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lundi 1 octobre 2012

Wilkie Collins : La robe noire



Qu'est-ce que la robe noire? C'est celle du machiavélique jésuite, le père Benwell, qui cherche à récupérer une ancienne abbaye qui appartenait jadis à l'église catholique mais confisquée, en son temps, par Henri VIII. Machiavélique, ce jésuite, car après avoir converti le propriétaire de l'abbaye, Lewis Romayne, il place auprès de celui-ci un autre membre de son ordre, Penrose, fervent  et sincère mais convaincu d'agir pour le bien de la religion. Le mariage de Lewis avec Stella Eyrecourt et l'arrivée d'un enfant, met en péril le complot du jésuite qui cherche à obtenir un testament en faveur de l'église. Parviendra-t-il à ses fins? Lewis Romeyne sous influence va-t-il déshériter son fils?

Comme d'habitude, Collins fait preuve de talent pour nous conter une histoire noire, autant que la fameuse robe, couleur qui symbolise l'église catholique mais aussi l'âme du jésuite. Il sait créer une ambiance qui tient le lecteur en haleine, faire vivre des personnages torturés et pas seulement le "méchant" père  Benwell mais aussi le tourmenté et mystique Lewis Romayne. Il sait décrire à merveille les rapports de domination spirituelle du religieux sur son disciple et montrer comment il exploite la faiblesse psychique du jeune homme dans des buts intéressés. Nous retrouvons ici un thème toujours d'actualité, celui du pouvoir exercé par des "gourous" sur des personnages fragiles et sous influence.
Ceci dit ce livre est loin d'être mon préféré. Il souffre d'être trop démonstratif, ce qui nuit au récit. Collins a une thèse, celle de démontrer l'ineptie et la malhonnêteté de l'église catholique et l'on sent trop le pamphlet dans le roman. C'est tellement gros que cela prête parfois un peu à sourire!
Quant à la vision de la femme dans ce roman! Où est passé, je vous prie de me le dire, le Collins de Mari et femme qui prenait fait et cause pour les femmes en critiquant violemment la législation sur le mariage qui place l'épouse sous la tutelle de son mari et lui ôte tout pouvoir de décision sur sa propre vie? Wilkie Collins se laisse aller à une misogynie de bas étage. Jugez plutôt  :

Mais où se trouve la femme qui peut s'associer intimement avec le dur travail cérébral d'un homme qui s'est voué à des recherches intellectuelles absorbantes. Elle peut l'aimer, l'admirer, le servir, croire en lui plus que tout autre homme mais- en dépit d'exceptions qui ne viennent que confirmer la règle- elle n'est pas à sa place lorsqu'elle pénètre dans le cabinet de travail au moment où l'homme a la plume en main."

Il oublie de préciser que l'éducation de la jeune fille maintenue dans l'ignorance et la soumission par sa famille et la loi de la société victorienne, d'une part, et l'impossibilité, d'autre part, d'accéder au savoir détenu par les hommes sont peut-être les causes de cette prétendue infériorité de la femme. Il oublie aussi que même à son époque des écrivaines féminines (des exceptions?) lui tenaient la dragée haute et ne déméritaient pas, bien au contraire, à côté de lui!!




lundi 28 mai 2012

Wilkie Collins : Je dis non!




Je dis non! n'est  certainement pas un des meilleurs livres de Wilkie Collins et s'il n'avait écrit que celui-là, je n'apprécierai pas autant l'écrivain, mais, comme d'habitude, Collins  a su nous concocter une intrigue bien complexe avec des personnages bien sombres et une innocente (mais pas idiote)victime! Alors, inconditionnelles de  Collins, ne boudez pas votre plaisir!
Le roman a pour mérite de faire vivre et d'opposer deux mondes, celui, modeste, dans laquelle vit Emily, dans un Londres gris et monotone et celui plein de plaisirs qu'elle entrevoit chez Cécilia dont le père, M. Wyvil, est conseiller au parlement. Mais cette société, si brillante qu'elle soit, n'en est pas moins bâtie sur des hypocrisies, des snobismes et les jeunes gens y chassent la dot plutôt que le véritable amour.


Dans le rôle de la sympathique victime, je vous présente Emily  Brown, intelligente, courageuse mais orpheline et donc pauvre! Pendant l'absence d'Emily,  son père est mort d'une maladie de coeur comme le lui a assuré sa tante qui l'a élevée.  Mais l'on comprend bien vite qu'un secret plane sur cette fin mystérieuse.
 Sa meilleure amie est Cécilia, une riche et gentille jeune fille, insouciante et légère, plutôt frivole. Dans la pension de Miss Ladd où elles vivent vient d'arriver une nouvelle, peu sympathique, Francine de Sor qui sera amenée à jouer un grand rôle dans le roman.
 A côté des jeunes filles une maîtresse d'internat, Miss Jethro paraît bien connaître Emily et surtourt son père. Qui est-elle? Que cache-t-elle? Ajoutez-y encore un couple d'aubergistes mis en faillite par un meurtre qui a eu lieu dans leur hôtel et un séduisant, jeune et éloquent clergyman, Miles  Mirabel. Enfin, dans le rôle de l'amoureux, d'abord éconduit, le maître de dessin Alban Morris, dont la fortune a subi des revers, ce qui explique qu'il ait pris cet emploi dans la pension de Miss Ladd. Il veillera sur la jeune femme en parfait gentleman pendant toutes les épreuves qu'elle traversera.
Les jeunes filles ont terminé leurs études. Emily, élevée par sa tante  sans fortune,  est sur le point de prendre un emploi lorsque la mort de sa tante et  les propos incohérents que cette dernière tient pendant son agonie remet tout en cause!

Et voilà, je ne démêlerai pas plus avant les fils de cette  rocambolesque intrigue et ne vous plaignez pas si je vous laisse empêtré(e) dans cette toile d'araignée! Après tout, vous n'avez qu'une chose à faire, allez lire le roman par vous-même! Et  surtout si vous avec une liseuse Kindle, sachez que, en un quart de seconde, vous pouvez charger le roman gratuitement! C'est pas beau ça!

Challenge d'Aymeline

mercredi 2 mai 2012

Anne Brontë : Agnès Grey,



 Anne Brontë par sa soeur Charlotte

Enfin! J'ai pu lire le roman de Anne Brontë, Agnès Grey, grâce aux livres gratuits chargés sur mon Kindle, complétant ainsi ma connaissance des talentueuses soeurs Brontë.

Agnès Grey est la fille d'un pasteur modeste. Sa mère, une lady, a dû rompre avec sa famille pour pouvoir se marier. Cette femme, digne et courageuse, vit modestement avec son mari et ses filles dont l'amour compense, à ses yeux, la perte de sa fortune et de son rang social. Mais le pasteur qui sent sa santé décliner cherche à accroître ses revenus pour ne pas laisser sa famille dans l'embarras. Peu doué pour les affaires, il fait faillite. Sa fille Agnès, pour aider ses parents, se place alors comme éducatrice dans une famille de riches parvenus puis de nobles ruraux. Elle fait ainsi le dur apprentissage de la servitude et c'est avec persévérance qu'elle affronte les difficultés de la vie faite de travail et d'humiliations. Cela ne l'empêche pas de ressentir un doux sentiment pour le vicaire de M. Weston. Mais celui-ci saura-t-il distinguer la jeune fille au milieu des nobles demoiselles qui la méprisent?

 Anne, écrivain et poète, née en 1820, la dernière des six enfants Brontë, est loin de la sensibilité exacerbée d'Emily, du romantisme morbide et sauvage des Hauts de Hurlevent, de ses personnages farouches et sombres, de son irrespect des convenances et du bon goût. Elle n'est pas non plus, comme la Charlotte de Jane Eyre, qui flirte avec la folie et la mort dans un château lugubre qui cache ses secrets.. Si elle ressemble à Charlotte, c'est plutôt à celle qui a écrit Le Professeur, enseignante dans une pension de jeunes filles et amoureuse du professeur de ces demoiselles.

Le roman est en grande partie autobiographique. Anne Brontë, fille de pasteur, s'inspire de son expérience de gouvernante dans des maisons bourgeoises. Elle ne laisse, en aucun cas, libre cours à son imagination. Comme Agnès Grey, elle entre comme préceptrice chez des gens qui la chassent après quelques mois. Puis elle reste au service d'une autre famille pendant des années. Son récit est donc réaliste et même moralisateur. Elle y parle de l'éducation des enfants, donne son avis de pédagogue, déplore le manque de cohérence des parents dans l'éducation de leur progéniture et dénonce leur incapacité à leur inculquer des principes moraux.
Anne, dont c'est le premier roman,( elle en a écrit deux) a l'art du portrait. Elle parvient à saisir les traits de caractère de ses personnages pour bien les camper, mette en valeur ce qui les distingue, peindre leurs travers, leurs faiblesses ou leurs forces.  Elle peut même avoir la dent dure envers ces riches nobles, ces dames uniquement préoccupées de paraître, ces clergymen plus soucieux de briller et de faire fortune que de servir Dieu.

M. Hatfield avait coutume de traverser rapidement la nef, ou plutôt de la traverser comme un ouragan, avec sa riche robe de soie voltigeant et frôlant la porte des bancs, et de monter en chaire comme un triomphateur monte dans le char triomphal; puis se laissant tomber sur le coussin de velours dans une attitude de grâce étudiée, de demeurer dans un silencieux prosternement pendant un certain temps... ensuite de retirer un joli gant parfumé pour faire briller ses bagues aux yeux de l'assistance, passer se doigts à travers ses cheveux bien bouclés, tirer un mouchoir de batiste.... 

On voit qu'elle utilise la satire avec une certaine férocité!  En cela, elle ressemble un peu à Jane Austen, l'humour en moins! Elle ne manie pas comme cette dernière l'ironie savoureuse qui fait des oeuvres de Jane Austen des petits bijoux d'intelligence et de finesse, bref, elle n'égale pas la grande romancière mais elle a un talent incontestable pour peindre les milieux sociaux. Elle sait le faire sans tomber dans le manichéisme, en sachant rendre les nuances. Les jeunes filles dont elle s'occupe ont chacune leurs défauts mais Agnès ne peut s'empêcher d'éprouver pour elles un certaine affection et même parfois de la compassion. Ainsi Rosalie, coquette, frivole, légère qui fait tout pour s'attirer les compliments de ses cavaliers servants tout en n'ayant que du dédain pour eux, surtout s'ils sont pauvres, sera la victime de son caractère et de l'éducation liée à son milieu. Elle épousera un homme riche et titré mais pervers et cruel qui fera son malheur.
Anne Brontë sait aussi peindre les humiliations subtiles que doit subir au jour le jour une subalterne. Elle montre combien le mépris des grands fait du mal quand on n'a pas d'autre avenir que de les servir, et combien leur indifférence est plus difficile, encore, à supporter que leur méchanceté. Agnès Grey, quand ses jeunes maîtresses sont avec leurs amies et leurs soupirants n'existe pas. Sa présence est niée, personne ne la voit, ni ne lui parle. Elle est effacée, gommée. Ce qui n'empêche pas ces hauts personnages de l'exploiter malgré leur richesse en la sous-payant, ni d'avoir eux-mêmes les défauts qu'ils ne supporteraient pas chez leur employée!

Et si, en parlant, leurs yeux venaient à se poser sur moi, il semblait qu'ils regardassent dans le vide, comme s'ils ne me voyaient pas où étaient très désireux de paraître ne pas me voir...
Pourtant, n'allez pas voir en Anne Brontë, une révolutionnaire ni même une contestataire! Elle déplore qu'Agnès soit traitée comme une simple domestique parce qu'elle juge sa position supérieure! Pauvre, certes, mais fille de pasteur, bien éduquée, vertueuse, ayant les manières pour vivre dans le monde, instruite, elle aime les livres et est une bonne latiniste, Agnès est humiliée que l'on ne reconnaisse pas sa juste valeur.
D'autre part, Anne Brontë fait preuve d'un sentiment féministe discret en dénonçant les brutalités d'un mari qui a le droit de négliger sa femme, de mener une vie dissolue et  d'exercer sur elle son autorité sans qu'elle ait son mot à dire. Pour Anne, une femme doit être intelligente et instruite. Pour le reste, elle a des idées conventionnelles sur l'éducation des filles. Ainsi Mathilde qui aime l'équitation et a une passion pour les chevaux et la chasse, qui imite le langage et les attitudes des hommes, est jugée comme mal éduquée. Il lui faudra obéir aux règles de bienséance, de retenue, et renoncer à ses goûts pour remplir comme elle le doit son rôle de femme.
Quant à l'amour, comme chez Jane Austen et aux antipodes d'Emily Brontë, Anne pense qu'il doit être raisonnable, contrôlé et vertueux. Il est fondé sur l'estime et la valeur de chacun.

Les soeurs Brontë représentent la frontière entre romantisme et réalisme de l'époque victorienne.  Si Emily me paraît très romantique par sa violence,  les sentiments exacerbés, la peinture des paysages âpres et déserts, l'aspect torturé de ses personnages, nous voyons combien les préoccupations, les idées et le style d'Anne Brontë en sont éloignés tout au moins dans ce livre. Reste à lire son deuxième roman : La locataire de Wildfell Hall... si je le trouve en français!


Publication par le groupe Ebooks libres et gratuits
adresse du site : http://www.ebooksgratuits.com

Challenge victorien de Aymeline