Quand on voyage avec une petite fille de trois ans et que l'on veut partir avec elle sur les traces de George Sand dans le Berry, il n'y a rien de mieux que de lui lire La fée Poussière, un conte que George Sand a imaginé pour ses petites filles, Aurore et Gabrielle, les filles de son fils Maurice et de Lina.
Lire? Non car le conte est bien difficile à la fois par le sujet et la langue mais raconter, oui! Tout en tournant les pages délicieusement illustrées par Ghislaine Dodet dans la série contes Anaïs aux éditions Saint-Mont…
Lire? Non car le conte est bien difficile à la fois par le sujet et la langue mais raconter, oui! Tout en tournant les pages délicieusement illustrées par Ghislaine Dodet dans la série contes Anaïs aux éditions Saint-Mont…
Autrefois, il y a bien longtemps, mes chers enfants, j'étais jeune et j'entendais souvent les gens se plaindre d'une importune petite vieille qui entrait par les fenêtres quand on l'avait chassée par les portes. Elle était si fine et si menue, qu'en eût dit qu'elle flottait au lieu de marcher, et mes parents la comparaient à une petite fée. Les domestiques la détestaient et la renvoyaient à coups de plumeau, mais on ne l'avait pas plus tôt délogée d'une place qu'elle reparaissait à une autre.
Elle portait toujours une vilaine robe grise traînante et une sorte de voile pâle que le moindre vent faisait voltiger autour de sa tête ébouriffée en mèches jaunâtres.
La fée Poussière est méprisée par tous et on la chasse avec un plumeau. Pourtant, elle invite la petite fille à l'appeler par trois fois dans la nuit afin de pouvoir la rejoindre dans son palais enchanté où elle apparaît à l'enfant sous la forme d'une belle dame resplendissante. Car la fée Poussière n'est pas celle que l'on croit. Sans elle, le monde minéral ne nous offrirait pas ses joyaux les plus beaux et rien de solide n'existerait sur cette terre.
Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c'est en secouant ma robe dans les nuages que j'ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l'humidité et dans l'électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s'est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.
Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c'est en secouant ma robe dans les nuages que j'ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l'humidité et dans l'électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s'est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.
George Sand nous convie alors à un voyage dans le temps, dans le "laboratoire" de la Fée où s'élabore la matière, où les corps gazeux deviennent solides après avoir illuminé l'espace. Et la fée confectionne, à partir de la poussière, devant les yeux émerveillés de la fillette, une savante cuisine. Elle pile, pulvérise, mélange, met au feu de savantes préparations qui deviennent granit, grès, sable, quartz, ardoises… Elle emprisonne aussi des animaux et des végétaux mystérieux dans une gangue de calcaire, de silice et d'argile, témoins des vies passées qui ont laissé leur place à d'autres car la Nature est toujours en perpétuelle évolution. Tout disparaît pour renaître encore sous de nouvelles formes. Lorsque la fée dit au revoir à l'enfant, elle lui donne un morceau de sa robe de bal :
Tout disparut, et, quand j'ouvris les yeux, je me retrouvai dans mon lit. Le soleil était levé et m'envoyait un beau rayon. Je regardai le bout d'étoffe que la fée m'avait mis dans la main. Ce n'était qu'un petit tas de fine poussière, mais mon esprit était encore sous le charme du rêve et il communiqua à mes sens le pouvoir de distinguer les moindres atomes de cette poussière.
Je fus émerveillée ; il y avait de tout : de l'air, de l'eau, du soleil, de l'or, des diamants, de la cendre, du pollen de fleur, des coquillages, des perles, de la poussière d'ailes de papillon, du fil, de la cire, du fer, du bois, et beaucoup de cadavres microscopiques ; mais, au milieu de ce mélange de débris imperceptibles, je vis fermenter je ne sais quelle vie d'êtres insaisissables qui paraissaient chercher à se fixer quelque part pour éclore ou pour se transformer, et qui se fondirent en nuage d'or dans le rayon rose du soleil levant.
Ce conte est une petite merveille de poésie. Il peut être lu à plusieurs degrés. On voit que George Sand était convertie au darwinisme et que le récit est une manière de faire comprendre l'évolutionnisme à ses petites filles tout en les plongeant dans le Merveilleux et le rêve… Quant à Nini, la petite admiratrice de George Sand, elle n'a certes pas tout compris mais elle a adoré la Fée Poussière qui vit dans un palais magnifique et qui a des robes de princesse. Et vous pouvez lui demander qui est George Sand! Elle vous répondra que c'est la mamie d'Aurore et de Gabrielle et qu'elle raconte de belles histoires!
Les mille facettes de George Sand!
RépondreSupprimerLeonie s'en est trouvee bien enrichie et moi aussi :-) Merci pour cette agreable decouverte.
Tu as bien raison de parler des mille facettes de George Sand. C'est exactement cela!
SupprimerUn joli conte que je ne connaissais pas. Ah, le bel âge des bonhommes en patate! :-)
RépondreSupprimerSand a écrit de nombreux contes. La prochaine fois je parlerai de La Fée aux gros yeux.
SupprimerUne façon d'amener la littérature aux enfants !
RépondreSupprimerJ'aime ce nom de fée poussière c'est très poétique, de mon côté j'ai commencé Promenades autour d'un village
Oui, ma foi et en douceur. je lui ai raconté aussi La mare au diable.. et tout passe très bien!
SupprimerCharmante histoire, le conte de mamie Sand comme celui de mamie Claudialucia :)
RépondreSupprimerLa poussière peut engendrer des rêveries merveilleuses, je me souviens des grains multicolores qui valsaient lentement dans les rayons du soleil entrant par la fenêtre du grenier de mon enfance.
Merci pour la découverte de l'ouvrage, je le note pour mon petit-fils qui va avoir six ans prochainement.
A accompagner dans la lecture donc, comme je le signale la langue est difficile.
SupprimerIl faudra qu'un jour je prenne le temps de relire tout George Sand. Un été, peut-être ?
RépondreSupprimerOui, c'est une belle découverte! On croit la connaître mais elle a tant écrit et dans des genres si différents que l'on ne connaît qu'une infime partie de son oeuvre! D'ailleurs un été ne suffit pas!
SupprimerUn visage de George Sand que je ne connaissais pas, qui me surprend et me plait bien. (Et puis... j'aime aussi le joli dessin de Léonie, qui me renvoie 15 ans en arrière, instant nostalgie !) Bises.
RépondreSupprimerOui George Sand grand mère fait plaisir à découvrir. Du coup j'ai plusieurs de ces contes que je présenterai un jour ou l'autre. Depuis que j'ai une petite fille, je n'ai plus la nostalgie!!
SupprimerTrès mignon le dessin de la petite Nini !
RépondreSupprimerJ'ai vu aussi cet album à la librairie de la Maison George Sand...Ah cette librairie ! Très difficile d'en sortir sans rien dans les mains. Cette fois-ci pour moi ce fut un livre de recettes berrichonnes...
Merci pour ton gentil message. Oui, il y a des livres très tentants dans cette librairie. Avec ce pseudo tu dois être une fervente de George Sand! Bon dimanche avec un plat berrichon, peut-être?
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