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dimanche 16 juillet 2017

Victor Hugo : L'intervention



L’intervention est une petite comédie en un acte assez curieuse par rapport à l’écriture de Victor Hugo. Ici pas de romantisme mais un réalisme qui montre que l’auteur connaît bien la classe ouvrière.

La pièce a été écrite en 1866 à Guernesey et fait partie de Théâtre en liberté. Elle  n’a été montée pour la première fois qu’en 1964 par la groupe théâtral du Lycée Louis Le Grand. Patrick Chéreau en était le metteur en scène et Jean-Pierre Vincent, le baron de Gerpivrac. Jean-Pierre Vincent dont j’ai vu un Dom Juan inoubliable à la maison de la culture de Reims !

Un couple d’ouvrier Marcinelle et Edmond Gombert vivent pauvrement dans une chambre mansardée. Lui est peintre sur éventails et elle dentellière, ce qui nous vaudra tout un cours précis et renseigné, bien dans la manière de Hugo, sur sur la confection de la dentelle! Tous deux sont unis par un chagrin profond, la mort de leur enfant en bas âge. Mais tous deux en ont assez de la pauvreté et de toutes les privations que cela entraîne. Pour Edmond, la tentation arrive sous la forme de Mademoiselle Eurydice, chanteuse entretenue par un baron, ancienne dentellière elle aussi. Pour Marcinelle, c’est le Baron de Gerpivrac, un noble riche et désœuvré, vain et snob, égoïste incapable de compassion,  tout ce que déteste Victor Hugo. Si Edmond est attiré par la mise coquette et le brio de la jolie Eurydice, Marcinelle, elle, éprouve la tentation de l’argent avec le baron. Pouvoir enfin avoir de belles robes, être brillante, admirée, ne plus avoir à compter chaque sou, à vivre dans la misère !
Vont-ils céder à la tentation, vont-ils se séparer malgré leur amour ?

Ce qui est à noter, c’est combien le langage des personnages sonne juste. Ce sont vraiment des ouvriers qui parlent et la pauvreté est un lourd fardeau à porter. Elle entraîne des disputes, des jalousies. Elle sape les sentiments les plus profonds. La mésentente s’installe dans le couple. Ainsi cette scène ou Marcinelle reproche à son mari de ne pas vouloir lui acheter un nouveau bonnet et le traite d’avare.

Pourtant, Edmond n’a pas honte de sa condition d’ouvrier, il en est même fier :
« Oui, je suis du peuple et je m’en vante. Je pense comme le peuple et je parle comme le peuple. J’ai les bons bras du courage et j’ai le bon coeur de l’honnêteté. »
Mais ce qui le révolte, ce qui le ronge, c’est l’injustice sociale  :

« Je travaille, je ne m’épargne pas, et je ne peux pas parvenir à joindre les deux bouts. L’autre jour, j’ai vu passer un général tout chamarré, le poste a pris les armes, pourquoi lui rend-on des honneurs à celui-là? «

« Voilà ma femme, je l’aime. Et bien, je suis forcé de lui refuser un méchant chiffon de bonnet. »

Cette injustice lui fait nourrir des idées révolutionnaires :

Benjamin Constant avait raison de dire aux Bourgeois : ça finira mal. Ah! les riches ne veulent pas laisser les pauvres en paix ? Est-ce que nous sommes encore dans la féodalité par hasard ? Le droit du seigneur ? Ah! vous venez chez nous, messieurs. Eh bien, on fera les barricades !

Marcinelle aime son mari et elle est jalouse car il lui semble qu’il regarde les jeunes femmes bien habillées mais il lui rend la pareille et lui reproche d'être attirée par les beaux messieurs. Il semble qu’elle souffre plus que lui de sa condition sociale et des privations. Elle n’apprécie pas qu’il parle comme le peuple. Marcinelle ressemble à Mademoiselle Eurydice mais avant la chute. Elle est encore innocente. Le restera-t-elle longtemps avec de telles idées ?

Quant à Eurydice, même si c’est une femme légère, elle se révèle intelligente et pleine d’esprit. Elle a un sens critique aiguisé et beaucoup de lucidité sur les rapports sociaux. Elle  sait à quoi s’en tenir au sujet de son protecteur

Victor Hugo, par contre, ne cache pas son antipathie pour le baron à qui il fait dire : .

«  Chaque époque a son talent. Notre talent n’est pas à la bienfaisance. Il y a des temps pour la sensiblerie. Nous sommes plus sérieux. Nous voulons savoir ce qu’une chose rapporte »

et aussi

«  j’en ai assez d’Eurydice. Nous avons trop fait son éducation. Elle commence à avoir de l’esprit; Au fond c’est une rouge, cette fille-là. Elle a des mots de démagogue. Oh! si j’étais le gouvernement, comme je vous supprimerais la liberté de la presse ! »

Ainsi la pièce semble à priori légère mais l’on s’aperçoit bien vite que Victor Hugo y fait passer toutes ses idées sur l’injustice sociale, sa compréhension du peuple, son estime envers les ouvriers travailleurs et honnêtes. En choisissant de faire triompher l'amour conjugal, l'auteur montre la puissance des opprimés sur ceux qui les méprisent et veulent les pervertir.

Lecture commune avec  Nathalie ICI
Caroline Laure

mardi 20 décembre 2016

Victor Hugo : Torquemada


Torquemada est un drame en quatre actes et en vers de Victor Hugo écrit en 1869 et publié en 1882  en réaction à de nouveaux pogroms en Russie. Il fait partie du recueil Théâtre en Liberté qui  rassemble 4 drames et 5 comédies. Nous avons déjà lu ensemble la pièce Mangeront-ils au cours d'une lecture commune pour le challenge Victor Hugo. 
Torquemada n'a jamais été donnée du vivant de l'auteur. Le moine dominicain Tomás de Torquemada (1420-1498) qui fut le premier inquisiteur est un personnage historique.

L'intrigue

Tomas Torquemada, premier inquisiteur espagnol
Le moine espagnol Torquemada, considéré comme hérétique, est emmuré vivant. Il  est délivré par don Sanche et doña Rosa, de jeunes gens purs et innocents qui ont été élevés ensemble et ont découvert l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre.  Pris de pitié pour le sort affreux qui attend le moine,  ils le délivrent.
Torquemada part à Rome où il obtient l'absolution du pape et revient en Espagne pour y fonder l'inquisition.  Cependant le roi Ferdinand amoureux de Rosa veut la séparer de son amoureux. Il les envoie au couvent et cherche à tendre un piège à don Sanche pour le tuer. Son premier ministre, le comte de Fuentel, les délivre et les confie à Torquemada. Celui-ci reconnaît en eux ses deux sauveurs  mais lorsqu'il apprend que ceux-ci l'ont délivré à l'aide d'une vieille croix pour soulever la pierre de sa prison, il décide de sacrifier leurs "corps" sur le bûcher pour sauver leurs "âmes".

Le sens

Avec le personnage de Torquemada, Hugo critique avec virulence le fanatisme religieux et l'intolérance. Au personnage de Torquemada qui fonde la religion sur la peur, il oppose saint François de Paule, un ascète, un saint, pour qui la religion ne peut reposer que sur l'amour.
Sa critique du pouvoir monarchique s'exerce à travers les personnages de Isabelle et Ferdinand d'Espagne, les rois catholiques, personnages tout aussi implacables.



Il y a dans cette pièce tardive de Victor Hugo (il avait quatre-vingt ans quand il la publie)  de grands moments où les vers flamboyants rappellent le jeune romantique Hugo. Le personnage de  l’inquisiteur espagnol est un personnage impressionnant. Il incarne le fanatisme porté à la plus haute puissance car Torquemada va jusqu’au bout de sa logique et de sa foi pervertie. Puisque brûler des corps, c’est sauver des âmes, il tient la promesse qu’il a faite aux jeunes gens en les « sauvant » c’est à dire en les livrant au feu.

L'inquisition Espagnole

La critique au moment de la parution en 1882  a reproché à Hugo ses erreurs en ce qui concerne l'histoire et la psychologique. Dans La Revue des deux mondes Louis Ganderax écrit  :

« L’interprétation du poète, si éloignée qu’elle soit de la vérité historique, l’est encore plus de la vraisemblance humaine : elle est justement contraire à la psychologie du chrétien. Comment un chrétien pourrait-il croire qu’en brûlant un hérétique, il le sauvera contre son gré ? Pour que la douleur de la chair profite à l’esprit, il faut que l’esprit l’accepte et l’offre au Seigneur ; le supplice n’a pas la valeur morale du martyre, et le ciel n’admettra pas ce racheté malgré lui.
Donc ce Torquemada n’est ni vrai, ni possible ..…  »  

 Louis Ganderax semble oublier que le fanatique ne raisonne pas comme un être normal. De plus, si comme il le dit, le personnage perd en vérité psychologique, il gagne, je pense, au point de vue dramatique. Le poète a voulu faire de ce moine un symbole du fanatisme religieux, il a voulu frapper les esprits en créant un personnage monstrueux dont le raisonnement échappe à la part d’humanité que chacun porte en soi. L'Histoire nous apprend que ces raisonnements existent ! Torquemada me fait penser à Savonarole à Florence et plus près de nous à Hitler. De ce fait, ce moine illuminé a une telle force qu’il met en relief tout ce qu’il y a d’atroce dans l’Inquisition. Il représente tout ce que hait Victor Hugo, l’intolérance, la haine de l’autre, l'atteinte à la liberté, le rejet de ceux qui n’obéissent pas à la norme, la volonté de domination des esprits. Torquemada n’est plus un homme, c’est un monstre et l’on pourrait en dire autant des autres personnages, les rois catholiques : Isabelle et Ferdinand qui représentent le pouvoir monarchique absolu …  ou presque absolu car les souverains doivent se courber devant le pouvoir religieux.

Quant à la vérité historique, Louis Ganderax a certainement raison. Victor Hugo a une grande connaissance de l'Espagne, un pays qu'il a visité, qu'il aime, et sa culture est immense.  C'est pourquoi ses didascalies sont très précises sur le décor et les costumes mais elles trahissent avant tout une  préoccupation esthétique et poétique.  Lorsque la vérité historique le gêne, il la sacrifie volontiers à l'Idée ou au Sens qu'il veut donner. C'est avant tout un poète, un visionnaire et il écrit ici un texte engagé qui dénonce les abus de pouvoir de l’église et de la royauté. La pièce est  évidemment une démonstration et parfois elle l’est un peu trop à mon goût ! je n’ai pas aimé par exemple le passage ou Torquemada rencontre Saint François de Paule et la discussion théologique qui s’ensuit et qui est trop démonstrative. De plus  cette scène ne sert pas l’intrigue, elle l’arrête.
   Pourtant Victor Hugo voulait que le drame peigne le « vrai» , soit conforme à « la nature », en mêlant comme dans la vie, « le sublime au grotesque », « le bien et le mal », « le tragique et le comique". Mais le drame finalement a été bien autre chose du moins chez Victor Hugo. La conception antithétique de la vie, le noir et le blanc, l’ombre et la lumière, qu’il développe dans toute son oeuvre, romans, poésies, dessins, et pas seulement dans le théâtre, a été animée par le souffle du grand poète. Loin de refléter la réalité, le drame frappe l’imagination, l’exalte, donne une dimension décuplée à l’intrigue d’où naît la beauté.
 Finalement Louis Ganderax a raison sur certains points mais pour moi sa critique passe à côté de ce qu'est le drame hugolien ! Ce qu'il y a de bien c'est qu'il ne pourra pas me répondre et me mettre en difficulté.  Après tout le pauvre homme a écrit cela en 1882 (ICI La revue des deux mondes), il y a prescription ! Et il fallait un certain courage pour critiquer Victor Hugo, vénéré comme un prophète, à l’époque ! 

Lecture commune  avec :

Miriam, Nathalie , Margotte 






dimanche 20 novembre 2016

Victor Hugo La légende d'un siècle de Giorda



Je pensais que la LC  sur Victor Hugo de ce dimanche 20 Novembre concernait la tragédie de Torquemada une des pièces du recueil Théâtre en liberté.  Je me rends compte un peu tard que notre lecture portait sur la biographie de Victor Hugo et que Torquemada était pour le mois de décembre.
Catastrophe ! Du coup je vous présente une biographie,  en direction des plus jeunes, que j’avais sous la main et que j’ai eu le temps de relire car le livre est rapide. Je me donne donc le temps de choisir une autre biographie que je vous présenterai par la suite.

Victor Hugo, la légende d’un siècle de Giorda, chez Hachette, est un livre que l’on ne trouve plus que d’occasion. Il est destiné aux enfants à partir de 11 ans et suivi d’un dossier sur Victor Hugo et les enfants.
Joseph Leopold Hugo, père de Victor

La vie de Victor Hugo est racontée pour être lue donc par un public jeune en insistant sur l’enfance  et la jeunesse d’Hugo : ses parents ne s’entendant pas, ils ont été séparés, lui et ses frères, tour à tour et à plusieurs reprises, de leur mère ou de leur père ou encore mis en pension. C’est ce qui explique la présence, c’est du moins la thèse de l’auteur, de nombreux enfants malheureux et orphelins dans les romans de Victor Hugo : Cosette, Gavroche, Esméralda volée à sa mère, Marie dans Le dernier jour d’un condamné ou dans Quatre-vingt treize les trois petits, orphelins de père, séparés de leur mère, que découvrent les soldats républicains dans un taillis vendéen.
La jeunesse de Hugo aux Feuillantines avec ses frères et Adèle Foucher et ses jeux d’enfants dans le jardin ou dans le grenier de cet ancien couvent sont aussi mis en valeur par le poème si connu, Aux Feuillantines extrait des Contemplations

 Mes deux frères et moi nous étions tous enfants.
Notre mère disait : jouez mais je défends
Qu’on marche dans les fleurs et qu’on monte à l’échelle.

Léopoldine

Le récit du voyage en Espagne et qui a marqué à tout jamais l’imagination de Victor Hugo quand il était enfant, en particulier avec sa mère qui allait rejoindre son père, général de brigade  et gouverneur de Guadalajara et l'hostilité des espagnols subissant l'occupation et les massacres naopléoniens, est aussi un moment de bravoure.
L’histoire d’amour d’abord contrarié avec Adèle puis son mariage, la démence d’Eugène, son frère, qui était en rivalité  littéraire et amoureuse avec lui, la naissance de ses enfants  et son ascension  littéraire alors qu’il est encore si jeune, lui le héros de Hernani, sa rencontre avec Juliette Drouet, la mort de Léopoldine... sont autant d'évènements qui sont présentés avec simplicité  aux enfants.

Le livre s’attache à montrer d’une manière succincte les évolutions politiques de Victor Hugo : bonapartiste, ce qu'il doit à l’admiration de son père, officier d’Empire;  royaliste sous l’influence de sa mère puis Républicain avec sa découverte de la misère et en particulier de l’exploitation des enfants, de l’horreur de la peine de mort, de l’injustice sociale. Les étapes de la vie de Victor Hugo et ses idées politiques et sociales sont toujours mis en relation avec ses écrits, Les Contemplations avec la mort de Léopoldine, l’exil avec Les Châtiments, l’art d’être grand père avec ses petits enfants, son combat contre la misère, l’injustice avec Les Misérables, Notre Dame de Paris ….. Ce qui en fait une bonne biographie pour permettre aux scolaires de découvrir Hugo.

Quelques anecdotes  marquantes 

Académicien 

L'humour de Juliette : elle se moque de l'ambition de Victor Hugo voulant à tout prix devenir académicien et refusé plusieurs fois avant d'être enfin admis en 1841 :

 Toto se serre comme une grisette; Toto se frise comme un garçon coiffeur ; Toto a l'air d'une poupée modèle ;  Toto est ridicule; Toto est académicien.

Contre la peine de mort

Le dernier jour d'un condamné

Le 3 juin 1854, un criminel de Guernesey est condamné à mort et pendu dans des conditions particulièrement atroces. Victor Hugo qui est alors en exil à Jersey proteste auprès du ministre anglais de la Justice :

A L. Palmerson

Vous pendez un homme, monsieur. Fort bien. Je vous fais mon compliment. Un jour, il y a quelques années de ça, je dînai avec vous. Vous l'avez, je suppose, oublié; moi, je m'en souviens. Ce qui me frappa en vous, c'était la façon rare dont votre cravate était mise. On me dit que vous étiez célèbre par l'art de faire votre noeud.  Je vois que vous savez faire aussi le noeud d'autrui.

La popularité de Victor Hugo

Jean Valjean

Expulsé de Belgique où il s'était réfugié, Victor Hugo arrive au Luxembourg où il reçoit une foule d'admirateurs : 

"Hier, un paysan entre dans le jardin de l'hôtel Koch où j'étais. Il s'approche et me dit :

ET s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là 

Je le regarde; il ôte son chapeau.

"Salut, Victor Hugo", dit-il. Et il ajoute : "On ne dit pas monsieur."

Je lui tends la main, et le voilà qui se met à me réciter des vers de La Légende des siècles, des Châtiments et des Contemplations.

Cet homme est vieux, en blouse et en sabots, et parle bien français. Je lui ai demandé : "Qui êtes-vous? Que faites-vous?".

Il m'a répondu : "Je cultive la terre et je lis Shakespeare en anglais et Victor Hugo en français." (Choses vues)

  Et je vous rappelle  :

Pour le 20 Décembre : un drame : Torquemada (du recueil Théâtre en liberté)

Margotte,  Miriam, Nathalie, Laure, claudialucia
 

 

 

mercredi 2 novembre 2016

Virginia Woolf La promenade au phare : lecture commune



Dans Le voyage au phare  ou La promenade au phare, Virginia Woolf est au plus proche du roman autobiographique. Elle y raconte, en les transposant, ses souvenirs de la maison Talland House qu'avait louée ses parents à St Yves  en Cornouailles où elle a passé ses vacances pendant dix ans.
Dans ce roman Mr et Mrs Ramsay ont une maison sur l'île de Skye, en Ecosse. Le titre du livre est dû à une promesse faite et non tenue, du moins dans cette première partie, par Mrs Ramsay à son fils James qui rêve d'aller voir le phare.  Car il y a a trois parties dans ce roman. Dans la seconde partie, les vacances à l'île de Skye sont interrompues par la guerre et les deuils, introduisant rupture et déséquilibre dans la vie des personnages mais aussi chez le lecteur un peu dérouté par cette interruption brutale du récit et tiré sans ménagement de l'atmosphère quiète dans lequel il était plongé. Vient ensuite la troisième partie avec le retour à Skye qui rétablit l'équilibre, le voyage au phare enfin devenu possible.

Ile de Skye : Ecosse

Dans l'île de Skye, les parents sont entourés de leurs enfants mais aussi de nombreux invités qui partagent leur quotidien dans lequel le paysage, l'eau, le jardin qui descend vers la mer, apparaissent comme un cadre idyllique esquissé par un pinceau impressionniste.
Idylliques, apparemment, cette nature enjouée et cette femme si belle, Mrs Ramsay, personnage principal du roman. Elle règne dans toute sa splendeur et sa sagesse sur ses enfants et son mari en charmant tous les hommes et les femmes qui composent son entourage. L'écrivain peint avec subtilité et poésie, des personnages sortis d'un tableau de Monet, tout en petite touches délicates et nuancées. Mais lorsque l'on s'approche de près, lorsque l'on pénètre dans la pensée des personnages (car le roman ne raconte pas une histoire mais présente de nombreux points de vue), l'idylle se teinte de mélancolie et d'amertume. Tout n'est pas aussi lisse, aussi lumineux, aussi simple que cela apparaît.
Mrs Ramsay tient à son image de femme belle, sereine, dispensant sa tendresse et ses conseils autour d'elle. Mais elle est intérieurement tourmentée, voire angoissée et dans tous les cas pleine de nostalgie. Elle a toujours conscience de la fragilité du bonheur et de la rapidité du temps qui passe. Il lui faut, de plus, supporter un mari faible et irascible, qui se considère comme un génie mais qui ne serait rien sans sa femme. Celle-ci doit toujours soutenir, réconforter cet homme égocentrique, uniquement préoccupé de lui-même et de sa grandeur intellectuelle, qui s'effondre quand il sent qu'il  atteint ses limites. Il fait régner une atmosphère pesante en infligeant à tous ses conseils et sa prétendue supériorité intellectuelle.
L'autre personnage principal du roman est Lily Briscoe qui est peintre. Ses doutes sur son oeuvre, ses angoisses au moment où il faut choisir un point de vue, un cadrage, une couleur, sont ceux d'une véritable artiste dont la création est douloureuse; elle est certainement le double de Virginia Woolf. Face à Mrs Ramsay qui assume son rôle de mère, d'épouse et de maîtresse de maison, elle incarne l'artiste qui défend son indépendance; elle reste célibataire pour se consacrer à son oeuvre. Ainsi Woolf  ne voulait pas d'enfants qui l'aurait détournée de la création. Car l'art seul, pour elle, donne un sens à la vie. Lily Briscoe crée une oeuvre picturale nouvelle qui contraste avec la mode actuelle de même que  Virginia Woolf  a conscience d'inventer un nouveau genre poétique : "un nouveau .. de Virginia Woolf. mais quoi? Un nouvelle élégie?".

Ce que j'ai éprouvé en lisant ce roman? Comme d'habitude de l'admiration pour le style de l'auteure, pour la nostalgie, la poésie voilée de tristesse de cette première partie, pour la manière dont elle nous fait pénétrer dans les méandres de la pensée, dévoilant les motivations psychologiques les plus complexes. J'aime aussi la signification métaphorique de certains passages : Le mauvais temps prédit par Mr Ramsay qui empêche cette promenade en mer est une préfiguration de la guerre de 1914 et des malheurs qui vont s'abattre sur la famille. La lente dégradation de la maison dans la seconde partie correspond à la désagrégation de la famille et à la guerre qui endeuille le monde. Enfin, la métaphore qui englobe toutes les autres, celle du phare - qui est la lumière - permet à la famille de combler le vide et de reprendre le cours de la vie.

Et puis, il y a ce que j'aime moins dans Virginia Woolf, le milieu qu'elle peint et qui me paraît toujours vide, creux, uniquement préoccupé de sa propre existence, nombriliste même dans les discussions politiques. Le sentiment de supériorité que procurent à ces gens-là la subtilité de leurs pensées et la délicatesse de leur conscience morale m'irrite parce qu'ils le doivent, non comme ils le croient, à leur intelligence supérieure mais à leur aisance financière qui leur enlève le souci de ce qui est matériel.
Je sens d'ailleurs toujours cette affirmation de supériorité intellectuelle et morale chez Virginia Woolf et ses personnages ! Pas vous ?

Mais tout de suite elle se reprocha d'avoir dit cela. Qui l'avait dit? Pas elle; on lui avait tendu un piège pour l'amener à dire quelque chose qu'elle ne pensait pas. Elle leva les yeux de son tricot, rencontra le troisième rayon (le faisceau du phare) et elle eut l'impression que ses yeux étaient à la rencontre d'eux-mêmes, sondaient comme elle seule pouvait le faire, son esprit et son coeur, purifiait en l'annihilant le mensonge. Elle se louait elle-même en louant la lumière, sans vanité, étant sévère, étant pénétrante et belle comme cette lumière.

je suis donc ainsi et toujours partagée quand je lis une oeuvre de Virginia Woolf.

Lecture commune avec 

Tania Ici

Miriam Ici

Nathalie Ici

Et voilà j'ai à nouveau un ordinateur et je vais pouvoir vous lire !

mercredi 5 octobre 2016

Rappel pour la LC de Virginia Woolf : promenade au phare ou Voyage au phare





Dates de la lecture commune Promenade au phare (ou Voyage au phare) de Virginia Woolf :
Pas de jour précis  mais la publication des billets pourrait se faire entre le 20 Octobre et le 2 Novembre. 
bonne lecture !

lundi 19 septembre 2016

LC Victor Hugo : Rappel



Demain rendez-vous pour la lecture commune de Victor Hugo, la pièce de théâtre : Mangeront-ils?


 

dimanche 7 août 2016

Lecture Commune : Virginia Woolf : le voyage au phare pour la fin Octobre



Qui veut nous rejoindre, Tania et moi,  dans la lecture commune de Virginia Woolf pour la dernière semaine d'Octobre? Nous serons sera très souples sur les dates s'il vous faut un peu plus de temps. Inscrivez-vous dans les commentaires.

Virginia Woolf: le voyage au phare( traduit aussi par la Promenade au phare)

Tania

Voyageauboutdemeslivres Chantal

nathalie

 Lewerentz S

miriam

Laure

keisha (? )

claudialucia 


PAUSE ESTIVALE

A partir de ce jour mon blog est en pause car je pars en Lozère dans mes montagnes natales.

 Au revoir et à bientôt!


mardi 10 novembre 2015

Victor Hugo : Notre-Dame de Paris



Notre-Dame de Paris paru en 1831 au moment où le Romantisme triomphait avec Hernani (en 1830) et où la figure de Victor Hugo comme chef de file de ce mouvement était à son apogée.

Une oeuvre romantique

Un roman historique

Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden 1878
Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden
Notre-Dame de Paris est un roman historique, genre très prisé par les romantiques français qui vouaient une grande admiration à Walter Scott qui en est l’initiateur. Victor Hugo avec son inépuisable érudition et ses capacités d’analyse et d’étude nous donne une vision fort crédible de cette cité médiévale, de ses moeurs et de ses coutumes, de ses monuments. Nous sommes plongés en plein moyen-âge dès le début du roman qui s’ouvre par une description du jour des rois et de la fête des fous dont la date coïncide, ce 6 Janvier 1482, dans la salle du palais de Justice de Paris. Nous assistons à la célébration d’un mystère, au sacre du roi des fous. L’écrivain a réuni, dans un souci d’exactitude et de précision, toutes sortes de  détails qui vont de la description des costumes portés par les hommes et les femmes, aux salaires des ouvriers, au prix des marchandises, aux pratiques religieuses, à la justice sommaire et ses gibets… Mais s’il lui arrive de prendre des libertés avec l’histoire comme il l’a fait avec le personnage de Louis XI, c’est parce que le romanesque a tous les droits, affirme-t-il.

Le goût  du moyen-âge

Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer  Musée Carnavalet Paris
Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer

Le roman témoigne du goût romantique pour le Moyen-âge qui jusqu’au XIX siècle, en effet,  était considéré avec mépris, comme une époque obscurantiste et arriérée et l’on n’hésitait pas à en faire disparaître les traces. Ce sont les romantiques qui, en remettant le moyen-âge à la mode et en en célébrant les beautés  de l’architecture romane et gothique ont permis de lutter contre les iconoclastes qui abattaient ces splendides monuments. Ici, Victor Hugo prend la défense de la cathédrale Notre-Dame et s’oppose aux "démolisseurs", à tous ceux qui ne savent pas voir la beauté du passé, comme l’a fait Prosper Mérimée à Avignon contre les imbéciles qui voulaient démolir les remparts.
On peut dire donc que Paris et la cathédrale sont les personnages à part entière du roman et y jouent un rôle essentiel. Hugo dresse le portrait de la cité médiévale que l’écrivain met en opposition à la ville moderne défigurée par la main de l’homme, responsable de l'enlaidissement de la capitale.

Le goût du fantastique

 Notre-Dame de Paris de Victor Hugo  : Illustration de Luc-Olivier Merson 1881
Illustration de Luc-Olivier Merson pour Notre-Dame de Paris

Le personnage de l’archidiacre Claude Frollo, alchimiste, prêtre dévoyé, possédé par une passion amoureuse qui le pousse au mal et fait de lui un damné semble sortir d’un roman gothique anglais tel Le moine de Mattew G. Lewis.
Quasimodo est le type même du héros romantique que sa monstruosité et ses infirmités isolent comme le Gwinplaine de L’homme qui rit.. Il est un paria repoussé par la société. Ses dons extraordinaires, l’acuité visuelle de son seul oeil et  sa force herculéenne qui le rend capable de lutter à lui seul contre le soulèvement des gueux, en font aussi un héros fantastique. Il vit dans l’ombre de sa cathédrale et semble être né de la pierre, tellement semblable aux gargouilles de Notre-Dame qu’il semble en être une incarnation vivante.
La cour des Miracles fait aussi partie de cette ambiance gothique avec ses faux mendiants, ses ivrognes, ses truands sanguinaires qui se donnent un roi et des lois, ses mariages «  à la cruche cassée », ses «  égyptiens » ou bohémiens dont la moins pittoresque n’est pas Esméralda et sa petite chèvre aux cornes et aux sabots d’or.

La fatalité

Victor Hugo : Vianden à travers une toile d’araignée, 1871, dessin,  Maison de Victor Hugo Paris
Dessin de Victor Hugo : l'araignée

La plupart des personnages de Victor Hugo sont marqués par la fatalité. De même que Hernani, le héros maudit par excellence, la jeune Esméralda ne peut échapper à son destin et Quasimodo la suivra dans la mort.  La fatalité, aux yeux de l’archidiacre, est symbolisée par l’araignée qui se nourrit de sa proie dans la toile qui orne sa chambre. Claude Frollo joue le rôle de l’araignée et sa passion destructrice et violente ne laisse aucune chance à Esméralda. Dès le début, nous savons qu’elle est maudite par la recluse enfermée sur la place de grève et c'est Quasimodo qui l'aime qui la livrera à Frollo donc à son destin..

A l'ébranlement de la toile, l'énorme araignée fit un mouvement brusque hors de sa cellule centrale, puis d'un bond elle se précipita sur la mouche, qu'elle plia en deux avec ses antennes de devant, tandis que sa trompe hideuse, lui fouillait la tête. -Pauvre mouche! dit le procureur du roi en cour d'Eglise, et il leva la main pour la sauver. L'archidiacre, comme réveillé en sursaut, lui retint le bras avec une violence convulsive.
-Maître Jacques, cria-t-il, laissez faire la fatalité
Le procureur se retourna effaré. Il lui semblait qu'une pince de fer lui avait pris le bras. L'oeil du prêtre était fixe, hagard, flamboyant, et restait attaché au petit groupe horrible de la mouche et de l'araignée.

Les thèmes chers à Victor Hugo

Les idées sociales et politiques


Le roman développe déjà nombre des idées de Victor Hugo qu’il défendra toute sa vie.

Ainsi il dénonce un justice qui est impitoyable pour les pauvres et n’a aucune équité. Dans une scène caricaturale entre le juge sourd, Florain Barbedienne, qui interroge Quasimodo, sourd, lui aussi, Hugo montre que le verdict ne dépend pas des réponses de l’accusé bien en peine de répondre puisqu’il n’entend pas les questions mais de ce que le juge croit entendre. Un situation aussi absurde que grotesque et qui pourrait faire rire si le sort du pauvre bossu et de tous les misérables accusés n’en dépendait pas. Dans cette scène lamentable, l’ironie acerbe de Victor Hugo signifie que la Justice est sourde - on dit parfois qu’elle est aveugle- de même que Louis XI l’est aussi devant les supplications de son prisonnier enfermé dans une cage.
Quant à la noblesse et la grande bourgeoisie, elles, cherchent surtout à maintenir leurs avantages, à obtenir des charges pour s’enrichir et à accabler le peuple d’impôts.
A côté de la justice, Victor Hugo dénonce aussi la torture et la peine de mort. On voit comment Esméralda avoue tous les crimes qu’elle n’a pas commis par crainte de la douleur. Et comment, innocente, elle est sacrifiée à une justice qui n’est qu’un simulacre. Quand Hugo décrit « le formidable gibet » de Montfaucon , il évoque les innocents qui y ont péri et tous les « malheureux » qui ont été exécutés là ou dans les autres gibets de Paris.

Or Bardienne était sourd. Léger défaut pour un auditeur. Maître Florian n'en jugeait pas moins sans appel et très congrûment. Il est certain qu'il faut qu'un juge ait l'air d'écouter...
Oh!  Bardienne, le butor le voilà à table! Il mange du plaideur, il mange du procès, il mange, il mâche, il se gave, il s'emplit. Amendes, épaves, taxes, frais, loyaux coûts, salaires, dommages et intérêts, géhenne, prison et geôle et ceps avec dépens, lui sont camichons de Noël et massepains de la Saint-Jean!

La Belle et la Bête
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo : Quasimodo arrache Esmeralda au gibet.
Esmeralda et Quasimodo : La belle et la bête

La laideur de Quasimodo et la beauté physique du capitaine Phoebus permettent  à Victor Hugo d’introduire un thème qui lui est cher celui de la beauté et la laideur intérieure. Alors que Dea, aveugle, parvenait à voir « la beauté « de Gwinplaine défiguré dans L’homme qui rit, Esméralda, elle, ne voit pas la laideur intérieure du beau capitaine Phoebus, elle ne peut supporter non plus la vue du hideux visage de Quasimodo. Esméralda qui « voit » est aveugle, Dea l’aveugle, elle, ne l’est pas.  Quant au face à face de Quasimodo et d’Esmeralda dans la cathédrale, les simlitudes avec le conte La Belle et la bête sont évidents.

Mon avis

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo Gustave Doré : la cour des miracles
Gustave Doré : la cour des miracles

Mon avis sur Notre-Dame de Paris? J’avoue que je l’aime un peu moins que les autres romans de Hugo. Il  n’a pas l’aspect visionnaire et le style brillant de L’Homme qui rit, ni le style épique et la puissance de Les travailleurs de la mer.  Dans l’ensemble le texte est moins flamboyant et je l’ai trouvé par moments presque trop « sage »... heureusement pas toujours!
  D'autre part le prêtre maudit qui semble sortir du gothique anglais est parfois un peu trop attendu et  Gringoire me paraît peu crédible ou en tout cas étrange! Drôle de personnage, en effet, que ce personnage qui représente le philosophe et le poète épris de liberté, amoureux de l'art, mais qui, mis devant le choix de sauver Esmeralda ou sa chèvre, choisit la chèvre!
De plus, les passages qui ont été ajoutés à l'édition définitive de 1832, m'ont ennuyée, en particulier lorsqu’ils développent la théorie selon laquelle l'architecture est un art en décadence et va à sa mort. Hugo s’y montre trop démonstratif et doctoral et pas assez poète à mon goût.
Cependant l’histoire est riche et prenante. Certaines scènes sont d’une grande puissance telles la description de la cour des Miracles ou l’assaut de la cathédrale par les gueux ou la mort tragique et simultanée de la jeune bohémienne et de Frollo. Elles sont dignes de figurer dans les grands textes de Victor Hugo comme la scène du canon dans Quatre-vingt-treize, celle de la mort de Gavroche sur les barricades dans Les misérables ou celles de la tempête et de la pieuvre dans les travailleurs de la mer.

Ce livre est une lecture commune avec Laure, Miriam ICI  et Nathalie ICI.




vendredi 31 juillet 2015


Chateau de Grizac (source)

Et voilà après ce mois de juillet intensif  au festival d'Avignon, je vais me reposer en Lozère où je serai sans internet donc.. silencieuse. Je vous remercie tous de m'avoir suivie dans mon blog pendant ces semaines entièrement consacrées au théâtre alors que j'avais peu de temps pour venir vous voir.

Je vous souhaite à toutes et à tous de bonnes vacances ou, dans le cas contraire, bon courage pour la reprise du travail.

Je rappelle les trois LC suivantes à ceux qui sont intéressés :

Toni Morrisson : un roman au choix pour le blogo club  1er Septembre

Virginia Woolf  :  Mrs Dalloway vers le 15 Septembre

Victor Hugo : Notre Dame de Paris  le 10 Octobre

A mon grand regret, je ne vous ai pas suivi dans vos challenges d'été parce que je sais que j'aurais peu de temps. Mon "métier" de grand mère m'attend...  pour mon plus grand bonheur, bien sûr!

mardi 30 juin 2015

Virginia Woolf : Lappin et lapinova





Lappin et lapinova est une nouvelle de jeunesse de Virginia Woolf. Elle la publia en 1939 après l’avoir revue mais elle avait été écrite une vingtaine d’années auparavant.

Tout commence par le mariage, à Londres de Ernest Thorburn et Rosalind et se poursuit pendant la lune de miel à l’hôtel. Remarquant que son mari fronce le nez comme un petit rabbit, Rosalind le surnomme Lappin et lui, très épris, surenchérit en l’appelant Lapinova. Les deux amoureux bêtifient à qui mieux mieux. Roi Lappin et Reine Lapinova sont très heureux. Les jeunes mariés se créent « un univers privé entièrement peuplé de lapins » que personne ne soupçonne mais qui leur permet une connivence particulière et précieuse. Cette merveilleuse complicité aide Rosalind à surmonter les réticences qu’elle éprouve envers sa belle famille.

 Une scène de comédie qui s'assombrit

Ainsi la nouvelle apparaît d’abord comme une scène de comédie, mais elle s’assombrit progressivement. Dans ce vaudeville léger, le couple roucoule tendrement, s’invente des histoires un peu sottes mais qui les enchantent. Tous les deux sont finalement très sympathiques bien que tendrement ridicules. Mais une phrase inquiétante se glisse au milieu de cette béatitude et pose un jalon pour le dénouement :
Ils étaient très heureux. Mais ce bonheur là, se demandaient-ils*, il y en a pour combien de temps? Et chacun répondait d’après son expérience personnelle. »
* (les clients de l’hôtel)

Un regard critique sur la société

Sous cette apparente gentillesse, et malgré l’indulgence de l’écrivaine pour ce couple d’amoureux, Virginia Woolf ne laisse pas d’être désenchantée. Elle porte un regard critique et lucide sur la société. Si Rosalind est orpheline, c’est pour mieux la confronter à la grande tribu des Thorburn, dix enfants et des ancêtres. D’ailleurs Rosalind n’a pas de nom de famille comme pour montrer son insignifiance et nous ne la connaissons que sous son nom de femme mariée - Mrs Ernest Throburn- . Elle perd même son prénom comme si elle n’avait plus d’individualité propre. Elle est décrite au lecteur comme "une goutte d'eau" au milieu de cette famille, ou "un glaçon" en train de se "liquéfier" : on la faisait fondre, se répandre, se dissoudre dans le néant". Avec ses"yeux à fleur de tête", elle ressemble bien à un petit lapin sans défense.
L’ironie de l’écrivaine se manifeste régulièrement face à cette famille imbue d’elle-même, snob, réactionnaire et collet monté. Elle est à son comble quand Rosalind dans sa naïveté croit que l’épithète « prolifique » jetée dans la conversation, s’applique à la famille Thorburn alors qu’elle désigne des lapins. Sous les yeux de Rosalind et grâce à son imagination fertile, chaque membre de la famille Thorburn se métamorphose, dévoilant sa vraie identité et la vérité n’est pas belle à voir sous les apparences :

"Et Célia , la fille célibataire qui fourrait toujours son nez dans les secrets d’autrui, dans les petites choses qu’ils désiraient cacher, c’était un furet blanc aux yeux roses et au museau tout crotté à cause de son horrible manie de fouiller dans la boue et d'en tripoter." 


La brièveté de l'amour

L'écrivaine nous montre la brièveté de l’amour et du bonheur qui ne peut être, affirme-t-elle, qu’éphémère. Elle peint aussi la condition de la femme pour qui l’amour est le seul horizon, enfermée comme elle est dans sa maison sans pouvoir comme l’homme se tourner vers l’extérieur. Lorsque Lappin et Lapinova cessent d’exister c’est pour Rosalind une sorte de mort mais ce que décrit Virginia Woolf, par un glissement de l’image, c’est la mort d’un lapin dans un bois obscur tué par un coup de fusil. C’est la fin d’une imagination romanesque qui tenait lieu de richesse à Rosalind, c’est aussi la fin de la complicité et de l’amour.

mercredi 10 juin 2015

Victor Hugo : La légende des siècles La rose de l'infante

L'invincible Armada

La légende des siècles, recueil de poèmes écrit par Victor Hugo pendant son exil à Guernesey entre 1855 et 1876, a pour dessein ambitieux de raconter l’histoire de l’humanité de son origine à l’époque moderne et de montrer l’évolution positive de l’homme. Celui-ci, en effet, proche de la bête va se transformer pour accéder au statut d’homme en accédant aux divers degrés de la conscience dans une marche constante vers le Bien. Seule la bonté nous dit Victor Hugo peut sauver l’humanité et la faire parvenir en pleine lumière, dans le rayonnement de la liberté.

Cette évolution pourrait être symbolisée par deux poèmes, l’un au début de La légende du Siècle La Conscience qui voit Caïn après le meurtre de son frère Abel poursuivi par l’oeil de la Conscience sans pouvoir lui échapper.

Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.


 et Les Pauvres gens, à la fin, où un pêcheur et sa femme accueillent dans leur maison deux enfants orphelins.

Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?


Victor Hugo s’appuie sur les textes fondateurs comme la Bible, le Coran, la mythologie antique, les chansons de geste du Moyen-âge… Il ne veut pas faire oeuvre d’historien mais de visionnaire.

Bien entendu j’avais très envie de choisir Les pauvres gens parce que comme tous les élèves (qui ont mon âge actuellement), je l’ai étudié à l’école et je le connais toujours par coeur ou presque! Mais je me suis dit qu’il fallait que j’innove en choisissant une poésie moins connue (peut-être, encore que…!) ; Voici donc un extrait de La rose de l’infante
Dans ce long poème Victor Hugo médite sur la destruction de la flotte espagnole envoyée par Philippe II pour envahir l’Angleterre :  L’invincible Armada  fut  dispersée par une tempête qui assura la victoire des anglais.
Victor Hugo veut montrer que la monarchie absolue est un frein au progrès de l’Humanité mais peut être détruite par le souffle de Dieu.

La rose de l'infante

Diego Vélasquez : L'infante Marguerite

Il peint d’abord l’infante, une charmante enfant dans un jardin riant :

Elle est toute petite ; une duègne la garde.
Elle tient à la main une rose et regarde.
Quoi ? que regarde-t-elle ? Elle ne sait pas. L'eau ;
Un bassin qu'assombrit le pin et le bouleau ;
Ce qu'elle a devant elle ; un cygne aux ailes blanches,
Le bercement des flots sous la chanson des branches,
Et le profond jardin rayonnant et fleuri.
Tout ce bel ange a l'air dans la neige pétri.
On voit un grand palais comme au fond d'une gloire,
Un parc, de clairs viviers où les biches vont boire,
Et des paons étoilés sous les bois chevelus.
L'innocence est sur elle une blancheur de plus ;
Toutes ses grâces font comme un faisceau qui tremble.
Autour de cette enfant l'herbe est splendide et semble
Pleine de vrais rubis et de diamants fins ;
Un jet de saphirs sort des bouches des dauphins.
Elle se tient au bord de l'eau ; sa fleur l'occupe ;
Sa basquine est en point de Gênes ; sur sa jupe
Une arabesque, errant dans les plis du satin,
Suit les mille détours d'un fil d'or florentin.
La rose épanouie et toute grande ouverte,
Sortant du frais bouton comme d'une urne verte,
Charge la petitesse exquise de sa main ;
Quand l'enfant, allongeant ses lèvres de carmin,
Fronce, en la respirant, sa riante narine,
La magnifique fleur, royale et purpurine,
Cache plus qu'à demi ce visage charmant
Si bien que l'oeil hésite, et qu'on ne sait comment
Distinguer de la fleur ce bel enfant qui joue,
Et si l'on voit la rose ou si l'on voit la joue.
Ses yeux bleus sont plus beaux sous son pur sourcil brun.
En elle tout est joie, enchantement, parfum ;
Quel doux regard, l'azur ! et quel doux nom, Marie !
Tout est rayon ; son oeil éclaire et son nom prie.
Pourtant, devant la vie et sous le firmament,
Pauvre être ! elle se sent très grande vaguement ;
Elle assiste au printemps, à la lumière, à l'ombre,
Au grand soleil couchant horizontal et sombre,
A la magnificence éclatante du soir,
Aux ruisseaux murmurants qu'on entend sans les voir,
Aux champs, à la nature éternelle et sereine,
Avec la gravité d'une petite reine ;
Elle n'a jamais vu l'homme que se courbant ;
Un jour, elle sera duchesse de Brabant ;
Elle gouvernera la Flandre ou la Sardaigne.
Elle est l'infante, elle a cinq ans, elle dédaigne.
Car les enfants des rois sont ainsi ; leurs fronts blancs
Portent un cercle d'ombre, et leurs pas chancelants
Sont des commencements de règne. Elle respire
Sa fleur en attendant qu'on lui cueille un empire ;
Et son regard, déjà royal, dit : C'est à moi.
Il sort d'elle un amour mêlé d'un vague effroi.
Si quelqu'un, la voyant si tremblante et si frêle,
Fût-ce pour la sauver, mettait la main sur elle,
Avant qu'il eût pu faire un pas ou dire un mot,
Il aurait sur le front l'ombre de l'échafaud.

Il décrit ensuite par contraste la figure lugubre du souverain Philippe « morne en son noir pourpoint, la toison d’or au cou » et la puissance de sa flotte, «sur quatre cents vaisseaux quatre-vingt mille épées ».

Giacomo Antonio Moro : Philippe II d'Espagne dans la légende des siècles de Victor Hugo :" morne en son noir pourpoint, la toison d’or au cou »
Giacomo Antonio Moro : Philippe II d'Espagne

Mais Victor Hugo se garde bien de décrire la fin de l’Invincible Armada. Il va procéder par une métaphore, celle du bassin balayé par le vent. Ainsi nous retournons à la petite infante  qui va avoir la preuve des limites du pouvoir royal.
Planche botanique de Pierre-Joseph Redouté,
Pierre-Joseph Redouté, Rosa Xcentifolia (rosier cent-feuilles)

Cependant, sur le bord du bassin, en silence,
L'infante tient toujours sa rose gravement,
Et, doux ange aux yeux bleus, la baise par moment.
Soudain un souffle d'air, une de ces haleines
Que le soir frémissant jette à travers les plaines,
Tumultueux zéphyr effleurant l'horizon,
Trouble l'eau, fait frémir les joncs, met un frisson
Dans les lointains massifs de myrte et d'asphodèle,
Vient jusqu'au bel enfant tranquille, et, d'un coup d'aile,
Rapide, et secouant même l'arbre voisin,
Effeuille brusquement la fleur dans le bassin.
Et l'infante n'a plus dans la main qu'une épine.
Elle se penche, et voit sur l'eau cette ruine ;
Elle ne comprend pas ; qu'est-ce donc ? Elle a peur ;
Et la voilà qui cherche au ciel avec stupeur
Cette brise qui n'a pas craint de lui déplaire.
Que faire ? le bassin semble plein de colère ;
Lui, si clair tout à l'heure, il est noir maintenant ;
Il a des vagues ; c'est une mer bouillonnant ;
Toute la pauvre rose est éparse sur l'onde ;
Ses cent feuilles, que noie et roule l'eau profonde,
Tournoyant, naufrageant, s'en vont de tous côtés
Sur mille petits flots par la brise irrités ;
On croit voir dans un gouffre une flotte qui sombre.
" Madame, dit la duègne avec sa face d'ombre
A la petite fille étonnée et rêvant,
Tout sur terre appartient aux princes, hors le vent. "




Cette LC est partagée avec : Laure, Une comète, Margotte, Océane. 
 
Logo du challenge Victor Hugo

dimanche 7 juin 2015

Challenge Victor Hugo : Rappel de la lecture commune




Un petit rappel de  la lecture commune pour le challenge Victor Hugo le mercredi 10 JUIN :  il s'agit de publier un poème au choix de La légende des siècles.

Avec Margotte, Laure, Une Comète, Claudialucia

Je programmerai mon poème pour le 10 Juin mais je ne viendrai vous voir qu'à mon retour de Suède..


Et si le coeur vous en dit voilà les LC  pour le challenge : Rejoignez-nous!

10 Octobre : Notre-dame de Paris
Nathalie, Laure, Claudialucia, Miriam

10 Novembre : Un poème à choisir dans le recueil Les orientales
claudialucia et ?

10 décembre : Une pièce de théâtre : Ruy Blas
Nathalie, Laure, claudialucia