Apartir du mois de Mars jusqu'à la fin septembre,
je propose que l'on découvre la littérature bulgare mais aussi
l'histoire du pays et les arts, peintures, icônes, fresques,
architecture...
Laissez vos liens ici.
Nicolaï Raïnov : peintre bulgare Le royaume enchanté
Vassil Levski et Hristo Botev en exil de Vassil Goranov
Parmi les héros nationaux que je rencontre depuis que je lis pour ma visite en Bulgarie, il y a des noms qui reviennent toujours, célébrés comme des héros qui ont fait l’histoire et ont oeuvré pour la liberté de la Bulgarie sous la domination de l'empire ottoman. J’ai cherché à mieux les connaître. Or, les articles sur le net sont nombreux.
Le poète et révolutionnaire Hristo Botev ( 1848-1876)
Hristo Botev
Chaque 2 Juin, la mémoire de Hristo Botev est célébré dans le pays ainsi que de tous ceux qui sont morts pour la Liberté. Les sirènes retentissent pendant trois minutes et l’on observe le silence quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Cette année ce sera l'anniversaire de la 149 ième année de sa mort.
Hristo Botev est né à Kalofer en 1848 et est mort à Okolchitsa (près de Vratsa, dans les montagnes du nord-ouest de la Bulgarie) en combattant contre les Turcs à la tête d'une troupe de volontaires bulgares venus de Roumanie qui était alors un grand centre d’émigrés bulgares chassés hors de leur pays par les Turcs. Botev s’y était réfugié en 1867.
Le 16 Mai 1876, après l’échec de l'insurrection mal préparée qui eut lieu en Avril 1876 et qui fut impitoyablement écrasée par les Ottomans (lire le très beau Sous le joug de Ivan Vazov), le voïvode Hristo Botev s’illustre par un coup d’éclat. A la tête d’une petite troupe, il embarque avec les siens sur le bateau Radetsky. Ils feignent d'être des ouvriers et cachent leurs uniformes et leurs armes dans de grandes caisses censées contenir leurs outils de travail. Le 17 mai, Botev dévoile son identité au capitaine et se fait débarquer sur les côtes bulgares du Danube à Kozlodouï. Il pense que lui et sa troupe vont être rejoints pas des centaines de paysans révolutionnaires mais il n’en est rien. Aucun renfort ne vient les épauler au cours de leur marche à travers les villages bulgares. Réfugiés sur le Mont Okolchitsa, ils combattent les Turcs, un combat démesuré quant aux effectifs. Le 20 mai du calendrier Julien, c’est à dire le 2 Juin du calendrier grégorien, Botev est tué par une balle.
Ivan Vazov recevant la nouvelle de la traversée du Danube sur le
Radetsky effectuée par Botev écrit le poème qui a pour titre
« Radetzki » à un moment où l'espoir est encore possible. Ce poème mis en musique est connu de tous les Bulgares comme « Le doux
Danube blanc s’agite… ».
"RADETZKI" de Ivan Vazov (extraits)
Le doux Danube blanc s'agite,
bruit gaiement et fort
et "Radetzki" fier va vite
sur les ondes d'or.
Mais sitôt que l’on entendit :
"Kozlodoui lа-bas !",
l 'écho de corne retentit,
un drapeau flotta.
Des jeunes bulgares vaillants
y paraissent ardents
- au front - signes de lion brillants,
les yeux éclatants.
Le bateau approche vite
la rive espérée,
le Danube blanc s'agite -
les flots jouent, très gais.
Il y avait beaucoup de temps
qu'il n'avait porté
de tels braves hommes luttant
pour la liberté.
(…)
Mes frères! - Botev déclara
D’une voix de tonnerre
- le peuple nous accueillera
d'une joie fière!
Bientôt d'un tir nous saluerons
notre grand Balkan
- une bataille de sang ferons
contre les tyrans!
Nous ne sommes point une armée,
experts militaires,
mais nos âmes sont enflammées
pour mener la guerre.
Bientôt le Turc éprouvera
notre force noire,
et le lion brave guidera
nos plus grands espoirs.
Et partout retentit un cri
vers le grand Balkan:
"Que vive notre Bulgarie,
à mort les tyrans!"
Hadji Dimitar
Hajdi Dimitar
Je n’ai pu lire que des extraits de la poésie de Botev qui célèbre les exploits et la mort des héros nationaux. Les poésies les plus populaires de Botev sont celles dédiées à Hadji Dimitǎr et Vassil Levski (La Pendaison de Vassil Levski).
" L'aigle, le faucon, les bêtes sauvages s'approchent fraternellement de Hadji Dimitǎr gisant dans son sang, et des sylphides de blanc vêtues viennent panser la plaie et baiser les lèvres du jeune voïvode, qui entre dans l'immortalité. Car, écrit Botev,« celui qui meurt en combattant pour la liberté, celui-là ne meurt pas »".
Dimitar Nikolov Asenov est né le à Sliven dans une famille marchande. Âgé de 2 ans sa famille l’emmène en pèlerinage à Jérusalem. C’est pour cette raison qu’on le surnomme hajdi (titre aussi octroyé aux chrétiens orthodoxes de l'Est ayant fait le pèlerinage à Jérusalem). Il meurt le , mortellement blessé pendant les combats. Plus connu sous le nom de Hadji Dimitar il est l'un des plus importants voïvodes bulgares, ainsi qu'un révolutionnaire combattant la domination turque.
Là-bas dans le Balkan, il est toujours vivant.
Mais il gît et gémit,
il est couvert de sang ;
Sa poitrine est percée d'une affreuse blessure.
Frappé dans sa jeunesse, il vit, notre héros.
Vassil Levski : l'apôtre de la liberté
Vassil Levski est considéré comme "l'apôtre de la libération bulgare", le plus grand de tous les héros bulgares.
Vassil Ivanov Kountchev, plus connu sous le nom de Vassil
Levski, (Levski : semblable au Lion) est né le 18 juillet 1837 à Karlovo et meurt le 18 février 1873 à
Sofia. Il fut un révolutionnaire et idéologue de la révolution
nationale bulgare dans la lutte nationale contre l'occupant ottoman. C'est un ami de Hristo Botev avec lequel il a partagé une vie d'exil et de misère en Roumanie en 1868.
Il organise la révolution et incite toutes les couches de la Il fut arrêté en 1872 par les
autorités ottomanes et condamné à la peine de mort par
pendaison.
Cinq ans après sa pendaison et
après l'Insurrection d'la guerre russo-turque de 1877-1878 permit la libération de la Bulgarie du joug ottoman. Le traité de San Stefano le mit en place un État bulgare autonome.
La pendaison de Vassil Levski de Hristo Botev
Vassil Levski de Detchko Uzunov (peintre bulgare)
Oh, ma mère, chère patrie, pourquoi pleures-tu si pitoyablement, si doucement ? Corbeau, et toi, oiseau maudit, sur la tombe de qui croasses-tu si laidement ?
Oh, je sais, je sais, tu pleures, mère, parce que tu es une esclave noire, parce que ta voix sacrée, mère, est une voix sans aide, une voix dans le désert.
Pleurer ! Là, près de la ville de Sofia, j'ai vu une potence noire, et l'un de vos fils, Bulgarie, y est pendu avec une force terrible.
Le corbeau croasse de façon hideuse et menaçante,
les chiens et les loups hurlent dans les champs, les vieillards prient Dieu avec ferveur, les femmes pleurent, les enfants hurlent.
L'hiver chante sa chanson maléfique,
les tourbillons chassent les épines à travers le champ, et le froid, le gel et les pleurs sans espoir apportent du chagrin à votre cœur.
Le livre de Victor Paskov, Ballade pour Georg Henig, autobiographique, est l’histoire d’une amitié qui lie le petit garçon,Victor, à un maître luthier tchèque dans un quartier pauvre de la ville de Sofia au début du communisme.
Victor fait la connaissance de Georg Henig quand il a cinq ans et que son père commande au maître un 1/8 ième de violon pour lui apprendre à jouer. Le père de Victor est musicien et gagne difficilement sa vie en travaillant à l’Opérette. Sa mère, couturière, gratte péniblement quelques sous en fabriquant des cols. Elle vient d’une famille bourgeoise de propriétaires terriens, dont les biens ont été nationalisés par le régime communiste, mais qui ne s’en considère pas moins comme supérieure à la famille de Victor. Les parents refusent de parler à leur fille qui s’est déclassée, pensent-ils, en se mariant à un pauvre artiste qui appartient, de plus, à la minorité valaque ! Dédain qui provoque la colère de la mère qui ne cesse de se plaindre de sa pauvreté. Or, tous ses malheurs semblent s’être polarisés dans le fait qu’elle n’a pas de buffet pour ranger ses affaires. Le Buffet - ou plutôt son absence- devient une affaire d’état, une idée fixe, une récrimination de tous les instants à tel point que, c’est décidé, le père va le construire, ce buffet, puisqu’il n’aura jamais l’argent pour l’acheter ! Un Buffet ! Les parents de Victor deviennent presque des traîtres à leur classe sociale aux yeux des voisins ! Il faut dire que la mère manque de modestie dans son accession aux sphères supérieures en tant que riche détentrice de buffet ! Ce passage est traité avec beaucoup d’humour mais aussi avec beaucoup de compréhension et d’amitié pour les gens humbles qui vivent dans son quartier, qui peinent à joindre les deux bouts et s’empruntent mutuellement de l’argent dans une solidarité sans faille.
Pour construire un buffet, le père de Victor va avoir besoin d’emprunter l’atelier du maître luthier. Mais lorsqu’ils vont le voir, le ton change. Le vieil homme qui a perdu sa femme s’est abandonné, souffre de malnutrition, de manque d’hygiène, d’abandon et de solitude. Une si grande détresse ! Dès lors, la famille le prend sous son aile et le petit garçon va nouer une relation très forte avec le vieil homme qui lui fait partager son univers toujours à la limite du fantastique. Les Esprits de sa famille viennent rendre visite au vieillard quand le soir tombe et parlent avec lui, saluent le petit garçon, le maître fabrique un dernier violon, ce sera le violon de Dieu, et surtout l’enfant y apprend que la véritable richesse n’est pas dans ce que l’on possède mais dans l’art, dans la musique, et aussi dans l'amour, la solidarité.
Le récit est conté avec une tendresse et un humour qui en font le charme et les personnages sont très attachants.
En face d’Avignon, sur le mont Andaon, de l’autre côté du Rhône, se dresse le Fort Saint André érigé en 1292, avec ses remparts et ses tours massives et impressionnantes. La construction de ce Fort ordonnée par Philippe le Bel pour tenir tête au pouvoir papal se fait autour de l’abbaye des Bénédictins qui s’y étaient établis dès le X siècle autour du tombeau de Sainte Casarie.
Le Fort saint André : les tours jumelles
AU XVI et XVIII siècle une communauté de moines de la Congrégation Saint Maur s’installe à Saint André et agrandit le monastère qui se dote d’un nouveau bâtiment conventuel soutenu par de grandes voûtes.
Cour du palais Abbatial du XVIII siècle
Un délice de fleurs et de senteurs
Se promener dans ce joli jardin qui croule sous les fleurs, faire provision de couleurs et de senteurs... un délice !
Palais abbatial : de larges voûtes glycines, seringa
A la révolution, les moines sont chassés, l’abbaye est vendue, en partie détruite et passe de main en main.
Un panorama éblouissant
Pendant des années quand mes filles étaient enfants, l’abbaye était fermée, mais nous montions jusqu'au Fort pour admirer la vue splendide sur la plaine et sur le palais des Papes d'Avignon
Vue du Fort Saint André sur la plaine de l'Abbaye et Avignon, le palais des Papes dans le lointain
Le jardin à l'italienne
Au début du XX siècle, Gustave Fayet, artiste peintre et mécène, rachète l'abbaye et l’offre en résidence à son amie Elsa Koeberlé, une poétesse alsacienne, qui l’entretient et crée avec une amie le jardin à l’Italienne.
Jardin de l'abbatiale à l'Italienne
Jardin de l'abbatiale à l'Italienne
Jardin à l'italienne : Diane chasseresse
Par la suite, l'abbaye est restaurée et entretenue par les descendants de Gustave Fayet, en particulier par Roseline Bacou, petite-fille du peintre, conservatrice du Louvre, qui restaure les vestiges et crée un jardin méditerranéen et par les arrière-arrière-petits enfants, Marie et Gustave Viennet..
Jardin de L'abbatiale : le jardin méditerranéen
Jardin de L'abbatiale : le jardin méditerranéen
L'exposition Gustave Fayet en Provence ( 1865-1925)
Gustave Fayet : Madame Fayet et sa fille Yseut
Pour le centenaire de sa mort, l'exposition Gustave Fayet est installée dans les corridors voûtés et l’ancienne cuisine du XII siècle du palais abbatial. D’origine languedocienne, Gustave Fayet naît le 20 mai 1865 à Béziers
dans une famille de négociants en vin établie à Béziers depuis la fin du
17e siècle. Il est initié à la peinture et au dessin par son père
Gabriel et son oncle Léon, tous deux artistes et amateurs d’art
éclairés. Il meurt à Carcassonne en 1925.
Cuisine du palais abbatial
Cuisine du palais abbatial
Viticulteur, il devient
collectionneur et acquiert des oeuvres de Degas, Monet, Pissaro et
surtout d'Odilon Redon et de Paul Gauguin qui étaient ses amis. Il
possédait près d'une centaine d'oeuvres de Gauguin.
L'exposition
présente des aquarelles sur le thème de la Provence, de la mer.
Gustave Fayet : Petite maison (aquarelle)
Gustave Fayet (aquarelle)
Gustave Fayet : Les falaises (aquarelle)
Gustave Fayet : rangée d'oliviers (aquarelle)
L'exposition nous permet aussi de découvrir de très belles peintures à l'huile qui reflètent l'influence de Van Gogh, de Gauguin, des impressionnistes puis, avec Odilon Redon, une évolution marquée vers le symbolisme.
Gustave Fayet : Les pins rouges
Gustave Fayet : Voiles latines
Gustave Fayet : cyprès et bord de mer
Gustave Fayet : feu du ciel
Du 01 mars au 30 octobre 2025
« GUSTAVE FAYET EN PROVENCE » ABBAYE SAINT-ANDRÉ, VILLENEUVE-LÈS AVIGNON
L’exposition de l’abbaye Saint-André, en réunissant pour
la première fois l’œuvre provençale de Gustave Fayet, interroge le
regard que pose l’artiste sur cette terre d’élection qui, plus qu’un
simple motif, brille par ses multiples résonances intimes, artistiques
et littéraires. De ses racines beaucairoises à son attrait pour la
littérature régionaliste ou l’œuvre de van Gogh, c’est au prisme de son
histoire familiale, de son imaginaire littéraire et de sa culture
visuelle que sera comprise la Provence de Gustave Fayet. A l’instar de
Fontfroide ou d’Igny, l’abbaye Saint-André tient une place primordiale
dans l’univers artistique de Gustave Fayet. Acquise en 1916, ce lieu
devient le véritable point d’ancrage de ses séjours en Provence. Des
Alpilles à Toulon, en passant par la Camargue, le paysage provençal et
son soleil irriguent en motifs, couleurs et lumière le moment le plus
fécond de sa carrière de peintre et créateur. Loin des affaires
viticoles, il y consacre de longues périodes au moment précis où il
commence à se faire connaître, dans les années 1920, dans le champ des
arts décoratifs. Un riche ensemble de 122 dessins, aquarelles, peintures
et livres illustrés sera présenté.
Commissariat d’exposition : Elodie COTTREZ, Historienne de l’Art. Gustave et Marie VIENNET
Les cents frères de Manol est un roman dans lequel Anton Dontchev décrit l’islamisation forcée des populations chrétiennes en Bulgarie, dans les montagnes des Rhodopes, à la fin du XVII siècle.
Ce roman est aussi un hommage à la Nature, une ode à ces montagnes à la fois sauvages et protectrices pour ceux qui la connaissent et lui appartiennent, au plus près de la grotte d’Orphée où l’on jette les chiens errants qui hurlent à la mort de manière lancinante. Le printemps et surtout l’automne, somptueux, avec ses couleurs rougeoyantes que les femmes imitent pour tisser leurs tapis et teindre leurs vêtements, sont d’une beauté toujours renouvelée.
« La vallée d’Elindenya faisait penser à ces parures de verre coloré enrobé de cristal. L’air était si pur que j’avais l’impression de toucher la montagne en tendant la main. Là où il n’y avait que deux couleurs, on en voyait à présent flamboyer des dizaines… Sur la masse d’acier bleu noir des forêts de sapin apparaissaient çà et là les taches de rouille des hêtres aux feuilles rougissantes, mais seulement au bas des versants. Sur les hauteurs, la muraille sombre se dressait vers le ciel, réfractaire à l’automne et au pourrissement. Le soleil ne se levant plus assez haut pour éclairer les versants abrupts au nord, les forêts couvrant ceux-ci ne se départaient plus de la robe violette et noire de l’ombre. »
Nous sommes à l’époque du siège de Candie (La Crète, ville Héraclion) commencé en 1648 qui oppose les Turcs aux Vénitiens et aux français venus leur prêter main forte. Le grand Vizir Ahmed Pasha Kropulu prend la ville de Candie en 1669 à la grande satisfaction du sultan Mehmed IV, portant l’empire ottoman à son apogée. Pour briser toute résistance extérieure, les chrétiens des montagnes des Rhodopes en Bulgarie, alors sous le joug turc, sont islamisés de force.
Dans Les cents frères de Manol, Anton Dontchev offre un récit à deux voix qui propose deux points de vue opposés. D’une part, celle du pope Aligorko qui raconte ce qui se passe dans la population bulgare. D’autre part, la vision de celui que l’on appelle le Vénitien qui accompagne l’armée turque venue convertir les bulgares. Le Vénitien est en fait un noble français islamisé, fait prisonnier par les Turcs au siège de Candie. Il a dû choisir lui aussi entre la mort et la conversion si bien que même s'il est du côté des Turcs, les sentiments que lui inspirent les chrétiens martyrisés transparaissent car rien, dit-il, n’a pu éradiquer la foi ancienne. Le roman commence avec l’enfance de Manol, comme une légende issue pourtant d’une triste réalité : de jeunes bulgares sont amenés par les Turcs loin de leur pays, les garçons pour devenir des janissaires, les filles pour servir dans les harems. Parmi elles, une jeune épousée avec son bébé qu’elle ne peut plus nourrir. Elle le dépose sur une branche d’arbres pour qu’une biche le nourrisse. C’est Karamanol, le Haïdouk*, traqué par les Turcs, qui le trouve et l’emporte à travers les forêts : « Toujours est-il que Karamanol descendit en cent villages et cent mères nourrirent son petit protégé ». Karamanol, avant de mourir, confie l’enfant au père Galouschko qui « l’appela Manol du nom de son père nourricier, et lorsque l’enfant eut grandi on commença à l’appeler Manol aux cent frères ». Une légende qui prend une dimension épique et dont les héros, nobles et courageux, Manol en tête, sont des bergers qui tiennent tête à l’oppression turque, choisissant le supplice et la mort plutôt que de trahir leur foi, certains se cachant dans les montagnes et échappant à leurs poursuivants. L’emprisonnement des chrétiens dans le Kanak*, leur résistance héroïque, les supplices qui leur sont réservés, donnent au roman un caractère dramatique grandiose mais les peurs et les défaillances des autres, la faim qui vrille les ventres, le froid qui transperce, la mort qui rôde autour d’eux, soulignent leur fragilité et nous touchent d’autant plus.
Les cent frères de Manol compte un grand nombre de personnages que ce soit du côté bulgare, Manol et ses fils, le jeune Mirtcho et Momtchil qui finira par incarner aux yeux des Turcs et à lui seul la résistance, la farouche et altière Elitza, Sveda séductrice et fourbe, le père Galouschko dont le fils est devenu janissaire … que ce soit du côté turc. Ainsi le Bey Karaïbrahim, complexe et tourmenté, à la tête d’une armée de cent cavaliers est, lui aussi, face à Manol, un homme hors du commun, et de même l’aga Suleyman, maître du Konak* de la vallée, pragmatique et retors, qui comprend que, pris entre deux feux, les bergers et l’armée de Karaïbrahim, son temps est fini. Ce sont des personnages pleins de vie, parfois de fureur, de cruauté, de doute, de souffrance, mais aussi de joies, d’amour, des êtres humains que nous sentons proches de nous malgré leur dimension héroïque. Mais ce sont aussi des symboles. A travers eux, à travers les « cent frères », Anton Dontchev décrit tout un peuple attaché à sa culture, à ses racines, à ce qui fait son identité, tout un peuple résistant pour rester lui-même et conquérir la liberté mais qui n’est pas encore parvenu à mâturité pour y accéder.
« Karaïbrahim disait qu’être
seul, c’est être fort. Selon moi, il aurait dû dire : c’est devenir une
bête féroce. L’homme ne vit pas seul. Il lui faut choisir : vivre seul
ou vivre avec son prochain. Karaïbrahim voulait être seul et rompre tous
les liens avec les autres. Alors que les bergers faisaient tout pour rester ensemble. » La solidarité comme preuve d'humanité.
Un très beau livre, magnifiquement écrit !
*Haïdou : un hors-la-loi, ici, dans ce contexte, vu du côté bulgare, un rebelle, révolté contre les Turcs
Le roman d’anticipation Paris au XX siècle que Jules Verne a écrit en 1860 n’est paru à titre posthume qu’en 1994. Il a été refusé par son éditeur Hetzel peu après la publication de Cinq semaines en ballon. J’ai lu la lettre de refus et je me suis dit que l’éditeur était bien méchant envers le pauvre jeune écrivain. J’étais décidée à bien l’aimer, ce roman !… Et bien non, il m’a agacée !
Hetzel explique à Jules Verne que son livre est raté parce que personne ne pourra croire à toutes les « prophéties » qu’il présente pour décrire Paris dans le Futur. Et pourtant, ce qu’imagine Jules Verne est parfois extravagant mais jamais autant, finalement, que la réalité. Par exemple, il n’a pas prévu que l’on réduirait certains problèmes techniques par l’infiniment petit et non par le gigantisme, pour les machines qui ressemblent à l’ordinateur, la calculatrice, la photocopieuse. Que Paris soit devenu un port par l’aménagement d’un canal et la création de docks, que les véhicules y circulent proprement - voitures à hydrogène- sans émettre de vapeur (et oui pas de pollution), métros grâce à un système d’air comprimé, après tout, pourquoi pas ? Le moteur à air comprimé était déjà inventé et Verne voyait loin à l’adaptant aux transports, même s'il délirait un peu en utilisant les catacombes pour y stocker l’hydrogène ! Bref ! Tout cela cela ne me gêne pas !
Comme dans tout roman de science-fiction, Jules Verne critique la société de son temps à travers la présentation du futur, il prend à parti le matérialisme d’une époque tournée vers les sciences et qui accorde peu d’attention à la spiritualité et à la culture. Là aussi, c’est ce que l’on attend ! Mais cette critique trop répétitive, trop appuyée, frôle la démesure et finit par être lassante. Il n’a pas tort, pourtant, Jules Verne, lorsqu’il prévoit l’abandon du latin et du Grec dans les lycées au profit des chiffres, des mathématiques, mais il n’a plus aucune nuance quand il prévoit que les écrivains, Hugo, Balzac, Stendhal… seront tous tombés dans l’oubli.
« - Que désirez-vous, monsieur, lui dit l'employé, chef de la Section des demandes.
- Je voudrais avoir les œuvres complètes de Victor Hugo, répondit Michel. L'employé ouvrit des yeux démesurés. - Victor Hugo, dit-il Qu'est-ce qu'il a fait? - c'est un des plus grands poètes du XIXe siècle, le plus grand même, répondit le jeune homme en rougissant. »
Tout est vu, raconté ou décrit pour servir son propos ! On dirait un roman à thèse et il finit par être maladroit et lourd.
Le personnage principal, Michel, est un jeune étudiant fort en thème, c’est à dire bon à rien, selon les critères de son oncle, financier, qui l’élève et veut faire de lui un comptable alors qu’il se veut poète. Heureusement, Michel a un ami, musicien, un oncle du côté maternel qui est archiviste-bibliothécaire, un professeur de latin-grec doté d’une fille, l’adorable Lucy. Histoire d’amour forcément ! Il existe des gens sauvables, tout de même ! Mais les personnages sont si caricaturaux, si manichéens, (l’oncle, le cousin), si démonstratifs,(les jeunes gens) que l’intérêt est réduit. Ils manquent de vie et d'étoffe.
Au fond, Jules Verne reste un visionnaire dans ce livre mais le récit est plat et sans grand intérêt littéraire si ce n'est qu'il est une curiosité !
Après un petit séjour dans le Var me revoici avec quelques images de ma visite du Domaine de Rayol.
Vue du Domaine de Rayol
Situé sur la commune de Rayol-Canadel-sur-Mer, les pieds dans l’eau face
aux îles d’Hyères, le Domaine du Rayol est un espace naturel protégé,
témoin du paysage exceptionnel de la Corniche des Maures et du
patrimoine architectural du début du XXe siècle.
Sur 7 hectares, le paysagiste Gilles Clément a imaginé Le Jardin des Méditerranées, une mosaïque de jardins évoquant diverses régions du monde au climat méditerranéen. Les jardins du Domaine du Rayol constituent un véritable « index
planétaire » des régions du monde biologiquement semblables et pourtant
si éloignées.
A l’origine couvert de maquis et de pinède, le domaine se
divise à présent en plusieurs parcelles évoquant la végétation des
régions du monde de climat méditerranéen : le bassin méditerranéen bien
sûr mais aussi l’Australie, l’Afrique du Sud, le Chili, la Californie,
les Canaries ; et des paysages à climat plus aride ou subtropical : le
Mexique, l’Asie, la Nouvelle-Zélande, l’Amérique subtropicale… voir ici