis de ces guerres, c'est que les cartes sont si mêlées, votre ennemi n'étant distingué d'avec vous de aucune marque apparente, ni de langage, ni de port, ni de façon, nourri en mêmes lois, moeurs et même foyer, qu'il est malaisé d'y éviter confusion et désordre. Cela me faisait craindre à moi-même de rencontrer nos troupes en lieu où je ne fusse connu, pour n'être en peine de dire mon nom, et de pis à l'adventure, comme il m'était autrefois advenu ; car en un tel mécompte je perdis et hommes et chevaux, et m'y tua lon misérablement entre autres un page, gentilhomme italien, que je nourrissais soigneusement; et fut éteinte en lui une très belle enfance et pleine de grande espérance. Mais, cettui-ci en avait une frayeur si éperdue, et je le voyais si mort à chaque rencontre d'hommes à cheval et passages de villes qui tenaient pour le roi, que je devinai enfin que c'étaient alarmes que sa conscience lui donnait. Il semblait à ce pauvre homme qu'au travers de son masque et des croix de sa casaque on irait lire juques dans son coeur ses secrètes intentions  tant est si merveilleux l'effort de la conscience. Elle nous fait trahir, accuser et combattre nous-même, et, à faute de témoin étranger, elle nous produit contre nous "nous servant elle-même de bourreau et nous frappant d'un fouet invisible".

L'OBELE :  LIVRE VOYAGEUR à partir du mois de Janvier

samedi 26 octobre 2013

Martine Mairal : L'Obèle Un hommage à Montaigne (citation)

Récit de la rencontre entre Montaigne et Marie de Gournay

Je suis en train de lire L'Obèle de Martine Mairal.  Le livre raconte la rencontre  exceptionnelle entre Montaigne et sa "fille d'alliance", Marie de Gournay, jeune lectrice et admiratrice de l'auteur des Essais, lettrée et savante,  dont il fit  la dépositaire de son oeuvre.
Je vous parlerai plus longuement de cet ouvrage lorsque je l'aurai fini mais en attendant  je publie cet extrait en forme d'hommage à la langue de Michel De Montaigne.

Marie de Gournay

C'est ainsi que Marie de Gournay rend hommage aux Essais :

Et voilà que parmi les livres, il en était un qui parlait à mon esprit avec une limpidité et une force jamais éprouvées, qui ordonnait les lignes de ma raison avec une évidence bouleversante, et disait sans vert le bonheur de réfléchir, d'être doué de conscience. Avant même que de m'en approcher, je me pris de passion pour ces Essais écrits dans une langue vigoureuse et précise. Une langue vivante et bondissante sur les sentiers de la pensée avec la souplesse d'un bel animal dont le moindre mouvement est dicté par un sens très sûr de la nature. Ce que d'aucuns croient sauvage et primitif et qui est de fait libre et inspiré. Une langue de Babel, capable de forger les mots qui lui font défaut, de modeler en quelques syllabes puissantes l'allégorie d'une idée, de faire surgir la sonorité du monde au creux du verbe.

Les Essais. Jamais plus sacrilège qu'aujourd'hui* d'oser en faire l'éloge. Au moment où notre langue se vertagudine et se fige dans une rigueur désolante, toute semblable à un hiver tardif qui givre les promesses du renouveau trop tôt venues et navre gravement les récoltes à venir, plus me plaît encore à évoquer l'élan, la verve, l'ivresse étymologique, l'arcature rhétorique, la puissante conception, la force et la jubilation de cette écriture...

Michel de Montaigne


* Au XVII siècle.  Marie Gournay, beaucoup plus jeune que Montaigne, a "tourné" le siècle et est passée du XVI siècle au XVII où sous l'autorité de Richelieu, fondateur de l'académie française, la langue s'est codifiée et rigidifiée.

Merci à Dominique du blog A sauts et à gambades de m'avoir fait découvrir ce livre ICI

mercredi 6 février 2013

Anne Cuneo : Le trajet d'une rivière

Ce roman historique, Le trajet d'une rivière, La vie et les aventures parfois secrètes de Francis Tregian, gentilhomme et musicien  d'Anne Cuneo est placé sous le signe de Montaigne à qui il emprunte le titre : Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? 

Francis de Trégian, le personnage principal du roman, s'il ne rencontre pas Montaigne (celui-ci meurt en 1592 ) a connaissance des Essais et il en fait sa lecture quotidienne, une lecture qui l'apaise et contient des réponses à ses questions angoissées.  Le trajet d'une rivière est, en effet, une réflexion sur le bien-fondé des lois et de la justice, sur l'intolérance et la liberté de penser. L'action se situe d'abord en Angleterre où naît Francis Tregian, en 1574, dans une famille noble de Cornouailles puis en France, Pays-Bas, Italie, Espagne, au cours des voyages de notre héros en Europe. Le père de Françis, catholique fervent et fanatique, est emprisonné par la reine Elizabeth 1er, protestante. Son domaine lui est enlevé et ses enfants sont obligés de fuir et de se cacher. Francis Tregian, tolérant et  large d'esprit, refuse d'abjurer sa foi, parce qu'il pense, comme Montaigne, que chacun doit être libre de pratiquer la religion de ses pères.
C'est aussi un livre sur la musique puisque Anne Cuneo s'est intéressé à un musicien. Francis Tregian est, en effet, un excellent instrumentiste qui a collecté - en Angleterre où il a été l'élève de Thomas Morley et dans toute l'Europe- des musiques pour clavier qu'il a réunies dans le célèbre recueil le Fitzwilliam Book, témoignage précieux de tout ce qui se jouait en Europe de la fin du XVI° siècle au début du XVII°. Périodes tragiques et troublées au cours desquelles les populations sont décimées par la peste, la famine, où les guerres de religion font rage, la barbarie toujours prête à pointer le nez… mais d'où, pourtant, surgissent un bouillonnement de la pensée, une créativité, un renouveau dans tous les domaines de la connaissance, de la littérature et de l'art.

C'est avec érudition que Anne Cuneo nous introduit dans ce monde passionnant, de la la cour de la reine Elizabeth 1er, à la prison de la Fleet où est enfermé Tregian, aux champs de bataille de Henri de Navarre, notre bon roi Henri IV, à Amsterdam, centre du protestantisme.  Et c'est pour notre plus grand plaisir que nous rencontrons tous les personnages célèbres, amis de Tregian. Dans les théâtres londoniens, quand ils ne sont pas fermés par la peste ou par les puritains, Shakespeare écrit son Hamlet ou sa Mégère devant nous, les plus grands compositeurs de l'époque mettent au point de nouvelles théories, musiciens anglais comme Thomas Morley, John Bull, Peter Philips ou William Byrd,  italien comme Monterverdi…



 Thomas Morley

C'est à partir du Fitzwilliam Books que l'écrivain s'est livré à une véritable enquête sur ce personnage exceptionnel. Elle s'appuie sur des connaissances solides, des faits précis, des évènements réels, des  témoignages de l'époque, des registres de prison, des contrats..  Elle s'est imprégnée des lieux où a vécu Francis Tregian et répond d'une manière satisfaisante aux questions qui se posent à tout romancier écrivant sur l'Histoire : comment équilibrer ce qui est du domaine de l'Histoire et de l'imagination? Comment inventer et pourtant rester fidèle à la vérité historique? De cette réflexion et de ce travail est né un roman vivant, fourmillant de connaissances, de détails, d'évènements avec des personnages attachants. Un beau voyage dans une époque passionnante.




Monterverdi : Lamento d'Arianna

jeudi 17 janvier 2013

Citation avec Montaigne : Le trajet d'une rivière



Je suis en train de lire Le trajet d'une rivière d'Anne Cuneo, roman historique qui nous amène dans le passé, d'abord en Angleterre à l'époque élizabethaine puis en voyage en Europe déchirée par les guerres de religion.  Or, qui ai-je rencontré dans ce XVI siècle où s'affronte les fanatismes et où  l'on tue au nom de Dieu?  Montaigne, bien sûr, et ce texte magnifique et si vrai qui explique le titre de ce roman dont je vous parlerai bientôt.



Ce que notre raison nous conseille de plus vraisemblable, c'est généralement à chacun  d'obéir au loi de son pays, comme est l'avis de Socrate inspiré, dit-il d'un conseil divin. Et par là que veut-elle dire, sinon que notre devoir n'a d'autre règle que fortuite? La vérité doit avoir un visage pareil et universel.. Il n'est rien de sujet à de plus continuelle agitation que les lois. Depuis que je suis né, j'ai vu trois et quatre fois rechanger celle des Anglais, nos voisins, non seulement en sujet politique, qui est celui que l'on veut dispenser de la constance, mais au plus important sujet qui puisse être, à savoir la religion. De quoi j'ai honte et dépit, d'autant plus que c'est une nation à laquelle ceux de mon quartier ont eu autrefois une si privée accointance qu'il reste encore en ma maison aucunes traces de notre ancien cousinage… Que dira donc en cette nécessité que la philosophie? Que nous suivons les lois de notre pays? C'est à dire cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un Prince, qui me peindront la justice d'autant de couleurs et la réformeront d'autant de visages qu'il y aura en eux de changements de passion? Je ne peux pas avoir le jugement si flexible.
Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà?

jeudi 12 avril 2012

Que disent-ils de la politique? Du XVI au XVIII


 Deux citations qui me paraissent  établir des vérités très complémentaires mais que nous n'avons pas encore fait nôtres :

Montaigne : "Les lois se maintiennent en crédit non parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont lois."



Montesquieu : "Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi. Mais elle doit être loi parce qu'elle est juste."

jeudi 9 février 2012

Civilisation : Une réponse de Montaigne

  

 
L’astrolabe d’Abû Bakr b. Yûsuf, XIIIe siècle.


 Civilisation : Etymologie : du latin civis, citoyen.

Sens n°1 :
Une civilisation est l'ensemble des caractéristiques spécifiques à une société, une région, un peuple, une nation, dans tous les domaines : sociaux, religieux, moraux, politiques, artistiques, intellectuels, scientifiques, techniques... Les composantes de la civilisation sont transmises de génération en génération par l'éducation. Dans cette approche de l'histoire de l'humanité, il n'est pas porté de jugements de valeurs.
Le sens est alors proche de "culture".
Exemples : civilisations sumérienne, égyptienne, babylonienne, maya, khmer, grecque, romaine, viking, arabe, occidentale...

Sens n°2 :
La civilisation désigne l'état d'avancement des conditions de vie, des savoirs et des normes de comportements ou moeurs (dits civilisés) d'une société. La civilisation qui, dans cette signification, s'emploie au singulier, introduit les notions de progrès et d'amélioration vers un idéal universel engendrés, entre autres, par les connaissances, la science, la technologie. La civilisation est la situation atteinte par une société considérée, ou qui se considère, comme "évoluée". La civilisation s'oppose à la barbarie, à la sauvagerie.
Le XXe siècle ayant montré que la "civilisation occidentale" (au sens n°1) pouvait produire les formes les plus cruelles de barbarie, il est indispensable de faire preuve de la plus grande modestie quant au degré de civilisation (sens n°2) atteint par notre société.
source


C'est déjà l'avis de Montaigne! En parlant des Cannibales du Nouveau Monde dans l'essai du même nom, Montaigne note que ceux-ci mangent leurs ennemis morts en signe de vengeance alors que les Portugais les torturent longuement et avec raffinement avant de les pendre!
Je ne suis pas marri que nous remarquons l'horreur barbaresque qu'il y a en une telle action*, mais oui bien de quoi, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles aux nôtres. Je pense qu'il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu'à le manger mort, à déchirer par tourments et par gênes un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous l'avons non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion)**, que de le rôtir et manger après qu'il est trépassé.
Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.


 *le cannibalisme
** Quand Montaigne écrit les Essais, la France est déchirée par les guerres de religion

jeudi 6 octobre 2011

Charles-Monroe Schluz et Montaigne : la vie c'est comme...




Snoopy : un de mes philosophes préférés...


La vie, c’est comme un cône glacé ; il faut savourer chaque bouchée.

 Pas si éloigné de Montaigne après tout :

Les autres sentent la douceur d'un contentement et de la prospérité, je la sens ainsi qu'eux, mais ce n'est pas qu'en passant et en glissant : si la faut-il étudier, savourer, ruminer., pour en rendre grâces... Ils jouissent les autres plaisirs comme ils font celui du sommeil sans les connaître. A celle fin que le dormir même ne m'échappât ainsi stupidement, j'ai autrefois trouvé bon qu'on me le troublât pour que je l'entrevisse. 
Livre III chapitre XIII

Avec Chiffonnette

jeudi 8 septembre 2011

Montaigne : Quoi n'avez-vous pas vécu?




La vie :

Je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie et par la vigueur de l'usage compenser la hâtivité de l'écoulement. A mesure que la possession de vivre est plus courte, il me faut la rendre plus profonde et plus pleine.

"Je n'ai rien fait aujourd'hui." Quoi? n'avez-vous point vécu? C'est non seulement la fondamentale mais la plus illustre de nos occupations.


Initié par Chiffonnette

jeudi 14 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : Montaigne de Michel Bruzat, Théâtre de la Passerelle

 Jean-Pierre Descheix interprète Montaigne
Il y en aura peut-être d'autre (je l'espère car le festival est loin d'être terminé) mais le spectacle du Théâtre de la Passerelle de Michel Bruzat sur Montaigne est d'ores et déjà un coup de coeur.

Montaigne? Mon enthousiasme ne doit pas vous étonner puisque mon blog lui est dédié à commencer par son titre Ma Librairie et le bandeau d'accueil qui représente la tour où il avait installé sa bibliothèque autrement dit sa librairie.

Pourquoi j'aime autant Montaigne? Le beau spectacle théâtral mis en scène par Michel Bruzat à partir d'un choix judicieux de textes répond à cette question. Et tout d'abord en montrant l'homme car Montaigne n'est pas un pur esprit et s'il porte en lui la forme entière de l'humaine condition, c'est parce qu'il est proche de nous, un être de chair et de sang, qui aime la bonne chère, les plaisirs du corps, l'amour, l'amitié, un épicurien qui aime la vie et la cultive telle qui a plu à dieu nous l'octroyer. Un homme qui pense que le corps et l'esprit sont liés par "une étroite couture" et qu'ils ne sont donc pas opposables. Un homme qui n'essaie pas de dresser un portrait flatteur de lui-même mais qui  se montre à nous tel qu'il est avec ses faiblesses et ses erreurs : "Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans  étude et sans artifice". Et puis il y a le Montaigne philosophe, aussi éloigné des valeurs chrétiennes d'abstinence et de toutes formes d'ascétisme prônés par  la religion, "J'ai horreur d'imaginer un corps privé de plaisir", que du fanatisme lié à une quelconque certitude. Car cet humaniste est persuadé de la relativité des coutumes et des croyances. Et c'est parce qu'il ne pense pas détenir la vérité qu'il parle de tolérance, de respect des autres, du plaisir de découvrir d'autres pays, d'autres façons de vivre et de penser. La voix de Montaigne qui s'élève vers nous sur la scène du théâtre des Carmes est belle et toujours actuelle. L'adaptation en français moderne est de plus très réussie et nous rapproche de lui dans le temps. Elle nous dit, des choses toujours vraies, que la guerre est la preuve de la sottise humaine, que les hommes n'ont pas à imposer des règles aux femmes qu'ils sont bien loin de pouvoir respecter eux-mêmes, que la peur de la mort ne doit pas nous empêcher de vivre et que la vie, justement, est la plus belle des aventures humaines : "Mon métier et mon art, c'est de vivre".

 Michel de Montaigne, à qui l'excellent comédien Jean-Pierre Descheix prête son corps (il va même jusqu'à lui ressembler!) et sa voix, nous convie à un repas aux chandelles, nous invite à sa table et le spectateur est même parfois sollicité pour la préparation des plats. Convivialité, amour des saveurs, gourmandise, la glace est brisée, ce n'est pas le philosophe mais l'homme et même l'ami qui bavarde avec nous à bâtons rompus. Les évolutions de l'acteur qui sert à table, goûte avec sensualité un bon vin, trinque avec nous, danse, chante, ses digressions, ses hésitations, son franc parler, tout donne l'impression de ce style "à sauts et à gambades" si cher à Montaigne. Belle idée de Michel Bruzat et qui sert à merveille ces textes! Nous avons l'impression que ceux-ci s'écrivent devant nous, nous sentons le tâtonnement de la pensée, les mots qui se cherchent, qui se pressent, qui se bousculent. Jean-Pierre Descheix nous les donne à savourer. Avec bonhomie, simplicité et naturel, beaucoup d'humour aussi, il nous fait voir l'homme, nous fait rire, nous fait partager ses émotions, ses doutes aussi.  Avec cette mise en scène intelligente et pleine de finesse Michel Bruzat a réussi a concocté un régal théâtral goûteux salué par la qualité de l'écoute et des réactions des spectateurs.


Avis de Wens  blog En effeuillant le Chrysanthème

Ecrire sur Montaigne en parallèle à Claudialucia est un pari audacieux de ma part, elle qui se nourrit des Essais depuis sa prime jeunesse, qui a choisi de nommer son blog "Ma Librairie" en l'honneur de l'essayiste et philosophe. Mais...
Michel Bruzat par ses choix judicieux d'extraits des Essais montre la puissance de la pensée et la modernité de l'écrivain. Dans un rêve utopique on pourrait envisager que Montaigne inspire la conduite de nos puissants dirigeants, mus par le profit et l'ambition, où le visage des hommes se cache sous le masque de leur fonction, où se parjurer n'est pas un vice, mais une façon de parler où la politique sans conscience et sans âme consiste à faire le renard. Montaigne nous rappelle que la voix de la sagesse réside dans la tolérance, que notre richesse provient de notre diversité, qu'aucun homme sur notre terre ne détient la vérité absolue, que nos croyances sont le fruit de nos coutumes, de notre éducation. En vérité, dès notre naissance nous humons les règles de la coutume avec le lait…Par la suite, ce qui est contraire à la coutume, nous le croyons contraire à la raison.Il faut aller vers l'étranger, le comprendre, éviter tout repli sur soi, sur son propre monde. Le philosophe prône la tolérance religieuse, alors que son siècle est ravagé par les combats fratricides entre catholiques et protestants. Au nom de l'amour de Dieu, des paradis futurs, les croyants, les fanatiques s'étripent. Il dénonce la guerre, toutes les guerres, car elle font le jeu des ambitieux, des haineux, des violents. Aucune guerre n'est justifiable. En avance sur son temps, et sur le nôtre, il aborde le thème de l'égalité des sexes !
Au delà du philosophe, Michel Bruzat, nous fait rencontrer l'homme qui fait de lui même  un portrait pas toujours très flatteur. Nous sommes invités à un banquet par un hôte charmant, brillant, érudit, bavard, inquiet, curieux… qui nous fait rire, sourire, ou retenir notre souffle : Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice. Les mots, les formules savoureuses surgissent, fleurissent comme celle mise en exergue en sous titre de la pièce: Sur le plus haut trône du monde nous ne sommes assis que sur notre cul. Parce que Montaigne c'est aussi une langue brillante servie par un acteur de talent : Jean Pierre Descheix. Il habite Montaigne, nous fait partager ses réflexions, ses interrogations, ses doutes sur la beauté de la vie qu'il nous faut remplir, sur la force de l'amitié, sur la mort, sur la nature. 
La mise en scène inventive, et la scénographie participent à la beauté du spectacle. On aimerait garder en bouche le goût de ce festin de mots et de sagesse.





Montaigne
au Théâtre des Carmes 
du 8 au 31 juillet à 17H50
Durée : 1H15

mardi 14 juin 2011

Mes écrivains préférés




Ma librairie en hommage à Michel de Montaigne

 Voici le billet que j'avais publié à l'anniversaire des deux ans de Ma Librairie en 2010 quand mon blog était encore dans le Monde. Comme vous le savez, les ennuis répétés m'ont fait abandonner le site mais j'ai gardé ce billet car il témoigne de mes coups de coeur (qui sont restés toujours aussi vifs) pendant deux années de lecture.

Le 30 mars 2008, il y a deux ans donc, j'ai ouvert Ma Librairie dans le Monde. Depuis sous l'oeil bienveillant de Montaigne, de nombreux livres sont venus garnir les étagères fictives de ce blog.
Plus de 200 articles après, je me suis demandé quels livres je choisirais parmi ceux que j'ai lus pendant cette période.

Mes dix romans préférés

51dk53ysx2l_sl75_.1269363272.jpgJavier Cercas : Les soldats de Salamine  ici 1  et  2
J'ai adoré ce roman consacré à la mémoire des soldats de la Guerre Civile d’Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l’ont fait jadis à Salamine. Mais écrit Javier Cercas : De toutes les histoires de L’Histoire, la plus triste est sans doute celle de L’Espagne, parce qu’elle finit mal.

51m1kqh9w9l_sl75_.1269363287.jpgManuel Rivas : Le crayon du charpentier ici 1  ici 2

Entre réalité et fantastique, Le Crayon du charpentier écrit une magnifique page de l'Histoire espagnole au temps de la guerre civile : un récit émouvant, de beaux personnages, un point de vue original, celui du bourreau observant sa victime.

41huhzl2-sl_sl500_ss75_.1269385519.jpgC Virgil Georghiu : La maison de Petrodova ( ou Les noirs chevaux des Carpates)  ici

Ce roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d’un peuple façonné par l’âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien puisqu’il est le sien - est une oeuvre passionnante.
 
51obmitbmyl_sl500_ss75_.1269385346.jpgAtiq Rahimi : Syngue Sabour   ici 1    ici 2

De ce roman, je retiens un huis clos étouffant rythmé par les bruits extérieurs qui évoquent la mort, la guerre et la folie des hommes. Un magnifique plaidoyer pour la liberté de la femme.
 

9782869307575_1_v.1269468477.jpg Raymond Carver : les trois roses jaunes

Recueil de nouvelles : ce qui m'a frappée dans Raymond Carver, c'est sa manière d'aborder une histoire souvent poignante par un petit détail insignifiant (ou qui paraît tel) et de nous laisser, à la fin, le coeur au bord des lèvres sans savoir comment il est parvenu à nous retourner ainsi, à nous faire éprouver un tel malaise, une telle tristesse? Du grand art!

519kxas9n7l_sl160_aa115_.1269456662.jpgChristian Bobin : autoportrait au radiateur voir ici 1   2   3

J'aime la poésie qui se dégage de ces petites textes archipels, ces éclats de beauté qui jaillissent de ci, de là, d'un bouquet de fleurs, d'une mère avec son enfant, d'un nuage ... cette attention patiente et fine portée au monde qui l'entoure.

41menrx7eal_sl500_ss75_.1269386551.jpgMilos Kundera : la plaisanterie

A une époque où l'on ne peut plus être anti-sioniste sans se faire accuser d'anti-sémistisme, où l'on ne peut plus être contre la burka sans être taxée d'anti-musulman, où une artiste ne peut plus reprendre une célèbre formule en la détournant - "travailler moins pour gagner plus"- sans être censurée, où l'on n'ose plus jouer Voltaire librement ou dessiner des caricatures sur n'importe quel sujet est incendiaire, bref! à une époque où il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler si l'on ne veut pas être traîné en justice, il FAUT lire La plaisanterie de Milos Kundera.

41na3x66fbl_sl75_.1269363256.jpgJoyce Carol Oates : Les chutes voir ici 1    2

Ce roman en trois parties de Joyce Carol Oates, qui présente une intrigue complexe et forte, a pour cadre les chutes du Niagara. Plus qu'un décor, plus qu'un personnage, le Niagara apparaît ici comme un Dieu tout puissant qui semble détenir un pouvoir de vie et de mort sur les personnages.

41n3zr-8t1l_sl500_ss75_.1269363779.jpgChahdortt Djavan : La muette

Un petit roman, très court, qui résonne comme un cri, frappe comme un coup de poing, une dénonciation des violences faites aux femmes en Iran, petites filles mariées par leurs parents à des vieillards vicieux, privées d'éducation, d'amour, de liberté. Tristement d'actualité avec la loi sur l'âge minimum des filles pour le mariage au Yemen


41xntyae3wl_sl500_pisitb-sticker-arrow-bigtopright35-73_ou08_ss75_.1269386372.jpgJane Austen : Northanger Abbey : ici 1  2

Double bonheur - celui de lire en anglais pour la première fois depuis bien longtemps un roman de Jane Austen, écrivain dont je connais tous les titres! et cela pendant mon voyage à Bath en pèlerinage sur les lieux décrits par Jane Austen. De cet auteur, j'aime l'humour caustique, les portraits satiriques de ses contemporains écrit d'un plume acérée, sa manière ironique et légère de se moquer de ses héroïnes trop romantiques tout en nous les faisant aimer.


Un recueil de poésies : Découverte de Rafael Alberti
 
catalogo-rafael-alberti-lt-br-gt-alberti-sobre-los-angeles-i0n98665.1269468849.gifRafael Alberti : sur les anges (recueil de poésie)voir 1    2

A propos de son recueil Sur les anges, le grand poète espagnol Rafael Alberti écrit : C’est alors que j’eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d’irrésistibles forces de l’esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature.


un document : 

543995830_mjpg.1269386817.gifGitta Sereny : Au fond des ténèbres un bourreau vous parle

(document)
Ce livre, une enquête rigoureuse sur un bourreau nazi, directeur du camp de Treblinka, que l'auteur a rencontré juste avant son procès, a le mérite de nous décrire par le détail l'horreur des camps et surtout de nous faire réfléchir à la nature humaine. Qu'est-ce qui amène des gens en apparence normaux à commettre des actes d'une telle barbarie? n'y-a-t-il pas en chacun de nous une part d'ombre? Qu'aurions-nous fait à leur place? A rapprocher de La mort est mon métier de Robert Merle et de Les bienveillantes.

Pas de livres policiers dans la liste de mes dix romans préférés? Alors je me rattrape! 
 
519mw2d5czl_sl500_ss75_.1269456429.jpgDonald Westlake : Le couperet (roman policier)  voir 1    2

Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 est toujours d'actualité avec la crise économique que nous connaissons et le chômage qui menace non pas seulement les ouvriers mais aussi les cadres. j'ai beaucoup appris sur la gestion des entreprises et les fonds de pension. Un livre politique féroce et grinçant mais aussi un roman noir avec suspense et angoisse.

412rcvyshwl_sl160_aa115_.1269456208.jpgStieg Larson : Millenium
 
Peu m'importe si les critiques le considèrent comme un bon ou mauvais roman, si le succès est dû à la mode et au tapage médiatique... Moi, je me souviens que j'ai vécu les aventures de ce roman avec fièvre, que j'y ai gagné quelques nuits blanches tant je ne pouvais me détacher des trois tomes ... sans compter les discussions passionnantes. Et ma foi, je ne risque pas de renier ce genre de bonheur. Vive la littérature évasion! Quoique... évasion? Hum! Peut-être ? mais elle est aussi ancrée dans un pays dont l'auteur dévoile les noirceurs.

vendredi 10 juin 2011

Ceux que j'aime : Mes écrivains

J'ai été taguée par Armande, Mango  et Irrégulière. Trois bonnes raisons pour jouer le jeu! Il s'agit d'écrire le nom de quinze écrivains qui comptent pour moi sans réfléchir, en laissant courir mon crayon. Ce que j'ai fait. Je me suis arrêtée non parce que j'avais terminé mais parce que je me suis dit que j'avais peut-être dépassé le nombre prescrit!  Effectivement, j'en étais à trente cinq! Il m'a donc fallu élaguer ma liste (au lieu de la compléter). Quelle torture car, enfin, il est hors de question que j'abandonne mes classiques, ceux qui  accompagnent toute ma vie mais il y aussi les contemporains et puis il y les romanciers, les poètes, les dramaturges et... D'accord, d'accord, il faut choisir! Alors voilà!

Michel de Montaigne : Pourquoi? parce que c'était lui, parce que c'était moi ... et parce qu'il porte, comme chaque homme, la forme entière de l'humaine condition.
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Molière : parce que sous le comique, le tragique, parce que sous le rire, l'Homme!
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Voltaire : parce qu'il est intolérant envers l'intolérance
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Marivaux : parce qu'il faut être trop bon pour l'être assez!
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Stendhal : parce que Julien Sorel et tous ceux qui comme lui, aujourd'hui, hier, demain, subissent le mépris au quotidien.
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Emile Zola : parce que J'accuse! les violences faites aux faibles, aux modestes, aux démunis parce que j'accuse l'exploitation de l'homme, le racisme, l'antisémistisme...
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William Shakespeare: parce que la vie n'est qu'une ombre qui passe un pauvre artiste qui s'agite et se pavane sur la scène, puis que l'on n'entend plus...
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Thomas Hardy : parce que Le retour au pays natal, Loin de la foule déchaînée, parce que Tess, parce que Jude, parce que les damnés de la terre, la femme et l'ouvrier.
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Jane Austen : parce que l'humour fait rire de l'ennui, de la tristesse, de la pauvreté,  bref! de la médiocrité,  parce que sous l'apparente légèreté, la gravité.
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Steinbeck : parce que Tendre jeudi et Les raisins de la colère, parce que la tendresse avec les humbles et l'humour qui illumine tout.
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John  Irving : parce que Garp et Owen, parce que la musique triste et angoissante de la vie
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Joyce carol Oates : parce que la force  intérieure de ses personnages, la violence de la dénonciation de ceux qui détiennent l'argent donc le pouvoir.
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Javier Cercas:  parce que il sait parler de ces moments inconcevables lors desquels la civilisation tout entière dépend d’un seul homme.
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George Semprun : parce que dans les camps de la Mort, l'Esprit a continué à lutter et parce que l'on trouve des raisons de vivre au milieu de la noirceur.
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Chadorrt Djavan : pour sa dénonciation des violences faites aux femmes.
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Gérard de Nerval parce que  mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie.. et parce que Aurélia et Les Filles du feu
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Guillaume Apollinaire :  parce que  un soir de demi-brume à Londres...
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Jules Supervielle :  parce que La petite fille de la haute mer et parce que la terre est une quenouille que filent la lune et le soleil...
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René Char : parce que Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats
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George Brassens parce que la richesse de la langue, le jeu sur les mots, la beauté et l'originalité des images, la nostalgie, l'humour, la tendresse.
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et puis tous les écrivains bien-aimés que je n'ai pu citer ou ceux que je suis en train de découvrir en espérant qu'ils deviendront aussi grands pour moi que ceux qui figurent déjà dans mon panthéon littéraire.