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mardi 23 juillet 2013

Festival In : Angelica Liddell, Todo el cielo sobre la tierra, un théâtre qui secoue!

Todo  el cielo sobre la tierra d'Angelica Lidell

Todo el cielo sobre la tierra  ( Tout le ciel au-dessus de la terre) est  pour moi ma première découverte d'Angelica Liddell sur scène. Mais je connaissais bien le personnage et son théâtre qui ont secoué les spectateurs  Avignon antérieurement. Je  savais que j'allais assister à un cri de souffrance,  à l'agonie toujours renouvelée d'une femme qui dit son mal être, sa peur de l'abandon et de l'amour … Une blessée grave de la vie pour qui le théâtre est une catharsis salvatrice.

Cette  pièce Todo cielo el Sobro la Tierra  porte comme sous titre Le syndrome de Wendy. Wendy, bien sûr c'est Angelica Liddell et  toutes les filles qui refusent  de grandir, effrayées par la perspective de l'âge adulte, par la décrépitude du corps et de l'esprit qui les attend. Les vers de  William Wordworth  qui reviennent  dans la pièce comme un leit motiv  disent cette peur d'une autre manière :

 Et si rien ne peut ramener l'heure
De la splendeur dans l'herbe, de l'éclat dans la fleur
Au lieu de pleurer, nous puiserons
Nos forces dans ce qui n'est plus.

A la  voix sentencieuse d'un professeur qui interroge, on entend une jeune élève répondre : "Je crois que cela signifie que lorsque nous sommes jeunes nous vivons d'idéaux, mais quand nous perdons notre jeunesse nous devons trouver en nous les forces pour vivre".

Jouée dans la grande cour du lycée Saint Joseph,  la pièce est pour moi très nettement divisée en trois parties dont je ne suis pas arrivée  forcément à voir la logique au moment où le spectacle se déroulait, ce qui fait que j'ai eu des difficultés à entrer dans l'univers d'Angelica Lidell. Ce n'est que peu à peu que j'ai vu le puzzle se mettre en place, la cohérence apparaître.

Angelica a écrit cette pièce en hommage aux soixante-neuf jeunes gens tués sur l'île d'Utoya en Norvège en 2011 par Anders Breivik. La première partie de la pièce est une réflexion sur ce massacre, sur l'horreur insoutenable qui lui est inhérent, sur la difficulté de continuer à vivre face à une telle monstruosité. A l'image de l'île d'Utoya se superpose alors celle de Peter Pan, le pays où se réfugient les enfants qui ne veulent pas grandir car la métaphore de la mort est très apparente dans le mythe de Peter Pan. Est-ce à dire que pour ne pas grandir, il faut mourir jeune comme les enfants d'Utoya?
C'est là que Peter Pan amène Wendy-Angelica, pour la soustraire à la terreur et à la solitude. Pourtant malgré le tragique du propos, ce début m'a laissé  froide, occupée que j'étais à comprendre le sens et le pourquoi et le comment! Le théâtre de Lidell n'est pas d'un abord aisé pour une non-initiée!

La seconde partie nous amène en Chine. Il faut dire que chaque fois que Angelica Liddell est  malade de dégoût et de peur, elle apprend une langue étrangère. C'est ce qu'elle a fait cette fois encore avec le chinois. Puis elle est allée se perdre, toute petite, insignifiante, dans la grande ville de Shanghaï. Sur scène, retentit la musique du compositeur chinois, Hong Dae Sung, qui a créé des valses pour le spectacle. Un couple venu de Shanghaï valse. Ils sont âgés, ce ne sont pas des danseurs professionnels mais ils aiment danser, on le sent. La musique est belle, douce, joyeuse, les valses s'enchaînent, spectacle hors du temps. Etonnement des spectateurs et même protestations à côté de moi, visiblement ce n'est pas cela que l'on attend d'Angelica! Pourtant je comprends son propos, c'est comme si elle s'enfermait dans un monde idéalisé où la vieillesse n'est pas une déchéance, une parenthèse qui la soustrait à l'horreur de la réalité. Shanghaï comme une île lointaine accueille Wendy.



Et puis la troisième partie! Là, Angelica est seule sur la scène, plus rien ne la protège de la souffrance et sa voix éclate, s'élève et semble envahir l'espace au-dessus de nous. Elle crie sa haine des mères, elle qui a toujours refusé d'en être une, elle crie son mépris de celles qui exploitent leurs enfants en exigeant amour et reconnaissance, celles qui se drapent dans ce rôle de mère pour acquérir un "supplément de dignité". Elle dit surtout comment sa propre mère a détruit en elle le bonheur en la punissant d'éprouver ce sentiment, comment elle a fait en sorte que le rire soit synonyme de honte et de péché. Elle dit sa solitude, sa peur de l'abandon, sa soif d'être aimée. Et tout son corps se tord et participe à cette souffrance tandis que se découpe l'ombre géante de sa silhouette torturée sur les hautes façades de l'ancienne bâtisse du lycée Saint Joseph. Sa voix se métamorphose, rugit, murmure, prend des inflexions profondes qui semble sortir de ses entrailles. Car il s'agit bien de cela, un rugissement qui surgit de l'intérieur : la douleur est physique et transmissible, le spectateur l'éprouve, le spectateur chavire tandis que les enfants d'Utoya s'écroulent sur la scène dans leur vêtement ensanglanté… L'obscurité se fait! Les spectateurs restent silencieux, sonnés!  Il faut un moment pour revenir à soi-même et donner à Angelica Liddell les remerciements qu'elle mérite.


Chez Eimelle

lundi 22 juillet 2013

Ubu Kiraly : Alfred Jarry, Alain Timar et la Compagnie hongroise du Cluj Un coup de coeur!

Les acteurs hongrois du Cluj dans Ubu Kiraly mis en scène par Alain Timar

Dans la série coup de coeur du festival OFF 2013 : la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi mise en scène par Alain Timar au théâtre des Halles jusqu'au 28 Juillet


Ce n'est pas sans humour qu'Alain Timar nous convie à venir goûter Ubu roi ou Ubu Kiraly  en hongrois puisque la pièce est jouée dans cette langue, farce grotesque, satirique et  réjouissante :
"À l’heure où aucun despote ne règne plus, pourquoi se replonger dans l’odyssée du Père Ubu ? En effet, peut-on encore, dans notre monde ouvert et civilisé, trembler en imaginant les ravages d’une "machine à décervelage" sur nos esprits sagaces ? Ou frémir à l’idée d’être ponctionnés par une fantastique "pompe à phynances" ? Non, bien sûr. Rassurons-nous : personne de nos jours ne cherche plus, par les moyens les plus brutaux, à "se procurer un parapluie", ou à semer la misère et la désolation dans le seul but de "manger plus souvent de l’andouille"… On pourra donc rire sans mélange aux facéties toujours vertes d’Alfred Jarry, absurdités fomentées en 1896 dans le seul but de semer la merdre… Un projet qu’il allait jusqu’à énoncer : "Il fallait que la pièce ne pût aller au bout et que le théâtre éclatât."
Et comme, non, bien sûr, une telle aberration ne peut plus exister dans notre monde "ouvert et civilisé", je m'abstiendrai donc de vous parler de l'actualité de cette pièce, de sa modernité et de la pérennité des thèmes explorés par la pièce, l'ambition démesurée, la soif du pouvoir qui mène au meurtre, les abus des puissants qui exploitent le peuple et s'enrichissent à leur dépens, l'absurdité de la guerre. On pense à Macbeth pour sa version tragique, paternité revendiquée par Jarry, et pour sa version comique à Rabelais, son roi Picrochole et son capitaine Merdaille.

Avec la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi, Alain Timar signe  au théâtre des Halles, la meilleure de ses mises en scène,  animée d'un souffle délirant, d'une inventivité sans cesse renouvelée. C'est avec un rouleau de papier blanc que les acteurs sont invités à créer eux-mêmes leurs costumes, leurs accessoires. Le papier se transforme sous leurs doigts en vêtements, capes, couronnes, fichus, noeuds papillon, épées ou croix et il suffit à lui seul à créer des personnages, à évoquer un décor, à caractériser une classe sociale. Le résultat est surprenant, astucieux, amusant, bouffon mais aussi esthétiquement réussi. La langue hongroise (sur-titrée) ajoute au charme et la manière qu'ont les comédiens de prononcer "Ubu papa" ou "Ubu mama" met en joie.  Rythmés par des instruments de cuivre cabossés, à leur image, les évolutions des excellents acteurs du théâtre hongrois de Cluj servent avec dynamisme, drôlerie et un grain de folie cette mise en scène échevelée qui les met dans tous leurs états! Ils incarnent tour à tour chacun des personnages si bien qu'il y a plusieurs Mère Ubu ou Père Ubu, reconnaissables chacun à ses attributs en papier. C'est d'une drôlerie irrésistible et le public ne boude pas son plaisir! Mais sous le grotesque et le rire, la mise en scène souligne la férocité du propos, la dénonciation de la monstrueuse sottise de l'homme confronté au pouvoir. Une grande réussite!


Alfred Jarry
 Alfred Jarry (1873-1907) a créé le personnage d'Ubu alors qu'il était au lycée, inspiré par l'un de ses professeurs. Ubu Roi est la première pièce d'un cycle autour du personnage d'Ubu qui incarne à la fois la tyrannie et la sottise. La pièce est un prétexte à explorer la soif du pouvoir, ses dérives, ses cruautés et la cupidité jamais assouvie des puissants.
Dans Ubu roi, Le père Ubu poussé par sa femme, la mère Ubu (véritable lady Macbeth grotesque) veut prendre le pouvoir. Il tue le roi de Pologne  Venscelas et s'empare de son trône, aidé par ses partisans dont le capitaine Bordure.  Jarry prend soin de préciser que la Pologne peut-être n'importe quel pays. Devenu roi, Ubu se débarrasse de tous ceux qui s'opposent à lui et accablent le peuple d'impôts. Mais le fils du roi, Bougrelas, a juré de se venger. Il va demander de l'aide au Tsar...
 


Challenge d'Eimelle




Festival IN  : Demain  un billet sur Angelica Lidell : Todo el Cielo sobre la Tierra (le syndrome de Wendy)

dimanche 21 juillet 2013

Festival OFF d'Avignon : La compagnie des spectres de Lydie Salvayre et Zabou Breitman : Un coup de coeur!



Zabou Breitman et le maréchal Pétain dans la compagnie des spectres
 Dans la série coup de coeur, La Compagnie des spectres avec Zabou Breitman au théâtre du Chêne Noir jusqu'au 28 Juillet à 18H.

Quand Zabou Breitman s'empare de La compagnie des spectres, un roman de Lydie Salvayre, l'adapte, le met en scène et enfin l'interprète d'une manière magistrale, c'est pour nous enlever, nous ravir au sens premier du terme, pour nous faire vivre une aventure théâtrale qui est un pur bonheur, un grand moment d'émotion partagé entre le rire et les pleurs, la révolte et la compassion.
La compagnie des spectres est en effet la rencontre entre un texte fort, intense, subtil, un belle langue qui emprunte à tous les registres et une actrice lumineuse, tendre et tragique, et amusante aussi, qui sait faire partager toute une gamme de sentiments et nous met en empathie avec les personnages qu'elle incarne.

 Epoque actuelle-1943  : Soit un appartement  misérable et un huissier qui vient faire l'inventaire de biens (sans valeur) pour procéder à une saisie puis une expulsion. Ici, vit Louisiane timide, recluse, incapable de vivre en société, un rien obséquieuse envers l'homme de justice… Et puis il y a sa mère Rose, très âgée, folle, dont la mémoire est resté figée à cette journée de Janvier 1943 où son frère a été sauvagement assassiné par deux miliciens et où sa propre mère, sous le choc, s'est elle aussi retirée dans le silence de son esprit. Trois générations de femmes qui ont été détruites par l'horreur de la collaboration du régime de Vichy et la complicité active (des milliers de lettres de dénonciation) ou passive de nombreux français. Le texte puissant dénonce l'antisémitisme, la dictature, elle dénonce les responsables, le maréchal Pétain, Joseph Darnand, le fondateur de la milice, René Bousquet et son adjoint Jean Leguay, et tous les collaborateurs qui, soit par intérêt, cruauté, désir de puissance et de reconnaissance, soit par lâcheté, ont collaboré avec le meurtre et l'horreur.

Il suffit d'un rien pour que Zabou Breitman devienne tour à tour une des trois femmes, l'huissier et même le maréchal, le pharmacien délateur, un milicien… un geste, une cigarette au bec, une inflexion de voix, un corps qui se courbe d'humilité… Elle  tient ainsi les spectateurs sous le charme, captifs. Mais si le texte est tragique, l'actrice sait nous amener au rire. Là encore une nuance dans son jeu, un mot mis en relief, un déhanchement et le rire surgit. Oh! cette scène inénarrable où elle danse avec le maréchal Pétain himself! Et oui!
Le décor est laid : misérables et étriqués ce salon et cette chambre encombrés d'objets hideux, abimés, cassés, comme si le temps s'était arrêté, comme s'il reflétait le néant de ces femmes détruites, enfermées dans un passé qui sans cesse recommence, dans une violence qui  rejoint le présent. Car au fur et à mesure que la mère parle on comprend que c'est elle, la "folle", qui détient la vérité. L'horreur  n'a jamais cessé pour elles, pour ces deux femmes malades, dans l'incapacité de travailler, dotées d'une petite pension qui leur permet à peine de survivre à deux. La violence actuelle est représentée par cet huissier qui vient insulter leur misère. Soixante et dix ans après, Louisiane et Rose vivent les conséquences de ce passé tragique mais la violence s'exerce sur elles d'une manière plus subtile comme elle touche tous ceux qui vivent de nos jours "avec 400 € par mois" et ne peuvent payer leur loyer. Et c'est ainsi que le présent et le passé sont solidaires! Et de là naît la révolte qui constitue aussi, peut-être, un espoir.

Un très beau texte! Un grand moment de théâtre!



 Je cite ici un extrait de l'interview de l'auteur Lydie Salvayre Pour comprendre le sens profond de ce roman  voir la suite  ICI

- On a l'impression que c'est le face à face de deux discours qui tournent à vide, celui du présent traumatique éternel de la mère et celui de l'huissier, enchaînement mécanique de formules juridiques, qui va rendre impossible la tentative de reconstruction de la fille. -Un discours qui tourne à vide, mais qui produit des effets. La société, qui devrait l'aider à s'étayer, la rejette, la renvoie vers sa mère, dont elle reçoit cette révolte. Quant à l'huissier, j'ai reçu une lettre d'un lecteur me reprochant d'avoir fait de l'huissier un vichyste, alors que la monstruosité ordinaire des huissiers se suffit à elle-même.

-En ce sens, c'est un livre politique?
-Oui, et pas seulement dans ses aspects historiques. D'ailleurs, on ne s'y est pas trompé, notamment dans les jurys littéraires, même si on ne le dit pas comme ça.
-Dans vos derniers livres, on voit un personnage investi, habité par un discours qui n'est pas le sien, et le confrontent, parfois tragiquement, au réel. Ici, on perçoit une radicalisation de ce dispositif.
-Tant mieux si c'est comme ça. Mais ce qui distingue mes deux derniers romans, c'est la place qu'y tient le discours littéraire. Dans 'la Puissance des mouches', le personnage était possédé par Pascal. Ici, la littérature, Cicéron, Sénèque, respire dans les paroles de la mère, y est incorporée. Quand elle cite Epictète à la face de l'huissier, ces mots sont les siens. Et parfaitement inutiles. La littérature ne peut rien face à la brutalité d'un huissier. On sent à quel point elle est luxe pur, surcroît absolu, renvoyée à l'inefficacité sur le plan de la résistance au social. Pourtant Rose ne serait pas ce qu'elle est, aussi coléreuse, aussi rebelle sans ses lectures.
-Vous n'êtes donc pas la pessimiste radicale qu'on dépeint parfois.
-On me dit même désespérée. Il est vrai que le malheur est au centre de mes romans. Mais c'est un malheur qui ne s'abîme pas en lui-même, qui se tempère, qui est soutenable. Ce n'est pas le malheur insoutenable de Primo Levi. Il peut se dire, et souvent par le rire. La liberté n'est jamais hors de portée.

je n'ai pas encore lu La compagnie des spectres mais après cette belle aventure théâtrale,  je viens de commander le livre pour découvrir le roman.

Editions le Seuil : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre

Editions Points : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre


samedi 20 juillet 2013

Le festival d'Avignon 2013 : une brassée d'images


Une parade pour Cendrillon

Décidément il faut que je vous parle du festival d'Avignon. Voici que commence la troisième et dernière semaine, il serait temps! Quelques photos d'abord pour vous montrer les affiches qui montent à l'assaut des gouttières, des poteaux, qui tapissent les murs... des couleurs bariolées et puis la foule  partout, les théâtres pleins à craquer, bref! tout ce qui fait du festival une grande fête du théâtre. Avec ces 1258 pièces du Off, avec une soixantaine de spectacles du In, les concerts, les lectures, les conférences, les expositions... la difficulté reste de faire un choix et qu'il soit judicieux!

Pièce de Gilles Deshots à la Maison de la Parole

La Place des Carmes

Place des Carmes

Rue des Teinturiers

Spectacle Baudelaire





Je vous parlerai demain et après demain de mes deux coups de coeur du OFF (mais j'en ai encore beaucoup à voir!)

Zabou Breitman fait danser le maréchal Pétain


La compagnie des spectres d'après l'oeuvre de Lydie Salvayre,  magnifiquement adaptée,  mise en scène et interprétée par la merveilleuse Zabou Breitman  au théâtre du Chêne noir.





 
Alain Timar présente Ubu Kiraly en hongrois


Ubu Kiraly d'Alfred Jarry mis en scène par Alain  Timar au théâtre des halles en hongrois sur-titré : une excellente mise en scène et une troupe de très bons acteurs.





Toutes les deux dans un genre très différent sont un vrai  régal! A bientôt!