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mardi 3 janvier 2023

Année 2022 : Les romans que j'ai préférés...


 J'avais l'impression cette année 2022 d'avoir lu beaucoup de livres mais d'avoir peu rédigé de billets. Par manque de temps ou de courage (surtout) ou parce que je les aimais moins, j'ai laissé, en effet, certaines de mes lectures de côté.  Malgré tout, j'ai finalement commenté plus de cinquante livres, ce qui m'a étonnée ! Pour une feignasse, ce n'est pas si mal ! Non que je veuille courir un marathon livresque et "faire du chiffre" mais parce que, malheureusement, si je n'écris pas mon avis sur un livre, je l'oublie ! La mémoire, vous dis-je !

En lisant vos bilans, j'ai eu envie moi aussi sinon de classer les romans que j'ai lus, du moins de dire quels sont mes cinq préférés. Les titres ont vite surgi :



Evgueni Vodolaskine : Les quatre vies d’Arseni 

Mon coup de coeur absolu parce que c'est le Moyen-âge, une période fascinante, parce que les personnages sont hors du commun et attachants, parce que la réflexion philosophique sur le Temps est  intelligente, profonde et me touche.

 

 

 

 


Michel Le Bris : Kong

Un pavé addictif sur l'histoire du cinéma mais aussi sur l'histoire du XX siècle avec ses guerres dévastatrices, ses génocides, ses inventions fabuleuses, ses progrès fulgurants ; je l'ai aimé parce que ce livre montre tout ce dont l'homme est capable dans le Bien et dans le Mal, parce que les personnages réels, les réalisateurs de King Kong, sont complètement "barjos" et  inattendus, qu'ils m'ont fait rire à la fois et rêver.


 

 

Gouzel Iakhina : Zouleikha ouvre les yeux

  En Union soviétique, sous Staline, les Koulaks, paysans propriétaires de leur terre, sont envoyés en déportation en Sibérie. Le livre offre un beau portrait de femme asservie, aliénée,  qui va  paradoxalement découvrir la liberté dans les forêts sibériennes. L'écriture est belle, la description des paysages aussi; les personnages sont intéressants et l'écrivain évite tout manichéisme en réussissant aussi un portrait complexe du personnage masculin, bolchévique, gardien du camp.

 


 

 Jean-Philippe Jaworsky : Gagner la guerre

 Un drôle de roman, surprenant, hors norme, entre réalité et fantasy, entre rire et noirceur. L'écrivain crée un monde imaginaire en intégrant des éléments de la Renaissance italienne et de la civilisation grecque. Aventures rocambolesques, luttes de pouvoir, machiavélisme politique, humour (noir) et un personnage assez improbable, une sorte d'anti-héros, dans toute sa splendeur grotesque, entièrement amoral, assassin, traître, sans scrupules, mais qui nous entraîne et nous met dans sa poche !

 

 

Henrik Sienkiewicz : Les chevaliers teutoniques

Encore le Moyen-âge ! L'écrivain nous décrit la lutte des royaumes de Lituanie et de Pologne alliés contre les chevaliers teutoniques, alliance qui leur permettra de sortir vainqueur. On comprend mieux l'histoire de ces pays dans lesquels on peut englober une partie de l'Ukraine qui, en fait, n'ont jamais été complètement indépendants. Et puis quand on va à Cracovie comme je l'ai fait en lisant ce livre, il y a le plaisir augmenté de retrouver des échos de ce roman historique, dans les monuments, les statues, les peintures. On a l'impression de revivre le passé, on comprend mieux les oeuvres, on est en connivence !

jeudi 31 mars 2022

Isaac Bashevis Singer : Shosha

 

Varsovie 1939

Dans son roman Shosha, Isaac Bashevis Singer, écrivain né en Pologne et naturalisé américain, met beaucoup de lui-même dans son personnage principal  Arele (Aaron) Greidinger.

Le roman commence par la description de son enfance dans le quartier juif de Varsovie où a vécu l’écrivain, quartier pauvre mais plein de vie, où règne une joyeuse animation les jours de marché et dans les cours intérieures des immeubles, là tout le monde se connaît. Comme Isaac, Arele a un père rabbin, une mère, fille de rabbin, qui voit d’un mauvais oeil son fils fréquenter leurs voisins juifs d’un milieu social inférieur. Cette famille est pourtant un havre de paix et de joie pour l’enfant. Il se fait dorloter par la mère Bashele, femme au grand coeur, et aime d’un amour pur et intense la petite Shosha, une blondinette, simple d’esprit, souffreteuse, qui a du mal à apprendre à lire et qui voue au petit garçon une admiration sans bornes. Lorsque ses parents déménagent, pendant la guerre de 1914, Arele, est séparé de Shosha. Même s’il ne l’oublie pas, il ne la reverra pas avant cette promenade dans le quartier de son enfance en 1939. Il est accompagné de Betty, une actrice américaine pour qui il écrit une pièce. Le jeune écrivain, journaliste, philosophe, érudit, qui a étudié dès son enfance la Torah, fréquente les milieux intellectuels juifs de Varsovie. Nous savons que Isaac Singer, lui, a émigré dès 1935 aux Etats-Unis mais son personnage vit ces moments crépusculaires, dans l’attente de l’invasion de la Pologne, sous  l'ombre menaçante d’Hitler, sachant très bien que la mort se rapproche. Arele et ses amis, Haiml et Célia, Morris Feitelzohn ont de longues conversations philosophiques mais ils sont incapables d'agir. Certains, dont Aaron, auraient l’occasion de partir en Amérique, mais aucun ne s’y résout. Déni de la réalité ? Résignation devant la mort ? fatalisme ?  Pessimisme fondamental qui ne donne pas envie de lutter pour la vie ?

« J’avais rejeté quatre mille ans de judaïsme en échange d’une littérature dépourvue de sens, yiddishite, Feitelzhoniste. Il ne restait en tout et pour tout que ma carte de membre du Club des écrivains et quelques manuscrits sans valeur. Je m’arrêtai pour regarder les vitrines. Le massacre pouvait commencer d’un moment à l’autre -mais en attendant, on vous tentait avec des pianos, des voitures, des bijoux, des jolies robes du soir, des livres polonais récemment parus ainsi que que des traductions allemandes.(…)
Les hommes regardaient d’un oeil expert les jambes gainées de nylon, prometteuses de délices inaccessibles. Et moi, condamné comme tous les autres, je regardais aussi les hanches, les mollets, les seins, les gorges. La génération qui viendra après nous, me dis-je, s’imaginera que nous sommes  allés à la mort en nous repentant. On nous considèrera comme de saints martyrs, on récitera le Kaddish pour nous, et le « Dieu plein de miséricorde ». En réalité, chacun de nous mourra avec la même passion qu’il a mis à vivre. »

Arele qui a plusieurs maîtresses à la fois, choisit d’épouser la petite Shosha au grand dam de ses amis et de sa famille. Femme-enfant, Shosha représente pour lui la pureté. Singer veut-il dire que la pureté ne peut exister que si l'on reste un enfant ?  Est-elle l'apanage des simples d'esprit comme l'Idiot de Dostoiewsky ? L’amour d’Aaron est sincère mais celui-ci n’est pas exempt de doute au sujet de son mariage. Pourtant il devient plus responsable, refuse les aventures et veille sur Shosha comme s'il avait charge d'une enfant.

Je venais de commettre la pire folie de toute mon existence, et je n’en éprouvais aucun regret. Il faut dire que je n’en étais pas non plus fou de joie, comme le sont en général les gens amoureux. 

Le roman brasse de grandes idées : l’art, la littérature, la philosophie, l’existence de Dieu, la foi, l’athéisme, le péché, la religion, la politique. D’autres amis d’Aaron, Dora et Wolf, ayant confronté leur idéal communiste à la réalité stalinienne, sont désenchantés et sombrent dans le désespoir.
Arele, lui, s’est éloigné de la religion mais il doute. Il a rompu avec la tradition juive, ne suit pas les rites, mais les respecte quand il est avec des croyants. Et, en même temps, il critique les aspects rigides de sa religion. Il décrit une enfance faite d’interdits :

« Tout ce que j’avais envie de faire était défendu. Il ne m’était pas permis de peindre des personnages, parce que c’était une violation du deuxième commandement. Je ne pouvais pas dire un mot contre un autre petit garçon, c’était de la calomnie. Je ne pouvais pas inventer des histoires, c’étaient des mensonges. »

Et plus tard, Isaac Singer fait, à travers le frère d’Arele, le rabbin Moishe, une critique des règles figées, strictes, suivies par le rabbin, par exemple, celle, assez curieuse, de ne pas s’asseoir sur de la tiretaine (?), ou encore de ne pas s'asseoir à côté des femmes. Il décrit en Moishe un homme si rigide qu’il ne peut tout simplement pas être chaleureux envers les gens qui le reçoivent, toujours en train de redouter que le rite ne soit pas bien observé.

« Bashele avait l’intention d’inviter ma mère et Moishe soit à déjeuner, soit à dîner, mais ma mère me déclara sans détour qu’elle ne mangerait pas chez Bashele, parce que ni elle ni Moishe ne pouvaient être sûrs que ce qu’elle nous donnerait serait casher. »

Sa méfiance extrême envers tout étranger même juif, son intolérance et la conscience de sa prétendue supériorité de classe l’éloignent de son frère Arele.

« … Je crois en Dieu dit Arele à Shosha mais je ne crois pas qu’il se soit révélé et ait donné aux rabbins toutes ces règles mesquines qu’ils se sont empressés de multiplier de génération en génération. »

Dans l’épilogue, treize ans après, nous apprenons ce qui est arrivé à chacun de la bouche d’Arele qui vit à présent à NewYork. De cette conclusion se dégage un pessimisme amer. Et on le comprend ! Le livre a été écrit dans les années 1970, et après l’Holocauste, les millions de victimes de la seconde guerre mondiale, le carnage qui a ravagé toute la planète, Isaac Singer présente une philosophie désabusée, d’une lucidité glaçante  :

"Il m’était parfois arrivé de croire, ne serait-ce qu’une fois au libre arbitre, mais ce matin-là j’eus la certitude que l’homme était aussi libre de choisir que la montre à mon poignet ou la mouche posée sur le bord de ma soucoupe. Les forces qui faisaient agir Hitler et Staline, le pape, le rabbi de Gur, une molécule au centre de la terre, une galaxie à des millions d’années lumière de la Voie Lactée, étaient les mêmes. Des forces aveugles ? Des forces clairvoyantes ? Cela n’avait pas d’importance. Nous étions condamnés à jouer à nos petits jeux - puis à être écrasés."

Un roman riche, prenant, qui questionne et dérange !
 


dimanche 20 mars 2022

Cracovie et Henrik Sienkiewicz

Le château de Wawel au XIX siècle sur sa colline dominant la Vistule
 

Cracovie

Cracovie était, au Moyen-âge, entre 1399 et 1410, dates où se déroule l'action de Les chevaliers teutoniques, la capitale de la Pologne et c’est pourquoi elle a une grande importance dans le roman de Henrik Sienkiewicz.

"On voyait déjà très bien Cracovie : les jardins royaux, ceux des seigneurs et des bourgeois qui entouraient la ville de toutes parts, et derrière, les murs et les tours des églises. Plus on approchait, plus la cohue devenait grande, et, près des portes, il était difficile d'avancer au milieu de la presse générale. 

-La ville ! Il n'y en a peut-être pas deux comme cela dans le monde, dit Mathieu."

"- On dit que Cracovie s'est étendue considérablement depuis le roi Jagellon.

C'était la vérité : depuis le temps de l'avènement du grand-duc de Lituanie, les immenses pays lituaniens et ruthènes s'étaient ouverts au commerce de Cracovie et, par suite, la ville s'était de jour en jour peuplée, et couverte de richesse et de constructions : elle était devenue l'une des plus remarquables du monde..."

Lorsque le jeune chevalier Zbyszko de Bogdaniec et son oncle Mathieu entrent dans Cracovie, ils sont éblouis par cette ville riche, munificente et immense pour l'époque. Sur la place du marché, Le Rynek Glowny, Zbyszko est émerveillé par l'immensité de la place, de la halle aux draps, de la maison de ville et de l'église Notre-Dame. La création de la place date de 1257 lorsque le roi Boleslas le Chaste accorda une charte municipale à la cité.

"....ici les maisons des marchands étaient beaucoup plus magnifiques que là-bas, en Lituanie, le château du grand-duc. Il y a avait des quantités de maison en bois, mais elles-mêmes surprenaient par l'élévation des murs et de leurs toits ainsi que leurs fenêtres en culs de bouteilles encadrés de plomb qui reflétaient les rayons du soleil couchant au point qu'on eût pu croire que le feu fut à la maison. Les rues proches du marché étaient cependant pleines de gentilhommières en briques rouges ou tout en pierres, dont les murs élevés étaient ornés de balcons et d'ancres noires en forme de croix. Elles se pressaient l'une contre l'autre comme des soldats à la parade..."

 

Cracovie Place du marché : les halles


Cracovie : Tour de l'hôtel de ville

 
Cette tour de l'hôtel de ville construit au XIV siècle et tout ce que reste de l'hôtel de ville du XIV siècle démoli en 1820
 
"Mais les édifices publics les jetèrent tous les deux dans une stupeur plus grande encore : (...)  Le gigantesque Mercatorium destiné aux commerçants étrangers; le bâtiment où l'on enfermait la bascule de la ville, les boutiques de tondeurs, les étuves, les fonderies de cuivre, les fonderies de cire, d'or et d'argent, les brasseries, les montagnes entières de tonneaux autour de ce que l'on appelait le "Moulin", en un mot une abondance et des richesses qu'un homme ne connaissant pas la ville, même un propriétaire foncier à son aise ne pouvait imaginer."

Halle intérieure
 
Les halles
 

L'église Notre-Dame du Rynek

Notre-Dame avec ses deux tours dissymétriques
 

L'église Notre-Dame telle qu'on la voit aujourd'hui a été construite entre 1355 et 1408 en style gothique auquel vint s'ajouter un porche polygonal baroque entre 1750 et 1752. Ses deux tours sont dissymétriques, celle de gauche dominant celle de droite. L'anomalie, nous dit-on, est liée à la rivalité de deux frères architectes dont l'un a assassiné l'autre, provoquant l'arrêt de leur élévation. Aucun architecte n'ayant voulu reprendre la construction de celle qui était inachevée, elle fut tout simplement arrêtée et couronnée d'une coupole. Cette tour dite des cloches sert de beffroi. La tour de gauche complétée en 1478 par une superbe coupole gothique composée de seize clochetons entourant une flèche centrale, enchassée dans une couronne dorée, est la tour de guet.

La tour de guet de Notre-Dame

C'est de cette tour que, au Moyen-âge, un guetteur annonçait un incendie ou une attaque ennemie en sonnant l'alarme. Une légende (ou la réalité ?) prétend qu'un jour la mélodie fut interrompue brutalement car le trompettiste eut la gorge transpercée par une flèche. Depuis le XVI siècle et de nos jours, à chaque heure,  un guetteur entame quelques notes de la mélodie qui s'interrompent abruptement rejouant la scène médiévale à l'infini. Inutile de dire que je suis allée souvent sur cette place et je ne partais pas sans avoir entendu ce rituel ! 

 
Place Mariacki :  l'Etudiant personnage du rétable de Veit Stoss

Eglise Notre-Dame gothique avec son porche baroque du XVIII siècle

Notre-Dame intérieur

Notre Dame : la chaire en bois sculptée


Le célèbre  rétable de Veit Stoss

Au-dessus de l'autel principal trône le rétable de Veit Stoss, un gigantesque polyptique de cinq panneaux aux sculptures exécutées en bois de tilleul peint et doré. Veit Stoss est un sculpteur  de Nuremberg qui a réalisé cette oeuvre, entre 1477 et 1489, comptant plus de 200 personnages et consacré à la vie de la Vierge.

Rétable de Veit Stoss

 
Détail du rétable de Veit Stoss : l'annonciation, la crèche, les Rois mages

 

Le Wawel 

Château de Wawel fin du XV siècle  voir ici

L'ensemble architectural du Wawel se dresse sur une petite colline au-dessus de la Vistule. Il comprend le château royal, ses dépendances entourés de hautes murailles et de tours et la cathédrale qui est le lieu symbolique du couronnement des rois et abrite le panthéon des dynasties royales mais aussi des grands hommes du pays. Il y a d'ailleurs une crypte dédiée aux poètes.
Dans le roman de Sienkiwicz, les chevaliers se rendent au château de Wawel, invités  pour le baptême de l'héritier (e) du roi Jagellon et de la reine Hedwige.
"Pour la naissance ( de l'enfant royal), les chevaliers invités qui étaient déjà arrivés dans l'attente des solennités, la noblesse ainsi que les députations des marchands se rendirent au château. Les corporations et les confréries se présentèrent avec leurs bannières. Dès midi des masses innombrables de gens entouraient le Wawel et, parmi elles, les archers du roi maintenaient l'ordre et imposaient le calme et le silence. (...) Enfin à la porte principale se présentèrent l'évêque et le castellan, et avec eux, le chapitre de la cathédrale, les conseillers royaux et les chevaliers. Ceux-ci se dispersèrent le long des murs, parmi la population. La nouvelle se lisait sur leurs traits, pourtant ils commencèrent par ordonner sévèrement qu'on s'abstînt de tous cris, ceux-ci pouvant nuire à la malade. Ensuite, ils annoncèrent à tout le monde que la reine avait donné jour à une fille." 
 
Rampe d'accès au château et cathédrale

 
Cathédrale et statue équestre de Tadeusz Kosciuszko


Cathédrale de Wawel : Le sarcophage de la reine Hedwige


Jardins du Château et cathédrale

La cathédrale

 

Château : cour intérieure renaissance
 
La tour Sandomier, tour d'artillerie (1470)

 La barbacane

La Barbacane de Cracovie a été construite de 1498  à 1499, après la période vécue dans le roman de Henrik Sienkiewicz. C'est la seule fortification de ce style conservée en Europe.

Cracovie la Barbacane

Cracovie la barbacane


La ville de Cracovie possédait huit portes et quarante-sept tours. Il ne reste qu'une porte, la porte Saint Florian qui  permettait d'accéder à la Voir royale. Heureusement la barbacane a été épargnée par la démolition. Elle donne bien l'idée de l'importance de la fortification de la ville et de la taille de ses remparts.

La barbacane était reliée à la barbacane
 à la Porte Saint-Florian par un long corridor appelé  "le cou".


 

La porte Saint Florian

Cracovie Les remparts du XIII siècle à droite  et le palais (musée) des princes Czartoryski

Cracovie : quelques restes des remparts du XIII siècle.
 
Les  anciennes fortifications de la ville, remparts longs de 4 km, ont été détruites par les Autrichiens qui occupaient la ville au début du XIX siècle. Les douves comblées et réaménagées en  jardin  (Les Planty) constituent un lieu de promenade fort agréable.

 


jeudi 17 mars 2022

Henrik Sienkiewicz : Les chevaliers teutoniques

 

Les chevaliers teutoniques
 

Les chevaliers teutoniques de Henrik Sienkiewicz est un roman qui  entraîne le lecteur  dans une grande fresque historique épique, haletante, servie par un style qui amplifie et magnifie les exploits guerriers et nous laisse voir les grandes chevauchées des chevaliers dans les plaines, sus à l’ennemi, la sauvagerie des batailles et des épées qui tranchent, découpent, taillent dans les chairs, traversant les armures, abattant  hommes et chevaux. Un temps de guerre et de sang, de famine et de misère pour le peuple, un temps de gloire et de bataille pour les chevaliers qui gagnent leur fortune à la pointe de leurs armes, un temps où l’amour courtois et le raffinement du sentiment le disputent à la violence du rapt et de la mort. Une lecture intense et prenante qui nous en apprend beaucoup sur la Pologne, ce qui était parfait pour mon voyage  à Cracovie en Juin 2021.

Les personnages

Affiche du film d' Aleksander Ford : Skyszko et Danusia

Le récit se construit autour de quelques personnages que nous suivons et à qui nous allons nous intéresser : Zbyszko de Bogdaniec est un jeune chevalier, orphelin, élevé depuis l’âge de 13 ans sur les champs de bataille par son oncle Mathieu, un valeureux guerrier. De la vie, il ne connaît que la guerre et un code d’honneur inculqué par son oncle. Et c’est peu de dire que son comportement immature et sa méconnaissance du monde le conduiront à se conduire d’une manière un peu primaire et sotte… mais généreuse et courageuse. Il rappelle le jeune Perceval de Chrétien de Troyes à ses débuts dans la chevalerie. Finalement, il est assez sympathique et il finit par mûrir.

Zbyszko et Mathieu se rendent à Cracovie pour le baptême de l’enfant de la reine Hedwige et du roi Jagellon. En chemin, au milieu de la foule qui afflue vers la capitale, Zbyszko fait connaissance de la ravissante Danusia qui est encore presque une enfant, suivante de la duchesse d’Anne de Mazovie. Le jeune homme en tombe amoureux et devient son chevalier servant. Elle est fille du célèbre Jurand de Spychow, ennemi implacable des chevaliers teutoniques qui ont tué son épouse, la mère de Danusia. Obéissant au serment qu’il a fait à Danusia de rapporter un trophée de plumes de paon, Sbyszko attaque l’ambassadeur du roi Jagellon, le chevalier teutonique Kuno von Lichtenstein et il est pour cela condamné à mort. Danusia le sauvera en le revendiquant comme époux selon une tradition ancestrale. En attendant la maturité de la jeune fille, les deux jeunes gens sont fiancés. Mais bien des obstacles et de cruelles épreuves vont se dresser devant eux. Après leur mariage, les chevaliers teutoniques enlèvent Danusia. Un grande partie du livre décrira la quête douloureuse et tragique du jeune chevalier à la recherche de sa bien-aimée.

L’Histoire de la Lituanie et la Pologne face aux chevaliers teutoniques

Ladislas II Jagellon, roi de Pologne, grand duc de Lituanie

Nous sommes au Moyen-âge dans une période qui s’étend de 1399 à 1410. La Pologne et de la Lituanie réunies se rebellent contre les chevaliers teutoniques, ordre guerrier et religieux qui sème la terreur dans les populations en brandissant la croix et les reliques sacrées. Installés en Allemagne, sans cesse, les chevaliers  annexent les pays voisins, pillant, rasant, exterminant, effaçant les frontières.

A cette époque le grand duché de Lituanie est l’un des derniers à  se convertir au christianisme à l’instigation du grand duc Jagellon en 1386.  Celui-ci épouse la reine de Pologne Hedwige d’Anjou  et devient roi de Pologne sous le nom de Ladislas II Jagellon. Dans le roman, Sbyszko et Mathieu se rendent à Cracovie, alors la capitale, pour les fêtes célébrant le baptême de la fille du roi et de la reine en 1399. Mais Hedwige meurt après son accouchement et le bébé aussi. Hedwige était réputée pour sa piété et sa bonté et considérée comme une sainte par le peuple. Elle fut canonisée en 1997. 

 

Hedwige Jagellon, reine de Pologne

"Hedwige entra par la porte de la sacristie. A sa vue, les chevaliers les plus proches des stalles, bien que la messe ne fût pas commencée, s'agenouillèrent aussitôt, lui rendant involontairement les honneurs dus à une sainte. Zbyszko les imita, car personne, dans toute cette assemblée, ne doutait qu'il eût devant lui véritablement une sainte, dont l'image ornerait en son temps les autels. (...) On disait que le contact de ses mains guérissait les malades. Les infirmes des mains et des pieds recouvraient leurs forces en mettant les vieux vêtements de la reine. Même l'orgueilleux Ordre teutonique la vénérait et craignait  de l'offenser."

Le grand duché de Lituanie et la Pologne ne forment donc plus qu’un grand territoire et cette alliance va lui permettre de tenir tête aux chevaliers.
(Ce n’est que plus tard, en 1569, que la Lituanie et la Pologne formeront La République des Deux nations qui sera rayée de la carte en 1792).

Ladilas II reste roi de Pologne jusqu’à sa mort en 1434. En 1401 le conflit avec les chevaliers teutoniques reprend. Il s’achèvera par la défaite de l’Ordre à la bataille de Grunwald en 1410 appelée aussi bataille de Tannenberg par les Allemands. C’est tout cela que nous décrit l’écrivain  et c’est aussi à  cette date et avec cette victoire que Henrik Sienkiewicz termine son roman.

Cracovie :  Le monument de  Grunwald

Les chevaliers teutoniques est une oeuvre publiée en 1900 au moment où la Pologne est toujours sous la coupe des Allemands et des Russes. Il s'agit donc d'un roman nationaliste dans lequel Henrik Sienkiewicz montre le désir de  revanche de son pays et son aspiration à la liberté.

Ce monument, avec la statue équestre de Ladislas II Jagellon,  qui commémore la victoire de la Pologne sur les chevaliers teutoniques à la bataille de Grunwald, est considéré comme le symbole de la résistance à l'Allemagne. Il a été détruit par les nazis lorsqu'ils ont occupé la Pologne en 1939 et reconstruit en 1976.

Cracovie monument de Grunwald

 La bataille de Grunwald

"Comme des lions furieux, les plus terribles chevaliers des deux armées se ruèrent sur place, et l'on eut dit qu'une tempête se déchaînait autour de l'étendard. Hommes et chevaux se battaient dans un monstrueux tourbillon; on voyait des bras tendus, des épées se choquer, des haches tournoyer; l'acier grinçait sur le fer. Fracas, gémissements, hurlements sauvages d'hommes transpercés, volaient dans un tumulte effroyable, comme si tous les réprouvés avaient tout à coup poussé des clameurs du fond de l'enfer. La poussière s'élevait et il n'en sortait que des chevaux aveuglés de terreur, sans cavaliers, les yeux sanglants et la crinière folle.

Mais cela dura peu. Pas un seul Allemand ne sortit vivant de cette tourmente et, au bout d'un instant, l'étendard sauvé flottait au-dessus des contingents polonais. Le vent le secoua, le déploya et il s'épanouit, splendide, comme une fleur immense, présage d'espoir, signe de la colère de Dieu pour les Allemands et de victoire pour les chevaliers polonais."


Jan Matejko : La bataille de Grunwald 

 Le monument à la bataille de Grunenwald est le symbole de la résistance à l'occupation allemande pendant la guerre de 1940

Archives du musée-usine de Oskar Schindler

Les allemands ne s'y trompent et détruisent le monument qui sera réédifié après la guerre.


Archives du musée-usine de Oskar Schindler


La tête de la statue du roi de Pologne Ladislas II Jagellon


Hommage au peintre Jan Matejko