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lundi 3 novembre 2014

RK Narayan : Dans la chambre obscure

Dans la chambre obscure de Narayan Editions Zulma


Ce roman, Dans la chambre obscure,  de l'écrivain indien RK Narayan a été publié en 1938, réédité par les éditions Zulma en Juin 2014.
L'auteur y décrit la vie quotidienne d'une famille, dans le sud des Indes, dans la première partie du XXème siècle, et met l'accent sur le personnage féminin, Saviri, épouse de Ramani et mère d'un garçon, Babu, et de deux fillettes Kamala et Sumati.
 Dans la chambre obscure permet de découvrir la vie quotidienne en Inde, la préparation des repas, le départ à l'école des enfants, les rites religieux, les fêtes traditionnelles. 
Il nous renseigne sur la condition féminine dans la classe aisée. Certes Savitri ne manque de rien, elle a deux domestiques à son service et fait partie de la caste privilégiée des Brahmanes. Mais elle n'a chez elle aucun droit à la parole. Elle doit se soumettre aux ordres et aux désirs de son époux et essuyer ses colères en étant "douce et soumise" ainsi que le veut l'éducation des femmes. Parfois, lasse de ne pas exister, elle s'enferme dans une pièce qu'elle nomme "la chambre obscure" et qui lui permet de se soustraire un instant à ce rôle d'épouse parfaite. Mais l'infidélité de son mari va provoquer une prise de conscience, un séisme qui bouleversera la vie de la jeune femme.
Narayan montre la place de la femme dans la société indienne : elle dépend entièrement de son mari, ne possède rien, n'a rien à soi même pas ses enfants.

" Vous croyez que je vais rester ici? C'est notre faute à nous les femmes, si nous nous trouvons dans cette situation; nous acceptons de vous nourriture, logement , bien-être… Et voilà où nous en sommes! Croyez-vous que je vais rester dans votre maison, respirer l'air que de tout ce qui vous appartient, boire votre eau, manger la nourriture que j'achète avec votre argent?"

"Ne les touche pas, ne leur parle pas. Va-t'en si tu veux. Ce sont mes enfants.
Elle hésita un instant.
-Oui, reconnut-elle; c'est vrai, ils sont à vous entièrement. Vous avez payé la sage-femme et l'infirmière, vous avez payé leurs vêtements et leur école. Vous avez raison. Est-ce que je ne disais pas qu'une femme ne possède rien.
"

Nous découvrons aussi, par l'intermédiaire de Saviri, les classes pauvres et leur lutte pour la survie, contre la faim et la misère, mais aussi, la solidarité et l'entraide qui règnent dans ces milieux populaires. 

Ce beau roman qui aborde des sujets audacieux pour son époque n'est jamais démonstratif. Il est écrit dans une langue simple, directe. Il y est question du quotidien, de la banalité de chaque jour, des habitudes qui engluent, qui dénouent les liens de famille. L'écrivain donne une épaisseur aux personnages et il dresse de Saviri un portrait de femme tout en nuances, avec ses faiblesses et ses qualités.  Les derniers pages du roman laissent un goût amer car la fin pessimiste montre bien que la révolte des femmes ne peut aller très loin. Mais Saviri a compris quelque chose : sans instruction, les femmes ne sont rien. Elles doivent faire des études pour s'affranchir des hommes. Peut-être saura-t-elle guider ces filles dans cette voie? Une petite brèche vers l'espoir.

"Quelle différence y-a-t-il entre une une prostituée et une femme mariée? La prostituée change d'hommes, la femme mariée n'en change pas, mais c'est tout, toutes les deux sont entretenues de la même façon. Oui, il faut que Sumati et Kamala étudient à l'Université et deviennent indépendantes. (…)
Celle qui ne pouvait se suffire à elle-même n'avait pas le droit d'exister."


                                             Merci aux éditions Zulma et à Babelio

16 commentaires:

  1. De la douceur et de la cruauté.
    Je note car j'aime le ton que tu donnes à ce livre.
    Belle couverture !

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  2. Cette petite édition Zulma est très joliment présentée!

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  3. Je note, le sujet m'intéresse : indes et féminisme sont deux de mes marottes!

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    1. Entre autres! Tu en as pas mal de marottes et de passions!

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  4. Une maison d'édition qui réserve de belles surprises!

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  5. Je l'avais déjà noté sur un autre blog, je crois... l'Inde de cette époque, et la condition féminine, ça semble très intéressant.

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  6. Ce livre m'est revenu en memoire en lisant ton billet. Je me souviens de cette atmosphere de vie en cocon pour equilibrer les jours... "The dark room" en anglais.

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    1. Oui, une sorte de d'engourdissement qui d'un seul coup se brise et laisse place à une révélation brutale!

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  7. Je crois l'avoir déjà vu sur un autre blog. Je le note, j'espère ne pas être trop désespérée par la situation des femmes là-bas, sachant que la situation n'a pas énormément évolué depuis cette période.

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  8. Je l'ai lu et j'avais bien aimé ce livre. En effet, il est très audacieux et très fin, surtout quand on pense qu'il est écrit en 1938 ! On n'est pas du tout dans la caricature féministe, et le personnage de Saviri est bien pensé (peut-être mieux que celui de son mari d'ailleurs).

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    1. Un livre tout en retenue. Le personnage du mari est plus secondaire mais il est nuancé aussi. Pour l'époque, je suppose qu'il devait être même libéral : il ne la bat pas (! extraordinaire, non?); il pense même que les femmes ont le droit de lire des romans, d'aller au cinéma de temps en temps, de jouer au tennis et d'aller dans des conférences. Pour le reste, leur devoir c'est d'être épouse et mère.

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    2. Oui c'est vrai, je ne l'avais pas vu sous cet angle. Il offre même du travail à une femme dans son entreprise. Un avant-gardiste !
      C'est triste à penser, finalement, que ce personnage du mari était, sur certain point, ouvert sur l'amélioration de la condition des femmes.

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  9. Je connais peu la littérature indienne et j'aime les éditions Zula. Deux raisons de noter ce roman qui me fait dire qu'on a de la chance d'être nées ici et à notre époque !

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