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jeudi 17 mars 2022

Henrik Sienkiewicz : Les chevaliers teutoniques

 

Les chevaliers teutoniques
 

Les chevaliers teutoniques de Henrik Sienkiewicz est un roman qui  entraîne le lecteur  dans une grande fresque historique épique, haletante, servie par un style qui amplifie et magnifie les exploits guerriers et nous laisse voir les grandes chevauchées des chevaliers dans les plaines, sus à l’ennemi, la sauvagerie des batailles et des épées qui tranchent, découpent, taillent dans les chairs, traversant les armures, abattant  hommes et chevaux. Un temps de guerre et de sang, de famine et de misère pour le peuple, un temps de gloire et de bataille pour les chevaliers qui gagnent leur fortune à la pointe de leurs armes, un temps où l’amour courtois et le raffinement du sentiment le disputent à la violence du rapt et de la mort. Une lecture intense et prenante qui nous en apprend beaucoup sur la Pologne, ce qui était parfait pour mon voyage  à Cracovie en Juin 2021.

Les personnages

Affiche du film d' Aleksander Ford : Skyszko et Danusia

Le récit se construit autour de quelques personnages que nous suivons et à qui nous allons nous intéresser : Zbyszko de Bogdaniec est un jeune chevalier, orphelin, élevé depuis l’âge de 13 ans sur les champs de bataille par son oncle Mathieu, un valeureux guerrier. De la vie, il ne connaît que la guerre et un code d’honneur inculqué par son oncle. Et c’est peu de dire que son comportement immature et sa méconnaissance du monde le conduiront à se conduire d’une manière un peu primaire et sotte… mais généreuse et courageuse. Il rappelle le jeune Perceval de Chrétien de Troyes à ses débuts dans la chevalerie. Finalement, il est assez sympathique et il finit par mûrir.

Zbyszko et Mathieu se rendent à Cracovie pour le baptême de l’enfant de la reine Hedwige et du roi Jagellon. En chemin, au milieu de la foule qui afflue vers la capitale, Zbyszko fait connaissance de la ravissante Danusia qui est encore presque une enfant, suivante de la duchesse d’Anne de Mazovie. Le jeune homme en tombe amoureux et devient son chevalier servant. Elle est fille du célèbre Jurand de Spychow, ennemi implacable des chevaliers teutoniques qui ont tué son épouse, la mère de Danusia. Obéissant au serment qu’il a fait à Danusia de rapporter un trophée de plumes de paon, Sbyszko attaque l’ambassadeur du roi Jagellon, le chevalier teutonique Kuno von Lichtenstein et il est pour cela condamné à mort. Danusia le sauvera en le revendiquant comme époux selon une tradition ancestrale. En attendant la maturité de la jeune fille, les deux jeunes gens sont fiancés. Mais bien des obstacles et de cruelles épreuves vont se dresser devant eux. Après leur mariage, les chevaliers teutoniques enlèvent Danusia. Un grande partie du livre décrira la quête douloureuse et tragique du jeune chevalier à la recherche de sa bien-aimée.

L’Histoire de la Lituanie et la Pologne face aux chevaliers teutoniques

Ladislas II Jagellon, roi de Pologne, grand duc de Lituanie

Nous sommes au Moyen-âge dans une période qui s’étend de 1399 à 1410. La Pologne et de la Lituanie réunies se rebellent contre les chevaliers teutoniques, ordre guerrier et religieux qui sème la terreur dans les populations en brandissant la croix et les reliques sacrées. Installés en Allemagne, sans cesse, les chevaliers  annexent les pays voisins, pillant, rasant, exterminant, effaçant les frontières.

A cette époque le grand duché de Lituanie est l’un des derniers à  se convertir au christianisme à l’instigation du grand duc Jagellon en 1386.  Celui-ci épouse la reine de Pologne Hedwige d’Anjou  et devient roi de Pologne sous le nom de Ladislas II Jagellon. Dans le roman, Sbyszko et Mathieu se rendent à Cracovie, alors la capitale, pour les fêtes célébrant le baptême de la fille du roi et de la reine en 1399. Mais Hedwige meurt après son accouchement et le bébé aussi. Hedwige était réputée pour sa piété et sa bonté et considérée comme une sainte par le peuple. Elle fut canonisée en 1997. 

 

Hedwige Jagellon, reine de Pologne

"Hedwige entra par la porte de la sacristie. A sa vue, les chevaliers les plus proches des stalles, bien que la messe ne fût pas commencée, s'agenouillèrent aussitôt, lui rendant involontairement les honneurs dus à une sainte. Zbyszko les imita, car personne, dans toute cette assemblée, ne doutait qu'il eût devant lui véritablement une sainte, dont l'image ornerait en son temps les autels. (...) On disait que le contact de ses mains guérissait les malades. Les infirmes des mains et des pieds recouvraient leurs forces en mettant les vieux vêtements de la reine. Même l'orgueilleux Ordre teutonique la vénérait et craignait  de l'offenser."

Le grand duché de Lituanie et la Pologne ne forment donc plus qu’un grand territoire et cette alliance va lui permettre de tenir tête aux chevaliers.
(Ce n’est que plus tard, en 1569, que la Lituanie et la Pologne formeront La République des Deux nations qui sera rayée de la carte en 1792).

Ladilas II reste roi de Pologne jusqu’à sa mort en 1434. En 1401 le conflit avec les chevaliers teutoniques reprend. Il s’achèvera par la défaite de l’Ordre à la bataille de Grunwald en 1410 appelée aussi bataille de Tannenberg par les Allemands. C’est tout cela que nous décrit l’écrivain  et c’est aussi à  cette date et avec cette victoire que Henrik Sienkiewicz termine son roman.

Cracovie :  Le monument de  Grunwald

Les chevaliers teutoniques est une oeuvre publiée en 1900 au moment où la Pologne est toujours sous la coupe des Allemands et des Russes. Il s'agit donc d'un roman nationaliste dans lequel Henrik Sienkiewicz montre le désir de  revanche de son pays et son aspiration à la liberté.

Ce monument, avec la statue équestre de Ladislas II Jagellon,  qui commémore la victoire de la Pologne sur les chevaliers teutoniques à la bataille de Grunwald, est considéré comme le symbole de la résistance à l'Allemagne. Il a été détruit par les nazis lorsqu'ils ont occupé la Pologne en 1939 et reconstruit en 1976.

Cracovie monument de Grunwald

 La bataille de Grunwald

"Comme des lions furieux, les plus terribles chevaliers des deux armées se ruèrent sur place, et l'on eut dit qu'une tempête se déchaînait autour de l'étendard. Hommes et chevaux se battaient dans un monstrueux tourbillon; on voyait des bras tendus, des épées se choquer, des haches tournoyer; l'acier grinçait sur le fer. Fracas, gémissements, hurlements sauvages d'hommes transpercés, volaient dans un tumulte effroyable, comme si tous les réprouvés avaient tout à coup poussé des clameurs du fond de l'enfer. La poussière s'élevait et il n'en sortait que des chevaux aveuglés de terreur, sans cavaliers, les yeux sanglants et la crinière folle.

Mais cela dura peu. Pas un seul Allemand ne sortit vivant de cette tourmente et, au bout d'un instant, l'étendard sauvé flottait au-dessus des contingents polonais. Le vent le secoua, le déploya et il s'épanouit, splendide, comme une fleur immense, présage d'espoir, signe de la colère de Dieu pour les Allemands et de victoire pour les chevaliers polonais."


Jan Matejko : La bataille de Grunwald 

 Le monument à la bataille de Grunenwald est le symbole de la résistance à l'occupation allemande pendant la guerre de 1940

Archives du musée-usine de Oskar Schindler

Les allemands ne s'y trompent et détruisent le monument qui sera réédifié après la guerre.


Archives du musée-usine de Oskar Schindler


La tête de la statue du roi de Pologne Ladislas II Jagellon


Hommage au peintre Jan Matejko



8 commentaires:

  1. J’avais aimé Quo Vadis mais j’avais trouvé que les personnages chrétiens étaient creux et beaucoup moins intéressants que les méchants païens. Ici, les gentils sont-ils des personnages réussis ?
    Un romancier qui fait des grandes fresques historiques, c’est toujours bien.

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    1. Moi aussi j'ai aimé Quo Vadis, lu il y a longtemps. Dans les chevaliers teutoniques, je me demande s'il y a vraiment des "gentils" ! Enfin, oui, bien sûr, les polonais et les lituaniens le sont contre les méchants allemands. Mais les "gentils" sont des guerriers redoutables et massacreurs (pour la bonne cause) qui, comme le dit Brassens "trempaient pas leur épée dans l'eau" !

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  2. Que de belles découvertes ! Ca doit te rappeler de bons souvenirs des endroits que tu as vus...

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    1. Oui, d'habitude je publie les photos et les souvenirs tout de suite après le voyage et parfois même pendant. Mais là je n'ai pas eu le temps.

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  3. J'avais découvert Sienkiewicz à travers Quo Vadis, que j'avais beaucoup apprécié. Je note ce titre. L'histoire des chevaliers teutoniques est une part importante de l'histoire de cette région et je serais heureux de la redécouvrir à travers ce titre. Une très belle contribution (encore une !) à notre mois thématique où la Pologne est sur le podium des pays les plus représentés !

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    1. C'est un livre agréable à lire et qui d'un point de vue historique est très sérieux; il permet ensuite de voir le pays en connaissant, comme si on les avait vécus, les grands épisodes de l'Histoire de la Pologne.

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  4. Qu'est-ce que ça donne envie ! Merci pour toutes ces informations.

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  5. Bonjour ClaudiaLucia.
    Je crois que je n'avais jamais entendu parler de ce roman de Sienkiewicz, que (comme beaucoup de gens je pense) je connaissais uniquement comme auteur de Quo Vadis?, sans avoir encore eu la curiosité de le "wikipédiatiser" (c'est chose faite). Apparemment, ce roman-là n'a guère été publié dans des éditions "enfantines" qui auraient pu me tomber sous les yeux dans ma jeunesse... Je verrai si je le trouve en bibliothèque - mais peut-être pas dans l'immédiat! Je n'ai pas l'impression que le film existe en DVD en français...

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