Après avoir lu « D’après une histoire vraie », j’ai eu envie de retourner en arrière dans l’oeuvre de Delphine de Vigan. Je n’avais lu jusque-là que le premier livre Les heures souterraines que Jorge Semprun avait proposé au Goncourt, à l’époque, mais en vain.. J’ai donc choisi ce titre Rien ne s’oppose à la nuit qui a son origine dans une chanson de Alain Bashung et Joséphine Osez.
Ecrire sur sa mère atteinte de bipolarité est une idée qui a hanté Delphine de Vigan longtemps après le suicide de celle-ci. Une idée qu’elle refusait. Pour l’écrivaine, sa mère, Lucile, était « un champ trop vaste, trop sombre, trop désespéré : trop casse gueule en résumé. »
Mais lorsqu’elle réalise que son écriture, ses livres sont tous étroitement liés à sa mère, Delphine de Vigan capitule, d’où ce roman émouvant et fort qui fait revivre cette femme à la fois pleine de fantaisie, intelligente, étonnante, forte et énergique mais aussi fragile, terrassée par la maladie qui la conduit à la folie. La vie de Lucile est, en effet, une lutte éprouvante contre les périodes de dépression et d’exaltation qui alternent et tour à tour obscurcissent son esprit.
Comme dans son roman D’après une histoire vraie, ce livre est aussi une réflexion sur l’écriture. L'auteure analyse le processus douloureux qui consiste à donner vie à ce récit qui l’implique si profondément. Elle met à jour les déchirures, la violence des deuils qui ont touché la famille, les secrets enfouis en chacun d’entre eux. Elle crée - parfois sur des silences, des vides- à la recherche d’une vérité qui se dérobe.
Ecrire sur sa mère, c’est écrire sur son enfance et celle de sa soeur, sur sa famille, sur la violence de la maladie et les traumatismes de son enfance et de son adolescence. C’est en même temps vouloir rendre compte, au-delà des sentiments ambivalents et de la peur que lui inspirait la malade, de la force de cette femme, de sa douceur, de l’amour qu’elle portait à ses enfants. Car ce récit se veut aussi un hommage. Mais comment rendre compte de la beauté au milieu de cette noirceur. C’est Pierre Soulages, cité en exergue, qui à la réponse :
« Un jour je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences. (…) Les différences de texture réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale, dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre. »
A cet égard le beau roman de Delphine de Vigan est un tableau de Pierre Soulages :
Mon instrument n’était plus le noir, mais cette lumière secrète venue du noir.
Pierre Soulages musée de Rodez |
j'ai fait le chemin inverse, j'ai lu (et apprécié celui là) il y a quelques temps, et je lirai bientôt son dernier... curieuse de voir ce que cela donne!
RépondreSupprimerLe dernier est toujours une réflexion sur l'écriture; c'est d'ailleurs un exercice de style assez brillant! Rien ne s'oppose à la nuit est plus grave.
SupprimerVoilà qui me convainc d'ouvrir ce livre, moi qui me méfie souvent du battage médiatique. Merci, Claudialucia.
RépondreSupprimerS'il y a battage médiatique,disons que le livre le mérite!
SupprimerJ'ai beaucoup aimé Les heures souterraines et D'après une histoire vraie. Je n'ai pas encore lu Rien ne s'oppose à la nuit... Son écriture me plaît et j'y trouve des résonnances personnelles.
RépondreSupprimerRaison de plus pour lire celui-ci, sachant que le sujet est noir.
SupprimerTrès belle explication de Pierre Soulages. Tu me donnerais presque envie de découvrir le livre. Jusqu'à présent j'ai bloqué.
RépondreSupprimerA tort! Car il évite bien des écueils liés au genre et à partir d'un cas particulier parvient à nous toucher.
SupprimerJ'aime énormément la citation de Pierre Soulages dont j'aimerais un jour aller voir les tableaux qui collent si bien au récit de Delphine de Vigan.
RépondreSupprimerQue d'interrogations dans ce livre qui rend hommage à une maman aussi bien aimante que déchirée .
"L'écriture ne peut rien.Tout au plus permet-elle de poser mes questions et d'interroger la mémoire"
Interroger sa mémoire, poser sur le papier, penser, échanger. Bienheureux sont ceux qui ont une mémoire fidèle!
Si tu as l'occasion d'aller à Rodez, va voir le musée Soulages, il est somptueux!
RépondreSupprimerLa citation montre une cette réflexion menée par l'écrivaine sur l'écriture, pourquoi écrit-on? quel est le pouvoir de l'écriture? quel est son rapport à la réalité?
Même si c'est un auteur à succès dont on loue les romans, les thématiques et son tyle ne m'attirent pas pour l'instant...
RépondreSupprimerL'univers de Delphine de Vigan n'est pas tendre, c'est le moins que l'on puisse dire; c'est pourquoi je comprends que tu ne l'aimes pas.
SupprimerUn thème qui m'interpelle profondément... Mais je freine un peu de peur d'être trop remuée.
RépondreSupprimer"A cet égard le beau roman de Delphine de Vigan est un tableau de Pierre Soulages" : Quelle phrase magnifique !! Quant à savoir si je vais lire ce livre, je balance toujours ...
RépondreSupprimerÇa doit bien faire 2 mois que je l'ai sur ma table de chevet, il me fait tellement envie!
RépondreSupprimerChaque fois j'en lis un autre, mais là c'est promis, c'est le prochain :D
Bisous et bon weekend à toi